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La Rose Pourpre, Bordel des Miracles (2ème partie)

Lyhra
Fais lui en voir des couleurs à celui là répondit-elle à Ainara, courre donc vite gagner ton pain ma jolie.

Ainsi l’affaire fut entendue. La blonde regagna les faveurs de la rousse et il ne fut plus question de sa fuite tant elle semblait pressée de se remettre un pied à l’étrier et ce n’était pas pour déplaire à la Maquerelle.
Cette dernière, satisfaite de la tournure qu’avait pris cette nuit particulière entre toutes les autres, dardait un regard réjoui du coté de l’alcôve, investiguant la charmante saynète qui s’y déroulait et ne se doutant pas le moins du monde du désastre qui se fomentait, à ses dépends.

Aussi, quand Thorvald regagna la porte pour en faire cesser le tambourinement, elle répondit avec ferveur à son regard dévorant tout en considérant le jour qui filtrait, enfin. Ce qui l’a mis d’humeur fort joyeuse, pour ne pas dire prise d’exaltation,
Elle, Reyne de la nuit, s’enthousiasmant à ce point que le jour fut là…
Et lui fit louper la disparition de Démétria dans les escaliers qui menaient à l’étage.
L’eut-elle vue qu’il n’est pas certain qu’elle en aurait conçu quelques doutes que ce soit à son endroit d’ailleurs.
Les filles allaient et venaient à leur guise sans qu’elle n’y trouve rien à redire.

Le jour fait mieux que poindre Messire Belombre, lui répondit-elle avec un sourire éclatant, il fuse ! Il jaillit ! Et vous apporte une vierge toute fraiche. Elle est à vous.

Pour la somme convenue, nous verrons cela vous et moi, s’empressa t’elle d’ajouter en se tournant alors promptement vers l’alcôve, la découvrant dépouillée de la rousse ingénue…

Mais où est-elle, ma perle rousse ?
Belombre la voyez vous ?


Le regard vert balaye la salle pour la trouver finalement, encombrée d’un paquet de tissu et le regard égaré.

Venez donc intima la Succube à Belombre tout en avançant vers la jeune fille pour l’apostropher d’une voix teintée d’impatience,

Et bien ma petite, où cours-tu comme ça ?
Voici l’acheteur de ton précieux hymen et, crois moi, ce dernier va te rapporter gros.

Veux tu bien monter dans ta chambre il t’y rejoindra sans tarder.


C’était d’avance qu’il fallait s’acquitter du paiement.
_________________
Saens
Elle ne l'avait pas giflé. Dis donc l'instinct, tu te réveilles en même temps que mes braies ? Tu ne m'as pas trahi ? Etrange. Et étrangement la rousse se faufile dans les escaliers. Saens la suit bêtement du regard, mâle asservi. Un regard de poisson pas frais. Un regard de poisson cuit. Mais c'est elle qui passera à la casserole. Nouvelle pensée, nouveau sourire. C'est à Lulue qu'il s'adresse :

 «Notre vierge est très soigneuse... trop. Je vais la rejoindre, il ne faudrait pas qu'elle abuse de la poudre, ça use la langue. »

Foutaises débitées, il se lève. Se dirige net vers vers les escaliers, poireaute sagement l'air de rien, les iris pointés vers la gueule cassée – mais quel mâle, et qu'il marche droit ! - et la blonde. Soupir. La maquerelle en chef clôt les enchères, réapparait la Vierge. Un poil rembourrée. Si peu. Il se mordille une lèvre, le tympan a capté qu'elle était donnée, la Vierge. Il allait falloir faire vite. Un regard s'échange, le monologue des mirettes :
Les grises : tu es sûre ?
Les vertes : oui oui.
Les grises : certaine ?
Les vertes : mais oui !
Les grises : pourqu... non, on verra ça plus tard.

La maquerelle lance un ordre, s'éloigne vers des détails pécuniaires, un homme ombrageux avec. A la porte, le gardien demeure. Il est temps. Avec des yeux de gosses, brillants comme des feux de la Saint-Jean, le brun murmure à la Vierge : allez-y. Aussitôt sa voix s'élève dans la salle, tonitruante, bourrée :


 « Foutrecul ! La vierge est m'tée, et on a mêm'pas eu l'temps de reluquer ! Et qu'est-ce qu'elle fait l'autre là-bas, dans l'alcôve ! Elle compte sucer les mouches ? Pourquoi qu'on vient nous ? Peut rien à voir ! Rien à boire ! Rien à foutre ! Verrez pas un sou ! Ma quincaille j'me la garde au chaud, tout rond, dans mon baluchon ! Du spectacle ! Hein ? La tronche du spectacle ! Haro ! Haro ! Savez quoi !? J'me taille ! Oui madame ! Escrocs ! Voleurs ! Menteurs ! Racailles ! Pendards !

En parlant, il fouine nerveusement dans le coffre, retire sa besace, poursuit :

 « Marauds ! Z'aurez rien ! »

Et vite il se taille comme prédit ; dehors attrape le bras de la vierge, l'emmène si vite que si elle enlève sa robe en route, c'est qu'elle a des dons du ciel. Ils marchent, c'est la fin de la nuit. La nuit elle s'en va, la Vierge avec. Normal. Ils marchent comme des déchaînés, heureux de leur bêtise, malheureux quand même. Va comprendre. Les rues se suivent, et les tournants ; le dédale se forme, pourvu qu'ils ne tournent pas en rond. La règle, c'est de se trouver un coin avant que les autres là-bas, découvre la farce. Le brun pressent que ça les fera pas rire.

Le coin c'est une venelle qui pue la peste et le jasmin. C'est un mur. A côté il y a un ivrogne qui ronfle, mais le brun il n'en peut plus, il y a la mignonne qui suit et il la veut. Il l'amène contre un mur, vire le sac-à-vin d'un coup de pied et s'abandonne. Sous la robe de soie verte, des nippes. Sous les nippes, la rousse – il tire sur le tissu, il tire sur tous les bords, et quand elle est troussée du haut et du bas, il la goûte comme on goutte une bouchée de lard au miel. Il murmurerait des conneries si elle ne lui coupait pas le souffle. Le brun il crèvera quelques années plus tard, veuf et ridicule, mais il s'en fout, il sait pas. Il la prend, qu'elle veuille ou non et de toute manière, le tendron est déjà dans les bras de la bête. Tous les deux, ils sont faits comme des rats. Il n'y pense pas. Il y a sa peau pâle plus douce qu'une plume de colombe tartinée de saindoux, les souffles qui s'emmêlent, les doigts qui s'emberlificotent, ça tiraille, ça palpe, ça hoquète, l'odeur de ses cheveux et en bas, là, sous les jupons de pierreuse, l'hymen si convoité. Il ne fera pas long feu. Le soiffard couvre de la scène de ses gargouillements nocturnes. Pour l'instant ça les protège.
--Demetria.
Au pied de l’escalier la Vierge s’est figée. Pas une seconde ne lui est accordée. De l’allure décidée de Belombre auquel les émeraudes accordent un regard désolé, malgré les éclairs décidés, de l’impassible attitude de la Charnue, toute à ses rêves de caresses sur le corps de lait de Dem. Du ballet des prunelles grises qui happent les siennes.
Le dialogue démarré par un cri silencieux lors d’une agression du lobe, s’enchaine sans plus d’angoisse, ni même d’appréhension. Est-ce l’adrénaline qui rend la Pucelle si téméraire ? Quel que soit le charme du Brun, il ne peut anéantir promesses et emploi stable, chaleur et repas copieux en quelques battements de cils… Mais là encore ce sont questions qu’elle n’a pas le temps de se poser, ne reste que la certitude qu’avec lui la porte elle franchira.
Lulu qui devait l’attiser est parvenue à éteindre la braise malgré la chevelure de feu de la Vierge, à faire taire toute envie de rester… Un pétale de rose coincé entre la laine et la soie s’échappe, messager involontaire d’une excuse envers la jolie serveuse…

Palpitant qui s’emballe soudain alors que la Reyne, prévenue par Belombre sans doute, la cherche, arrive. Pas un regard vers le Brun, instinct de survie. Elle sait tout. Elle va l’enfermer dans la chambre, elle va la renvoyer, elle va… être déçue. Le pire. Le rose quitte les pommettes, et même le décolleté d’où s’échappe une mèche de laine brune. Les doigts commencent à trembler. Pour se calmer.


