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La Rose Pourpre, Bordel des Miracles (2ème partie)

Rexanne
Le hasard donc… N’empêche, maintenant sur place s’était bien pour l’adorable et ravissante Dem’ qu’il restait en ces lieux le bel éphèbe ! Un sourire goguenard alors que la question tombait : y avait-il déjà des acquéreurs potentiels de cette virginité qui arrivait à échéance ? Tâter le terrain, cerner la concurrence, se renseigner. Malin. La beauté de la jeune Vierge ne lui fait donc pas totalement perdre le Nord, non, homme d’esprit il s’organise.

– Des sommes affolantes… parlez pour vous ! Je suis sure que La Succube n’en sera pas affolée elle ! Mais vous avez raison, les enchères monteront haut ! Quelques clients ont déjà déclarés leur intention d’y participer oui. Si vous désirez y prendre part également vous pouvez vous annoncer auprès de la Succube.

Inutile d’ajouter que ce soir, ils n’avaient pas encore fait paraitre le bout de leur museau ! Et le séduisant Belombre dont la détermination à remporter cette nuit paraissait tellement évidente, où donc était-il passé ? Difficile de croire qu’il ait pu oublier le rendez-vous pris la veille, mais à la Cour les causes d’absence inattendue peuvent être aussi diverses que variées…

Point d’inquiétude cependant, la virginité de la jolie pucelle partira au prix fort, c’est certain. Un sourire malicieux à son interlocuteur puis, s’apercevant que le client précédent n’avait pas bougé d’un pouce, elle s’approche de lui, prête à lui servir la boisson qu’il demandait si cette fois il n’insultait pas son bar avec quelques piécettes dérisoires.

- Veuillez excuser, belle dame, les manières un peu rustres d'un vieux soldat trop longtemps resté en compagnie de soudards. J'en ai oublié les bonnes manières. Je ne voulais point vous manquer de respect, mais je tutoie par habitude plus que par volonté.
Je désirerai cependant gouter, moi aussi, à une des liqueurs dont vous avez le secret, et ceci devrai largement compenser ma consommation, tant visuel que gastronomique.


Bourse est déposée sur le comptoir. Si toutefois de la surprise transparait sur les traits de la Brunette, celle-ci a pour origine davantage le peu de précautions prises en présentant si négligemment une bourse que pour la teneur de la bourse en elle-même. Des bourses pleines il y en plein la Rose tous les soirs…

Gracieusement elle se saisit de la bourse, y prélevant sans autres formalités la somme nécessaire au règlement de la liqueur demandée avant de la rendre à son propriétaire. Le verre alors seulement est servit, tout en répondant avec une lueur amusée dans le regard aux questions du dit Sirlapinus.


– Pour les babioles ne vous en faite donc pas, rien qui ne soit irremplaçable pour vous, j’en suis certaine. Et pour tendre à combler votre ignorance je suis Rexanne, c’est le nom qu’on m’a donné alors ça me parait une bonne idée de m’appeler comme ça.

Le ton est léger, bien qu’un soupçon ironique, alors qu’elle s’affaire à emplir le verre puis le lui déposer aimablement devant lui.

Ce faisant,l’onyx est attiré par une nouvelle entrée, pas d’un strict inconnu cette fois. Dusaan… Un sourire amusé qui fleurit sur les coquelicots de ses lèvres. Ainsi donc l’esprit pourtant en dérangement n’avait pas oublié dans la journée sa promesse de revenir le soir venu. Et il revenait pour elle, elle le savait. Images troublantes de la scène à la cave le matin même lui revenant en mémoire. L’inconscience de la prendre en otage … ou comment retourner une situation.

- Permettez-moi douce Rexanne, de vous offrir un verre de ce qui vous sierra, et de boire le même breuvage que celui que vous porterez à vos divines lèvres.

Douce… Elle avait abandonné tout espoir de comprendre l’insistance de ce pauvre bougre à la qualifier ainsi. Aussi douce que l’eau qui dort oui…


– Le bonsoir Dusaan. Eh bien j’aime à commencer la soirée par un doux hypocras, la même chose vous convient-elle ?

Ce regard qui glisse à la dérobée sur son bustier plus que suggestif… Sourire pour elle-même, amusée du désir qu’elle suscite en lui et de l’energie qu’il déploie en vain pour le dissimuler.
--Dusaan


Ces yeux ...

Dusaan s'appliquait à ne se concentrer que sur les yeux de la divine serveuse. Il serait attentif, attentionné, ce soir. Il était bien décidé à faire preuve de galanterie et de raison. Il se lissa les cheveux, sourit aimablement et tâcha de répéter ses mots avec le moins de niaiserie possible dans la voix :


Un doux hypocras me conviendra parfaitement. Pour commencer la soirée.
D'autres douceurs sauront-elles la finir ?...


Et voila, il allait trop vite, bien trop vite. Il fallait parler avant, parler d'elle, faire attention à elle, la laisser s'épanouir délicatement dans la main avant de serrer doucement et ... Incorrigible Dusaan. Repentant, il baissa les yeux. Erreur ! Ils tombèrent dans le décolleté. Il sentit alors ses oreilles chauffer. Il fallait dire quelque chose, vite. N'importe quoi. Sur elle. Ses goûts, sa vie. Le nom de son animal de compagnie. Grands dieux, cette peau ... Les yeux exorbités, il avança une main tremblante, pas vers l'hypocras, mais bien vers Rexanne. Avant de se récupérer in extrémis en bafouillant :

Vous ... avez fait des frais, cette toilette vous va à ravir.

Il frôla juste l'affriolante dentelle avant de ramasser sa main sagement de son côté de comptoir. Oui oui, il avait bien compris hier qu'on ne franchissait pas cette limite, ce mur, cette forteresse que constituait le bar entre les clients et la sublime princesse noire. C'était un geste de trop, il en était conscient. Il avait été bien vilain et son regard montrait qu'il était prêt à toutes les réprimandes. Oui oui oui, toutes toutes toutes.

Pour prouver sa bonne foi, il avança délicatement une pièce d'or sur le bois brillant. A l'endroit même où il avait la veille déversé toutes ses pierres, dans un excès d'ivresse, en signe d'allégeance. Une gentille petite pièce d'or toute ronde, toute neuve, pour monter que cette fois il serait sage, et raisonnable, et gentil, et doux, et ...
Peut-être la regardait-il bêtement, là ?! Non ? Il sourit, aimable, l'air détaché.
--Esemyr
La Succube, a-t-elle dit… Un nom des plus évocateurs. Esemyr fit courir son regard sur le reste de l’assemblée, pour y dénicher ladite Succube, alors qu’un homme, pas bien dangereux mais assez fébrile, comme le trahissait les très légers effluves de sueur qui émanaient de lui, seulement perceptible par un odorat très aiguisé, s’approchait du comptoir. Le regard qu’il lui jeta n’échappa nullement à Esemyr. En voilà un qui avait des vues sur la belle panthère qui campait derrière le bois. Comment lui reprocher ? Rexanne, puisque ainsi il l’avait nommée, possédait bien des charmes, et parmi les plus exquis et les plus attirants qui fussent. Mais Esemyr n’avait pas pour projet de conquérir ces charmes là, ce soir, bien qu’il n’en fut pas pour autant insensible. Non, plus ses yeux glissaient sur les courbes audacieuses de l’immaculée Demetria, plus il brûlait d’aller y naviguer. D’aller perdre le sens de l’orientation dans l’échancrure de son corsage, d’aller flâner dans le creux de ses hanches pour y respirer des parfums de printemps tout juste éclos. Elle dont l’holocauste sacré des premières roses était aux enchères, ce soir. Offert au souffle violent qui pourrait les flétrir… Combien dommage cela serait. Il fallait la remporter, avait dit la tavernière. Comme un vulgaire trophée… Il pouvait l’acheter, nul doute n’était permis. Tous les autres pourraient bien amasser fortune, écus, or, bijoux… De tout cela, il était pourvu, et largement. Ses services se monnayaient, de part tous les royaumes, à des sommes dont la plupart des âmes présentes ici n’avaient même pas idée. Mais l’or… quoi de plus grossier que ce métal sans saveur, face à la pureté de licorne d’une jeune vierge ? Certes, il pouvait emporter la mise. N’eut été par sa fortune, il le pouvait en éveillant la Salamandre. En offrant gracieusement ses services à la Succube. Salamandre et Succube. Comment pourraient-ils ne point s’entendre ? Oui, peut-être susurrerait-il à son oreille son identité secrète et l’origine de sa fortune.

