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La Rose Pourpre, Bordel des Miracles (2ème partie)

--Ainara


Y avait pas qu'elle qu'était pas du matin visiblement, vu comme la bonne femme était peu causante. Bah! La catin n'était pas vraiment v'nue chercher de la conversation de toute façon. Haussant légèrement une épaule, elle se préoccupa plutôt de trouver quelque chose à se mettre sous la dent, et finit par s'installer à califourchon sur le banc, quignon de pain dans une main et bol de soupe.

Elle s'apprêtait à leur faire leur fête lorsqu'une présence discrète lui tira l'oeil. Une jeunette s'approchait doucement, l'air pas faraude. Aïnara aimait bien les filles qui débarquaient pas avec des airs bravaches. Et puis, si la môme était une nouvelle collègue, autant sympathiser. Elle lui fit donc un sourire et se poussa légèrement pour lui faire de la place sur le banc.


B'jour jeune fille. Je m'appelle Aïnara, et toi?

Elle commença de se remplir la panse en attendant la réponse puis s'interrompit à l'arrivée du gardien escortant une... jardinière. Tiens, la Rose avait donc un jardin? Faut dire qu'elle avait pas vraiment eu le temps d'étudier les lieux avant de jouer les filles de l'air... Elle hocha la tête aux propos du gardien.

Aïnara oui. Silloe hein? Et bien... Bienvenue à la Rose.

Thorvald_
Nuits illuminées. Obscures journées.
Tel était le lot des habitants de la Rose.

Mais le colosse était particulièrement gâté. Car si sa nuit avec la Succube avait été une explosion lumineuse, sa journée virait peu à peu au cauchemar, s'enfonçant lentement sous de glauques horizons. L'odeur en témoignait.

Odeur qu'il avait voulu épargner à la jeune fille. Mais à peine avait-il tenté de l'apaiser et de l'immobiliser d'une main sur l'épaule, pour ceindre autour de son nez le torchon salvateur, qu'elle chutait. Glissant entre ses doigts, telle une goutte d'eau froide.

Son énorme paluche en gardait encore la fraîcheur, suspendue dans le vide, impuissante, tandis qu'elle dévalait les escaliers sans qu'il n'ait rien pu tenter pour la retenir. Happée par la cave, engloutie. Peut-être morte.

Vos mains auraient elles la tremblote sieur ?




En bas des marches, Thorvald la regardait à la lueur de la lanterne récupérée. Elle était déjà sur pattes, et leurs ombres se balançaient sur les murs. Il sourit, puis se mit à rire brièvement.


Si elles tremblent, ce n'est que de froid, demoiselle.

Son regard gris avait pris à la chandelle des teintes ambrées. Il s'imprimait dans les émeraudes sombres de Silloe. Implacable cette fois. D'un geste franc, sans être brusque, mais sans douceur, il tamponna le sang avec son doigt enroulé dans ce maudit torchon.

Le pourpre vous va ...

... à ravir, allait-il dire, avant de se rappeler de l'effet que lui faisaient les compliments. Un petit sourire s'esquissa sur sa joue, tandis qu'il admirait ses lèvres devenues carmines, tranchant avec sa peau d'albâtre.

La coutume veut que je descende le premier. Si vous restez un peu, je vous apprendrai les autres coutumes.

Une lueur pétilla dans son œil. Et puis il se détourna d'elle, traversa les flaques d'huile pour ouvrir le soupirail, trouva deux pelles contre un mur dont une qu'il tendit à Silloe, et inspecta le sol de terre battue. Au bout d'un court instant, il s'arrêta et accrocha la lanterne à une étagère.

Ici, ce sera parfait. Commencez à creuser.


Il décrocha des étagères un vieux rideau de toile et l'étala un peu plus loin.