« Et bien ma petite, où cours-tu comme ça ?
Voici l’acheteur de ton précieux hymen et, crois moi, ce dernier va te rapporter gros.

Veux tu bien monter dans ta chambre il t’y rejoindra sans tarder. »


Nulle part, ma Reyne, nulle part… Oh quelle jolie menteuse que la future fuyarde…
Bien… Vous vous occupez du… de…

La Maquerelle a bien compris. Déjà vers le comptoir où se trouve la cassette elle emmène Belombre. Demetria évite soigneusement de croiser le regard de celui qui enfin aura remporté ces enchères… Elle qui depuis une petite semaine se laisse admirer uniquement dans le but de cette matinée. Qui aurait tout accepté si l’ordre en avait donné par La Succube, qui n’a pas supporté la première caresse baveuse d’une femme trop vulgairement entreprenante.
Pourtant , le Brun ne lui a promis aucune poésie, aucun romantisme. De ce qu’elle en a vu, ce serait plutôt l’inverse. Hormones adolescentes ou trac de l’entrée en scène, elle ne sait, mais elle suivra. Un pas sur l’escalier, un pas vers lui. Une marche qui se descend au lieu de se grimper. Le murmure s’attrape comme la bouée à un noyé.

A Thorvald, un sourire. Elle passe, revient, prend l’air, elle va monter. Tu sais qui a gagné ? C’est Belombre… Mon premier client. Après Lulu bien sur. J’arrive… Un peu de frais, pour le teint. Oh oui, la jolie menteuse…
Les paupières clignent dans la lumière du jour qui se lève. L’air brule les poumons encrassés d’encens. Un pas, deux pas, suivis par les tressautements d’un baluchon qui pèse une tonne. Derrière elle, elle n’entend que le filet que laisse passer l’entrebâillement de la porte, mais ne comprend rien de l’éclat de Saens.

Le bras attrapé ne lui laisse plus de choix. Les questions qui tambourinaient sont restées sur le pavé que les bottes usées foulent allègrement. Courir, comme des dératés, comme s’ils étaient suivis, comme si sa vie en dépendait. Ou seulement sa carrière. Ou elle…
Heureuse ou pas, elle n’en sait rien. Elle ne sait rien ce matin, rien que l’envie de le suivre. Sans amour, sans haine, sans dessein, sans projet. Juste courir derrière lui, tourner, retourner, s’emmancher les ruelles comme l’Ombre pensait l’emmancher elle, comme Lulu l’aurait fait si elle avait pu, dans cette alcove. Pas Esemyr, lui à coup sur, il y aurait mis les formes, il aurait auréolé ces moments de paroles suaves, de caresses sensuelles.
Le froid ou l’envie, les boutons pointent sous la laine, ça gratte. Un mur, un pauvre, un mur, un Brun. Envie, désir, elle ne connait pas. D’ailleurs, pourquoi l’enlever, lui qui aurait pu s’offrir une autre ou en séduire une à l’aide de discours tarabiscoté ? A-t-il seulement envie ?

Froid de la pierre sur la nuque encore découverte malgré les quelques mèches échappées. Un ronflement mécontent qu’ils ignorent. Lui occupé à la désaper, elle à comprendre ce qu’il fait. De Vierge elle passe à Désirée. Et nue. Ou presque. Dans une impasse de la cour, le dos égratigné par la pierre et surement quelque vomissure séchée, elle en perd le souffle, la Rousse.
Sous les mains empressées du Brun, le corps n’a pas le temps de se découvrir. Ah tiens, c’était mes seins, mon ventre, oh voici… Et déjà, à peine l’a-t-il identifiée que sa virginité déjà s’en est allée. A peine un cri, un hoquet, de surprise, de peur, de douleur. Elle ne sait que faire de ses jambes potelées, de ses frusques déchirées, de ses boucles emmêlées qui retombent devant les émeraudes égarées. Ses doigts dans les siens, son nez dans son cou, ses cheveux qui chatouillent le nez, elle n’esquisse de penser que vers ce ventre déchiqueté de l’intérieur. Ex-pucelle qui se sent plus fourragée que prise, emplie d’un membre étranger, sans papier bien sûr.
Une fortune qu’elle aurait démarrée ce soir, une fortune envolée dans un hoquet. Une fortune pour les bras de ce Brun dont elle ne sait rien, si ce n’est qu’il l’est, et bien. Mal, elle a surtout mal. Sont-ils tout dotés de la sorte ? Mais alors que n’a-t-elle eu raison de fuir, jamais elle n’aurait pu vivre jusqu’à vingt ans si elle avait du être travaillée ainsi tous les soirs et même plusieurs fois certaines nuits… Embrasée, elle réclame ce que seul elle attendait. Maintenant qu’elle s’en rend compte.

Un baiser. Bien sur. Le premier baiser. Ne reste que cette virginité à perdre, et elle compte bien faire un coffret cadeau des deux. Laissant mourir le soupir sur les lèvres de Saens, elle croque là sa première expérience d’un partage humide de lèvres avides. Plus douces qu’elle ne l’aurait escompté, les lèvres du Brun. Reste la douleur qui allume le ventre. Et les grognements de l’ivrogne qui se réveille. L’affaire est faite, que reste-t-il à vivre à celle qui s’était habituée à n’attendre que cet instant, tant on le lui avait seriné ? Une goutte de sueur qui perle entre deux seins, un courant d’air qui la glace, corps séparés. Entre la soie déchirée et la laine démaillée, elle a froid soudain Dem’. Sauf entre les jambes, où ça lui cuit, amèrement, filon carmin qui s’échappe de l’écrin violé, s’écoulant le long des cuisses blanches.
Un appel des émeraudes vers le gris. Et maintenant ? Courir jusqu’à la prochaine venelle, recommencer ? Lassé, le Brun ? A se regarder dans le blanc des yeux, le souffle qui se reprend, ils ne voient pas l’ivrogne se relever et s’armer. Après tout, doit-il penser, si un boucher peut se faire une jolie rouquine, pourquoi pas lui ? L’a pas l’air si farouche, l’ex-Vierge, sortie de la Rose… Le dos griffé par la pierre, les yeux brillants et les cuisses écartées.
Le tesson les prend à revers. A peine si le Brun a le temps de s’accroupir. Avant de déguerpir. Perdre sa vie pour une Vierge qui ne l’est plus, qu’il ne connait pas, quel intérêt ? Il a une mort ridicule à vivre un peu plus loin. En revanche, sa feinte fait que le tesson dans la poitrine à peine déflorée de Dem se plante. Soudain elle n’a plus si froid, avec ce sang qui ruisselle sur son ventre dénudé. La bave aux lèvres et l’envie en étendard, le poivrot s’approche. On sent bien dans le regard la déception de ne pas se la farcir vivante et hurlante. Mais va, ça fera l’affaire…

La Vierge en une soirée aura déçu, trois fois, perdu sa virginité, deux fois. La vie, une fois. Le dernier souffle s’exhale dans les bras puants d’un courien trop saoul pour en profiter jusqu’au bout. Peine à jouir, il finira quelques minutes plus tard par se lasser du corps du tendron. Qu’il laissera se vider de son sang dans une venelle désertée, à défaut d’avoir pu s’y déverser, lui.
Demetria aurait été bien plus inspirée de se laisser acheter par Belombre, mais il est trop tard pour qu’elle se le dise.

