Gnia
Assise à son écritoire, Agnès relisait pour la énième fois le torchon qui tenait lieu de décret municipal en triturant nerveusement la cicatrice qui courait le long de sa mâchoire.
Des années qu'elle en buvait du vin pestiféré de Bourgogne, tout autant que les autres, car Agnès avait le goût et l'amour du vin, quel qu'il soit et d'où qu'il vienne. Et là soudainement, il faudrait rompre avec de saines habitudes qui consistaient à renouveler constamment l'exploration des multiples facettes du sang de la terre, à en redécouvrir à chaque fois les subtilités, les différences de robe, de nez, de goût.
Tout ça parce qu'elle avait eu le malheur un soir de bonté de payer sa boutanche de vin, et pas d'la merde en plus, au bourgmestre de Montauban. Et qu'avait-elle reçu en guise de remerciement d'avoir ponctionné sa réserve du divin Nuits Saint Georges ? Un foutu décret liberticide destiné juste à l'emmerder, elle. Comme ça, pour la beauté du geste.
Ben qu'à c'la n'tienne, la caboche d'artésienne ça pouvait être aussi dur que celle du bourrin guyennois moyen. Hé, ho, des années que l'artésien de base n'avait pas fait une croix sur reprendre Compiègne, on allait pas se laisser démonter par un empêcheur de boire en rond ! Nan mais !
Etant arrivée au bout d'une logique implacable qui ne souffrait aucune remise en question, à l'image de l'entêtement du Tyrannique Gouverneur de la Cité des Saules, l'Infâme prit sa plus belle plume, son encre rouge sang et s'attela à l'écriture d'une missive qui scellerait probablement le devenir des produits bourguignons à Montauban.
Des années qu'elle en buvait du vin pestiféré de Bourgogne, tout autant que les autres, car Agnès avait le goût et l'amour du vin, quel qu'il soit et d'où qu'il vienne. Et là soudainement, il faudrait rompre avec de saines habitudes qui consistaient à renouveler constamment l'exploration des multiples facettes du sang de la terre, à en redécouvrir à chaque fois les subtilités, les différences de robe, de nez, de goût.
Tout ça parce qu'elle avait eu le malheur un soir de bonté de payer sa boutanche de vin, et pas d'la merde en plus, au bourgmestre de Montauban. Et qu'avait-elle reçu en guise de remerciement d'avoir ponctionné sa réserve du divin Nuits Saint Georges ? Un foutu décret liberticide destiné juste à l'emmerder, elle. Comme ça, pour la beauté du geste.
Ben qu'à c'la n'tienne, la caboche d'artésienne ça pouvait être aussi dur que celle du bourrin guyennois moyen. Hé, ho, des années que l'artésien de base n'avait pas fait une croix sur reprendre Compiègne, on allait pas se laisser démonter par un empêcheur de boire en rond ! Nan mais !
Etant arrivée au bout d'une logique implacable qui ne souffrait aucune remise en question, à l'image de l'entêtement du Tyrannique Gouverneur de la Cité des Saules, l'Infâme prit sa plus belle plume, son encre rouge sang et s'attela à l'écriture d'une missive qui scellerait probablement le devenir des produits bourguignons à Montauban.
Citation:
De Nous, Agnès de Saint Just et de Dublith, Comtesse en détresse,
A Vous, Eusaias de Blanc-Combaz, en qui nous plaçons tout nos espoirs,
Salutations.
Faict à l'Alabrena, en la bonne ville de Montauban, le sixième jour d'octobre de l'an de grasce mil quatre cent cinquante huit.
A Vous, Eusaias de Blanc-Combaz, en qui nous plaçons tout nos espoirs,
Salutations.
- Vous excuserez, j'en suis certaine, le ton cavalier de la présente missive. Je compte sur le souvenir impérissable qu'a pu vous laisser votre professeur nocturne de maintien de lance et de chevauchage.
Mais baste. Ce n'est point pour parler de bagatelles ou de la poursuite de votre apprentissage que je vous écris mais pour vous entretenir d'une affaire d'importance et dans laquelle vous pourrez vous faire chevalier servant.
Comme vous le savez certainement, je me suis installée en la bonne ville de Montauban depuis peu et je pensais y goûter une relative tranquillité. Mais, je dois revenir sur des aspirations somme toute légitimes du fait d'un foutu bourgmestre qui se plait à vouloir dicter les gouts de chacun.