Il lui fallait donc, selon toute logique, aller courtiser la femme aux cheveux de flamme, qui évoquaient démons et fureurs, mais également supplices charnels aussi divers que délicieux. L’autre rouquine. C’était elle qui détenait les clés des jupons de Demetria. Qui ouvrirait la porte vers son paradis secret. Elle était femme de pouvoir… pouvait-il en être autrement d’une Succube ? Elles qui incendiaient les corps, réveillaient les brasiers du désir pour mieux voler les âmes de leurs victimes. Elles qui possédaient. Elle possédait, la Succube, tout dans son maintien le trahissait. Elle était maîtresse des lieux et de tous ceux qui y vivaient, homme ou femme. Chaque détail récolté dans la pièce chaude et douillette le disaient, elle n'était pas de celles, maquerelles trop souvent rencontrées, qui maltraitaient leurs filles comme s’il ne s’eut agi que de matière première. Non, celle-ci était bien plus raffinée, ce qui n’était pas pour déplaire à Esemyr. Il fallait donc la conquérir pour obtenir droit de passage, que l’on ait fortune ou non. Car s’il s’en référait à son instinct, qui ne le trompait que très rarement, un grand seigneur possédant toutes les richesses de la terre n’aurait aucune chance de passer le pas de la porte s’il était rustre et brutal avec l’une des jolies fleurs de son bordel.

Mais gagner la nuit de la belle et chaste Demetria juste en allant jouer les séducteurs auprès de la Succube n’enchantait pas Esemyr. La gagner comme on remporte un lot n’était point lui faire honneur. Que la maîtresse des lieux s’en offense, mais ce n’était pas elle qu’il irait voir en premier. L’on ne gagne pas une femme avec de l’argent, fut-elle de toute petite vertu. Au mieux, avec la plus garnie des bourses, on peut louer son entrecuisse. Mais cela ne suffit pas à gagner son corps, ses sens, sa volonté. L’on n’obtient les frissons de sa peau et le plaisir chavirant son regard que par un jeu subtil et délicieux, par une conquête sans arme et sans violence, par une victoire sans pouvoir ni jubilation. Se payer une fille qui ne veut pas de vous n’avait jamais rien procuré de plus à Esemyr qu’un vague dégoût et un profond sentiment de mépris. De même, passer la nuit peau contre une peau qui n’est rien qu’une surface cachant une vacuité abyssale avait toujours suscité chez lui une déception qui annihilait aussitôt toute forme de désir. Toutes raisons qui le poussaient à toujours s’amuser avec l’esprit avant de jouir du corps, afin de n’être pas désappointé lorsqu’il explorait par la suite les mille et une nuances qu’une tête féminine bien remplie apportait à l’intensité d’un partage charnel. Faisant ainsi mentir cette vieille chansonnette entendue au cours d’un de ses voyages… « Elle n’avait pas de tête, elle n’avait pas, l’esprit beaucoup plus grand qu’un dé à coudre, mais pour l’amour on ne demande pas, aux filles d’avoir inventé la poudre ».

Esemyr termina son verre de liqueur de rose. Que voilà un bon moyen de se mettre dans l’ambiance… un alcool du même nom que le lieu d’amour où il se trouvait. La tenancière connaissait définitivement son affaire. Il déposa quelques pièces d’or sur le bois du comptoir, plus qu’il n’en fallait pour la boisson, et adressa un léger sourire à Rexanne. Il avait écouté d’une oreille, alors que ses esprits vagabondaient, faculté issue d’années de travail, la discussion entre elle et le client qui lui avait jeté un œil mauvais. Transi comme on ne pouvait l’être plus, semblait-il. Bonne soirée, dessina-t-il sur ses lèvres à l'adresse de la tavernière. Puis il voleta avec grâce pour effacer la distance qui le séparait de la belle Demetria. Sa démarche quelque peu maniérée attira sur lui regards féminins comme masculins. Son corps vif et svelte semblait se fondre avec l’air ambiant, comme s’il se laissait porter par les effluves parfumés qui traversaient la pièce. Sa mèche savamment égarée chatouillait sa joue, brisant la douce harmonie des traits de son visage. Esemyr savait tirer tout le parti possible de la finesse de ses traits et de l’élégance qui naissait à chacun de ses mouvements. Demetria le regardait arriver. Elle aurait voulu regarder ailleurs, jouer la distante, mais elle n’y parvenait pas. Ah, candeur juvénile de la non maîtrise de ses sentiments. Esemyr laissait jouer, tout en s’approchant, ses prunelles sur la taille fine de la rouquine et la courbure de ses reins. Puis il revint poser le bleu de ses yeux au milieu des siens. L’iris d’Esemyr oscillait entre bleu nuit et bleu pluie, et l’on s’y perdait à la poursuite des reflets violets qui y dansaient. Ceux de la jeune vierge frémissait d’un vert hésitant, qui ne sembler savoir quelle nuance adopter, et préférait toutes les embrasser.


Bonsoir à vous, belle nymphe. Je suis Esemyr d’Alcée, et veuillez me croire à jamais votre zélé serviteur, si toutefois vous pardonnez l’impudence qui m’a poussé à laisser ces pauvres mots s’échapper de mes lèvres.

Avant qu’elle n’ait pu répondre, il prit sa fine main blanche dans la sienne, et s’inclina légèrement afin d’effleurer du bout des lèvres la douce peau de Demetria en guise d’humble salut. Puis il laissa fuir la gracile main et plongea de nouveau ses yeux dans ceux de sa propriétaire. Un léger sourire étira ses fines lèvres, attendant que les mots naissent sur la bouche exquise du bel oiseau qui l’observait toujours.
--Demetria.
Vagabondage habituel de l'esprit d'une minette qui a une facheuse tendance à s'évader de la sorte dès que l'ennui guette. Pas tellement que ça manque d'animation ici, mais plutôt qu'elle ne sait pas tellement quoi faire, et que l'inactivité menant à la réflexion, la réflexion à l'évasion, l'évasion à la rêverie, la Vierge passait plus de temps pensive qu'active, il fallait bien l'avouer.
Pour autant, elle n'oubliait pas de garder une émeraude sur ce qu'il se passait dans le salon, mais les pensées vivaient leur vie immatérielle, se promenant tantôt entre les souvenirs, parfois dans ses envies, la plupart du temps elles passaient des uns aux autres... Et ce soir était le soir pour se poser les dernières questions.

Cette nuit, sa nuit... Elle ne peut s'empêcher de se rappeler son arrivée ici. Sa robe en toile, la cape poussiéreuse, son premier repas ici... Il y a à peine quelques jours qui résonnent comme une année et quelques... Tout sa vie avait basculé à la suite de sa discussion avec La Succube. Et l'accord conclu sur sa virginité. Maintenant que les enchères touchaient à leur fin, elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'aurait été sa vie, actuelle et future, si ses pas n'avaient pas été guidés jusqu'à la Rose Pourpre.
Pas de soie coulant sur sa peau de lait, pas de boucles soigneusement peignées, elle serait encore en train de subtiliser des bourses dans les rues de la Cour, assurément. Assez pour peut être parvenir enfin à quitter Paris. Mais en aucun cas elle ne regrette d'être aujourd'hui pétale de la Maquerelle. De Paris elle a découvert un nouveau visage, de son corps, elle commence à prendre conscience, elle a trouvé ici une famille bien plus chaleureuse que celle qui l'avait accueillie dans le monde... Glissade de son regard pers vers Rexanne. Son amie, la première. Celle qui a été présente, les lèvres ourlées de conseils et de sourires accueillants depuis qu'elles se connaissaient. Celle dont elle avait partagé la couche les trois premières nuits qu'elle avait passé au Bordel. Celle qui lui avait appris quelle tenue arborer, comment dessiner le jade de son regard d'une ligne de khôl, celle qui savait lui servir des cocktails d'une douceur qui convenait au palais encore délicat de la jeune fille qu'elle était. Celle qui partageait son aversion pour Obscure, la zélée et obséquieuse servante... Instinctivement et sans jamais en causer...