Au moins, elle aura perdu son hymen. Quand même !


_______________________

Merci à vous tous, ceux de la Rose, merci pour ces presque deux ans passés avec vous, pour ce RP, ces écrits, cette entente. Merci et désolée de clore sans vous prévenir... Continuez comme vous savez le faire. Vous êtes géniaux !
Lyhra
Et celui là qui braille comme un goret qu'on emmène à la tuerie !

Agacée la Rousse tourne la tête mais pas trop, sa cassette est bien plus importante et ouverte comme une grande bouche pressée d'avaler goulûment son du, l'or, l'or de Belombre contre un premier sang...

Comme si on était aux halles à fourguer des poissons pas frais ! Mais va-t-il fermer son clapet Saint Foutre !
Pour un peu elle lâcherait tout pour se précipiter et le lui fermer elle même. C'est qu'elle sait faire la poissarde aussi et mauvaise comme la gale.
D'un geste inattendu et violent la Succube ferme bruyamment le coffre aux trésors et le replonge en sa cachette, fait volte face contre Belombre en s'excusant, qu'elle revient dans un moment, qu'il ne bouge pas, surtout ! Et file vers l'entrée où le grossier personnage vient de disparaître avec, avec...

une mèche rousse qui ondule une dernière fois -c'est le cas de le dire mais comment aurait-elle pu savoir- derrière la tenture cramoisie.

La colère le dispute à l'affolement et en à peine une minute, le temps de franchir la distance, poussant l'une, grognant après l'un, tapant du pied, la Maquerelle a eu le temps d'imaginer mille raisons à cela, à ce trait de feu qui n'a rien à faire à cet endroit ! Cette chevelure là, plantée sur cette tête là, doit se trouver là haut à attendre Belombre.
Un dernier pas la propulse à coté de Thorvald à qui elle se raccroche comme une noyée au tronc qui passait par là, providentiel.

Arrêtes la ! Hurle t-elle folle de rage.
Arrêtes les tous les deux !

Mais il est trop tard et le couple maudit tourne déjà le coin de la ruelle.

La maquerelle sait bien qu'il y a trop d'endroits où se cacher quand on ne veut pas être trouvés, ici, aux Miracles. Elle ne le sait que trop bien et s'élance pourtant, à leur suite.
Ses bottines délicates faites pour les tapis de la rose écrasent maladroitement quelque chose de glissant qui manque la faire chuter. Elle n'en repart que de plus belle. Courant après SA vierge et cet homme qui la pousse en avant ou la tire, elle ne sait qui des deux a agrippé l'autre pour la priver de ses gains.
Mais ça ne se passera pas comme ça, foi de Succube qui galope à perdre haleine, en vain...
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--Mme_madeleine
[Un peu plus tôt dans la nuit]

Le jour n’a pas encore point, les enchères ne sont pas encore terminées, la jeune et douce Demetria n’a pas encore en tête ses projets de fuites, lorsque le gardien descend aux bains pour apporter soies et dentelles à Mme Madeleine et à l’enfant dont il veut déjà en faire une femme.

Mesdemoiselles, voici vos robes ... .

Les robes sont tendues, attrapées par la nouvelle intendante de la Rose, qui sans nul doute va prendre son travail très à cœur. Trop à cœur même, par certains côtés, son but premier étant de protéger ces femmes du vice qui plane en ce lieu.
Le gardien est remercié, une moue dégoûtée se forme sur le visage déjà ridé de Mme Madeleine à la vision des tissus, ou plutôt du manque de tissu sur les deux vêtements, avant de tourner celui-ci vers l’enfant qu’elle a dévêtue elle même, malgré les regards noirs jetés dans sa direction.

L’intendante vient de faire le tour des bains. Bains aux mille senteurs, à la chaleur moite, à la perversion qui plane, invitant quiconque à la décadence. Faire abstraction, encore une fois, et continuer sa tâche, tel est son rôle.
Nul gant de crin, en effet, nul gros savon pour frotter cette crasse qui s’est accumulée sur le corps de l’enfant, à peine formé. Sous ses habits, de frêles jambes, de maigres bras, une poitrine plate comme une planche à savon, des pieds crasseux. Il est temps de faire place nette. Sans attendre une seconde de plus, Mme Madeleine attrape la fillette et la plonge dans l’eau.
Les manches relevées, elle met toute son énergie à frotter, frotter, frotter tant et plus. Notre Seigneur aime la propreté, se dit-elle.
La peau est rouge, le regard est noir, mais elle n’en a cure. A la fin de son ouvrage, elle se recule, appréciant le résultat d’un travail si acharné.
Enfin, l’enfant a repris un aspect normal.
Alice est sortie de l’eau, enroulée dans une serviette.


Bien, te voici propre et ce n’était pas du luxe, regarde la couleur de l’eau !

Et de l’amener à côté de la robe choisie par le gardien, la moue revenant sur son visage.

Voici ce qu’il a choisi pour toi. L’idée que tu es encore bien jeune pour porter ce genre d’habit ne m’a point quitté, je te l’assure, mais il semble que ce soit le genre de la maison, donc…

Elle la frictionne avec force, pour enlever toute goutte d’eau sur son petit corps frêle.

Tu es assez grande pour t’habiller toute seule il me semble, j’ai encore une personne dont je dois m’occuper.

Et le visage se tourne vers Jaysabel… Jaysabel, est-ce son vrai prénom ? Comment parents dignes de ce nom ont pu affublé leur enfant de telle manière. Jaysabel, le nom d’une catin, sans nul doute. Encore une âme égarée. Un Marie lui siérait mieux, tout de même.
Un froncement de sourcil accompagne son regard. Des bottes d’une taille indécente, et une tenue légère… mais avec le temps, elle apprendrait à ne plus s’en offusquer… peut-être.
Le regard se fait autoritaire, accompagnant ses paroles.


Mettez-vous donc nue, jeune fille, comment pourrais-je vérifier votre état de santé, sinon ?

D’un geste, elle lui indique l’endroit où s’installer, et une fois la jeune fille allongée devant elle, voici qu’elle se penche vers ce corps beaucoup plus féminin que la jeune Alice. Des inspections de ce genre, et bien oui, elle en a déjà fait. En l’absence de l’infirmière de la pension, elle se devait d’être sûre que nulle petite bête ne pourrait s’installer dans le dortoir où dormaient des centaines de jeunes filles.