Le Sieur, en effet, a réussi à faire passer un décret municipal interdisant le vin provenant de Bourgogne sur toute l'étendue de la municipalité. Je sais que cette affreuse décision vous insurgera autant que moi. D'autant plus que je vous joints copie du torchon, vous pourrez alors prendre toute la mesure de l'ignominie de cette arbitraire décision.
J'en viens donc au but de ma missive. J'ai besoin de vous, Digoine. Je ne puis plus espérer me procurer de vos si délicieux vins selon les voies normales. Plus aucun honnête négociant n'osera se pointer à Montauban, et malheureusement, je n'ai jamais eu à m'enquérir des malhonnêtes. Aussi me voilà pieds et poings liés, à devoir cacher mes maigres réserves et à me rationner en espérant qu'elles durent.
J'en appelle à votre bonté, à l'affection que vous avez à mon endroit et surtout à votre amour du terroir de votre province. Amour que je partage, au moins pour le vin.
J'espère que vous saurez répondre à mon appel à l'aide et que votre honneur vous commandera de ne point laisser damoiselle éplorée.
Faict à l'Alabrena, en la bonne ville de Montauban, le sixième jour d'octobre de l'an de grasce mil quatre cent cinquante huit.
Citation:
De l'affirmation de la supériorité du Vin d'Aquitaine ou l'embargo sur le vin Bourguignon.
A tous, présents et à venir,
Qui liront ou se feront lire,
Salut et Paix.
Aux Hommes la droiture et le devoir,
Et à Dieu seul la Gloire !
Bon et Généreux Bourgmestre, humble mais néanmoins mirifique Gouverneur de Montauban.
Scellé le 24e jour de Septembre de l'an de Grâce 1458
A tous, présents et à venir,
Qui liront ou se feront lire,
Salut et Paix.
- Nous, Sancte Iohannes, humble mais néanmoins très mirifique Gouverneur de Montauban, transporté par l'honnête désir de préserver la santé de ses administrés, ainsi que la valeur et la culture de notre Éternel et Éblouissant Duché de Guyenne prédestiné à rayonner sur le continent pour des siècles et des siècles, prenons la ferme décision de placer sous embargo le très pestiféré vin de Bourgogne sur le territoire de la municipalité Montalbanaise qui devient dès lors "Persona Non Grata" dans toute l'étendue d'icelui.
A charge de chaque milicien, fonctionnaire, et conseiller Municipal de courir sus aux tonnelets incriminés et de les démembrer sans pitié en leur collant 45 jours de convalescence. Pour chaque tonnelet de Bourgogne éclaté, un tonnelet Aquitain offert. Les tonneaux épargnés par la juste vindicte municipale en se voyant simplement vidés de leur lie burgonde dans un accès de magnanimité, se verront recyclés en balises flottante et en fûts à vinaigre.
Tout contrebandier surpris en flagrant délit de transport, stockage, ou de commerce de la marchandise incriminée susmentionnée s'expose à une comparution au Tribunal sous le motif d'escroquerie, à une mise au pilori, ou se voir soumis à une ordalie vinicole où la tête plongée une minute dans l'objet de son délit, le Très-Haut pourra l'illuminer de Sa Grâce en lui faisant comprendre à quel point son acte est malfaisant, le tout sous la supervisation attentive des très honnêtes et très loyaux services de la municipalité Montalbanaise.
Ainsi soit-il.
Aux Hommes la droiture et le devoir,
Et à Dieu seul la Gloire !
Bon et Généreux Bourgmestre, humble mais néanmoins mirifique Gouverneur de Montauban.
Scellé le 24e jour de Septembre de l'an de Grâce 1458
Rapide relecture. Elle avait forcé le trait sur le côté défense de la veuve et de l'orphelin, mais le Balbuzard était le type d'homme qui ne pouvait décemment pas refuser de répondre à de telles sollicitations. Puis après tout, il l'avait dans la peau où elle lui avait laissé une trace indélébile. Tout autant qu'elle avait hérité d'un petit souvenir de sa part également, mais celui-ci, Agnès espérait bien qu'il ne soit pas permanent.
La missive fut scellée et confiée à Mauricet, coursier de son état, avec pour consigne stricte de plutôt bouffer le parchemin que de le laisser à la vue d'inopportuns.
Et ce fut ainsi que naquirent les prémices d'un mutinerie d'envergure et débutèrent les premiers pas vers une farouche résistance à l'oppresseur.
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