Rexanne qui reçoit la visite du même sieur que la veille. Celui qu'elle avait entendu à la cave pendant son petit-déjeuner, celui dont Rexanne lui avait conté l'attitude pendant leur virée aux Halles. Transi d'amour pour elle, manifestement, dégoulinant d'envie, bavant de concupiscence, le regard brillant… Et pourtant, quelque chose dans son attitude qui gêne la Pucelle. Qui la rend mal à l’aise. Quelque chose qu’elle ne comprend pas, qu’elle ne peut pas, à quinze ans et encore pure, comprendre… Et qui la dérange. Elle détourne le regard. Pour tomber sur la silhouette fine de l’homme de tout à l’heure. Celui qui semble si efféminé, celui qui a discuté un instant avec la belle tenancière, celui qui l’a regardée, et qu’elle a observé. Et qui se dirige maintenant vers elle.

Plus la peine de se planquer derrière ses cils, elle est repérée, elle le sait, elle relève les yeux. Et sans plus se cacher, le regarde arriver. A peine un chuintement, il semble glisser sur le sol de la Rose, s’approchant comme s’il n’y avait pas d’air à fendre, pas de distance à parcourir. A peine un clin de paupière et déjà il est devant elle. Le corps souple et l’azur de ses yeux qui vous happe…
Demetria… Demeter.. La vierge moissonneuse, la protectrice de ceux qui cherchent à récolter… Demetria, la Pucelle, la jeune fille. Celle qui ne peut que repenser à la soirée de la veille et à ce Belombre qui semble la bouder ce soir, alors qu’enveloppe cachetée il a remis à la Succube par son intermédiaire. Aurait-il trouvé dans les rues de Paris autre Perle qui l’aurait séduit plus que la jeune rousse ? Peut-être… Elle ne peut qu’espérer qu’il n’en est rien, sans vraiment savoir si elle tient tant à le voir revenir.
D’autant qu’il est devant elle. Là.

Elle repose son verre, redressant ses épaules, esquissant un soubresaut qui mérite à peine ce nom tellement il est faible quand il saisit la fine menotte avant de l’effleurer de ses lèvres. La surprise se lit surtout dans ses émeraudes qui s’écarquillent légèrement, peu, plus habituée à ce genre de marque de respect, cette bienséance qu’elle n’a plus vue depuis longtemps. La menotte fuit rapidement, jusqu’à rejoindre un genou qui vient de grimper sur l’autre.
Inconsciemment, se vieillir légèrement, récupérer une contenance. A tant l’observer, elle le croyait presque irréel, objet d’étude, mais elle n’aurait pas imaginé, du coup, qu’il puisse se diriger vers elle. Et voilà qu’il lui a parlé. Paroles qui ne l’atteignent qu’après le geste. Qu’importe si elles ont été prononcées avant… Un air de rien qu’elle tente de plaquer sur le minois qui essaie de se concentrer un peu, de se faire mi-sérieux, mi…. mi maladroitement aguicheur, ce qui est passablement raté. Elle a su… Elle a su jouer de ses taches de son sur son nez et ses joues, des battements de ses cils, elle a su plaire aux badauds qu’elle souhaitait détrousser à l’époque où ce moyen de subsistance lui semblait le plus éloigné de son éducation, et donc, forcément, ce qu’elle voulait. Jusqu’à se trouver à la Rose…

Et étrangement, là où Pétale parmi les Roses, elle aurait dû savoir mieux qu’ailleurs utiliser ses charmes, elle se retrouve démunie en comparaison à la séduction ondulante de l’Ondine, face à fascination mordante que provoquait Rexanne, par rapport à la grâce de l’Aveugle… Et surtout, elle est de plus en plus anxieuse, ou fascinée, par ce qu’il va lui arriver ce soir, et par la personne qui en sera la cause.


Bonsoir à vous, belle nymphe. Je suis Esemyr d’Alcée, et veuillez me croire à jamais votre zélé serviteur, si toutefois vous pardonnez l’impudence qui m’a poussé à laisser ces pauvres mots s’échapper de mes lèvres.

Lèvres qu’il a fines, et douces si elle en croit la sensation qui persiste sur le dos de sa main. En habitué, le rose se précipite jusqu’à ses pommettes, y creusant sa douce place au milieu des légères taches rousses qui les habillent en temps normal.

Il n’y a là rien à pardonner… je m’appelle Demetria et n’ai nul besoin d’un serviteur. En revanche, Esemyr, je ne refuse pas une conversation.

Léger sourire qui vient fleurir sur ses lèvres alors qu’elle glisse au bas de son tabouret pour se tenir face à lui, le jade ancré dans les saphirs qui la sondent. D’un geste flottant elle désigne les sofas, dans les recoins, les alcôves cachées derrière les rideaux, le bar et ses tabourets hauts, les sièges confortables autour de tables basses parsemés autour du salon… Pupilles interrogatrices.

Et s’il vous plait de me l’accorder, où souhaiteriez-vous la tenir ?

Le rose s’affaiblit légèrement, chassé par un sourire qui s’élargit. Et sous les boucles rousses, l’imagination travaille, s’affaire, les questions de nouveau se bousculent. Serait-ce l’éphèbe qui remportera les enchères ? Aurait-elle sous les yeux celui qui partagera sa première nuit de femme ?

__________________
pnj



Le coche fit arrêt dans la rue venant des beaux quartiers de la capitale. Messire Louis était de sortie comme chaque fois qu'une belle affaire se montrait. Il avait ouie dire par le fils d'un ami, lui même étant le lointain cousin d'un parent du côté de sa tante Gertrude. Il avait donc su que se tenait ce soir précis des enchères intéressantes en cet établissement. A son âge il avait conservé belle prestance et bien qu'il ne soit plus de prime jeunesse, il avait le sou qui fait souvent défaut aux jeunots pimpants.
Il avait perdu son épouse un an plus tôt et décidé la veille de s'offrir un peu de fraicheur. Puisqu'on la vendait pour pas trop cher et qu'il était sourcilleux en matière de qualité. Il descendit du carosse, vouté mais richement vétu, le crane habillé d'un couvre chef avantageux. Il n'avait guère plus la chevelure de ses vingt ans mais il avait du maintien et de l'allure. Tout pomponné pour l'occasion et il ne doutait pas de remporter la mise.
A vue de quartier, il aurait la partie facile puisque du tout Paris il était le bourgeois le plus riche. Mais tout d'abord il voulait voir la marchandise.
Messire Louis n'avait pas l'habitude de gaspiller pour du chiquet frelaté, il était difficile et retors en affaires.
Il se redressa dans un craquement dorsal, ordonnant à son équipage et autres gens d'escorte de l'attendre, toisant la rue pauvrette et dépité de salir ses belles bottes de cuir neuf à fouler ces pavés suintants.
Et son coffret sous le bras il s'en fut découvrir l'établissement dont on disait qu'il constratait avec le quartier. Une adresse connue dans le tout Paris et dont le nom se murmurait loin des oreilles maritales. Point s'en vente l'époux qui tient à la paix de son ménage.
Il entra donc, la maturité bien avancée avec son air de commerçant avisé, une grande expérience de la vie forcément. Et riche comme Crésus.
Ses yeux scrutateurs fouillèrent la salle alors qu'il prenait place à une table.
Une fois bien installé, il attendit qu'on vienne prendre sa commande en continuant son observation, lorgnant sur quelques déshabillés négligés, affriolants. Un sourire égrillard détendit son visage, soudain il se sentait trente ans de moins. Il allait s'en payer une bonne tranche.
C'est là qu'il l'aperçut..Dire que les bras lui en tombèrent et que les yeux lui sortirent des orbites est peu dire.

