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[RP] De fil en aiguille, une affaire cousue de fil blanc

Matalena
A croire que le souffle tiède de l'occitane dans le bois de son instrument avait suffit à raviver les flammes d'un lointain passé que la belle noble retrouvait avec un plaisir non dissimulé, encore vivant et tiède sous sa gangue de cendre, comme des charbons rougeoyants qui n'attendaient que cela pour s'embraser de nouveau en un ardant bucher. Et alors que montaient les octaves en déferlantes adroites, les battements de la poitrine de la brune se faisaient erratiques, et son regard enténébré plus atone. Que pouvait-il bien se produire derrière ces verres sans teint dans lequel seul se dessinait le reflet de la musicienne, comme une poupée minuscule emprisonnée dans une cage de noirceur ? Une âme glacée dans un corps qui ne connaissait ni les douceurs ni les chaleurs des échanges charnels dont-elles devisaient alors sans ambages, et qui pourtant vibrait à l'unisson du cuivre avec un abandon non feint... Une minute qui laissait présager de tempêtes intérieures aussi dévastatrices que ses mots restaient neutres. Les visages indistincts d'une famille lointaine c'étaient effacés depuis long faute d'avoir rappelé leur souvenir. Mais les dallages glacés des villes, l'odeur des bois, les rapines des bons jours partagés avec celui qui n'était alors qu'un enfant... Et un regard, ardent comme l'enfer, qu'elle chassait au loin comme un animal sauvage qui malgré les coups ne lâche jamais sa proie.
Cependant, lorsque s'acheva le chant des cordes, toutes choses dans son expression retrouvèrent un calme empirique, et elle leva son verre pour saluer l'artiste, patientant quelques instants pour la laisser reprendre ses esprits.


Au moins nous reste-t-il des plaisirs dont la Loi Divine nous laisse user à loisir... Merci, ma dame. C'était... Fascinant.

Pouvait-on dompter la sauvage réformée par quelques notes tel le cobra au son de son charmeur ? Ses cils battirent un instant, comme un geste de féminité ultime qui déjà s'estompait, alors qu'elle se redressait sur son siège, son sourire sybarite s'effaçant au profit d'un plus serein.

Votre éducation musicale fait partit du bagage de votre enfance ? J'ai entendu dire que les jeunes filles bien nées étaient rompues à cet exercice, parmi ceux de couture, monte... Et que sais-je encore.
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« N'oubliez pas que, si longue vous apparaisse votre existence, votre mort, elle, est éternelle.»
Robert Merle

Gnia
Elle reposa avec une délicatesse infinie les maillets sur les cordes, comme l'on dépose le nourrisson endormi dans son berceau. Sans parvenir à se départir de ce sourire vague flottant sur un visage aux traits enfin apaisés, elle hocha la tête pour répondre au compliment de la Sombre et vint la rejoindre à nouveau devant l'âtre rougeoyante. Le gobelet d'étain fut à nouveau rempli d'un sombre et âpre carburant dans elle s'abreuva à petites gorgées en écoutant la question que lui posait Matalena. le sourire se fit enfin amusé, seul le regard resta lointain tandis que l'esprit retournait explorer les vestiges du passé.

Je ne suis point bien née... Je suis fille de maître forgeron, fort rompu dans son art et passé au fil des ans notable à Arras. Il n'y a aucun sang bleu qui coule dans mes veines. Seulement de la piquette picarde. De quoi s'empoisonner...

Elle échappa un petit rire qui sentait déjà la griserie à l'idée d'un sang épais et rouge coupé de bonne bière brassée à Tastevin. Il y avait plus honteux comme bagage.
Retournant à l'interrogation, elle posa ses iris aux teintes changeantes de la Mer du Nord sur le profil fauve de la Languedocienne.


De cette naissance ni vraiment riche ni vraiment pauvre, j'ai reçu éducation et instruction correcte, ai appris à monter le roussin que possédait mon père alors que je n'étais pas assez haute pour passer les pieds à l'étrier, ai su forger une épée avant même de savoir comment la manier mais j'ai toujours excellé et préféré le tir à l'arc.

Les nobles arts et celui plus coriace de la politique, je les dois à une amie chère, un mentor, une complice, une soeur de coeur. Une noble jeune femme qui m'a notamment enseigné la broderie, à jouer si habilement des instruments à cordes et qui m'a lancée en politique.


A l'évocation du lien si fort qui l'unissait encore après toute ses années à Niria de Ponthieu, jeune femme au destin si particulier qui l'avait menée à devenir félonne au Roy et excommuniée, réhabilitée par l'Eglise il y a peu. Une lueur triste et douloureuse assombrit un instant son regard avant qu'elle ne reprenne.


Pour ce qui est de la monte et du maniement des armes, j'ai appris sur le tas et au coeur du champ de bataille. Se battre ou mourir, la meilleur école qui soit...


