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[RP] Faim de vie ?

Fildais
Saumur, saumure, saumâtre, salpêtre… amertume.

Matinée encore à peine ébauchée où le dessein du temps ne s’était pas encore prononcé.

'fra beau ? 'fra moche ?

A tout dire, la jeune blonde dont la croupe se dandinait avec lassitude sur l’équidé camarguais s’en contrefoutait royalement de ces considérations météorologiques à la noix.
Dans sa tête, où la folie avait entamé les réfections d’usages et évinçait le peu de raisonnement qui s’entêtait à jouer les touristes dans le coin…
Dans cette tête, donc, toute d’or couronnée par sa chevelure ; un nom, une race et une couleur de tignasse ne cessait de tourner comme un fauve en geôle.


Lucie… Lucie, la blonde zokoïste… la vipère blanche… l’ange blond que certains l’appellent.
Sale bestiole, ouais !

Tu crois qu’on l’appelle aussi Lulu Castagnette ?

… ? …Oh ta gueule toi !


Les remparts de la ville aux accents saumâtres lui apparurent, et la gangrène qui lui rongeait l’âme se réveilla.
Vieille ire endormie qui s’étira lentement dans sa poitrine, coulant dans ses veines, infestant son sang et fit battre son saignant quelques volées de plus.

Explication ou vengeance ?

Fildaïs, elle-même, n’était pas certaine du pourquoi de sa venue icelieu, une envie de mettre des mots aux maux, de clôturer sa douleur, faire son deuil…
C’était ça, où l’hospice d’aliéné… ou pire encore, sa couche où lentement la blonde se serait laissée crever avec son bâtard dans le tiroir.

La recherche d’une piaule à la propreté toute relative avait été des plus laborieuses.
Saumur comme son homonyme salin, donnait soif, et il y avait plus de tavernes et autres lieux pour étancher les gosiers asséchés, que de paillasses décentes et louables pour cuver sa vinasse.
Finalement quelques investigations poussées dans les ruelles étroites de la ville, furent fructueuses et l’auberge damnée fut trouvée.




[Au soir]


Heurts à l’huis d’une pièce jetée dans la pénombre.
Silence.


Tire-toi, j’veux dormir.

Comme si le tenancier pouvait sonder l’esprit d’une pauvre sotte muette à travers une planche de bois !
Le mutisme de la chambre se prolongea et une deuxième lancée de petits coups vinrent frapper une nouvelle fois la porte, et le proprio de l’hostel bon marché de beugler.


‘moiselle d’Compostelle, v’là l’casse dalle.

C’est l’heure d’vous lever, j’vous pose la boustifaille d’vant la porte.


Ouais, ouais, c’est ça mais ferme là !

Et de se tailler fissa pour surveiller que sa ribaude ne se fasse pas trop tâter le tétin par la plèbe locale.

Un bruit léger, et un tas d’os et de calcédoine de chair morte s’ébroua. Le bliaut fut glissé sur sa chainse de lin et les braies furent enfilées à l’aveugle.
Du plateau, elle ne glissa que quelques raisins à sa bouche et en vida le pichet d’Anjou, ma foi bien plus agréable que les angevins, surtout quand le godet était agrémenté d’opiacé.
Peut-être une dose en trop pour ce soir ?

Quelques ruses pour se débarrasser de son escorte en nom de Velaron, et la jeune femme descendit dans l'antre bruyante de la salle.
En bas, au taulier, la Compostelle remit un pli non scellé, inscrit au nom tant exécré ces derniers temps par elle ainsi qu’une pièce d’argent.
L’écriture s’allongeait, étriquée, cabossée sous l’effet de l’égarement éthylique de la blonde.



Citation:
A Lucie,

Ce soir, j’y serai, soyez y !

F. de C.



Et la cape de s’abattre sur la carcasse moribonde.
Et d’en faire une ombre.

Au lieu dit « Jacky la main froide », la demoiselle prit place dans un coin qui ne subissait pas trop les assauts nauséabonds qui seyait apparemment à la taverne.
Il n’y avait plus qu’à faire preuve de patience et attendre la zokoïste en priant qu’elle vienne seule.
Le cœur battant, les tripes serrées.

Allez… Présentez armes ! Anjou… Feu !

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Plus muette et de plus en plus cintrée ! [En rouge : les voix pensionnaires de la tête blonde]
Luciedeclairvaux
[Passe le message ...]

C'est dans une forteresse silencieuse, au cœur de la forêt, que le pigeon du taulier trouva la mercenaire. Les grandes tours noires et frêles déchiraient le ciel orageux. Encore gracieuses et fières, mais désertes. Ici vivait autrefois une troupe de fêlés, de testeurs de machines de guerre, d'épéistes hors-pairs, de compagnons d'armes prêts à endosser la cotte de maille au premier contrat, pour à peu près n'importe quel duché.
Zoko ad eternam ...

Aujourd'hui ne subsistaient que quelques histoires à faire peur aux enfançons le soir au coin de la cheminée. Le diable aurait disparu dans un éclat de fumées et de sang, certaines vipères se seraient entredévorées, d'autres auraient épousé une princesse dans un pays lointain. Des choses impossibles voyons. Des sornettes de vipères quoi.

Lucie, en sueur, s'essuya le front à sa manche et frissonna dans l'air glacial de l'automne. En toute saison, la forteresse semblait froide et glauque. Pâle et cernée, la vipère blanche n'était pas tout à fait remise de cette intoxication alimentaire, ... ou de cet empoisonnement peut-être, à force de manger avec le Conseil Ducal, car la mercenaire était habituée à la bouffe avariée. Qu'importe, elle avait repris l'entraînement, courait dans les escaliers, sur les remparts, combattait des mannequins, lançait le couteau ...
Vivre ...
Malgré l'absence.
Ou peut-être était-ce le départ de son maître d'armes qui l'avait fichue en l'air.
Le nid était froid mais qu'importe, une vipère subsistait.

Elle achevait de traverser la grande cour pour se mettre au chaud quand un géant aux longs cheveux blonds et à l'allure de bêta vint poser sur ses épaules une couverture.