Au bar en conversation avec un jeune maniéré.. Et visiblement souffrant d'un ennui profond..Tout bon pour lui ça, quoiqu'il douta que la joliette aie au final son mot à dire.
Louis avait vingt ans soudain! Revigoré à la vision, il tapota son coffret. Confiant et tout émoustillé! Où était donc la patronne ? L'affaire était entendue Louis avait décidé que la demoiselle était un bon investissement.
Une pouliche pareille! Pourvu que se soit ELLE!Et de penser pour lui même

"Hihihi, bibiche t'as trouvé preneur! J'ai beau me souvenir, même la Germaine n' a jamais pu se vanter d'avoir une croupe pareille"

Louis s'y voyait déjà, chevauchant comme gaillard la demoiselle qui bien sûr s'en trouverait ravie! C'était le contrat, point de niaiseries. On tenait un bordel ou pas.
Sirlapinus
La belle tenancière posa le verre devant moi, ma bourse retourna trouver sa place au chaud sous ma cuirasse, bien a l'abri de mains trop agile.

Merci bien Rexanne, et à la tienne...mmm.... à la votre...

Elle avais déjà tournée les talons, pas grave, je ne me suis jamais formalisé pour ce genre de chose, ce n'est surement pas ce soir que ca va commencer.
L'homme effémine a attaqué son manège avec la petite rousse. Encore une! C'est un nid a sorcières ce bordel, dite moi.
Un vieux avec un coffret a fait son entrée, visiblement pour la même fille, si j'ai bien compris, le plus riche aura sa vertu. Jolie coup pour renflouer les caisses.
L'encapuchonne et les autres n'ont pas l'air de s'en occuper, la nonne a l'air dépité.
Le plus marrant est celui qui fait la cours Rexanne, pauvre vieux.

J'attends toujours la patronne, enfin la maitresse des lieux, mais je devrais sans doute attendre la fin des jeux...
Vivons heureux, vivons caché! Cet adage m'a sauver plus d'une fois de situation bien peu glorieuse, ou m'a évite de bien mauvaise rencontre. Ce soir encore je vais l'appliquer.

Je recupère mon manteau, mon verre et je me dirige vers une banquette fort confortable un peu en retrait dans le renfoncement d'un mur. Des tentures pourpres pendent du plafond et disimule un peu plus l'endroit ou je m'installe sans pour autant que je perdre de vue une bonne parti de la salle. Attendons le bon vouloir de la reine des abeilles et imprégnons nous de l'ambiance de l'endroit.
--Obscure
Obscure écoutait avec attention la petite qui la fascinait. La servante ne se serait jamais cru capable d'éprouver de la tendresse et de l'affection pour une enfant. Elle l'écoutait tout en finissant son travail. elle souriait à chaque mot que la petite disait. Obscure désirait secrétement que laSuccube permette à la fillette de rester. L'enfant d'ailleur un joli nom et semblait bien serviable et gentille. La servante savait qu'elle ne se plaindrait pas et écouterait. Cela ferait de la compagnie à Obscure qui en avait bien besoin étant donné que Thorvald l'avait délaissé. La jeune femme c'était vraiment attachée à la gamine. Elle n'avait jamais ressenti ce sentiment si doux et qui offrait du bonheur. Elle rit à la phrase d'alice sur le bon Dieu. à la Cour des miracles personne ne croyait en Dieu. Non on ne pouvait pas croire avec tous ce qui se passait dans ce monde. Alice se mit à bailler et lui demanda si elle pouvait aller dormir. Obscure lui sourit et trouva bien drôle de se faire appeller Madame. la servante lui répondit:

Premièrement Alice appelle moi simplement Obscure. Ai-je l'air d'une madame? Cela m'étonnerait. Deuxièmement, je peux bien te trouver une petite place confortable. Troisièmement tu n'iras pas dormir sans te changer. Demain, nous irons à Paris ensemble te trouver de quoi et peut-être que Thorvald voudra venir avec nous. Viens ce soir tu dormiras dans ma chambre si cela te convient. Demain on te trouvera bien une pièce pour toi. Suis moi c'est juste en haut. Tu verras ce n,est pas bien grand, mais confortable. Il y a de la place pour deux tu peux me croire. Demain, je viendrais te réveiller lorsque j'aurais fini mes tâches, à moins que tu tiennes à m'aider, mais tu n'es pas obligée. Je ne t'obligerais jamais à faire quelque chose que tu ne veux pas faire. Bon montons avant que tu ne t'endormes sur le bancs.

Obscure fit signe à l'enfant de la suivre et elles montèrent les escaliers et arrivèrenent à la chambre de la servante. La jeune femme poussa la porte et elles entrèrent. Il y avait là un lit une malle et une petite table. Obscure alla vers la malle et sortit une chemise Blanche assez longue pour couvrir la fillette et la déposa sur le lit. la servante de la Rose lui dit:

Tu peux mettre cette chemise pour dormir et demain nous en trouverons une à ta taille. Il y a de l'eau sur la table pour te laver un peu. Je crois que tu es assez grande pour te préparer seule. Je vais redescendre en bas, car je n'ai pas fini mon travail. S'il y a quelque chose je suis à la cuisine ou dans la grande salle. Dors bien et n,hésite pas à venir me voir si tu as des problèmes. Bonne nuit.

Obscure sourit à Alice avant de refermer la porte et redescendit aux cuisines. La servante se dit qu'elle devrait prévenir La Succube pour la fillette. Elle sortit et alla dans la Grande salle.Il y avait beaucoup de monde et La Succube était occupée. Elle attendit donc près des cuisines son petit monde à elle. Elle scrutait de ses grands yeux bleus tout autour...
--Esemyr
Rose comme ce lieu de plaisir. Rose comme la liqueur qui lui a suavement réchauffé la gorge. Rose comme les joues de la jeune vierge. Couleur qui mêle pureté et violence, blanc et rouge, âme et sang, nuées et enfers. Couleur qui gagna sa place, comme une liquide renversé sur une nappe, entre les tâches de son qui parait les pommettes de la belle, telles de fines gouttelettes dont on l’aurait arrosée. Le vert de l’océan cachait mal le déchaînement du flot de ses pensées. Elle ne sut quel visage arborer, éclairs fugaces qui se succédèrent comme autant de masques aussitôt rejetés. Loin d’être idiote, elle savait déjà qu’un jeu de dupes se jouait ici, où l’un et l’autre devraient découvrir leur nature réciproque, se savoir, se tester, chercher à apprendre si, oui ou non, leurs corps se réclameraient, et plus encore si leurs esprits se désireraient.

Il n’y a là rien à pardonner… je m’appelle Demetria et n’ai nul besoin d’un serviteur. En revanche, Esemyr, je ne refuse pas une conversation.

Et s’il vous plait de me l’accorder, où souhaiteriez-vous la tenir ?


La voilà qui sourit, puis qui sourit plus encore. Ô dieux, en quelle circonstance fussiez-vous assez fous pour créer là tant de beauté ? Et permettre telle perfidie qu’en un visage que l’on croyait aux plus extrêmes limites du sublime puisse naître radieux et épanoui, un croissant de lune écarlate faisant fi de nos basses certitudes pour rayonner d’une beauté plus éclatante encore ?

Il me plait, charmante Demetria, il me plait et mille fois plus encore. Et bien que ma première intuition eût été de vous laisser guide quant au choix du lieu, n’étant moi-même qu’une pauvre âme perdue ici, et ne sachant rien ni des alcôves ni des recoins ni des codes à respecter, et de vous enjoindre de considérer que je ne fus qu’un pauvre aveugle en ce bas monde qui n’eut d’yeux que pour votre beauté, seule vision au demeurant qui vaille la peine de jouir de la vue, je vais faire un choix, juste pour avoir l’impression que votre pouvoir ne m’a pas encore totalement réduit à votre merci.