Alors sans douceur aucune, elle inspecte. Parcourant d’une main experte la féminité de Jaysabel. Féminité si souvent bafouée, sûrement sans ménagement aucun, par ce que les filles de joies appellent leur « clients ». Une main experte à la recherche de parasites qui pourraient entacher la notoriété de la Rose, qui laisse présager de la méconnaissance de l’intendante du corps d’une femme, de ses parties les plus intimes, ou en tout cas de ce à quoi elles pourraient servir...
Une femme pure, chaste, qui jamais n’a connu la main d’un homme.
Nul gêne dans ses gestes, qui sont faits machinalement.
Le corps tout entier est inspecté, avant de s’éloigner de Jaysabel, un simple signe de tête exprimant la fin de cette exploration toute particulière qui se déroule dans les bains de la Rose.

Les mains sont à nouveau lavées et la robe saisie avant de remonter les escaliers.
Le jour pointe maintenant.


[Et le jour se lève]

L’arrivée à l’étage se fait dans les cris, la rousse chevelure de Mme Succube courant à l’entrée, attrapant le gardien au passage. Et un cri poussé, un regard dans l’alcôve, la rousse a disparue.
La vierge…
Non, pas elle, pas cette âme encore pure qu’elle aurait pu sauver !
S’était-elle vraiment enfuie ? Elle qui comptait tout faire pour l’empêcher de commettre cet acte impur, qui avait déjà mille plans en tête pour stopper le moment fatidique où l’hymen de Demetria serait humilié par un homme.

La robe toujours en main, Mme Madeleine emboîte le pas à la Succube, prête elle aussi à tout pour retrouver la seule personne en ce lieu avec Alice encore chaste, n’ayant encore point goûté à ce pêché.
Puis elle se met à courir, sous le soleil qui se lève, suivant la flamboyante à travers les ruelles, à la recherche de Demetria, à la recherche de SA vierge.

Sa première nuit à la Rose vient de s’achever…


--Esemyr
Les rumeurs courent, volent, volètent. Mots que l’on souffle, mots que l’on croit, mots que l’on déforme. Mots que l’on aime tant à déformer, mots que l’on aime tant à divulguer aussi vite que les soubresauts de nos tréfonds pervers les ont décorés de nos craintes primitives. A la Cour plus qu’ailleurs, les rumeurs courent. Comme si les haleines chargées, les volutes de fumées, les glaires de sang brun des poivrots à l’agonie formaient une structure rendant la course luminiquement rapide.

Esemyr était allé loger son ennui dans la pénombre d’un bouge miteux. Plus de flagorneries, plus d’élégance ni de pas dansant, ici. Les lueurs violettes étaient assombries par l’étrange mélancolie d’un désir qu’il avait cru pouvoir ranimer ce soir. Force lui avait été de constater que l’agonie perdurerait, que les arcanes mystérieux du plaisir, d’un plaisir sans le contrecoup de la lassitude, sans le goût persistant que ses dernières envolées sensuelles avaient laissé sur ses lèvres. Il avait cru, espoir sournois, qu’une créature à la blancheur hivernale et aux cheveux d’été brûlant saurait effacer cette amertume charnelle qui le hantait, ce goût perdu des sphères cathartiques, comme si trop haut il était allé, et qu’il était désormais condamné à ne plus ressentir que bassesse dans la dysharmonie de deux corps emmêlés. Idiot naïf tu es, bel Esemyr d’Alcée. Réfugie toi dans la noirceur sereine et rassurante de la Salamandre. Quitte Paris la Vulgaire, Paris la Bâtarde, Paris la Soumise et ses mirages démétriens. Trouve toi une mission, une mort à donner, à offrir. Retourne vers les cimes du pouvoir, où tes services se marchandent jusqu’à la déchéance. Le pouvoir. Voilà le vulgaire. Voilà la source du gâchis. Pouvoir d’une matrone qui ne choisit qu’à la lueur de l’argent. Pouvoir d’une illusion, celle d’une vie facile, protégée par les épines défensives d’une rose aveuglante. Les bordels sont de ces lieux étranges où des êtres perdus viennent s’acheter un bout de liberté. Acheter de la liberté en s’offrant des enchaînées. Les chaînes fussent-elles en soie, elles n’en restent pas moins des entraves. Joli paradoxe que voilà.

Esemyr, tu dénigres les bordels ? La mélancolie ne te va pas, mon ami. Quitte Paris. Fuis le spectre du gâchis. D’un bond altier, la Salamandre décolla de son siège, jeta d’un geste désinvolte une poignée de piécettes sur le bois suintant de gras du comptoir, et fila dans les ruelles pavées et obscures de la capitale. C’est là, précisément, alors que son pied délicat touchait l’un des morceaux de pierres taillées formant la route qui avait pour but, en cet instant, de l’emporter loin d’ici, que la rumeur le rattrapa. Murmure naissant d’une lèvre et mourant à l’orée d’une oreille. Quelque part dans une venelle avoisinante. Etrange configuration de l’air poisseux du Paris de la Cour qui amena des bribes de souffle jusqu’aux sens avertis d’Esemyr. « Jeunette à poil… » « Plein d’sang… » « l’tissu vaut plus qu’tous les bijoux d’ta femme » « Faut y aller avant qu’reste pu rien ! ».

Une chaîne de probabilités naquit dans l’esprit tortueux et calculateur de la Salamandre. Le pied délicat se figea. L’autre fut posé de telle manière que le corps n’eut plus qu’à faire volte face. Agripper du regard les deux silhouettes ombreuses qui, répondant à l’appel d’un gain facile, se faufilèrent parmi les ruelles de la Cour. Esemyr suivit leur course, de loin, comme on pisterait une proie, et vogua gracieusement et sans le moindre bruit dans le dédale pavé de Paris. Il glana ça et là confirmations, déformations, souffles vineux, concupiscents ou affolés. Oui, le murmure enflait. Y’avait une jolie donzelle, là bas. Aussi blanche que les premières neiges de l’hiver, toute tâchée de rouge. Paraîtrait qu’une bête sauvage lui aurait arraché les tripes. Paraîtrait qu’elle porte tellement d’étoffe de soie que tout Paris pourrait manger à sa faim une année entière rien qu’en revendant tout le barda. Paraîtrait que l’écarlate du sang n’a rien à envier aux flammes de sa chevelure.

Coin d’une ruelle, un peu plus petite, un peu plus obscure. De l’agitation, mouches bourdonnantes, éructant des commentaires vulgaires, palpant la chair d’une silhouette allongée et comme désarticulée. Ils étaient quatre, peut être cinq. La Salamandre ne compte jamais. Ils vécurent, connurent un dernier souffle. Dans leurs regards, quand on les retrouvât bien plus tard, au matin, on ne pouvait lire rien d’autre que l’incompréhension d’une proie qui n’a pas vu la mort se faufiler jusqu’à elle. Les minutes qui suivirent dressèrent le tableau étrange d’un Esemyr debout, contemplant la beauté diaphane que toute vie avait quitté, étendue à ses pieds. La Salamandre s’insinua dans toutes les fibres de son être, et prit le commandement. Il s’agenouilla, et ses doigts glissèrent silencieusement sur le corps nu de Demetria. Les étoffes avaient été arrachées. La chevelure violentée. L’index dessina le profil du visage, nez et lèvres, descendit le long du cou. L’exquis dessin de son portrait avait été épargné, comme si les plus infâmes traînards de la Cour n’avaient osé s’en prendre à tant de pureté. La blessure qui avait infligé la mort avait lacéré un sein. Son jumeau était perlé de sang, mais le galbe en était intact et semblait frémir sous les doigts d’Esemyr, comme un écho des promesses de caresses perdues. La main continua son chemin, traçant des sillons de sang jusqu’au nombril, imprimant jusqu’au plus profond de ses sens le contour des hanches. La Salamandre laissa vierge de son contact la source dérobée par un autre. Client de la Rose ? Maraud de passage ? Comment le savoir. Un simple regard, entraîné, apportait les preuves nécessaires à l’esprit d’Esemyr. L’hymen avait cédé, arraché. La chair avait été violentée. La première nuit tant attendue avait été bestiale, plus qu’il n’avait présumé que cela soit possible ce soir là. Du dos de la main, Esemyr effleura l’intérieur des cuisses, redescendant jusqu’au mollet, avant de recueillir au creux de sa paume le si petit pied, nu lui aussi.