Arnülf pas content.
Ça va, j'suis plus malade.


Elle le regarda d'un air suspicieux et respira son haleine.

T'as encore mangé un pigeon ?!
Pigeon pas à toi, Blondie, promis.
T'aurais pu m'en laisser ... vacherie.
...
L'est où l'message ?


Le visage d'Arnülf s'éclaira et il poussa Lucie dans les escaliers jusqu'à ses appartements. Le chien dormait devant le feu, sur les peaux qui recouvraient entièrement le parquet. La pièce était ornée de tentures confortables qui protégeaient de la froidure des pierres, et meublée simplement de grands coffres et d'une douillette paillasse dans un coin. Le message qui avait été posé sur l'édredon, précautionneusement, était encore empli de bave arnülfienne. Lucie fit la moue, tant à cause du support que du contenu de la missive.

Elle l'avait oublié celle-là. Comment déjà ? ... FdC : Fildaïs de j'sais pu quoi. Une ville du Sud. Encore des emmerdes, à tous les coups.


Prépare mon bain, et l'canasson, j'descends à Saumur.




"de Compotelle", voilà. Le nom lui revint en passant la porte de chez Jacky la main froide.

Avant de partir, elle avait jeté un regard sur l'admirable épée du Licorneux, mais s'était contentée de prendre son Andalouse et de refermer le coffre. La sienne était plus légère, et une seule arme suffirait. La guerre semblait perdre en férocité ces derniers jours. C'est donc armée et en tenue d'homme, qu'elle fit son apparition.

La balafrée fit glisser sa capuche, dévoilant son épaisse natte blonde, et scruta la salle. Elle salua au passage quelques habitués venus étancher leur soif. Son homme n'était pas là, peut-être arriverait-il plus tard. Elle l'espérait.

Elle finit par apercevoir dans un coin sombre une silhouette inconnue ...


Vous sortez sans votre escorte, Dame de Compostelle ?
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Fildais
Ce qui était bien c’était qu’enfin cette fichue toux champenoise s’était lassée de ses alvéoles pulmonaires anémiées.
Elle en avait fini de racler le fond de son gosier, brûlant ses poumons à chaque quinte, néanmoins la garce lui avait laissé cette respiration légèrement sifflante.
En souvenir.
Juste pour lui rappeler qu’elle n’était guère loin, latente, et pourrait survenir à n’importe quel coup de froid.

Les yeux avaient rougis durant la longue attente.
L’opium n’avait pas réussi à garder clos la boîte à réminiscence et des flots de souvenirs de Mackx étaient remontés en vagues amères.
Les yeux continuèrent de piquer mais la Compostelle tenait bon, aucun débordement salin dans la ville de sel, elle se l’était promis.


Lucie !

A son entrée, les azurines se l’approprièrent froidement, Fild la reconnut de suite. La blonde n’avait guère changé depuis leur derrière rencontre dans une taverne tourangelle.
Si ! Une belle estafilade sur le visage, et un air maladif qui corrompait son allure de mercenaire.
Non, décidément sa mémoire prenait l'eau de toute part comme un vulgaire rafiot, la balafre avait déjà pignon sur le faciès de la mercenaire en Touraine.
Maintenant elle s'en rappelait.

Enfin la zokoïste s’amena à sa table, la regardant d’un œil qui semblait ne pas la reconnaitre.
Oui, finalement, elle n’avait plus rien en commun avec cette jeune fille insouciante qui venait prêter main forte à sa duduche de suzeraine.
La tignasse terne, le regard cendreux et en lieu de son coutumier visage poupin, des traits tirés et des joues creusées de chagrin.


Mon escorte ? Je n’en ai nul besoin, surtout quand elle s’inquiète de trop pour ma poire…

Fildaïs toujours coite, acquiesça lentement.

Et puis, dans ma chute, il vaut mieux que je sois seule, ainsi je n’entraînerai personne dans mon déclin.

Et tant qu’à faire si on pouvait crever c’soir, ça nous arrangerait…

Chuuuuut….


Lucie était là, enfin là, si proche que n’aurait eu qu’à tendre le bras pour s’en saisir.
Sa respiration s’accentua embarquant les pulsations de son cœur avec. P’tain, ce n’était pas le moment de s’adonner au malaise là.
Quand la main fit un geste pour l’inviter à s’assoir, celle-ci trembla.
La poitevine contenait sa haine du mieux qu’elle pouvait face à la vipère.
Nerveusement, les mains commencèrent à se triturer, la blonde avait oublié une nouvelle fois quelque chose de déterminant.

Son matériel à écrire.
Son seul moyen de communication au-delà de son mutisme récurant et récalcitrant.


Et mirdeu ! On fait quoi maintenant ?

On se repliiiiii…

On l’étripe ?


Oui ! Non ! Mais un truc viable quand même…

Et si on causait ?

Humpf !!!


Grande inspiration… et… rien… que dalle, du nada en veux-tu, en voilà.
Les mots sont là, pas loin, juste qu’ils arrivent tous ensemble en même temps comme à chaque fois.
Et c’était dans la gorge que ça coinçait, formant une pelote de nœud inextricable.
Les points d’interrogations côtoyaient les noms d’oiseaux dont la rochelaise aurait aimé affubler la vipère, des phrases entières amères, des cohortes de mots douloureux, des pans de paroles qui ne servaient à rien.

Inutile.
Tout ça dans sa foutue gorge et toujours aucun son.
La Compostelle riva ses prunelles aux siennes.
L’absurde de la situation l’agaçait, l’absurde de la situation lui pesait.
C’était maintenant ou ça sera jamais !

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Plus muette et de plus en plus cintrée ! [En rouge : les voix pensionnaires de la tête blonde]
Chaos
Vlam !