Esemyr balaya la pièce d’un regard désinvolte et à la lenteur calculée avec une précision qui confinait à l’extrême cruauté, afin de faire monter au maximum une fébrile attente dans les prunelles noyées d’interrogations intimes et connues d’elle seule de la belle Demetria. D’elle seule, bien qu’Esemyr en devinait aisément si ce n’était le fond, au moins la forme. Il passa sur les alcôves discrètes, coupées du monde par de lourdes et langoureuses tentures, laissa planer son regard sur les petites tables autour desquelles se prosternaient, comme autour d’une déesse de bois, des sièges assortis de confortables coussins, détailla quelques longues secondes le bar, ses tabourets, en profitant au passage pour se tenir au courant de l’évolution de la situation de la tenancière à la beauté ravageuse aux prises son aimable soupirant, puis jaugea la douceur du velours des sofas qui attendaient impatients de pouvoir honorer et épouser les délicieuses courbes féminines qu’ils accueilleraient sans nul doute au cours de la soirée.

Vous me prendrez sans doute pour un machiavélique stratège, belle nymphe, mais je crains que si nous nous isolons de suite et sans autre forme de politesse envers votre magnanime maîtresse, elle ne le prenne plutôt mal. Ce qui serait fort maladroit de ma part, vous en conviendrez. Le bois du comptoir est déjà fort occupé par d’autres marivaudages, je m’en voudrais d’aller y mettre le moindre grain de sable. Il nous reste les sofas ou les tables basses. Je dois avouer que j’ai la gorge sèche, aussi les tables me paraissent être un excellent choix pour commencer cette soirée qui s’annonce pour le moins délicieuse.

Sur un élégant geste de la main, Esemyr invita la belle aux cheveux de feu à choisir sa table, surprenant du coin de l’œil l’entrée d’un vieillard qui semblait plus excité qu’un puceau s’apprêtant à téter une femme autre que sa mère. A surveiller. Il ne suffit que deux ou trois à regards à la dérobée pour qu’Esemyr le jugeât suffisamment riche, imbu de lui-même et arrivant en terrain conquis pour le juger dangereux concernant la fleur de Demetria. Pas seulement pour ses projets propres, mais également pour gâcher la première nuit de la belle qui, au premier contact, ne le méritait assurément pas. Belle à laquelle Esemyr revint avant qu’elle n’aille s’installer à l’une des tables basses.

Quel délicieux nectar aurait l’honneur de pouvoir caresser vos jolies lèvres, oiseau de feu ?

Une fois la réponse de Demetria parvenue jusqu’à lui, il alla en faire la demande à Rexanne, pour qui il déposa une nouvelle fois une poignée de pièces d’or sur le comptoir.

Grand merci, maîtresse des boissons. Que la soirée vous soit douce.

Sur ces mots, accompagnés d’un sourire sincère, autant qu’un sourire pouvait l’être sur le visage de la Salamandre endormie pour l’heure, Esemyr parcourut la courte distance qui le séparait de la table choisie par la nymphe enflammée. Il y déposa leurs deux coupes, et s’installa à ses côtés. Prenant son verre et le levant avec une délicatesse toute naturelle, ou presque, il dessina sur ses lèvres un nouveau sourire, adressé à la jeune fille.

A votre beauté, belle Demetria, pour laquelle, je vous l’assure, des royaumes entiers brûleraient d’un désir des plus ardents.

Le rose gagna une nouvelle fois ses joues, donnant à son visage exquis une teinte plus adorable encore. Le cristal de leurs coupes tinta quand elles se rencontrèrent, et Esemyr laissa flotter son sourire, jouant quelques secondes de ses yeux dans les siens, confrontant les reflets violets de ses iris au vert océan qui noyait ses prunelles. Fini de tourner autour d’elle sans oser aller chercher la vérité. Ses yeux cachaient-ils un esprit aussi délicieux que le promettaient l’éclair fugace qui les avait illuminé à quelques reprises depuis leurs premiers mots l’un à l’autre ?

Dites moi, nymphe des flammes, si vous permettez à mes mots l’audace d’effleurer votre peau, d’où veniez-vous avant de trouver ce refuge parfumé ? Car si j’en crois les rumeurs et quelques menus détails qui sont venus chatouiller mes pauvres prunelles bien peu perspicaces avant que votre beauté ne les illumine, vous n’appartenez que depuis peu à cet établissement.
Thorvald_
Thorvald, les bras croisés sur son torse fier, guettait les allées et venues, les ombres dans la nuit. Inconnus glissant sans bruit vers la Rose. Loin des regards parisiens. Prêts à tous les risques pour atteindre le cœur chaud et accueillant du plus sulfureux des bordels des Royaumes. Du premier coup d'oeil désormais, il devinait l'habitué. Il s'amusait à observer l'approche, assurée ou hésitante. Tantôt empressée, précipitée, tantôt lente et sournoise. Comme autour d'une femme, chacun avait sa stratégie, consciente ou non. Mais tous, dans leur assaut de la Rose Pourpre, dévoilaient leurs pensées profondes, leurs craintes. Aucun ne passait la porte sans avoir laissé un peu de son âme au regard du gardien impassible.

Le vieux qui entra, serrant contre lui son coffret, ne dérogea point à la règle.

Un dernier regard sur la rue, et Thorvald referma la porte derrière lui. Il était fort tard, mais il laissa la chandelle éclairant l'entrée, signe que la Rose était encore ouverte, toujours prête à offrir ses charmes, patiente, généreuse et chaleureuse. Douce comme l'intérieur d'une cuisse.

Prévenant, il s'assura discrètement que rien ne perturbait la soirée. Il chercha des yeux l'encapuchonné qui avait d'abord éveillé sa méfiance, mais il se faisait toutou aux pieds de l'incomparable Succube. Un jeune timide s'était abrité dans une alcôve. Demetria suivait l'homme au regard troublant. Tous les yeux étaient tournés vers elle. Tous sauf ceux de Dusaan qui avait encore réussi à s'infiltrer et ne tarderait certainement pas à servir de serpillière au bar, sous le pied vainqueur de Rexane. Jane s'était murée dans son silence, mais il savait que le premier à la faire parler succomberait à sa voix particulière. La délicieuse Line s'approchait de la Succube ... qu'allait-elle lui dire ?

Les voix étaient feutrées, enveloppées par les tentures et les voiles. Tintements de verres ou de bouteilles éveillaient ça et là le ronronnement ambiant. Le parfum étourdissait les sens.

Sans quitter Line des yeux, Thorvald prit place auprès de Jane et s'adossa au comptoir, glissant négligemment un bras derrière elle, frôlant sa chevelure d'ébène. Silence ...

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X
Rexanne
Le consentement à peine donné qu’elle esquisse déjà un geste en direction de deux nouveaux verres, ayant pour eux le projet de les emplir du nectar épicé à la couleur de sang. Geste qui est suspendu quelques fragments de seconde alors que « d’autres douceurs » sont évoquées… Haussement de sourcil surpris avant que le geste débuté n’achève son déroulement, et regard amusé qui se pose sur un Dusaan qui semble déjà regretter que la phrase ait franchi la barrière de ses lèvres. Flattée elle est de constater que le regard gêné se perd plus bas que dans son regard pour fixer plutôt ceux à qui trop souvent les hommes font la conversation.
Ce corset rempli donc parfaitement son office en mettant ses courbes impeccablement en valeur afin de faire encore davantage saliver la gente masculine : le trouble de Dusaan est évident. Satisfaction.
Une main qui se tend, fébrile. D’un œil vigilent la brunette la suit, les muscles tendus parés à toute éventualité… osera-t’il ?
Et puis non. Elle se détend imperceptiblement alors que la main curieuse échoue docilement vers le bas du corset, frôlant la fine dentelle noire qui l’ourle avant de se replier. Indulgente, elle passe outre l’audace déjà que ce geste représente, se contentant d’un regard empli de reproches mêlés au défi, et achève de servir l’hypocras pour en déposer un verre devant lui. La boisson l’occupera, quelques instants de répit offert à cet esprit tourmenté.

- Vous ... avez fait des frais, cette toilette vous va à ravir.

D’un sourire, elle le remercie, laissant glisser une main le long de son ventre, en tournée d’inspection, comme pour se rassurer sur la véracité des propos. A son comportement elle l’avait déjà vaguement compris pourtant que ce bustier faisait merveille, nul besoin des paroles donc, même si il était toujours agréable de s’entendre confirmer ce dont l’on se doute.