Ton or si précieux s’est envolé, Succube. Que n’as-tu pas saisi l’ampleur exacte de l’offre de la Salamandre ? Prisonnière de ta soif de richesse, contemple donc ton œuvre. Ton petit oiseau s’est envolé, et s’est brûlé les ailes. Tu as payé le prix de la liberté, belle Demetria. Mais au moins en as-tu eu sur tes lèvres le goût fugace. Laisse donc Esemyr le recueillir, à défaut d’avoir pu te le donner.

Les lèvres d’Esemyr se joignirent à celle de la beauté éteinte. Court partage d’espoirs détruits. Et son oreille laissa enfin entrer le son irritant qu’il avait consciemment laissé à la porte de ses sens. La Salamandre se leva, enjamba les quatre… ou cinq… cadavres encore chaud, et chercha l’origine du ronflement. Un ronflement d’ivrogne, que l’agitation autour du corps de la Vierge assassinée n’avait pu faire cesser. La silhouette était recroquevillée sur elle-même, avachie là comme si elle avait été happée par une force irrésistible qui l’avait clouée au sol. Près de lui, un tesson de bouteille, décorée de sang sur la brisure. Voilà donc celui qui a profané le sein de Demetria.

D’une main experte et silencieuse, Esemyr se saisit du tesson. Sa seconde main se posa sur la bouche de l’ivrogne, qui, privé de souffle, ouvrit de grands yeux où se mêlaient brume et panique. Un petit sourire de la Salamandre fut le seul avertissement. Le tranchant de tesson pénétra la chair, juste sous le menton, suivit le tracé de la jugulaire sans la trancher, remontant vers l’intérieur de la bouche. Le bruit visqueux de la langue qui se déchire et du sang qui envahit la gorge arracha un nouveau sourire à Esemyr. Une légère pression supplémentaire suffit à ce que le tesson traverse le palais et broie l’intérieur des fosses nasales, ce qui eut pour effet quasi instantané d’ouvrir des vannes ensanglantées qui déversèrent leur flot brun par les narines de l’homme. La course de l’arme de fortune s’arrêta là. Ainsi, l’homme ne mourrait pas tout de suite. Esemyr délia ses doigts du morceau de verre tandis que son autre main relâchait la pression exercée sur la bouche de l’ivrogne, libérant ainsi de nouvelles gorgées de sang et empêchant un étouffement trop rapide. L’homme mettrait du temps à mourir. Beaucoup de temps.

La Salamandre se redressa élégamment et revint à la Vierge. Tirant sur l’un des lacets qui la nouait, Esemyr ôta sa cape et en recouvrit le corps de Demetria. Le goût nauséeux d’un gâchis sans nom lui envahit la gorge. Derrière les paupières closes, il devinait encore l’éclat de l’océan tumultueux, il frissonnait encore du désir indompté, de l’envie à peine assumée, qui, il y avait peu encore, faisaient naître dans le vert de ses iris une flamme qui ravageait ses sens. Déplorable destin, déplorable pouvoir. Alors qu’il passait délicatement ses mains sous les épaules et les genoux de Demetria, ramenait son corps fragile contre son torse et la soulevait de ce sol putride, indigne d’elle, Esemyr ne pouvait s’empêcher de songer à cette triste tapisserie d’évènements, d’attentes, d’espoirs, d’exigences tissés entre eux, et qui avaient mené à ce désastre. A ce corps d’où la vie s’était échappée, à ce corps que l’on avait eu l’audace de profaner. Du moins était-elle morte d’avoir fait un choix, semblait-il. D’avoir voulu échapper à la Rose, peut-être. Les trames du possible se bousculaient derrière les yeux d’Esemyr. Les différentes raisons qui auraient pu pousser la Vierge de Feu à s’enfuir. Car elle n’avait pu être enlevée, pas avec ce gardien gigantesque, pas avec le regard de Rexanne et celui de la Succube posés sur elle en permanence. Elle avait fui, volontairement, Esemyr en était persuadé. Les trames du possible… Ce qui aurait pu advenir si la Succube s’était montrée moins prévisible, moins attachée à l’or sonnant et trébuchant. Comme si l’on pouvait demander à la propriétaire d’un bordel d’échapper aux affres du matériel. Elle avait payé. A trop vouloir tirer le plus de profit possible de la pureté de sa vierge, elle n’avait fait que la gâcher et la perdre à jamais. Et elle paierait encore.

Esemyr jeta un dernier regard en arrière, en direction de la Rose. Une dague danse au dessus de ta tête, Succube. Un jour, le frêle filin qui la retient sera tranché. Comme tu as tranché par ta soif d’or et de pouvoir les liens qui retenaient Demetria à la vie, à l’espoir. Resserrant légèrement son étreinte autour de la vierge, Esemyr s’éloigna à pas mesuré de la ruelle crasse qui n’aurait jamais du connaître les derniers instants de la vierge aux yeux d’émeraude. Des émeraudes éteintes, désormais. Comme si le soleil était mort, là bas, sur l’horizon d’une mer d’opale. Comme si l’hiver glacé avait balayé les teintes printanières des étangs frémissant sous la bruine. Comme si les dieux avaient banni à jamais les voiles divins qui irisent le ciel dans les confins nordiques et glacés. Esemyr était, l’espace d’un instant hors du temps, fugitif et sitôt disparu, comme un marin perdu, cherchant vainement dans la profondeur des océans l’espoir d’un retour, l’espoir de l’existence d’une terre posée là bas, sur l’horizon.

Il emporta loin d’ici, loin de Paris, de son air fétide, de sa crasse vulgarité, le corps frêle de la belle Demetria, seul signe résiduel d’une existence si courte, emplie d’espoirs brisés, de craintes jamais résolues. Une existence dont les dernières heures auront toutes été tournées vers la recherche éperdue d’une première nuit de plaisir, qui l’aura finalement conduite à la mort.

Ennui. Gâchis. Et frémissement d’un désir rongé de lassitude, soubresaut d’espoir noyé dans le tumulte de grands yeux verts. Voilà ce qui restera de cette nuit, dans les tréfonds de l’âme d’Esemyr. Marques profondes, qui vinrent s’ajouter à toutes les autres. Promesses muettes, vengeance sous le sceau du sang, en suspens.

A bientôt, Succube, dévorée de pouvoir. A bientôt, Paris, aux ruelles sclérosées et putrides. A bientôt, Rose aux épines cruelles. A bientôt, Demetria. Peut être qu’un jour, dans une autre vie, dans un autre monde, par delà la mort et les dieux de tous bords, nous aurons loisir de partager enfin cet instant précieux qui nous fut arraché par la concupiscence et la folie.