Pourquoi il y a toujours des portes fermées sur son passage ? Elles ne font que donner à Chaos l'impression d'être contraint à rester à l'extérieure. Et les contraintes, il déteste cela. C'est pourquoi chacune de ses entrées, il les fait dans le vacarme des gonds qui sautent et du bois qui bat la pierre froide du mur -juste que cette fois là, c'est la lourde porte d'une ancienne prison qu'il dut entrouvrir discrètement avant de la pousser à deux mains et ainsi donner l'impression d'être vraiment très fort pour l'avoir ouverte rien qu'en poussant. Qui n'y croira pas ? Pas Jacky qui le fusille du regard, prêt à brandir la fourche cachée sous le comptoir. La seule chose qui retient la main de ce tavernier pas comme les autres, c'est la bague à l'effigie de la Zoko au doigt du vandale, cette vipère gardienne d'un crâne et de sa dague. Compagnie de mercenaires plus fous les uns que les autres, mais dissolue jusqu'à nouvel ordre.

A première vue, les groupies habituelles n'étaient pas présentes : Calyce la cousine germaine, Trella la cocue, Isa la maquerelle, Aurile la boudeuse, et même Fitzounette la perruque poudrée. Le mercenaire s'apprêta à sortir lorsqu'il aperçut une taille fine, une tenue d'homme d'arme avec l'épée qui va avec et une longue natte blonde qui lui descendait dans le bas du dos. Certaines bonnes femmes trouveraient ça choquant, d'autres hommes penseraient que c'est révoltant, mais Chaos trouvait cela charmant. C'était amusant comme cette inconnue ressemblait à Lucie ; mais ça ne pouvait pas être elle puisque la Blondie qu'il connait se repose à la forteresse. Sauf qu'avec les membres de la Zoko, on est jamais sûr de rien.

A pas de loup, il s'approche de la jeune femme qui lui tourne le dos. Au mieux, c'est elle. Au pire, il prétexte l'avoir confondue avec une autre après qu'il lui ait mit une claque sur les fesses. Il saisit la blonde par les épaules et se penche sur elle pour venir déposer un furtif baiser dans son cou. Aucun doute, c'est bien elle. Il reconnait son parfum, cette odeur d'huile parfumée qu'elle met dans leurs bains mélangée à celle de la sueur. Tendrement, il l'enlace dans ses bras protecteurs et lui souffle au creux de l'oreille :


Qu'est ce que tu fais là, mon Ange ?

Sentant un regard sur eux, il s'aperçoit qu'elle n'était pas seule. D'un regard observateur, il détaille les traits du visage de cette étrangère. Jamais vu. En même temps, Lucie a eu pas mal vécu avant leur rencontre en Bourgogne. Presque provocateur, plutôt d'humeur taquine, il n'ouvrit la bouche que pour dire :

Encore une blonde ? Mon harem va s'agrandir.
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Luciedeclairvaux
Lucie pencha la tête sur le côté. La Compostelle allait-elle parler à la fin ? On sentait que les mots s'emmagasinaient dans sa caboche, troublant son visage blême. Mais définitivement rien ne sortait. C'était très agaçant. Lucie allait sortir sa dague (le genre d'objet qui fait parler les gens en général) quand un "vlam" suivi d'une odeur familière attirèrent son attention. Elle ne se détourna pas et attendit qu'il approche.

D'aucunes le trouvaient puant, c'est qu'il était juste à son goût.
D'aucuns le trouvaient vulgaire.
Elle n'y voyait que des jaloux.
Ses yeux clairs étaient restés plantés dans les azurs de la jeune femme, mais un léger sourire étira ses lèvres fines tandis qu'elle le sentait dans son dos, hésitant peut-être. Vrai qu'elle n'aurait pas dû se trouver là. Deux jours auparavant, elle avait annoncé son désir de retourner à la forteresse pour se reposer. Pour s'entraîner en réalité. Mais elle ne voulait pas l'inquiéter ...
Comme c'est touchant.


J'avais rendez-vous. On peut rien t'cacher.
Souffla-t-elle en retour en levant les yeux vers son homme. Puis elle reprit un peu plus fort :

Avec une certaine Dame de Compostelle, parait-il. Mais j'crois que j'me suis trompée d'personne : celle-ci est muette. J'te la laisse, elle est à toi.

Et la balafrée fit mine de s'en désintéresser en reluquant le comptoir. Une bonne bière oui, plutôt que d'faire de la diplomatie avec le Poitou. Pensée rassurante pour ne pas se dire que la demoiselle est venue pour autre chose. Et vue sa mine ravagée, sûrement pour quelque chose de grave ...
Pincement au cœur de la mercenaire : cette jolie égarée ne la laissait pas de marbre.

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Fildais
[Post Tenebras Lux.*]


Rien n’avait bougé, rien n’avait été dit. Et le temps d’avaler à grandes lampées les secondes, peut-être même les minutes.
Deux chiens de faïence qui se lorgnaient, se jaugeaient, deux blondes au milieu du brouhaha, enveloppées de silence.
Pas un seul mouvement, jusqu’à ce que vienne l’intrus, brisant ainsi l’équilibre précaire qui s’était instauré tacitement entre les deux jeunes femmes.
Ce fut comme l’ultime affront fait à son deuil, le manque de respect à sa couche quelle partageait avec l’insomnie et le vide.


Mon Ange ?
Alors Lucie ? Le voilà ton brun… ?
Et le mien de brun ? Est-ce que tu lui as pris sa vie avec cette même lame qui pend à ton flan ?
Dis-moi ? Ma belle, mi Luz… ça ne te dérange pas d’avoir quelqu’un pour réchauffer tes nuits, quelqu’un pour mettre de la tendresse dans le creux de ton cou alors que moi, je n’ai que le froid de l’absence ? Alors que moi je n’ai plus que le silence…


Les azurines devinrent cendres, voilées d’une tristesse, d’une rancœur que la poitevine avait pourtant essayé de faire taire. La douleur était là, étendait ses tentacules de monstres sur elle dans une étreinte presque létale.
Juste d’avoir vu ce baiser là, la jeune femme l’envia si violemment, d’une jalousie féroce qu’elle n’avait jamais connue avant.


Il faudra augmenter la dose, encore un peu… calmer les vieux démons.

Le compagnon de la blonde se reçut un regard morgue en écho à ses vaines paroles gouailleuses. Ses lèvres se pincèrent sous la contrariété.
Pour la Compostelle, il n’avait aucun intérêt, elle était là pour ELLE, elle n’avait d’yeux que pour la gracile balafrée.