_________________
X
Silloe
    Silhouette frêle que l'on aurait néanmoins pas prit le risque d'approcher, par peur que cette aura hostile qui suintait d'elle, embrumant ses contours toujours purs et fragiles, ne soit fatale. Pour autant l'homme loin d'être intimidé, imposa son tampon sur la lèvre fendue. On devinait Silloe frémissante, prête à bondir et mordre sans aucune concession, état d'âme ou regret préalable. Pour autant elle demeura immobile, contenant ses membres agiles et vifs dans leur désir d'entrer en action. Pupilles butées, qui ne quittaient désormais plus l'homme. Les rayons faiblards de la lanterne apportaient à nouveau d'autres échos de sa personne. Il s'éloigna ensuite quérir une bêche à son intention. Le temps pour la jeunette de s'apaiser. En réalité rien ne se perdait, simple transformation de ses élans primaux en une nouvelle attitude déridée. Sourire cynique au coin des lèvres elle s'empara avec poigne du manche tendu. Son esprit n'était pas dupe, et elle continuait de garder un oeil sur le corps qui étendait un bout de toile à quelque mètres. Pour autant cette situation n'était pas sans l'amuser... Le jeu du chat et de la souris était un passe temps auquel elle s'adonnait sans avoir attendu Thorval.


    Elle s'activa donc à son travail manuel. Avec une ardeur non contenue... Ce n'était point le prétexte de s'acquitter de sa dette qui la motivait. En fait il n'y'avait aucune motivation sous cet acte d'apparence dévouée. Seulement un intérêt propre, en cas contraire elle aurait tout bonnement refusé de se décarcasser devant un spectateur, qu'elle ignorait désormais. Simplement absorbée par la suée qu'elle s'imposait non sans un plaisir...malsain ? Toucher du doigt ses limites, cotoyer de près le point de rupture était un fait dans lequel elle trouvait toute sa satisfaction. Ses muscles finement dessinés montraient leurs visages, auparavant difficilement devinables sous ce que l'on pensait n'être que des bras maigrelets. Le trou s'agrandissait vite, et le regard céladon semblait perdu au delà du vide dont elle était l'auteur, tandis qu'un tas s'amoncelait non loin. Ses pieds nus eurent tôt fait de se couvrir d'une couche terreuse leur proférant un teint uniformément argileux, brut. Contraste à nouveau avec son corps opalescent, céleste. Comme l'enracinant en cette cave, sphère en dehors du temps et de l'espace. S'appuyant sur sa pelle un instant, quelques mèches collées les à la peau par la sueur ;


    Il vous faut quelque chose de plus profond ?


    Voix neutre, aucunement astreinte à la fatigue. En aucun cas lassée. intriguant, allez savoir qu'elle satisfaction véritable trouvait elle à creuser sans savoir même pourquoi...
Thorvald_
Trois jours plus tôt (et trois nuits, autant dire six saisons), l'évêque qui avait mis la cave sens dessus dessous avait laissé derrière lui un de ses protégés. Qui il était, et comment c'était arrivé, Thorvald n'en savait fichtre rien, mais une chose était sûre, le corps n'allait pas tarder à faire frémir la Rose de parfums bien moins subtils.

Un ménage s'imposait.

Tandis que Silloe creusait, creusait jusqu'aux enfers, il emballa le cadavre dans la toile, et se mit à creuser à son tour. L'air froid qui suintait du soupirail ne suffit bientôt plus. Une chaleur de tous les diables les enveloppa, mêlée à la poussière en suspension et à l'odeur âcre qui s'immisçait par tous les pores de la peau.

Dire que de l'autre côté du mur, se situaient les bains, fragrances délicates, buée pure et paresseuse ...


Il vous faut quelque chose de plus profond ?

La jeune fille le ramena aux dures réalités de la cave. Il s'essuya le front, de son énorme bras dénudé. Il avait ôté sa veste pour ne pas la salir, et la sueur avait collé la crasse sur sa peau. Par chance, seule Silloe le voyait dans ce sale état. Il regarda les pieds nus de la demoiselle, ancrés dans la terre, puis revint à son visage inexpressif. Volontairement inexpressif ? Pourtant loin d'être superficielle, prête à dévoiler d'autres profondeurs ... aussi vite qu'à les dissimuler.


J'aime creuser, mais je rêve d'un bain. Pas vous ?


Il avait usé du même ton désinvolte, pour des mots lourds de sous-entendus. Un sourire amusé cependant s'étira sur ses lèvres avant que la montagne de muscles ne redisparaisse dans l'ombre de son ouvrage.

Ainsi, le corps fut enfin enterré, la cave balayée, les amphores brisées débarrassées.