Pièce d’or qui s’avance à sa rencontre, comme on tend un morceau de pain pour approcher un cheval encore sauvage, tandis que les prunelles de son interlocuteur ont enfin su retrouver le chemin de ses onyx et s’y ancrer. Naturellement, elle avance la main pour récupérer le paiement, frôle la main du client et la ramasse, avant de faire de même avec les pièces que l’homme au langage aussi habile que le Renard venait d’abandonner un peu plus loin sur le comptoir. Rose ou pas Rose, on reste aux Miracles, et l’or ne doit pas trainer trop longtemps à la vue de tous. Un sourire à son départ et d’un œil moqueur le regarde un instant approcher de sa jeune et magnifique amie. Le hasard de vos pas fait décidemment bien les choses on dirait doux sieur !

Revenant à Dusaan, elle distille un nouveau sourire avant de lever d’une main légère le verre d’hypocras qu’il lui a offert.


– Et en quel honneur désirez-vous boire Dusaan ?

Ce regard qui ne la quitte pas… Elle avait l’habitude d’attirer les regards et en jouait… Mais celui-ci, insistant et empli d’envie était… troublant ? Et puis au fond, tout au fond des prunelles… serait-ce un éclat de gentillesse que l’on pourrait voir ? Là, juste à coté de celui de la folie…

Du coin de l’œil, une nouvelle entrée. Un vieux précieux à l’expression perverse, jetant des œillades concupiscentes autours de lui et s’attardant sur Dem’… Un nœud qui se forme en son sein, sournois… Typiquement le type d’homme trop peu attentif à sa partenaire pour qu’il soit le légitime acteur de la très importante « première fois » ! A garder à l’œil…
--Demetria.
Bien qu’elle ne doute pas réellement de la réponse d’Esemyr, après tout c’est lui qui est venu la chercher au bout du bar où elle s’était réfugiée, elle est surprise du discours fleuri qu’il lui offre d’une voix douce qui vient résonner en elle, attisant le rose. Tout comme sa réflexion et son regard qui balaie la salle réveillent dans le vert de ses prunelles la curiosité, l’envie, et même une pointe d’impatience. Elle décèle sur les traits de l’homme qui se teintent d’un reflet mutin le léger amusement qu’il ressent à la faire languir ainsi.
Et de nouveau cette voix qui flotte entre eux, les mots qui coulent, qui lui semblent si naturels, et qui résonnent si mélodieux à l’oreille de la Vierge. Jamais on ne lui a parlé de la sorte. Chaque phrase luit comme un joyau trop longtemps enfermé, comme un poème qu’il déclame, sans en avoir l’air, mais pour ce qui est de l’intention… Les émeraudes ne quittent pas le profil de son partenaire, cherchant à percer sous les traits qui se présentent à son regard intrigué le passé, le présent et les pensées d’Esemyr.

Sans gêne aucune elle le détaille. Sans aucun doute elle sera démasquée, et peu lui chaut à vrai dire. Il s’est avancé, il est là, il sait qu’il sera étudié, disséqué, par le pers qui n’a de cesse de percer les mystères de ceux qui passent la porte de la Rose, d’autant plus ceux qui la regardent… Alors qui viennent lui parler …
Les raisons qu’il donne pour choisir une des tables basses qui parsèment le salon lui paraissent sensées mais également incongrues. Elle s’en moque. Ce qui l’intéresse ? La conversation… La façon qu’il a de s’exprimer, pesant chaque syllabe, la prononçant comme si c’était celle qui portait toute la phrase… Dire quelque chose qui tiendrait en quelques intonations en le faisant durer, le prolongeant en tout un discours, jouant des mots, de leur sonorité, de leur allure, jusqu’à charmer la Pucelle, jusqu’à l’entrainer dans la danse de ses paroles. Les compliments ne sont pour elle que decorum… Qu’il pourrait dire à chacune d’entre elles. Elle ne prête intérêt qu’à la manière… Pour l’instant.

Il se décide enfin… Attente qui aura paru longue à celle qui pourtant ne fait qu’attendre. Il a choisi les tables, joliment sculptées, avec des chaises basses, des coussins hauts, de quoi s’installer confortablement sans pour autant être assis au sol, ou caché dans une alcôve… Un choix qu’avant lui Belombre avait fait. Et le sourire se forme de nouveau sur les lèvres de la belle. Avant même qu’elle n’ait pu s’avancer vers celle qui lui semblera la meilleure, Esemyr lui demande ce qu’elle désire boire, elle lui répond espièglement que Rexanne saura choisir ce qui lui convient le mieux.

Tandis que l’éphèbe, tel qu’elle se plait à le surnommer en son fort intérieur, s’en va passer commande au bar, elle se dirige d’un pas mesuré vers le futur lieu de leur palabre. Ce faisant, elle jette un œil, en Pétale averti, vers la porte, qu’elle voit franchie par un vieillard libidineux auquel elle adresse par réflexe un sourire, un de sa panoplie de sourires obligés, un qui sonne si fade en comparaison de certains qui viennent s’éclore sur ses lèvres purpurines. Avant de s’en désintéresser aussitôt, occupée qu’elle est à marcher jusqu’à sa table.
Déhanchement à peine marqué, si ce n’est par le froissement de l’étoffe sur ses hanches rondes mais encore si juvéniles, par le balancement de la mèche échappée qui frotte sur son dos dénudé, par le haussement alternatif des menues épaules. Elle sait où elle veut être et se place en conséquence.

Dans le coin à gauche du comptoir… De là, elle garde un œil sur la porte, sur le bar, sur la salle. Demetria ne quitte pas son role d’observatrice. Elle sait choisir l’emplacement… Et l’attend sans ciller, suivant des yeux la silhouette alors qu’il va près de Rexanne commander les boissons. Et le temps qu’elle les prépare. Œillade échangée furtivement entre la brune et la rouquine qui se connaissent comme depuis toujours lui semble-t-il. Avant que les émeraudes de nouveau n’effeuillent la silhouette longiligne d’Esemyr.

Qui est-il ? Pourquoi est-il là ? Les manières, le langage, tout désigne un homme d’éducation, et pas la moindre. Ses vêtements richement cousus, les gestes, les sourires, le regard… Sa voix, la façon de poser les mots, de les aligner comme les perles sur un chapelet… Elle se demande qui il est, d’où il vient, ce léger accent…
Favori à la cour de l’Empereur peut-être, ou d’un comte italien, elle a entendu dire qu’ils étaient « précieux » en Italie… Au milieu des jardins il flâne, inconscient des soucis de ce monde et de l’autre, à la recherche de lui-même et de rien d’autre… Enseignant pourquoi pas ? Précepteur du fils d’un Prince lointain, qui se serait perdu à la Cour des Miracles… Un Français en mal de reconnaissance, un Hongrois en perdition ? Tout et rien lui traversent l’esprit pendant les quelques minutes qu’il faut à son partenaire d’un instant pour arriver à leur table.

D’un sourire elle l’accueille, et d’une menotte bien pâle elle récupère son verre. Inclinaison polie de la tête. Sa chaleur elle peut la sentir, parce qu’à ses côtés il est, plutôt que de choisir la place qui lui fait face. Sentiment mitigé, emmêlé… Contente et en même temps… Mal à son aise, comme perturbée par une proximité qu’elle a du mal à gérer. Le jeune homme à qui elle vient d’inventer une vie de jeune premier, pourquoi donc se retrouve-t-il assis à ses côtés ? Il pourrait en avoir des femmes, sans nul doute en a-t-il connu plus que son compte… Pourquoi venir à la Rose ? Pas pour elle, pas pour sa virginité, étant donné les airs qu’il a eu en arrivant. Les bribes des paroles de Rexanne qu’elle a perçues. Pourquoi donc… ?
Il trinque à sa beauté, elle lève son verre poliment, elle sourit, le rose sur ses pommettes la trahit, satanée chaleur qui vient ponctuer ses joues…



Dites moi, nymphe des flammes, si vous permettez à mes mots l’audace d’effleurer votre peau, d’où veniez-vous avant de trouver ce refuge parfumé ? Car si j’en crois les rumeurs et quelques menus détails qui sont venus chatouiller mes pauvres prunelles bien peu perspicaces avant que votre beauté ne les illumine, vous n’appartenez que depuis peu à cet établissement.