Il faut que tu parles maintenant Fild !

La respiration s’accéléra, ses phalanges se recroquevillèrent pour former un poing qu’elle serra.

Parle j’te dis ! PARLE ! DIS QUELQUE CHOSE, BON SANG !!!


Un frisson remonta en décharge glaciale le long de son échine, et fit trembler légèrement la carcasse.

PAAAAARLE ! MAIN-TE-NANT !!!

Plus les secondes s'égrenaient, plus son visage en devenait livide. Sa bouche sèche s’entrouvrit, et les tempes battaient le crâne à s’en choper la migraine.


P’TAIN MAIS PAAAAARLEUUUUU !

La mercenaire ébaucha un mouvement de recul.
Soudain la Compostelle se souleva de son siège et abattit sa main fine sur le bras de la zokoïste.
Rapidement. Fermement.
Les doigts se plantèrent avec force dans sa chair et de la retenir.
Non, elle ne pouvait s’en aller, non elle n’en avait pas le droit. Pas maintenant !


MAIS BORDEL, ELLE VA S’BARRER !! TU VAS L’OUVRIR TA PU… C’est toi qui a tué le Licorneux !

Fildaïs haussa un sourcil. Qui avait parlé ?
Elle ?
La blonde n’en était pas certaine, cette voix n’était pas la sienne.
Trop rauque, trop brisée, trop… désespérée ?
Rien à voir avec l’éclat cristallin, presque enfantin qui siégeait avant dans sa gorge. Même si elle chantait faux, elle l'aimait bien son filet de voix.
De surprise, la poitevine desserra l’étreinte et foula du regard la salle.
Tout c’était arrêté autour d’eux. Du silence et des pairs d’yeux qui l’auscultaient avec hostilité.


Mirdeuuuu boulette… maï-det, maï-det blonde en détresse !

Saloperie, les voix sont toujours là !


Elle baissa un peu le ton et réitéra sa demande de manière plus civilisée.

C’est vous qui avez tué le Licorneux ?

Le souffle s’en trouva raccourci et la jeune femme, blêmit encore.

Oui, MON Licorneux à moi, mon brun, mon pain, ma vie… Est-ce vous qui m’avez tuée…


Après des semaines d’errance dans la nuit, dans les ténèbres de son âme noire.
A se demander pourquoi, le Très-Haut l’avait abandonné aux portes de l’enfer, la Compostelle voyait un peu de lumière sur les rives de son Styx.


Lucie… Mi luz, éclairez moi… !


*Après les ténèbres, la lumière.

Juste un pitit rappel, en rouge foncé, ce sont bien les voix à moitié (complétement) folles qui siègent dans la boîte à conneries.

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Plus muette et de plus en plus cintrée ! [En rouge : les voix pensionnaires de la tête blonde]
Luciedeclairvaux
Elle avait fait mine de partir et ça avait marché. La visiteuse était enfin sortie de son mutisme. Dans un fracas de chaise et en un contact qui fit sursauter Lucie tout d'abord. Comment s'attendre à ce qu'une si frêle colombe vous saute dessus ainsi, toutes serres dehors ? La balafrée, qui ne l'avait pas cataloguée dans les bagarreurs de taverne, ne s'était pas franchement méfiée.

Mais il y a pire que les envies de bagarres, il y a les tempêtes qui vous ravagent un crâne. Le moindre geste est alors suspect. Les dagues sous la dentelle sont parfois plus meurtrières que les massues des angevins ... fussent-ils écossais de naissance. Sous la main de Fildaïs Lucie sentit un frisson glacé envahir son bras. Elle planta ses yeux dans les similaires azurs qui lui faisaient face, avides de vérité.


Le Licorneux ?

Elle avait murmuré pour elle-même, pour faire ressurgir les souvenirs à sa mémoire. Des Licorneux, il y en avait des tas. Mais un qui se serait fait tuer ... L'autre blonde reformula la question mais inutilement : Lucie commençait à comprendre qui elle était, à comprendre pourquoi elle avait assassiné Chaos du regard, à comprendre pourquoi elle était ici et sans escorte.
Elle voulait comprendre pourquoi son homme était mort.
Et bien elle comprendrait.

Les derniers mots transpercèrent le cœur de la mercenaire. Sans doute à sa place se sentirait-elle morte elle aussi, tuée, poignardée par la douleur et l'ignorance, torturée par la certitude de ne le sentir plus. Une lueur de compassion passa dans ses yeux trop clairs, faisant flamboyer la glace un instant, puis elle prit à son tour Fildaïs par le bras et la poussa doucement et fermement dans le recoin sombre. Derrière elle, dans la lumière, elle savait que le Moustachu surveillait l'intervention éventuelle d'un complice.
Elle la plaqua à l'angle, dans les ténèbres, l'immobilisa de sa hanche, et souffla à son oreille :


On n'vous a pas tuée, puisque vous êtes là. Par contre vous arrivez trop tard : une certaine Pivoine est venue chercher son corps. Et tous ses effets.
(un petit mensonge pour un grand trésor.) Car oui on l'a tué ici. Pas moi, pas lui (elle montrait Chaos) mais c'est tout comme. C'est la guerre qui l'a tué. L'armée d'Anjou en patrouille, quoi. Les routes étaient fermées m'zelle.
Quand on l'a ramassé pour le ramener à Angers, il était déjà mort.
L'a pas dû souffrir.


Lucie la relâcha tout doucement, veillant à ce qu'elle ne se rue pas sur elle pour, de dépit, l'étrangler, ou au contraire qu'elle ne tombe pas dans les pommes. Elle était partagée entre la méfiance et l'empathie pour cette femme qui, par bien des aspects, lui ressemblait tant.

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Chaos
Au regard dédaigneux de l'inconnue, il ne put que répondre par un sourire moqueur. Pour lui, elle était frêle, impuissante et trop propre, bonne à assassiner du regard mais incapable de tenir une arme et encore moins de s'en servir. Et noble, en plus : de Compostelle. Ça ne lui dit rien. C'est pas angevin. Donc c'est du pâté pour clébard errant. Ils n'auront aucun ennui si ça tourne mal.