La lueur blafarde que distillait le soupirail avait disparu depuis longtemps quand le travail fut terminé. La nuit, déjà, les attendait là-haut. Il attrapa une bouteille de vin, la déboucha, et proposa la première gorgée à sa partenaire de pelletage :

Merci Silloe, je n'aurais jamais pensé qu'un petit brin de femme comme vous dissimule autant d'énergie.
_________________
X
--.ariane.


Pour l'argent, avait dit la vieille. Ne nous sommes-nous pas tous sacrifiés ? Pour tes frères et sœurs, tes parents, la subsistance de la famille.
Frêle meute grelottante recroquevillée au cœur de la Cour des Miracles. Sales comme des poux, maigres comme des chiens errants. La famille vivait de rapines mais cultivait en son sein un fabuleux trésor : Ariane.

Déclarée prête.
Dès le premier sang, la mère avait retenu l'enfant insouciante auprès du foyer, guettant le premier riche (au moins un possédant cheval) qui voudrait lui acheter la première nuit de sa petite. Ainsi, Ariane avait passé l'hiver cloîtrée, contre l'âtre. Préservée. Sa peau n'avait pas subi la morsure du froid. Ni de personne d'autre, d'ailleurs, car nul n'était venu.
Devait-elle le regretter ou s'en réjouir ? Elle ne le savait.
Pour l'argent, avait dit la vieille.


Un jour, la mère était rentrée du marché, avait préparé la petite sans mot dire, récurée, peignée, parée de ce qu'elle avait de plus propre. Puis elle l'avait menée devant une porte colossale et magnifiquement ouvragée.


Frappe ici, ma Cendrillon. Dis qu'c'est moé que j't'envoye et fait ben c'qu'on t'y dit, pi r'viens nous-en 'vec l'argent. Vas.

Les vieilles mains rugueuses replacèrent le bonnet et l'écharpe en fourrure d'un gris tigré (pur gouttière certainement) et caressèrent la joue. C'est qu'elle l'aimait bien, sa petite, son trésor. Un sourire encourageant creusa la face ridée, et puis Ariane dû partir, seule, s'envoler timidement vers les marches de l'établissement qu'elle connaissait, que tous connaissaient ici, sous le nom de La Rose Pourpre.

Elle frappa doucement, et se tourna vers sa mère pour obtenir consentement et approbation. Faisait-elle bien ? Était-ce ainsi ? Mais la rue était vide désormais. De furtives ombres frôlaient les murs. La neige sombre amortissait tous les sons, rendant l'atmosphère plus lugubre encore. Son seul recours était la porte. Le cœur battant, elle frappa plus fort cette fois. Son destin était scellé, elle ne devait pas montrer sa peur. L'effroyable frousse qui lui montait des entrailles.
Silloe
    Mes actes en points de suspensions.
    Où cette antre béante dans les fondations de la bâtisses déboucheraient elle, si tant est qu’elle débouche sur de l’observable ? Je l’ignorais.
    Et je soupçonnais d’avantage que ce puits sommaire n’avait pas pour but de remonter à la surface quelque substance vitale. Bien au contraire…
    Tout comme ces murs, étouffer les exhalassions sirupeuses de quelques actes abhorrés par la majorité de la populace.
    Ces points de suspensions qu’empruntaient mes sourires intrigués, amusés c’était indéniable.

    Les deux pelles allaient de concert.
    Et je me laissait emporté par le son relatif de ce rythme dont je ne connaissais la note finale, laquelle je ne pouvais qu’extrapoler.
    Mélodie du néant qui m’emportait bien plus loin que ce que le clientèle des lieux refusait de savoir.
    J’aimais l’idée de pénétrer un lieux par ses affres avant de découvrir son masque factice.

    Bientôt Thorvald traîna une silhouette qui même si elle avait été un temps soit peu reconnaissable n’aurait point effleuré la considération de la jeunette.
    Au delà de toute volonté de ne pas avoir l’air touché, qui n’aurait entre nous qu’affirmer qu’elle appartenait bien à une sphère humaine,
    ce défaut d’empathie envers un mort n’était qu’une des conséquences d’une existence considérée par d’aucun « à la rude » .
    Une jungle, où prédominait la loi du plus rusé.