Et sa main d'effleurer d'un mouvement réflexe le léger creux que formait une vielle blessure sur sa cuisse droite, souvenir d'une embuscade et d'une sombre nuit dans la cabane d'une mège aux pratiques douteuses qui lui avait sauvé sa jambe, avant de chasser de son esprit les stigmates laissés par ces batailles guerrières et ceux encore plus fortement ancrés qu'avaient imprimés dans son être les combats et bras de fer politiques.

Et vous ?
D'où vous viennent ce goût et cette maîtrise parfaite de votre instrument ?

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Matalena
Et bien...

"... C'est bien la première fois qu'on me demande une chose pareille." Étrange parfois de constater comme l'on peut vivre, évoluer et s'enraciner sur un lieu, auprès de personnes dont on ignore tant de choses. Elle n'avait jusqu'alors jamais ressentit le besoin de connaître le passé de ceux qui s'étaient attachés son respect, son amitié, sa fidélité. Leur présent, leurs opinions et les liens tissés par un vécu commun comptaient bien d'avantage, et elle respectait en chacun la part d'ombre et de non-dits auxquels ils ne souhaitaient pas lui donner accès. Des actes lui suffisaient et, au fond, peu importait ce qui pouvait bien se dire par ailleurs sur un ou unetelle : l'Occitane n'en avait cure, et ses opinions tranchées par un inoxydable acier ne s'en trouvaient jamais attaquées. Cependant, cette question retournée bien naturellement par la femme qui, sans obligation aucune, n'avait pas hésité à lui livrer une part intime de son vécu la déstabilisa l'espace d'un instant... Le temps de mobiliser les souvenirs d'une existence qui s'était étiolée lentement, comme si elle n'était plus qu'un vague reflet où se mêlaient rêves, imprécisions, et histoire réelle.

Ce sont des artistes itinérants qui m'ont appris... Ainsi que la couture. Quand on vit sur les routes, il y a beaucoup de choses à savoir pour pouvoir se démerder, et j'ai toujours été une manuelle. Les champs et les bêtes, c'est quand j'étais minotte, chez la famille. La castagne... Un peu tout le temps, au fond.

Et la bonne vieille époque où, faute de baptême, la matriarche avait appelé numéro neuf "Tétard" histoire de trouver un patronyme pour désigner le vermisseau famélique qui n'avait de cesse de gigoter et brailler dans ses langes alors que la daronne, telle une vache en bout de course aux mamelles sèches et pendantes, tentait déjà de maintenir en vie les plus âgés histoire qu'ils soient aptes à trimer au champ. Et puis les bagarres sous la table pour choper c'qui pouvait bien tomber après la boustifaille des grands. Les nuits toujours trop courtes blottis les uns contre les autres comme des portées de chiots puants pour se protéger du froid et des engelures qui cassent les orteils. Le père Mathieu qu'avait eu la bonté d'leur apprendre à lire et à écrire en mignonnant les sœurs, et la sœur, Fortunata la mal nommée, qui lui avait ensuite montré comment fonctionnaient ces petites caractères dessinés dans la boue du chemin avant de chopper la mort.
Et puis comment elle était partie, enfin, gagnant sa vie de ses talents découverts par la grâce divine pour la musique et les travaux d'aiguille plus qu'en écartant les cuisses, comme beaucoup de ses malheureuses congénères femelles.
Mais ce genre d'histoire était banale à pleurer, et les résumer en précisant des origines gueuses suffisait en soit à décrire les joyeusetés d'une existence sans attrait ni intérêt. Du moins est-ce ainsi que la Matalena estimait la chose. Finalement, elle eut un petit haussement d'épaule, sourire au coin des lèvres.


Sans doute avons nous tous quantité de cadavres dans nos placards de ce qui fut nos vies, n'est-ce pas ? Il est admirable que vous soyez parvenue jusqu'à la position que vous occupez actuellement. Je vous confesse que la politique et la noblesse en général sont autant de domaines dans lesquels je me révèle d'une ignorance crasse... Gage que ceci devrait se trouver corrigé si vous envisagez de résider plus avant à Montauban.

Car après tout, on est jamais plus inspiré que lorsque brille aux alentours une influence versée dans les arts et métiers que l'on ne maitrise pas.

Cependant, je suis portée à croire que mon caractère et mes humeurs m'engagent bien d'avantage à servir mes opinions que verser dans la politique. Il est dors et déjà évident que jamais je n'excellerai dans cette discipline.

Et pour cause, la froidure et la droiture de cette âme sans demi-mesure étaient pour ainsi dire inscrites en lettres de feu sur son front, même en cet instant où sa lourde chevelure brune lâchée sur ses épaules dégagées lui prêtaient de faux-airs de débauche.

Il en est de fait pour commander, d'autres pour servir. J'ai tendance à penser qu'il est certain points sur lesquels je ne changerai jamais, et parmi eux mon inaptitude à transiger et rester en place quand bien même la raison le souhaiterait. J'admire cependant ces qualités chez d'autres. Toutes ces mondanités niaiseuses ne vous ennuient jamais ? Être noble me parait, pardonnez ma franchise, d'un tel emmerdement !
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« N'oubliez pas que, si longue vous apparaisse votre existence, votre mort, elle, est éternelle.»
Robert Merle

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