Lucie quitte la chaleur de ses bras pour se diriger vers le comptoir en lui laissant une seule instruction : il en fait ce qu'il en veut, il a carte blanche pour jouer avec l'étrangère comme il l'entendra. Pas sûr que sa Blondie soit pas un peu jalouse quand elle l'entendra hurler, mais ça lui passera. Il sait se faire pardonner aussi bien qu'il sait se faire détester.


J'en f'rais bon usage...

Au sourire qui s'esquisse sur ses lèvres, et au regard curieux qu'il porte aux jupons de la muette, on imaginait parfaitement à quoi il pensait. Faire souffrir les autres, c'est avoir du pouvoir sur eux. Voir jusqu'où ils peuvent endurer la douleur, c'est amusant. Leur ôter la vie, c'est faire l'œuvre du Très-Haut. Il se voit déjà avec elle dans une salle sombre et humide, sans fenêtre ni porte apparentes. Elle se tiendrait là, debout, au milieu de la pièce, tremblante, ses cheveux recouvrant son visage rougi par les coups. Puis il lui déchirerait brutalement ses vêtements, lui lacérerait cette peau si blanche qu'elle pourrait faire concurrence à celle de son Ange. Le mercenaire la ferait gémir de douleur, elle l'implorerait à genoux sur le sol froid, mais il continuerait de lui faire vivre les pires sévices, dans le sang, la sueur et les larmes. Pour son seul plaisir à lui.

Humpf

A peine le temps de sortir de ses pensées et de toucher du bout des doigts la garde de son épée que l'inconnue attrapa le bras de Lucie après avoir crié comme si elle était possédée. L'étrangère n'a pas l'air d'être menaçante, elle semble même se calmer, il n'a aucune raison d'intervenir. Lucie sait se défendre. Mais c'est quoi un licorneux ? Il les regarde tour à tour pour chercher une réponse, comme si c'était marqué sur leur front. Il ne comprend pas, au début, puis il se souvient de ce jour en taverne où Lucie et Maleus semblaient en extase devant une épée. C'est là qu'ils lui ont parlé des Licorneux, des chevaliers comme dans les contes de fée. Le brigand fronce les sourcils et jette un regard menaçant aux personnes présentes qui les regardaient avec curiosité ou mépris : elle n'était peut-être pas seule, la blondinette. Ça se ballade jamais seuls ce genre de choses débordant d'envie de justice et de justesse.

A première vue, aucun autre chevalier dans les environs, mais il reste méfiant. Très méfiant. Paranoïa oblige. Il reporte son attention sur les deux femmes qui semblent s'expliquer. Et tout s'éclaire, mais de la lumière jaillit l'ombre. C'est une histoire de vengeance, voilà pourquoi cette frêle créature est venue se perdre en Anjou. Il faut donc s'attendre à tout moment à ce qu'une troupe de royalistes débarque pour leur faire la peau. Lucie aura beau essayer de la raisonner, c'est tellement idiot, un royaliste. Ça ne comprend que ce que ça veut comprendre. Pas sûr que la veuve veuille comprendre qu'elle ne retrouvera jamais l'assassin de son compagnon.

D'un geste autoritaire, il commande trois bières au tavernier. Non pas qu'il est d'humeur généreuse, mais il a grand soif. Trois bières, ce ne sera pas de trop pour noyer son gosier.

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Fildais
Etrangeté d’un vide sans fond
On tombe, on tombe sans fin
Madame ma mère, si vous m’aviez aimée
Ce jour là, au lavoir vous m’auriez tuée !



Le souffle blond courait le long de son cou, tiédeur douce qui lui rappelait l’approche d’un amant.
Et pourtant dans les paroles, les vérités sont assénées, froidement, par une lumière d’airain, elles coulaient dans l’oreille, l’assourdissaient en bourdonnement.
Plus bas… dans son cœur, on achevait la bête agonisante, déjà au sol.


Les paupières lasses se scellèrent sur des prunelles moribondes, la respiration se suspendit un temps, en apnée.
Au-delà du visage damasquiné de deux azurines, il y avait deux salamandres d’or qui gisaient sur fond d’oriflamme en gueule.
Battues par le vent, les deux bestioles.
Derrière elles, du gris, du Fontenay, du château en hautes tours… et un paladin pendu.
Dernier regard avant de quitter ce qui aurait dû être sa demeure.
Entre hallucinations et errance du souvenir, la vieille gamine se balançait comme le fou au bout de sa corde.


La mercenaire relâcha un peu sa poigne sur la Compostelle qui réveilla son souffle en une longue inspiration d’une noyée en imposture. Elle ouvrit ses yeux sur l’Ange balafrée, suivit de la prunelle la sinuosité.
La réponse tarda, engoncée dans une gorge qui s’était soudain rétrécie sous le fiel.


J’ai bien reçu le colis ! Pinça les lèvres. Merci !

Le colis ? Mais ce n’est pas une façon de parler de Maxi… il s’en fout il est mort… oui mais tout de même un peu de respect bord… Maxime, il s’en tape de ce que l’on dit, le bougre roupille bien profond dans son linceul de métal, six pieds sous terre… nan mais ce n’est pas correcte je d… puisque je t’dis qu’il s’en carre mais comme de sa première chainse…

D’un mouvement d’épaule, la poitevine se dégagea de l’étreinte ophidienne et resserra la cape sur elle.
Pèlerine qui en devenait un refuge sécurisant, comme si la Compostelle dressait là des barrières invisibles entre elle et eux.
Sur sa peau laiteuse, du blanc en deuil, sous le derme palpitant, de la honte gigoteuse. Un petit bout de vie qui s’évertuait à exister dans le déni.

Brusquement la voix éraillée reprit la parole. Le ton était froid, bien loin de l'émotion qui trainait dans ses yeux hagards.