Haussement de sourcil incrédule tout d’abord. Avant que les mots, chacun prononcé avec tact, ne la pénètrent pour s’ancrer et l’interdire. Heureusement que ses lèvres n’ont pas encore gouté le breuvage, parce qu’elle s’en serait surement étouffée. De toutes les questions qu’on lui a posées ici, celle là est la plus… Indiscrète et inopportune. Personne encore à la Rose ne lui a demandé d’où elle venait. Personne. Il serait peu dire que Demetria ne tient pas particulièrement à ce que cette coutume change.
Le vert se fait méfiant, le pers suspicieux alors qu’elle fixe son compagnon d’un autre œil. Envoyé ? Par qui ? Pourquoi ? Elle a quinze ans ou presque maintenant, pourquoi la chercher ? qui est-il ce sieur aux manières si prononcées ? Et qui s’enquiert du passé d’une Pucelle dont la virginité est vendue aux enchères ?


Effectivement je ne suis pas Pétale depuis longtemps… Mais parmi les Roses je me trouve aujourd’hui.
Pourquoi savoir d’où vient le pied d’où fleurit le bourgeon ? Quel intérêt pour vous, bel éphèbe, de savoir où est née la Rose qui n’a éclot que pour régaler de vos prunelles, que pour ébahir vos sens, que pour votre plaisir ?


C’est que pour l’instant, le passé reste enfoui… Il n’est pas si secret, mais le dévoiler à la première question venue… quand même. Il ne faudrait pas exagérer… Elle ne résistera pas longtemps aux prunelles inquisitrices de son vis-à-vis, encore moins à son parler délicat, sans même parler de ses gestes mesurés, de ses manières délicates… Mais elle s’économise… Bavarde, elle sait l’être. Seulement il a posé la seule question qui ne l’avait jamais été.
Et elle lui sourit. De ce sourire qui désarmerait des bataillons avertis, de ce sourire qui ferait se couler une Armada… Doucement, elle lui sourit.


(un merci à Vivaldi, et à la Violette qui trouvera surement que je ne lui rends pas assez hommage dans ce post... )
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pnj



rHAA ce sourire! Louis a une touche avec l'objet de son désir, sa lubie subite, son caprice, ce jouet de première main qu'il espère bon marché quand même! Il se rengorge dans son fauteuil, libidineux forcément sinon pourquoi venir au bordel ? Les cours de broderies peut être ? Que nenni! On y vient trousser la gueuse parfumée et changer la routine cojugale, meubler un veuvage, jeter sa gourme, on y vient pour s'offrir du bon temps diantre!

Il savait que son élégance naturelle et vestimentaire, associée à sa maturité fièrement assumée plairait. Il y va de son clin d'oeil grivois et qui se veut affable, ne doutant pas de son charme alors que la mignonne suit le bellatre à une table..Les femmes même celles qui ne le sont pas encore sont de fins stratèges...Il a un petit sourire qui veut dire "je suis pas dupe", elle lui fait le coup de l'indifférence maintenant l'accroche faite!
Sacrée donzelle qui sait faire monter la mayonnaise comme les enchères! S'asseyant à cet endroit d'où on ne peut que la voir, l'admirer, avoir soif! Crénom le personnel est lent, la diligence, la diligence est une vertudans le commerce.
Mais de ce côté là Messire Louis n'est pas dépourvu et a du répondant matériel.. Et les yeux qui peinent à rester dans leurs orbites, cette démarche, il déglutit longuement sur le passage, étonné qu'on vienne pas prendre sa commande!
L'aurait on mal renseigné sur cette maison où le client était soi disant bichonné aux petits oignons, choyé, sollicité à vider sa bourse dans tous les sens du terme ? Il est là pour dépenser qu'on vienne donc l'aider!!

D'ailleurs parlant de faire monter la mayonnaise, à son âge, il faut battre le fer tant qu'il est chaud aussi, en commerçant avisé il a repéré celle qui a le maintien patronesque. Il est assez fin physionomiste pour reconnaître l'autorité légitime ans un port de tête, une attitude.
Le coffret sous le bras il va causer directement à la proprio, ne dit on pas qu'il vaut mieux parler au bon dieu qu'à ses saints.
D'ailleurs en parlant de seins, qu'on essaie pas de lui refiler cette sèche bonne femme au teint d'asperge rance. Il en faut pour tous les goûts mais quand on a sa position sociale, on peut légitimement se payer ce qu'il y a de mieux.
Ne dit on pas que les chaussures qui sortent de son ateliers se vendent prix d'or et c'est vrai! Cuir de grands prix, pierres fines, lacets d'or tissé, ses ouvrières se plie en quatre, en mille pour satisfaire une clientèle riche, exigente, capricieuse. Et satisfaire à toutes leur demandes, même les plus farfelues.
Il salue obséquieux mais l'oeil vif et intelligent. Remarquant ceuxqui s'agglutinent, des concurents si ça se trouve! Il décide d'agir vite et de couper court. Il peut. Font suer ces jeunes à vouloir payer pour des faveurs qu'ils peuvent obtenir facilement! Qu'on laisse les catins aux nécessiteux et au diable les adonis! Payer avant la quarantaine c'est du vice!


Mes hommages dame, Messire Louis...j'offre le double de ce qui a pu être offert pour l'enchère en cours..

Voilà qui est dit, Messire Louis se présente, son nom est reconnu et sa réputation n'est plus à faire. I lest possédé par l'enjeu en cours, cette nuit il fera des folies, c'est la fête. A lui la fifille!

Gnignigni!!

Petit rire nerveux d'enthousiasme et d'anticipation.
Qu'on se presse de conclure l'affaire, la mignonne est impatiente il le sait! Un sourire pareil! Puis Messire Louis est chaud bouillant, mais le problème quand on atteint son âge vénérable c'est que ça ne dure jamais longtemps!
Lyhra
Elle s'obstinait à garder les lèvres pincées en une mince ligne d'horizon offusquée.
La Succube l'observait en battant des cils, retenant à grand peine un rire moqueur, vaguement impatiente tout de même, impatiente de recueillir les enchères et que cette soirée tant attendue tienne ses promesses.

Laissant la sécheresse faite femme reprendre ses esprits au milieu de tant de chairs offertes, la Rousse laissa son regard caresser la grande salle à grands coups d'oeil fiers.

Elle ne manqua de remarquer, d'ailleurs, celui qu'on avait jeté sur le pavé pas plus tard qu'il y avait quelques heures et pria le ciel (ce n'était qu'une expression) qu'il n'aille pas, l'alcool de Rexanne aidant, recommencer à agacer tout le monde avec sa verroterie ou elle le prendrait elle même par le fond des braies pour l'aller jeter à nouveau là où on ne le verrait plus.
La peste soit de ces hommes qui avaient une idée fixe au point de n'en vouloir démordre !

Puis, une coulée fraîche emplit un coin d'oeil, c'est Line qui approchait une demande à la bouche, qu'elle ravala aussi sec, le regard fixé sur la fâcheuse muette.

Oui ? Aurait elle voulu dire à celle ci.
Mais rien ne sortit de sa gorge tant le vin assortit de sa potion l'avait râpé.
Elle toussa, discrètement, perdant le compte de qui entrait ou sortait, faisant confiance à Thorvald pour orchestrer parfaitement le ballet sans mauvaises surprises, surprenant parfois quelques regards à elle seule adressés et dont elle comprenait la teneur.

L'un vint jusqu'à elle.
Il n'était plus très frais mais paraissait avoir les moyens de se payer ses fantaisies.
Bien sur... elle espérait pour Démétria un homme point trop fait et aux aux fesses point trop ridées mais... il fallait qu'il ait de l'or en suffisance. Ce n'était pas avec des joues fraîches qu'on allait remplir ses coffres !