Esemyr sut en cet instant que la vierge l’avait marqué à jamais, plus qu’aucune autre femme ne l’avait fait jusqu’alors. Parce qu’elle symbolisait l’espoir brisé que peut être, la lassitude qui affadissait insidieusement toute recherche de plaisir aurait pu être vaincue. Parce qu’elle représentait la femme à jamais inaccessible, et que ses sens brûleraient pourtant de posséder jusqu’à la fin de ses jours.

Il emporta la vierge sans vie au loin, laissant l’air de Paris agresser ses narines une dernière fois.

Une dernière fois avant que, d’une manière ou d’une autre, il y remette les pieds.

Pour que Demetria, l’espoir qu’on lui avait arraché, reçoive pleinement son dû de sang. Le dû de sa première nuit.
--Mlle_b
Elle attend. Elle s'impatiente. Un rustre la bouscule et entre sans ménagement, la porte se referme aussitôt.

Par le cuissot de la première femme se serait elle fourvoyer en venant ici sur les conseils de ses très chers amis. On lui avait sussuré qu'ici, à la cour, ce bordel valait les meilleurs salons de la capitale.

Sa main glisse sur la poignée car après tout si on entrait ici comme dans un moulin pourquoi s'enquiquiner à patienter. A ce moment là un imposant jeune homme l'ouvre en lui souhaitant la bienvenue. C'est qu'il est bel homme au sourire charmeur. Passé le hoquet de stupeur de cette fait prendre la main dans le sac comme on dirait, un rougeoiment pointant sur ses joues blanches opales, Mlle B reprend la consistance qu'elle lui sait nécessaire.


Bonjour Messire. Excusez mon invitation un peu tardive mais j'aurais voulu rencontrer la propriétaire des lieux pour...pour discuter. Et j'ai pensé que cette heure serait plus appropriée.

Tout en discutant sa curiosité essait de percevoir, au delà des tentures, la teneur du lieu. Mais le regard bienveillant du géant l'attire comme le ferais un papillon vers la lumière. Pourquoi un frisson la parcours à ce moment? Pourquoi des images la traverse mélant inquiétude et envie?

Puis dans l'antichambre de la rose tout ce bouscule, le calme précaire se transforme en orage. Nouvelle bousculade. Un homme, une jeune fille détale. Des cris. Elle se retrouve contre le mur à laisser passer une furie. Son coeur bas la chamade et ses membres tremblent.



"La chair des femmes se nourrit de caresses
comme l'abeille de fleurs."
[Anatole France]
Thorvald_
L'énorme silhouette se penche vers le petit brin de femme rougissant, inspecte ses joues fraîches et jeunes, et vient puiser les mots avancés poliment.

Bonjour Messire. Excusez mon invitation un peu tardive ...

En fait, il est tellement tard, qu'il est désormais trop tôt. Les minutes s'égrainent, inexorablement, poussant le jour à poindre, inondant le gris des miracles de saignées pourpres et bleues. Une dernière étoile, tardive, leur fait de l'œil. Mais elle ne tardera pas à s'éteindre, et la fragile lueur qu'elle prodiguait se noiera dans la lumière crue. Personne n'y prendra garde, dans la course du temps, tous, ignorants du drame qui se tramera, oublieront l'œil pur et scintillant qui se posait sur eux.

... rencontrer la propriétaire ...

Un léger sourire vient flotter sur les lèvres pulpeuses de Thorvald. Il va répondre, ses yeux s'accrochent un instant au regard de la jeune femme, s'y perdent, la sondent sans honte, aussi naturellement que si elle avait été nue devant lui.

Du coin de l'œil, il voit Démétria qui va prendre l'air, certainement enfiévrée des avances multiples, échappant un temps à l'alcôve avant de monter avec ... "Belombre", lui précise-t-elle. Il lui adresse un petit sourire rassurant et encourageant, sans y faire réellement attention, tout occupé qu'il est par la brunette arrivante. Et puis, Belombre ou un autre, peu lui chaut. S'il paie ...

Il prend son souffle pour répondre à la demoiselle. Quand Saens débarque, bougonnant, mauvais payeur, mauvais coucheur, mais tellement séduisant. La comédie est si bien jouée par les amants, et Thorvald est si attendri par les yeux d'ébène de Mlle B, qu'il n'y prend garde ...


Il est fort tard, en effet. Mais entrez donc. Je suis Thorvald. Qui dois-je annoncer ?


Seule la Succube parvient à lui faire oublier le soin qu'il prend de son accueil.

Arrêtes la !
Arrêtes les tous les deux !


Elle s'accroche à lui, l'empêche ou le pousse.
Puis elle s'envole à leur suite, suivie de l'intendante.
Surveiller la Rose, rattraper la vierge ? Thorvald a choisi : protéger sa Reine.
Rexane est à l'intérieur, qui surveille l'endroit.

Laissant sur le pas de la porte la jolie brune et une deuxième demoiselle arrivée entre temps, il s'élance à la poursuite de la Succube, la rejoint en quelques enjambées, la devance, surveille les abords, inquiet qu'on ne trucide le joyau qui jamais ne sort du pourpre écrin à pareille heure. Se tient prêt à faire face, impassible et puissant, à la douloureuse rage qui la tient.

Des rats, la boue, un ivrogne dans une mare de sang, l'eau sale et grise des Miracles. Rien, ils ne trouveront rien d'extraordinaire, rien d'anormal pour les lieux. La vierge s'est envolée au bras de son amant ... C'est du moins ce que tous penseront désormais à la Rose.

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X
Lyhra
L'aube dévoilait tout juste la misère crue des Miracles, ses ruelles noires de crasse et malodorantes, remugles poisseux qui s'infiltraient violemment dans vos narines et vous faisait hoqueter à en vomir si vous n'en aviez l'habitude.
La Succube n'en avait cure et galopait comme si sa vie dépendait de cette course, oublieuse de tout, qu'on la voit ainsi parée de ses dentelles, sourde au bruit derrière elle qui la poursuivait -Madeleine- et surtout, surtout, enragée comme jamais.

Ce tombereau d'or qui ne viendrait pas grossir la cassette de la Rose oui, mais plus encore qu'on puisse la défier, elle, la Reyne Pourpre, jusque dans sa propre demeure. Qu'on vienne la dépouiller sous son nez, qu'on ose ! Ça plus que tout la rendait furieuse.

Elle prit un chemin au hasard, butant contre un amas de frusques entassés là, vieil ivrogne gavé de sale vinasse et qu'elle cru mort de froid tant il était raide, Madeleine toujours sur ses talons s'en trouva elle aussi désorientée et toutes deux continuèrent de s'élancer dans une mauvaise direction, bientôt rejointes par Thorvald.

Ils tournèrent ainsi par les ruelles le temps que forfaits se furent accomplis. Celui qui perdit la vierge, celui qui prit sa vie.

Quand ils arrivèrent sur les lieux du gâchis, la vierge avait disparu et rien dans ce carnage ne pouvait les pousser à imaginer qu'ils marchaient dans son sang. A peine regardèrent-ils les corps jetés là, il n'y avait pas de rousse chevelure mêlée à la boue qui les ceignait...

Une cloche quelque part, le bruit d'une porte gauchie. Un cri dans le lointain. Le couinement d'un rat offusqué. Puis le silence. Criant.
Rageusement, elle serra des poings blanchis et vomit un chapelet d'injures d'une voix de blizzard. Puis, se reprit et frissonnante, se tint au plus près de Thorvald.