Et son arme ? N’avez-vous rien trouvé ? Une épée gravée à l’effigie de son ordre... J'ai dû le mettre en terre sans... elle.
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Plus muette et de plus en plus cintrée ! [En rouge : les voix pensionnaires de la tête blonde]
Luciedeclairvaux, incarné par Fildais

Loin d'avoir soulagé la Compostelle, la nouvelle semblait avoir renforcé ses défenses de glace.
Quelle nouvelle, d'ailleurs ?... Que Mackx était mort ici, elle le savait déjà. Pendant la guerre, sans doute aussi.
Qui. Voila ce que Fildaïs voulait et n'aurait de cesse de chercher.

La mercenaire recula d'un pas, laissant de la distance entre elle et le monstre froid qui semblait croître en l'autre blonde. Lucie aussi avait eu à dompter ses démons, fut un temps. Elle aussi avait voulu en crever, là, dans l'instant.
Disparaître.
Mais la mort est rebelle à nos volontés propres.
Puis la vie l'avait portée, les chemins, les rencontres. Les lapins blancs. Et elle avait trouvé refuge dans une Compagnie naguère si unie. Mais désormais essoufflée. Finalement, Lucie aussi était dans une fragile période de reconstruction. Si ce n'était qu'elle avait son homme, elle. Son solide mercenaire qui l'empêchait de dériver.
La Compostelle se laissait balloter par les vagues ... avec sa tronche de noyée et ses yeux de sole.
Lucie réprima une furieuse envie de la gifler.
Pour la remettre à flots.


Le colis ... bien heureuse déjà d'l'avoir réceptionné. J'aurais tout aussi bien pu l'laisser pourrir sous les fougères.

Quant à son arme ... bien sûr qu'elle l'avait trouvée. Même à ça qu'elle l'avait reconnu, le licorneux. Et pour ça qu'elle l'avait ramené.
Même mort, l'arme fait l'homme.
Et c'était une sacrée épée !
A cette évocation Lucie se souvint de son entrée triomphale en taverne, exhibant devant ses compagnons d'armes la trouvaille de la nuit. Le chef l'avait soupesée. L'équilibre était parfait, le tranchant inaltéré et le pommeau somptueux. Une tête de Licorne, certes. (Les ordres royaux n'avaient jamais été leur tasse de thé et ils s'en tenaient éloignés malgré quelques combats singuliers, ça et là.) Mais du bel ouvrage, il fallait le reconnaitre.

Alors la rendre ... c'est qu'elle s'y était attachée. Elle l'avait même traînée depuis, en Bretagne, Poitou, Touraine, Berry, Limousin ... pour revenir à la maison sans avoir occis personne ! Peut-être portait-elle malheur après tout, cette épée de royaliste. Forgée pour faire le bien au nom du Roy. Avec sa petite licorne mignonne qui n'avait pas conscience des réalités du terrain, de la guerre, de la misère. Qui défendait la veuve et l'orphelin du riche. Oui après tout, elle était à gerber cette épée.

Mais non, elle ne s'était pas préparée à la rendre encore. Et la balafrée agissait rarement sur un coup de tête. Elle verrait, plus tard, si la Compostelle était digne de porter une telle arme à la place de son amour défunt. Si elle était digne de confiance aussi, histoire de ne pas se retrouver une épée de licorneux plantée dans le cœur. Ce serait fâcheux, surtout maintenant que ce frêle organe recommençait à battre pour un homme ...

En terre ouais ... Ça lui aurait fait une belle jambe.

Sur ce, comme pour clore la question, la mercenaire réquisitionna deux des chopes commandées par le Moustachu qu'elle remercia d'un clin d'œil complice. Sympa d'avoir commandé pour tout l'monde !
Et fit signe à la blonde de rappliquer à la table. La Compostelle ne s'était pas évanouie face à deux mercenaires fous : elle avait bien le droit à un petit remontant.


C'était votre époux ? L'a bien dû vous léguer des terres. Pouvez pas rester dans l'duché, ça va vous attirer des ennuis d'fouiller comme ça.


Fildais
Sept vices pour sept vertus.
Sept enfers lunaires ou l’atteinte d’un paradis solaire.
Tout bon Aristotélicien se devait de jouer le funambule, vertus en équilibre et gouffre de vices.
Précarité d’un combat de chaque instant à mener contre le Sans Nom pour gravir sa place dorée.
Pourtant la frontière était bien mince, un pas et on traversait le voile, un pas et le bon croyant se trouvait en proie aux tourments.
Vigilance…

Et elle, petite fille tombée de la lune, petite fille de rien… la fille d’Aïs si innommable par sa propre génitrice qu’elle l’en avait appelée comme le fruit de son péché.
La fange n’engendrait que la fange, qu’on disait, et la mère s’absolvait de sa faute en étant une épouse parfaite, fertile et digne, rosaire en main égrenant un chapelet de prières.
Fille d’Aïs, Fildaïs au fur et à mesure flanchait, l’ombre prenait le pas depuis que sa lumière avait cessé de briller… un jour en Anjou… un jour… un lundi… dans un pâle juillet.

Sept péchés… et combien pour Fildaïs ?
Azael, Asmodée, Bélial, Léviathan, Satan voilà les noms des ses nouveaux compagnons. Certains des ses démons étaient de vieilles connaissances tandis que d’autres de récentes rencontres.
Respectivement Gourmandise, Luxure, Orgueil, Colère et Envie.
Et en ce jour la jeune femme avait étreint chacun d’eux avec passion.

Gourmandise avait le goût des liqueurs fines et des paradis artificiels qu’elle consommait avec déraison pour une existence plus futile.
L’Envie apparut sous les traits d’un brun à la fine moustache, compagnon de la Luz, trop jeune à son goût mais lui rappelant cruellement que la Compostelle n’avait plus droit à ça.
Le démon de la Colère, lui était de la première heure mais il s’était lové, assagi, dans sa poitrine. Depuis quelques semaines, il déroulait sa colossale carcasse d’airain et de flammes dans la silhouette frêle de la jeune femme, l’irradiant complètement de son aura malsaine.
De la Luxure, il n’en restait que la preuve. Graine oubliée qui poussait au fond d’un ventre inhospitalier.
Quand à l’orgueil, il venait juste d’être piqué à l’instant par la dernière réplique cruelle de Lucie. Lui rappelant son état de veuve de pacotille.