    Son dernier souffle abandonné depuis assurément plusieurs lune cognait contre mes côtes rendues sourde par l’effort accomplit.
    Son teint diaphane ne fut bientôt qu’un souvenir qui ne gâcherait en rien mes courtes nuits.
    Son âme tiendrait parfaitement compagnie à celle de ceux qui s’oubliaient en ces pièces suaves, âmes qu’aspiraient imperceptiblement les vélanes de ce bordel,
    avec la promesse de s’en parer sans projet de les rendre à leur propriétaire alors enchaînés à cette bâtisse.
    Sans parfois même qu’ils n’en aient conscience.
    Imagination ? Sans doute mon esprit en possédait à revendre,
    il n’empêche que c’est ainsi que j’aimais à percevoir les lieux.

    Cet enterrement sommaire, qu’il aurait été plus juste de nommer ensevelissement,
    nous avait occupé bien plus de temps que je n’aurais pu soupçonner.
    Un voile de pénombre s’invitait à celui déjà préexistent de la cave.
    Soupirail vil, geule entrouverte sur des pavés ignorés d’une voûte céleste,
    réduits à déverser leur relent de frustration dans les bâtiments attenants.

    La perspective d’un bain qui m’avait parut plus tôt inconcevable s’avérait désormais amplement justifiée.
    Fragrances hapres de nos pores rappelant leur présence.
    J’acquiescait vivement de la tête, tignasse d’avantage boueuse, regard toujours aussi perçant,
    accentuésous les miasmes de la crasse remuée qui avaient élus domicile sur mes pommettes saillantes.
    Néanmoins demeurait cette attitude entre rapace et créature à l’affût de tout filet tendu.
    Silence pour toute réponse, je me contentait de suivre l’homme de mes pieds nus.
    Qu’il n’estime pas que j’étais simplement là pour planter mes lèvres dans sa voix.

    Première gorgée âcre pour cette bouteille offerte.
    Pupilles scrutatrice au delà de chacun de mes mouvements.
    Je ne le cachais plus depuis longtemps, moi qui prenait l’existence entière pour un jeu, j’estimais avoir chu au milieu d’un terrain propice.
    Et je m’avouais aisément intriguée par le personnage à qui je tendais la bouteille.
    Partenaire d’une partie dont je n’avait aucunement conscience des règles ?
    Où maître du jeu dont la présence était le prélude d’un affrontement nécessaire ?
    Mes lèvres semblaient figées en ce sourire éternel aux milles interprétations ;
    bien qu’il était indéniable d’y déceler une once de malice.
    Voix neutre un temps soit peu amusée par le ton de grand sage qu’elle empruntait…
    Cynique assurément. Mais au delà, une vérité tout en nuance.

    Les apparences sont généralement trompeuses…

    Pour ma part je n’aurais cru qu’un gentleman tel que vous risque de voir réduit à néant ses efforts pour être présentable.
Lyhra
La Succube était rentrée depuis des heures.

De longues heures soucieuses à compter l'or de la Rose. Trop peu à son goût. Il fondait à vue d'oeil tant sa maison lui coûtait en chandelles, vins rares, épices à brûler, dentelles et autres babioles.

Le front barré d'une ride chagrine, la plume grattant furieusement un parchemin bien assez couvert déjà, elle eut pu manquer le tapotement discret à la porte si elle n'avait à ce moment là levé la tête en soupirant.

La bigote et les filles n'étaient pas sorties de la cuisine, ou bien étaient remontées à l'étage par l'escalier de service.
Aucun bruit ne lui parvenait de ce coté là. Et ce n'était pas Thorvald qui viendrait ouvrir, on l'avait informée qu'il avait disparu dans les entrailles de la cave, la Rousse au nez délicat n'avait pas voulu en savoir plus et s'était échappée dans la grande salle, protestant qu'elle n'avait que faire d'écouter les détails de telle entreprise.
Elle n'osait en imaginer la pestilence... La charogne pue et fait la nique aux vivants, jusqu'au bout !

Depuis, en chemise toute simple et braies de gros drap gris, elle était restée là, dégustant un sirop de violette, les pieds nus tendus vers l'âtre rougeoyant, aussi brûlant que son bel amant l'avait été.