Messire Louis... un nom d'emprunt sans doute,
il me plaît de vous voir si ardent à dépenser votre pécule répondit elle aussitôt à l'offre généreuse mais comprenez que je ne puis révéler l'enchère en cours,
Pardi ! Elle préférait qu'il dévoile jusqu'où allait ses prétentions !
Annoncez donc votre offre plus précisément je vous prie. Un billet suffira si vous ne souhaitez le faire savoir à haute voix lui offrit elle en souriant, fine mouche.

L'une de ses mains tenait toujours la coupe de vin presque terminée, l'autre vagabondait près de la manche d'une bure aussi noire que la nuit.

La nuit tous les chats sont gris et l'argent n'a pas d'odeur...

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--Dusaan


Cette main ...

Dusaan couvait du regard la main qui s'agitait, sensuelle, sur le ventre de la serveuse, signe de féminité s'il en est. Signe de maternité promise ou de grande faim ? C'est pour mieux te manger mon enfant ?

Elle vérifiait la position du vêtement qui galbait parfaitement ses courbes. Elle avait changé depuis le matin. Plus en beauté artificielle, plus parfumée, plus apprêtée. C'est que ce soir, elle tenait le bar, elle représentait la Rose, offerte à la vue, mais dérobée aux mains des clients.

La beauté pure et intouchable. Pour lui, rien que pour lui ! Même le grand gars d'hier n'était pas revenu. Il avait dû être repoussé : bien fait !

La main se tendit vers lui, approcha. Allait-t-elle le toucher ? Allait-t-elle le prendre au col et lui apprendre la vie pour son insolence folle ? Non. La main prit la pièce, frôlant sa main au passage, et se préoccupa un instant d'un autre client.

Le contact rompu irriguait ses veines comme un poison violent. Il leva sa main, renifla ses doigts rêvant d'y détecter le moindre parfum de la douce. Son empreinte olfactive ne pouvait qu'ensorceler ses sens, tant il était persuadé qu'ils étaient destinés l'un à l'autre. Une odeur de vanille qui ne pouvait pas être imaginaire : c'était elle !

Sans se préoccuper de ceux qui le regardaient peut-être, il porta à sa bouche les doigts qu'elle avait touché, et goûta. Quand il rouvrit les yeux, elle le regardait et disait :


– Et en quel honneur désirez-vous boire Dusaan ?

Il reprit un air détaché et baissa lentement la main pour l'essuyer à ses braies. Hum, elle n'a rien vu, pensa-t-il comme pour s'en convaincre, et il étouffa un rire nerveux.

Il fallait choisir un thème, une idée, peut-être le sujet de leur conversation à venir. A votre animal de compagnie ? Non, c'était plat. A votre virginité ? Non, c'était inconvenant. Et puis elle avait dit qu'elle n'était plus, même si Dusaan restait persuadé du contraire. A notre règne ? Non, c'était précipité.

Il la regarda dans les yeux, sondant ses profondeurs, et laissa s'égrainer les secondes en une contemplation quasi mystique. Puis il reprit ses esprits et déclara :


A vous, douce Rexane. A votre abnégation. A votre altruisme. Cette jeune femme est votre œuvre. Vous êtes une sainte. C'est grâce à vous que ce soir tous la regardent avec admiration. Quand moi, je ne vois que vous. Je vous ai croisées dans Paris ... Je vous ai suivies. Vous n'avez que trop peu pensé à vous ! Pourrais-je vous y mener demain, pour vous offrir les mille trésors que les halles renferment en leur sein ?

Sans la quitter des yeux, il leva le verre, attendant qu'elle ose y faire tinter le sien, enfreignant à son tour la frontière du comptoir.
--Esemyr
Petit sourire étira le coin de ses lèvres. Il ne put, ne voulut, surtout, pas l’empêcher de naître. Sa question avait été fort directe, et surprenante de surcroît, pour une jeune fleur à peine épanouie, qui n’avait pas dû souffrir de beaucoup d’égards au cours de sa vie. Mais elle s’était sortie brillamment de la position délicate dans laquelle il s’était amusé à la mettre. Monstrueux Esemyr, qui ne pouvait s’empêcher de jouer au prédateur qui taquinait sa proie, qui ne pouvait refuser de jouer des mots pour créer la surprise, la déconvenue, la panique, parfois, dans le regard de son vis-à-vis. Pauvre Demetria, qui ne le méritait pas. Pas si pauvre, la jolie nymphe qui, en plus d’avoir la fraîcheur des ruisseaux et le parfum d’un soir de printemps, savait éviter et renvoyer les traits d’un archer fort peu délicat. Dieu que les pirouettes dont son esprit s’avérait capable commençaient à l’intéresser au plus haut point. La belle était habile.

Régaler mes prunelles et ébahir mes sens ne sont pas choses aisées, contrairement à ce que l’on pourrait croire à première vue… Dès lors, il me plait, bel incendie, de savoir de quoi est fait le feu qui vient brûler le moindre de mes sangs. Quel bois l’a nourri, quels vents l’ont attisé.

Une petite gorgée de liqueur de rose, sans laisser son regard vagabonder ailleurs qu’entre les nuances de vert de l’émeraude de ses iris.

Toutefois, et contrairement encore une fois à l’impression que je pourrais donner, je suis souvent d’une grossièreté impardonnable. Cela me dépite au plus haut point. N’être point capable de tenir ma langue ni respecter les secrets d’une dame, juste pour épancher ma soif de savoir et nourrir ma curiosité mal placée n’est pas le moindre de mes défauts.

Nouvelle petite gorgée, à l’élégance mesurée, et léger sourire grimaçant une excuse.

Pour me faire pardonner, flamme de mes sens, je vais me retourner ma propre question. Je suis Esemyr d’Alcée, ne sachant quelle terre m’a vu naître, j’ai pris le nom d’une région lointaine, d’un coin de péninsule qui s’enfonce dans une mer d’un bleu miroitant. C’est là bas que j’ai, tout juste arrivé à l’âge d’homme, connu mon premier amour, dont les poètes aiment à dire qu’il est le seul véritable. Peut-être est-ce pour cela que j’ai pris ce nom, je ne sais. Pour ce qui est du reste de ma vie, j’en garde des parties précieusement secrètes, comme chacun, mais on peut le résumer en une série de voyages nés d’une nécessité impérieuse de ne point prendre d’habitude. Et pourtant, j’aime à revenir en certains lieux, comme ici, en cette cité qui mêle si bien bassesse et grandeur. Peut-être également les fleurs n’y sont-elles pas pour rien…

Silence alors que ses yeux d’opale se gorgeaient de la moindre nuance que prenait son visage, des subtils changements de lueur au fond de ses yeux, à mesure que ses mots nourrissaient ses oreilles.

J’espère avoir, nymphe des flammes, quelque peu pardonné mon impolitesse. Et me voilà une fois encore à parler, babillage insensé de mots qui n’ont qu’un intérêt très relatif et ne laisse aucune place à votre voix enchanteresse. Bercez moi, bel incendie, de mots, fussent-ils absurdes, ils seront chanson exquise à mes oreilles s’ils sont portés par votre voix. Choisissez le sujet qui vous convient, les miens propres n’étant que preuves d’une maladresse chevillée à mon âme. Parlez moi de la pluie, des fleurs, parlez moi des gens, des pauvres et des riches, parlez moi de Paris, des marchés colorés ou des ruelles crasses, chaque mot formés par vos lèvres portera vos paroles aux nues par le seul fait de votre voix angélique.

Ses yeux ne quittent pas l’émeraude, le son de ses pommettes, le pourpre de ses lèvres, le feu de ses cheveux. Pourtant, quelque part dans un coin de son champ de vision, Esemyr avait repéré le vieillard venu faire des courbettes à la maîtresse du lieu. Tractations, sans nul doute. Qu’il vante sa fortune, Esemyr n’avait encore sorti aucun de ses atouts. Il irait présenter ses respects à la meneuse aux cheveux de feu une fois qu’il saurait, s’il ne le savait déjà, au reste, si le moindre de ses sens, le moindre recoin de son esprit, allait réclamer ou non cette nuit dans les bras enflammés de la douce nymphe qui lui répondait, à présent.
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