La poitevine était restée le visage impavide au propos vitriol de la mercenaire, elle en avait juste serré ses poings invisibles sous la pèlerine. La bouche coite et les lèvres pincées. Lucie en avait même baissé sa garde, les mains prises par deux chopes et même l’invitait à les rejoindre.


Tu es trop sûre de toi, ma Lucie…

Il faut toujours se méfier des eaux dormantes, elles sont les plus dangereuses.
Un pas puis deux… la silhouette se glisse jusqu’à elle… sa presque elle-même.
Doucement, une main hyaline s’extirpe de l’obscurité de sa cape. Lenteur, langueur dans le geste.


Oh mi Luz… as-tu des démons qui viennent te déranger la nuit ? Combien de fantômes traînes-tu derrière toi ?

Et de se dire qu’elle aurait pu être cette blonde là… les rencontres et les choix avaient été différents. Mais au final, elles ? Étaient-elles si dissemblables ? Non.
Les doigts peints de blanc effleurèrent la joue, descendirent en frôlement le long du cou jusqu’à empoigner fermement le col, l’autre main, celle qui était restée à demeure, imita sa consœur.
La rage était là, animant le petit pantin blond, les azurines brillèrent vivement.


Je n’ai rien… Vous m’avez même ôté la possibilité d’avoir le chagrin légitime d’une veuve. La seule terre qui me vient de lui est un carré au cimetière où je peux y poser larmes et misères. Car je ne suis rien… On devait… Sa gorge de se serrer tandis que la poigne se fit plus rude… on devait… se marier…

L’image fragile d’un bonheur illusoire se déroula devant elle.

Dites ? C’est pas pour faire la conchieuse de service… mais on ferait pas mieux de s’casser ?
Ça sent le boudin tout ça…

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Plus muette et de plus en plus cintrée ! [En rouge : les voix pensionnaires de la tête blonde]
Chaos
Il les écoute, distraitement. Les problèmes des autres ne l'ont jamais intéressé. Il est incapable de se mettre à leur place et de compatir. Et puis, les larmes, c'est pour les faibles. Il la connait pas, cette poitevine, mais elle était sûrement plus belle avant de se laisser tomber à terre, les genoux pliés sous le poids du deuil, et de ramper partout en ce monde telle une âme errante. L'est où sa fierté ? Celle qui rend les gens arrogant mais si majestueux, à la manière d'un paon qui fait fièrement sa roue ?

Lucie deviendrait comme elle s'il mourait ? Sa Blondie galoperait toujours tout droit, versant des larmes sur son passage, jusqu'à tomber dans un précipice pour le rejoindre ? Ce serait toujours mieux que de mourir à petit feu comme la femme du licorneux, ou d'abandonner ses beaux habits d'Ange pour une tenue noire et un voile qui camouflerait son joli visage. Le mercenaire regarde Lucie, tandis qu'elle continue de discuter. Une douce mélancolie brille dans ses yeux à l'idée d'être, même indirectement, responsable de sa tristesse ; mais il se reprend aussitôt. Ce n'est pas dans ses habitudes de se laisser submerger par ses sentiments.

Silencieux, il attrape sa chope, seule rescapée du pillage qu'il a subi aussitôt que Jacky avait apporté sa commande. Ses yeux glissent doucement vers la porte. L'idée de les laisser seules effleure son esprit, mais il ne serait pas tranquille de laisser son Ange avec cette inconnue. Il reporte son attention sur elles. Ça parle de terres, de mise en terre, mais surtout, la poitevine fait un geste de trop. Il sait que Lucie saurait se débrouiller, cela n'empêche pas qu'il lâche la chope pour attraper fermement le poignet de la voyageuse.


Veuve ou pas, tu r'cules...

L'ordre est sifflé entre ses dents. Ses ongles pénètrent la fine peau de son poignet. Son regard menaçant affronte les azurs coléreuses, telles deux bêtes qui se font face pour un territoire, sa Blondie.
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Luciedeclairvaux
Quels fantômes traînait-elle, la mercenaire ... tant et tant de vies ôtées dans l'indifférence de sa meute de monstres ? Des soldats, braves, ou pochtrons de village, des innocents parfois, des inconnus souvent. Le quotidien d'une vie de combats. La norme quand on suit des mercenaires enragés ...

Non, les pires fantômes étaient insidieux, traînaient en silence dans sa mémoire. S'insinuaient, par les interstices de sa déraison. Troublaient ses nuits, guettaient ses moments d'oisiveté pour se rappeler à elle. Les pires fantômes étaient les espoirs brisés et les années d'errance ... les fantômes du passé enterrés naguère mais jamais vraiment morts.

Lucie avait baissé la garde devant la frêle Compostelle effondrée de chagrin à l'intérieur, maladive à l'extérieur. Inoffensive en apparence. Si elle n'avait pas répartit de suite après avoir été plaquée au mur, elle ne réagirait pas maintenant. Maintenant que la mousse bavait copieusement sur les chopes. Maintenant qu'une place lui était offerte pour discuter. Aussi quand elle s'approcha, Lucie ne réagit même pas, envoûtée par son regard trouble. Même ses doigts de glace ne la firent pas frémir tout de suite. Et il lui fallu un certain temps pour réaliser qu'elle serrait vraiment fort et que son intention était bel et bien de l'étrangler. Avant de virer au rouge, la mercenaire se dégagea d'un coup violent dans le bras de Fildaïs sans s'apercevoir que Chaos s'était déjà interposé. Puis, sans s'occuper des éventuels dégâts collatéraux, elle s'agrippa à une chaise pour reprendre son souffle en toussant quelques secondes avant de fondre sur sa proie, mue par une hargne nouvelle.


Ce n'est pas ma faute !
Le chagrin légitime c'est de pleurer l'homme ou votre condition ?!


Qui était-elle cette donzelle, pour venir revendiquer sa place, ses biens, son blason perdu. Était-ce donc ainsi qu'elle l'avait aimé, son homme ? Lucie l'attrapa par le col et la serra contre la table, avant de maîtriser lentement sa colère, le souffle encore court. Les azurs se croisèrent à nouveau. Des étincelles glissèrent sur la glace, et d'un geste vif, la mercenaire sortit sa dague de sa ceinture et sans trembler la planta sous les yeux de l'endeuillée, manche en avant.