Elle alla donc ouvrir elle même au second coup plus ferme et trouva sur le seuil... une petite jeune demoiselle sous un calot de poils gris.
Malgré sa fatigue elle lui souhaita le bonjour d'une voix douce puis ajouta,

Que puis-je pour un chaton égaré ?
_________________
--Liebault


Endormi. Il s'était endormi sur le pas de la porte, le bras refermé autour de sa sécurisante bouteille, comme un ivrogne qu'il était. Il avait roulé sur le coté, et c'était le bruit de pas qui l'avait tiré de sa torpeur hébétée.

Vite, se cacher, un peu plus, dans le recoin où il était. Elle était bien jeune celle ci pour arriver au bordel. Encore plus jeune que lui! La porte s'ouvrit, il l'entendit, comme il entendit la voix. Une voix de femme! Il l'imaginait, aussi surement qu'il l'entendait. Elle devait être belle. Elle devait être brune. ou blonde. Et avoir ces formes plantureuses que l'on connait aux prostituées.

Cette fois ci, c'était certain. Il était terrifié. Rasant le mur, avec une infinie prudence, il retourna vers le coche sans armoiries, où l'attendait son percepteur, plein d'espoir.
A son regard interrogateur, il répondit par une grimace. La lumière était trop vive, et ses tempes douloureuses. L'homme pourtant d'une patience infinie se fâcha.
L'adolescent terrifié fondit en larmes. Sanglots d'enfant, hoquets secouant son corps maigre, en pleine croissance.

L'homme s'apitoya, encore une fois. Ils attendraient l'ouverture du bordel, et il aurait une dernière chance.
Il acquiesça.

Puis, recroquevillé sur une des banquettes, le sommeil. L'oubli. Jusqu'au soir, l'oubli. Après... Il serait toujours temps de voir...
--.ariane.


Le menton trembla mais elle tint bon, sûre qu'on n'embaucherait pas une trouillarde pleurnicheuse. Elle faisait bonne figure. Pourtant, à l'intérieur, tout n'était que désastre et chaos. Toutes ses certitudes s'écroulaient, là, et coulaient sur le pas de la porte de la Rose Pourpre, telles des larmes imaginaires, telles des oripeaux qu'elle quittait pour devenir une autre. Une mue liquide.

D’une voix nouée, à peine audible, le dit chaton murmura :


Bonsoir madame. C’est la Bertrande … qui m’envoie.

Ses beaux yeux noirs en amande, se levèrent alors seulement vers le visage de celle qui l’accueillait. On y lisait tour à tour sa détermination de petite femme dévouée à son sort, et sa fragilité enfantine, sa grâce mutine. Sa curiosité et sa crainte. Quelques mèches blondes s’échappaient du bonnet en poils de chat. Son manteau et ses chausses usés étaient propres. Elle sentait vaguement le savon.

La dame, elle, avait une voix douce et envoûtante. Si l’habit eût pu être celui d’une simple servante, l'élégance de sa silhouette et le brillant de sa chevelure rousse la trahissaient. Et son parfum délicieux ... Ariane se sentit alors totalement en confiance. Oubliés les démons du dehors, les monstres de la nuit, ici on la chérirait. Elle se donnerait à toutes les mains qu’on voudrait. Gentiment. Docilement. Ça ne ferait pas mal, lui avait dit la mère. Puis on lui donnerait l’argent. La mère l’avait dit. Ce ne pouvait être autrement.

Le menton trembla à nouveau, brièvement assailli de doutes.
Thorvald_
Même cynique, le sourire de la petite lui plaisait. L'air de rien, il rapprocha d'elle sa masse imposante pour prendre la bouteille offerte, appuya une épaule contre les étagères branlantes et regarda Silloe. Des traînées de terre tapissaient leurs visages et l'odeur putride leur était peu à peu devenue familière.

Ils venaient d'enterrer un homme qu'ils ne connaissaient pas, sans sacrement, sans prière, sans pensée pour le jeune diacre. Corvée nécessaire. Les habitants de la Rose reprenaient leurs droits sur la cave, l'épisode était clos.

Thorvald posa ses lèvres sur le goulot encore humide, étancha sa soif, et répondit à la petite demoiselle.


