Pouilleux
Ce RP se déroule quelques semaines après la fin du RP Le déclin. Bien que ce dernier ne soit pas encore parvenu à son terme pour des causes HRP diverses, merci de considérer Antoine comme un personnage en forme, bien qu'équipé d'une canne.
Concernant des interventions extérieures, elles seront certainement les bienvenues, mais merci par avance de m'en prévenir par MP, qu'on s'arrange un peu. Déjà, pour commencer, le rôle des brigands est libre.
Concernant des interventions extérieures, elles seront certainement les bienvenues, mais merci par avance de m'en prévenir par MP, qu'on s'arrange un peu. Déjà, pour commencer, le rôle des brigands est libre.
Parce qu'on est jamais sûr de rien ...
[Une fin d'après midi, au début de l'automne - Sur une route]
"Faites donc suer vos bêtes, Henri, ou nous n'arriverons jamais à Sinard avant la nuit."
Une fois l'ordre donné, le passager rentra sa tête à l'intérieur de la voiture qui le faisait avancer.
Ses yeux bruns éternellement et volontairement plissés laissaient paraître malgré lui une souhait plus que prononcé de se montrer comme un homme d'Etat sérieux et avisé. Au fond, ce n'était pas une impression tellement eronnée, lorsqu'il se trouvait en société.
Des cheveux noir coupés relativement court complétaient une barbe couvrant le menton avant de s'éteindre progressivement vers le bord de la mâchoire.
Tout vêtu de bleu par le mantel qui l'habillait des bras aux genoux, et de jaune par le col qui couvrait ses épaules et les braies qui couvraient ses jambes, les deux couleurs du fief accordé par la Vicomtesse, l'homme posait incessamment sa main gauche sur le pommeau de sa longue canne, qu'il chérissait depuis qu'il avait récupéré sa capacité à se tenir debout et droit. Bien qu'il n'en ait donc plus aucun besoin, le barbu avait donc gardé avec lui un bâton, autant par habitude que pour la prestance qu'il pensait fournie par cet objet plaqué d'or au pommeau, et d'argent sur la lance.
Le Seigneur de Sinard - car un esprit avisé devinât aisément qu'il en possédait les terres -, excécrant l'inactivité, s'équipait de son parchemin et sa plume dès qu'on prévoyait un voyage. En effet, la route de son domaine jusqu'à Dié - et réciproquement - prenait bien chaque fois une journée entière, et une journée à ne rien faire est autant que l'on regrettera au crépuscule de son existence. Antoine, dont la mort, quelques mois auparavant, ne tenait qu'à un fil, se trouvait alors plus attaché au temps qu'il devait conserver, que certainement l'écrasante majorité des habitants de ce monde.
Il écrivait donc. Une dépêche pour l'AAP, ses impressions, ses pensées, ses mémoires, une correspondance ... Tous les prétextes étaient valables pour faire couler l'encre. Parce que l'encre coule moins douloureusement - bien que plus rarement - que le sang; parce que la plume est tout ce qu'il reste à un infirme; parce qu'elle est la raison pour laquelle l'infirme possède autant que le valide; parce que l'alphabétisme est un avantage dont il faut savoir profiter; parce qu'il ne reste rien post-mortem d'un homme qui n'a pas su écrire ce qu'il ressentait; pour tout cela, l'écriture était l'activité favorite de ce personnage.
Il faut dire que, dans ses différentes professions, savoir adopter un discours construit était un atout considérable. Avez-vous déjà rencontré un journaliste incapable de fournir une prose digne de ce nom ? Avez-vous déjà rencontré un homme de politique s'exprimant comme le dernier des péquenauds ?
La réponse est certainement positive. C'était courant dans le Royaume, comme dans le Saint-Empire. Cependant, cet homme là avait décidé qu'il ne serait pas de ceux-ci.
Pourquoi ? Parce qu'il devait faire honneur à sa famille. L'illustre famille de Navarre, descendante des Rois de Navarre eux-mêmes. Son père, Arthur de Navarre, tragiquement décédé vingt-cinq ans auparavant, dont le plus grand regret fut de ne pas avoir vu grandir son unique enfant, enlevé dès son plus jeune âge par la nourrice - cette petite garce de Thérésa -, était certainement l'un des plus grands hommes de son époque, le Roy excepté.
[Au crépuscule - Sur une route, mais un peu plus loin]
Une grosse tête boursouflée se présenta à la fenêtre de la voiture du Seigneur de Sinard, l'interrompant du même coup dans un élan d'inspiration plutôt fructueux, ce qui ne manqua pas d'irriter ce dernier - le Seigneur, pas l'élan d'inspiration.
"Messire, on a là un petit problème.
- Quoi, encore ? poussa-t-il dans un soupir exaspéré.
- Il y a des troncs d'arbres qui bloquent la route."
Le passager n'en crut pas ses oreilles. Son cocher était donc tant que ça dénué d'esprit, qu'il n'était pas capable de reconnaître une attaque de brigands qui se passait sous son nez ?
Une rapide analyse de la situation fit comprendre à l'ancien infirme que ses précieux écrits et ses richesses étaient en danger. Pas question qu'il laisse des brigands abrutis s'en emparer.
"Espèce d'imbécile, faites demi-tour immédiatement, et au galop ! C'est une embuscade !"
L'air stupidement ignorant du conducteur passa à un air stupidement effrayé. Cependant, il obéit et fit rapidement avancer ses chevaux, tournant difficilement mais relativement efficacement du carosse, alors qu'Antoine enfouissait rapidement ses documents et une majeure partie de sa bourse dans un coffre dissimulé son son siège.
Cette cachette avait été prévue à cet effet de longue date. En soulevant le coussin et la planche qui se trouvait en dessous, ont découvrait que le siège était en fait creux. C'était une idée géniale d'un artisan qui avait demandé le gîte à Sinard, quelques mois auparavant.
"Aaaargh !"
Paniqué par cette plainte soudaine de son cocher, le maître regarda par sa fenêtre ce qui avait pu se passer. Il n'aurait pas dû. Le spectacle de ce pauvre homme, étendu sur le sol, une flèche solidement plantée dans la poitrine, les yeux, comme la bouche, ouverts, formant une expression de peur qu'il emportera à jamais, était une image qui hanterait l'esprit du journaliste pendant encore des années.
Car, en effet, bien qu'ayant manqué la sienne de peu, n'avait jamais côtoyé la mort d'aussi près. Malgré une enfance peu heureuse et un certain nombre d'années, l'intellectuel, plus que musculaire, de métier, n'avait jamais vu un cadavre de sa vie.
Sa respiration s'accéléra en un rien de temps, et il commença à souffrir d'une nausée progressant rapidement.
Dans le même temps, les chevaux, faute de fouet s'abattant sur leurs épaules, s'arrêtèrent lentement, et, autour de la route, quelques fourrés remuèrent ...