Qu'elle reparaisse ici et ce sera pour rien qu'elle sera donnée au plus vilain des Miracles, je le jure.

Venez, nous rentrons.


Amère elle se détourna vers la bigote, et ne venez pas me dégoiser que votre dieu y est pour quelque chose vous !
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--Belombre
L'aube pointait, l'attente avait payé et c'est lui qui allait devoir passer la main à la bourse. Ainsi il avait remporté l'enchère comme venait de lui annoncer la reine mère dans l'exitation de ce voir un peu plus riche que la veille.

Au prix convenue! Je vous suit.

La vierge est redescendue, répond hativement, docilement. Belombre pose sur elle un regard désolé de celui qui a bien compris que cette vie dont elle a rêvé lui échappe.
Le bouton ne posera pas les yeux sur lui mais sur la porte, sur le brun, sur l'ailleur. L'oiseau s'est déjà envolé avant la cloture des enchères. Sa démarche moins fluide, engonssé sous le poid de la liberté?

Il a gagné mais déjà le bouton tombe avant d'avoir éclos. La porte attire tous les regards, le brun gesticule, s'époumone, la bientôt femme minaude, la maquerelle se presse puis s'aggace et toute la volaille s'envole. Le coq en détalant, sa caillette le suivant, l'oie en hurlant, le paon à sa suite, la cane pas très loin.
Lui reste là, car la belle s'est envolé avec son prince et ne reviendra pas indemne.Tragédie humaine peut être mais il lui reste la candeur dans les yeux de la rousse à leur première rencontre et c'est peut mieux ainsi.

Et puis... Il n'est qu'une ombre après tout, celui qui attire l'obscurité de ceux qui aime la lumière.
Mais malheureusement le joyaux étincellant de cette demeure est partie et à ce moment là Belombre trouve l'endroit moins vivant.
--Dusaan


"... pour qui avait soif."

Un moment qu'il guettait son heure, le Dusaan, et l'heure était venue.

Tous avaient décampé d'un coup, voir le soleil se lever peut-être ? Il aurait pu prendre la caisse, récupérer ses pierres, ou inventer quelqu'autre esclandre de sa spécialité, mais non. Il était triste. Les faveurs de la brune servante ne lui étant plus accordées, (elles ne l'avaient jamais été vraiment, mais lui le croyait dur comme fer) il avait longuement laissé trainer son regard de rapace sur l'assemblée.

Toujours assis au bar, silencieux et immobile, il avait éclusé. Les clients allaient, venaient. Les filles aussi, plus belles les unes que les autres. Certaines trop lisses, celle-ci trop jeune, telle autre trop propre ... Aucune ne surpassait son aimée, sa douce ... Rexane. Elle l'aurait fouetté au sang qu'il l'aurait encore trouvée douce et le lui aurait crié comme autant de coups à recevoir encore !

Toutes, jusqu'à la femme à la pipe.

Certes, la peau claire et les formes pulpeuses étaient hautement désirables, mais plus que tout le regard.

Le regard assuré, la froide distance qu'on voudrait anéantir, le répondant, subjuguaient Dusaan. Elle était passée un instant près de lui, tout contre sa jambe, sans même s'en apercevoir. Il l'avait respirée, reniflée, puis elle s'était retirée dans une alcôve. Alcôve où elle était désormais seule, attendant semblait-il une donzelle évaporée ...

Notre homme servit deux verres de la énième bouteille qu'il avait commandée précédemment. Il se leva et s'approcha de la Charnue d'un pas assuré quoique légèrement chaloupé par la houle de l'ivresse. Un peu raide et guindé, comme à son habitude, il s'inclina légèrement vers celle qui était affalée dans les coussins.

Il se lissa les trois plumes sur le haut du crâne et de sa voix rauque ...


Permettez-moi de vous offrir ce verre, sublime vous.
--Lulu_la_charnue
Un instant la douceur et le sucre de sa peau, puis un cri, une échappée courtoise. L'homme aux cheveux fous la suivit.
Puis, plus rien.
Lulu s'était retrouvée seule, sur sa faim, l'air con, et n'y avait rien compris.
Dans son bordieau, parbleu, jamais les choses ne se passaient ainsi.
Les clients étaient choisis par les filles, et s'en contentaient bien.
Il n'y avait donc jamais d'esclandres, jamais de somptueux lapins, ni leur fidèle et sempiternelle alliée, Dame Frustration.

Rongeant son frein faute d'en ronger un autre, ou un frais hymen ou les deux tout à la fois, ronchonnant et préparant déjà le savon qu'elle allait passer à la tenancière, Lulu buvait son sauvignon sans le savourer jusqu'aux dernières gouttes. Plus rien. Le sauvignon... C'était là bien le seul qui était resté, sans compter son inséparable pipe, prolongement à part entière de ses doigts, parfois de sa bouche.

Ahh ces deux clampins d'bonhomme qui s'invite et de vierge effarouchée qui ne revient pas...
Lulu reposa son verre et prit sa pipe à l'âtre aussi vide que son tréfonds, hélas.
Le jour semble bien se lever peu à peu et... personne. Pour sûr, ces deux-là ne l'ont pas attendue pour s'amuser. Refoulant une sombre envie de leur crever les yeux, elle bourrait sa pipe violemment.

C'est alors qu'un pauvre hère perturba ses réflexions obscures.
Profondément absente dans les méandres sinueux de son esprit tordu et revanchard, elle ne s'était pas rendue compte de sa présence.
Un peu surprise, elle sursauta et en fit tomber sa pipe.
Levant vers lui son museau lorsqu'il l'interpella, la charnue le dévisagea.
Sa droite stature n'était pas optimale et il n'était peut-être pas de prime fraîcheur, mais Lulu ne s'en rendit pas compte.
C'était toujours ça, la soirée n'était peut-être pas totalement perdue si elle se concluait par un petit-déjeuner généreux.

Elle sourit donc à cette perspective en se léchant les lèvres de gourmandise.
Le jour se levait, et elle avait grand faim.

Je vous permets.

Tapotant le velours pourpre de la banquette, elle lui fit signe de venir s'installer auprès d'elle.
--Jaysabel
Jaysabel observait le bain de la fillette. Elle découvrait en même temps que Madame Madeleine la peau propre qui se cachait sous la crasse. Elle sourit. Elle ne savait pas exactement pourquoi, mais c'était comme si la scène la faisait rire. Peut-être était-ce du à l'acharnement de la croyante qui frottait si fort qu'on voyait des marques rougir sur les bras de l'enfant. Au moins, on pouvait dire qu'elle se souciait des autres celle-là. Pendant un instant, elle réfléchit. Si Madame Madeleine n'avait pas été là, aurait-on laissé la petite vivre dans la saleté? Non, elle n'était pas émue la Jaysabel, bien sûr que non...

Sa mère... À l'âge de la fillette - elle tenta de se souvenir son nom... Alice? Oui, c'était bien ça - À l'âge d'Alice, elle faisait déjà les rues pour trouver des clients pour la maison close, du temps où elle appartenait à sa mère. Jeune, elle n'avait pas encore de rondeur, comme Alice, mais ça semblait plaire à certains hommes. C'était bien pour ça qu'on l'envoyait dehors, évidemment, dans des robes semblables à celles qu'avait tendues Thorvald.

Elle s'apprêtait à se remémorer des souvenirs perdus depuis longtemps quand Madame Madeleine se tourna vers elle. C'était mieux ainsi de toute façon. Elle n'avait pas envie de se rappeler.