C'est que le plaisir réside dans cet effort ... qui n'en est pas un, du coup. Se parer de mille feux, offrir une image agréable, une odeur délicate, une présence particulière. Offrir la première impression de la Rose Pourpre ... c'est une lourde responsabilité, dont je m'acquitte chaque soir avec une délectation renouvelée, espérant faire illusion. Car n'est-ce pas ce que tous viennent chercher ici, l'illusion d'un soir, l'enchantement dans des bras enivrants ?

Il regarda les bras de Silloe qui, à ce moment précis, ne payait pas de mine. Mais le bain aidant ...
Il refoula le désir naturel d'en frôler la peau, du bout des doigts. Au lieu de cela, il prit sa main avec fermeté mêlée d'une certaine délicatesse.


Pas de chute dans les marches, cette fois, je vous tiens.
_________________
X
Lyhra
La Bertrande… ?
Ah !
Fit-elle en se remémorant son passage au Mont Hurlant plus tôt dans la journée, la tueuse de chat.

Saint Foutre ! La vieille n’avait pas perdu de temps pour pousser la chair de sa chair entre les griffes de la maquerelle.

Appuyée d’une hanche nonchalante contre l’encadrement de la lourde porte entrouverte, la Rouquine regardait gentiment ce chaton égaré en ces lieux de perdition. Le nombre de ses années ne devait pas s’élever bien haut.
Derrière sa silhouette, la petite pouvait apercevoir, pour peu qu’elle s’en montra curieuse, un morceau de la tenture cramoisie qui séparait la pièce d’entrée de la grande salle, pouvait sentir les effluves épicées et fleuries qui en nimbaient l’atmosphère. Peut-être même qu’elle pouvait, en se haussant sur les pieds, entrapercevoir cette toile peinte clouée sur un mur qui figurait une femme livrée aux attouchements obscènes d’un trio de démons au sexe gonflé de sève, rouges comme le feu des enfers.

C’est donc toi… Ariane ?

Obscurcissant par un battement de cil septique les émeraudes qui lui servaient d'yeux, la Succube s’inclina, touchant le menton de la petite avec deux doigts.

Et… t’a-t-on dit pourquoi on t’envoyait ici ?
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--.ariane.


Oui oui, c'était bien elle Ariane. Ainsi donc on lui avait parlé d'elle ? C'était rassurant, elle était attendue. Elle acquiesçait vivement de la tête pour seule réponse. Un mot de plus et les sanglots dans sa gorge pouvaient se rompre à tout moment. Des effluves intéressantes cependant lui parvenaient et l'apaisaient ; une atmosphère sucrée et exotique, étrangère, qui l'encourageait et attisait sa curiosité. Le dedans du bordel, qu'elle n'avait jamais vu que de l'extérieur, était bien pourpre, comme son nom l'indiquait. Pourpre comme les lèvres de la dame. Pourpre comme la fièvre des hommes. Pourpre comme le sang qui coulerait, la première nuit. Oui, sa mère lui avait raconté des choses comme ça, mais de là à les reformuler elle-même ...

Elle étira le cou, qu'elle avait fort gracile, tandis que la dame lui relevait le menton pour mieux observer la marchandise, sans doute. Il fallait répondre. Mais que dire ? Tout était si flou pour elle : un homme ... ses mains ... du sang ... elle n'aurait pas mal (pourquoi le préciser d'ailleurs ?) ... l'argent. Elle inspira pour chasser les mots de sa mère qui tournoyaient dans son esprit, puis réalisa que la question, après tout, n'appelait qu'un oui ou un non. Alors elle se lança pour parler à nouveau, polie et docile. Ça c'était important, sûrement, la docilité.


Oui madame, on me l'a dit.
Lyhra
Bien sur qu'elle savait. Mais quoi ? La Succube n'osait tout bonnement l'imaginer.

Qu'avait bien pu lui raconter la vieille ? Que savait-elle celle ci du plaisir donné par les mains d'un homme, par son membre dressé ? Par sa langue aventureuse et le mouvement cadencé d'un ventre avide ?
Elle avait sans doute été fouaillée à la va vite sur un grabat, le jupon à peine relevé, par un sac à vin à l'haleine rance.

Pauvre petite, toute tremblante qu'elle était, à se figurer des étreintes répugnantes.

Pas ici, pas à la Rose, on y prêchait le divertissement des sens et la jouissance, n'en déplaise à Dame Madeleine qui aurait bien sermonné autre chose mais baste, elle n'avait pas voix au chapitre pour cela.
Cette petite serait caressée par de belles mains et déflorée avec attention.
Et pas plus tard que cette nuit même.