Et bien vas-y, plante-moi si tu l'oses.


Ivre de déraison, Lucie était passée au tutoiement. La vengeance était ce que la mercenaire détestait le plus, la vengeance qui aveugle et habille de laideur celui qui la porte, la vengeance qui parle d'honneur quand elle n'est que le révélateur des pires bassesses humaines. Et bizarrement, Lucie ne désirait pas que cette Filaïs se laisse aller à la bassesse. Elle voulait la dresser contre sa condition de femme, contre son chagrin, contre ses démons même.
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Fildais
Les doigts décharnés de la Compostelle se raffermirent, glissèrent avec volupté sur le cou d’ivoire si doux, si tiède, si… palpitant. Comme enivrée par cette vie qui s’agitait sous ses phalanges de porcelaines, des soubresauts d’existences si faciles à cueillir, à éteindre dans une étreinte.
Elle s’emporta dans un élan, Fild fit de ses menottes, un étau, un pressoir pour souffle vital, elle serra à en sentir sous sa peau digitale, les pulsations de la mercenaire s’emballer.
L’ombre avait pris le pas sur l’immaculée, ravageant de son néfaste aura toute l’essence même fildaïssienne.

Fracas d’une chope qui se heurta contre le sol, brisures et une douleur qui se planta dans sa chair, à peine perceptible dans sa folie.
Chaos n’attira que deux billes à l’azur hyalin, où derrière le mépris résidait l’éther d’un esprit dissolu.
D’abord, la blonde ne comprit pas. Froncement de sourcils d’or, prunelles troubles, absentes.
Ce fut lorsque que son autre main, toujours arrimée au cou de la gracile, fut envoyé en valdingue, que l’âme étriquée reprit possession de sa carne.

Le vent avait tourné, la tempête agitait désormais le bleu d’en face, assombrissant le regard de sa Luz. Elle monta à l’assaut, blondeur contre blondeur.
Les mains de la Compostelle eurent juste le temps de s’accrocher à la table, pour ne pas vaciller et sombrer dans une chute digne d’une farce.
La respiration en était coupée, Fildaïs tremblotait de nerf et de fatigue. Depuis combien de temps touchait elle le fond, depuis combien temps voulait-elle passer le voile de la mort…
C’était peut-être maintenant, enfin la douce délivrance…
La jeune femme referma les doigts sur l’arme.


Tranche lui son joli petit cou… elle est offerte… fait donc ta Némésis.

La lame s’avança jusqu’à toucher l’épiderme de l’angevine, la pupille déraisonnablement attirée par le tressaillement de son pouls avant de s’en retourner à la source première.

Oui vas-y, tranche…

Eurk, ça va tâcher notre mise… on ne pourrait pas s’intéresser au brun plutôt… hmmm plutôt croquignole, nan ?

Ta gueuuuuule, voix n°5 !
Dirent en concert toutes les autres personnalités qui squattaient son esprit.

S’eut été si simple s’il suffisait d’un geste écourteur de vie, pour que toute la douleur qui creusait son cœur soit ôtée. L’airain de la lame s’abaissa, la Compostelle sentit comme un poids cruel lui accabler sa carcasse déjà fragile.


Je n’ai aucune légitimité dans mon chagrin, on me regarde comme si les années passées à l’aimer n’étaient rien puisque non scellées par un anneau nuptial. Je ne suis rien...

Un soupire chut, accident de sa pensée.

Je suis si lasse…

Les derniers remparts qui la tenaient debout flanchèrent, et elle laissa glisser sa silhouette en affalement sur un siège.
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Plus muette et de plus en plus cintrée ! [En rouge : les voix pensionnaires de la tête blonde]
Luciedeclairvaux
Sur son cou, le souvenir des doigts de porcelaine brûlait encore, impérieux, tandis qu'elle poussait la Compostelle dans ses retranchements sans lâcher les azurs aux multiples facettes. Le couteau sous la gorge, Lucie n'était cependant pas prête à rendre l'âme, pas encore, pas si tôt ... et si l'autre était submergée de folie ? La retenir, des yeux. L'attirer vers le réel, d'un souffle. Accompagner sa chute et lui reprendre l'arme des mains.

Il est des poisons plus perfides que l'airain ...


Vous n'êtes rien ...


Lucie était plantée devant la chaise de Fildaïs. Calme et resplendissante, face à la presque morte, voûtée, démunie. Elle replaça sa dague dans son fourreau et expira vers le plafond, maudissant la venue de cette folle attachante, fragile, sur le point de se rompre en mille éclats de verre, mais dont la force indicible la subjuguait.

Il ne tient qu'à vous d'être tout.

La mercenaire hésita, regarda autour d'elle un instant, puis approcha de la Compostelle. Laisser sombrer une étrangère qui fouillait dans le passé, la laisser à ses démons, à ses doutes, à ses regrets peut-être. Et à ses voix. C'eut-été si aisé. Mais, était-ce que Lucie se sentait responsable de la mort de Makx, ou bien qu'elle sentait en la Compostelle des résonances glaçantes et lumineuses à la fois ? elle ne le pouvait pas. Ses lèvres fines s'écartèrent, comme pour parler à nouveau. Sa main s'avança avec prudence, prit le menton de la jeune femme et la força à relever la tête. Elle allait lui dire de revenir à flots, de s'accrocher, de faire du souvenir de Makx une force. Elle ne savait pas que, déjà, ce jour-là, parler avait été pour la Compostelle un pas de franchi. Lucie, le souffle court, pencha la tête sur le côté pour admirer le naufrage.
A pic vers d'autres profondeurs.
Non, elle ne pouvait pas la laisser se faire ça. Elle lâcha le menton, qui tint tout seul un quart de seconde ... suffisamment longtemps pour que la gifle cingle.

Lucie recula d'un pas. Cette femme la faisait vraiment agir à contre sens.
La joue rougissait à vue d'œil.


Et maintenant pleurez.
Pleurez-le.

Et faites taire les voix bon sang ! Je n'les entends que trop.

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