Mettez-vous donc nue, jeune fille, comment pourrais-je vérifier votre état de santé, sinon ?

Bien sûr. Je ne voulais simplement pas attraper froid.

Sourire moqueur, elle avait changé de sujet de pensées. Elle se déshabilla complètement et laissa Madame Madeleine faire son examen. Elle ne porta plus attention à elle, fixant la petite Alice qui enfilait une jolie robe décolletée. Un décolleté bien inutile, à vrai dire, pour ce qu'il contenait. Mais les hommes avaient parfois de drôles de goût.

Il y en avait eu un, un soir, alors qu'elle se promenait autour de la maison close. Elle avait le même décolleté qu'Alice. Un vieux qui la reluquait d'un café et qui la mettait mal à l'aise. Elle aurait tout donné à ce moment là pour retourner jouer avec ses poupées. Devant son regard fixe, elle avait repris la route de sa demeure et était rentrée sous les yeux curieux de sa mère qui semblaient vouloir dire de retourner travailler à l'extérieur. Jaysabel l'avait ignoré, jusqu'à que l'homme cogne à la porte et la demande. Pour un énorme montant de pièces sonnantes et trébuchantes, sa mère n'aurait rien pu faire d'autre que de la vendre pour une nuit. À bien y penser, elle l'aurait vendu pour très peu...

Madeleine fit un signe de tête pour signifier la fin de cet examen médical. Tout était en ordre, sûrement. Elle était allée se laver les mains sans un mot de plus. Rien à ajouter, elle supposa. Pourrait-elle donc commencer à travailler ce soir?

Un autre regard vers Alice. La Succube avait dit demain. Il ne fallait pas désobéir et elle pensa qu'il valait peut-être mieux accompagner la fillette dans la rue. Jaysabel se rhabilla en vitesse et suivie l'enfant du coin de l'oeil...


Le jour se lève.


Des cris, des pas précipités... Jaysabel était descendu et avait vu le gardien de la Rose quitter son poste en courant à l'extérieur. La Succube n'était pas dans la pièce, ni la religieuse. Mais que se passait-il? Il y avait une femme dans l'entrée que Thorvald avait laissé là. Ça devait être une urgence...

Inquiète, la jeune femme alla à la porte et regarda celle qu'on avait ignoré. Elle tremblait de s'être fait bousculer, adossée au mur. Après avoir vu disparaître Thorvald de son champs de vision, elle posa la question qui lui brûlait les lèvres.


Savez-vous ce qu'il se passe?

Elle n'avait pas vu qui était sorti, excepté le gardien, mais cela ne présageait rien de bon. Depuis quand sortait-on en courant d'un bordel? Et depuis quand le gardien abandonne-t-il son poste?

Attendant la réponse à sa question, elle prenait un peu la place de Thorvald, ne laissant entrer personne. Il est vrai qu'elle ne faisait pas une aussi bonne impression que le grand dur qui bloquait la porte, mais comme il allait bientôt faire jour, elle ne craignait rien, du moins, elle ne craindrait rien d'une femme comme celle à ses côtés.


--Dusaan


La pipe était tombée sur le sol, froide et roide. Dusaan la regarda. Il aurait dû songer à la ramasser pour elle, cette espèce de symbole de la négation de sa féminité. Cet attribut d'un autre sexe, dont la forme laissait perplexe et rêveur. Une pensée de ce genre effleurait son esprit dérangé. Mais la main n'obéit pas. De toute façon, la main tenait un deuxième verre. Et l'oeil, lui, avait déjà accroché le galbe d'une jambe potelée à souhait.

On a beau faire, l'oeil n'est pas assez puissant pour soulever un tissu par la seule force de la pensée. Et voila notre homme soudain tout encombré de ses verres. Pourquoi faut-il donc boire, quand on pourrait s'enivrer de ce corps ?! C'est elle qui le sauva en tapotant la baquette.

L'oeil s'arrêta au velours pourpre. Attirant. Se perdit dans les méandres de la soie, arabesques aussi versatiles et inattendues que la raison du rapace. Ici, un dessin venait rappeler la croupe cambrée de Rexane. Là, une boucle de ses cheveux.

Soudain, il releva la tête vers la femme et s'assit, raide comme la justice. Il est vrai, oui, il est vrai que nous étions venus inviter cette ... cette ... l'œil se perdit dans le regard de la Charnue. Opales sournoises. ... cette dame. Il déglutit.


Dusaan, votre humble serviteur. Buvons ! Aux amours perdues ...
... et à la rondeur des possibles.

Vraiment cuit, mon pauvre. Voila que tu dégoises. Il avala un peu de vin. C'était mieux, ou pire. (Ça peut rarement être pire avec Dusaan). Cela réchauffait l'âme, tout autant que cette cuisse sous sa main. Il s'assouplit un peu, se détendit et se prit à rêver aux énormes possibles. Aux possibles dodus, aussi dodus que cette croupe-là.
Cayai
Elle n'avait jamais vu Paris. Comme une enfant, elle s'était imaginé la capitale comme un exemple de splendeur, beauté royale, grandeur et émerveillement. Elle avait rêvé de ses rues entrelacées, des odeurs de ville et même du sourire du Roy, qu'elle pensait rencontré ici ou là, au détour d'une ruelle. Quelle foutaise!
Comment pouvait-elle se montrer si naïve parfois! Elle avait gardé ces images de gamine en elle, tandis que la vie lui apprenait, avec plus ou moins de douceur que, bah justement, douce elle ne l'était pas.
Un exemple de plus, se dit-elle lorsque elle mit pieds à terre et que ces bottes frappèrent le sol et s'enfoncèrent dans la boue de la rue.
Il pleuvait tandis que le matin semblait se lever, une petite pluie inutile et puante, comme si les nuages eux mêmes n'étaient que déjection.

La tête protégée par l'ample capuche de son manteau, elle leva les yeux et regarda alentour.
On ne lui avait pas menti. La cour des Miracles était les bas-fonds d'une cité, comme le coeur d'une pourriture. Au lieu de lui donner un visage accueillant, le levée du soleil, triste et frileux ne la rendait que plus rebutant.

C'est qu'elle n'avait plus l'habitude, aussi, la baroudeuse avait troqué les bouges contre la soie fine des quartiers des Duschene et y avait vite pris goût, ma foi...
Les rennes fermement serrées dans sa main gantée, la jeune femme avança vers une petite porte, vraisemblablement l'adresse qu'on lui avait indiqué. Elle fut un peu déçue. Elle s'attendait à plus de frasques à l'entrée d'un tripot.

Haussement d'épaules... Qu'est ce que ça pouvait lui faire, au fond...
Soigneusement, elle attacha la renne de cuir dans l'impasse près de l'entrée du bordel puis revint face à la porte. Sentant les interrogations se rappeler à sa mémoire, elle les balaya d'un mouvement de tête puis frappa énergiquement à la porte d'entrée, prenant soin de garder son visage camouflé mais d'ouvrir son mantel sur ses formes avenantes.

Que fais-tu là? hurla la petite voix au fond de sa conscience. Es-tu prête à tout cela? Tu va pénétrer dans la fosse aux serpents! Reviens sur tes pas! Monte en selle et fuis!

D'un autre côté, elle devait l'avouer, tout cela l'excitait. Aussi redonna-t-elle un coup sur la porte qui tardait à s'ouvrir.
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