Sans fanfare ni trompettes pour ne pas se la faire souffler sous le nez, comme l'autre... la garce rousse. Ah non ! Saint Foutre ! Pour celle ci, les choses se feraient autrement. On avertirait personne et un chanceux argenté viendrait bien taper à l'huis apporté par la pleine lune.

Tiens ! Si Belombre revenait, elle lui fourguerait à un prix avantageux.

Et puis, elle n'aurait pas le temps d'avoir peur, d'échafauder milles fadaises, de prendre les manières des filles averties, de toute première fraicheur qu'elle était cette jeune fleur et ce serait pitié que de la laisser sous les ongles d'un vilain lourdaud.
Puisqu'elle était là...

Perdait-elle déjà son sang tous les mois ? Il fallait savoir, pour éviter les embêtements...

Rougis-tu ton linge tous les mois petite ?
_________________
--.ariane.


Tandis que la dame la regardait, l'évaluait, échafaudait elle ne savait quelles intentions sur son compte, la jeune fille leva les yeux vers la décoration des lieux. De grands yeux noirs pleins de candeur, qui s'élevaient vers le monde.

De riches tissus ornaient les murs, des rideaux compliqués dissimulaient certainement des salles mystérieuses, une magie dont personne ne lui avait parlé jusqu'alors. Un bordel était un bordel, même si la Rose avait bien une réputation de qualité, Ariane n'avait pas très bien compris en quoi consistait la qualité. La propreté des dames peut-être. La docilité. La beauté. Elle entrevoyait maintenant un tout autre décor, invitant à l'alanguissement et au rêve. Ses yeux tombèrent sur le tableau de l'entrée et s'élargirent au fur et à mesure qu'elle comprenait la scène qui y était représentée. Ses joues s'empourprèrent soudain, ses yeux s'humidifièrent. Désir ou frayeur, elle n'aurait su interpréter les réactions de son corps. Elle ne savait pas grand chose, d'ailleurs.

La question insolite la décrocha de cette vision dantesque et Ariane retomba sur ses talons.


Oui madame, à chaque lune.

Elle trembla brièvement. Pourvu qu'on la croie sur parole et que personne ne veuille aller vérifier elle ne savait quoi sur sa personne. Le vent se fit alors plus glaçant et fit frémir la fourrure de chat.
Lyhra
Bien, répondit-elle en souriant à la petite.

Mais ça ne l’était pas tant que cela. Faudrait pas se retrouver avec la petite engrossée au premier jet. Il fallait donc rapidement trouver de quoi éviter que la graine ne s’accroche quand on en voulait pas.

Dame Madeleine trop récemment embauchée n’avait pas eu le temps de pourvoir à ces petites affaires là, qu’à cela ne tienne, elle irait de son propre chef et pas plus tard que maintenant. Le temps d’enfiler ses bottes ainsi qu’un manteau bien chaud, de prendre quelques sous.

Se décidant brusquement elle fit entrer la jeunette et claqua la porte.
Ce bruit violent de bois heurtant du fer semblait sonner le glas d’une autre vie…

Ici, c’était un autre monde. Fait de velours et de dentelles cachant peu les peaux échauffées. C’était un monde où l’or achetait tout, ou presque mais la Succube tenait au bien être de ses filles parce qu’on travaille mieux le ventre plein et la tête à l’endroit. Elle ne les battait pas, comme certaines maquerelles, et veillait à ce que les clients fassent de même.
Elle faisait du vice une vertu, une fierté, quand d’autres en courbait le front, honteuses et humiliées.

Entre.
Elle la poussa encore un peu. Un peu plus, vers la grande salle silencieuse.

Je dois sortir quérir quelques herbes, pour t’éviter des embêtements.
Tu vois cette porte ?
C’est la cuisine
montra t’elle d’une main. Tu y trouveras Dame Madeleine, l’intendante et tu feras connaissance avec quelques unes de mes filles. Sois polie. Elles te traiteront bien.
Madeleine te donnera à manger si tu as faim.
Je reviens vite.


Et prestement, se dirigea vers l’escalier qui menait à l’étage : bottes, manteau.
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