Nicolas.df
Lorsqu'ils arrivèrent à proximité de la maison dont il lui avait parlé, Nicolas la désigna théâtralement.
Mademoiselle, voilà l'endroit où je compte bien vous faire passer quelques années. Si vous voulez bien me suivre pour la visite de l'intérieur...
Il la précéda dans la cour en passant la porte cochère qui trouait le mur. Sur sa droite, une écurie manifestement pas utilisée témoignait de l'abandon de la maison. De l'autre côté, une petite grange s'appuyait sur un bâtiment trapu qui semblait être une réserve. Le probable futur propriétaire tourna son attention vers la maison en elle-même. Plusieurs cheminées dépassaient du toit qui surplombait un étage en sus du rez-de-chaussée, des fenêtres à croisillons perçaient à intervalles réguliers la façade en pierres de taille, et le perron dominait une petite volée de marches. Il s'empressa de les gravir, entrainant Adelinda sur ses talons.
Le vestibule n'était pas immense, mais suffisamment sans doute pour recevoir convenablement d'éventuels invités en mettant à leur disposition des patères et éventuellement un petit guéridon. Sur la droite et dans le prolongement de l'entrée, un escalier menait au second, mais Nicolas commença par passer la porte de gauche. Il s'agissait d'une pièce assez vaste, disposant d'une cheminée à chacune de ses extrémités, qui pouvait sûrement faire office de salle à manger et de salon pourvu qu'on la meuble correctement. Il revint sur ses pas et s'engagea dans le couloir parallèle à l'escalier. Il arriva à la cuisine, visiblement prévue pour accueillir un maître-queux. Soit le premier propriétaire de la maison avait un cuisinier, soit il avait vu trop large. Une porte sur le côté menait à la grande salle, et une autre au fond donnait vraisemblablement à l'arrière de la maison, mais ils décidèrent d'un commun accord de finir d'explorer l'intérieur. A l'opposé de la future salle à manger, on accédait à deux pièces en enfilade par un passage sous l'escalier qu'ils n'avaient pas aperçu tout de suite. Un peu indécis quant à leur utilité, ils montèrent à l'étage.
On pouvait facilement identifier les trois chambres grâce aux marques que les lits avaient laissé sur le sol. Depuis la plus grande d'entre elle, on avait une vue sur le petit jardin et plus loin sur le parc de Verneuil. Il n'y avait guère de doute sur la vocation de bureau de la petite pièce confortable de l'autre côté, qui donnait sur la cour de devant. En revanche, aucune indication sur l'utilisation qui avait été faite des deux autres pièces composant l'étage.
Se désintéressant momentanément de ses hypothèses à ce sujet, Nicolas se tourna vers la brune et lui demanda en souriant :
Alors, j'achète ?
Adelinda.
Un matin comme un autre, un réveil comme un autre, mais un chemin comme nul autre que foulaient les pas légers de la Flamande vers une maison, celle là même qu'il avait évoqué quelques jours plus tôt prévenant qu'il allait l'emmener la visiter. La rue semblait calme, des enfants jouant à torturer un chat s'esclaffaient et se défiaient à qui aura la part du lion du pauvre félin, mais la brune ne voyant plus que les avant bras de l'Italien, sa main qui pousse le portail, s'imprégnait déjà du lieu.
Elle s'approchait avec ravissement de la battisse qui projette des ombres à la fois fermes et transparentes sur la coupure hardie des terrains où se découpent de petits jardins enclos de haies détourant les maisons voisines. Une impression de langueur et de mollesse, cela dépassait encore tout ce que son imagination avait pu concevoir de plus délicieux. Cependant dans sa tête, trottaient ses mots à lui, sonnant telle une promesse.
-Mademoiselle, voilà l'endroit où je compte bien vous faire passer quelques années. Si vous voulez bien me suivre pour la visite de l'intérieur...
Et provoquant chez la brune aux yeux gris, une joie autant intime qui' inattendue, joie qui lui semblait ne devoir finir jamais, et qu'elle réprimait refusant d'y croire ou de répondre même si elle caresse intrinsèquement l'espoir d'une vie à ses côté, le tout en s'absorbant dans la découverte des pièces l'une après l'autre.
A l'étage, la pièce qui donnait sur la cour était éclairée d'une lumière printanière agréable, et propice à y passer du temps. Les yeux de Nicolas avaient brillé à sa vue.
-En quoi transformeriez vous celle là Niccolo?
Tandis qu'il lui répondait et qu'elle lui prêtait une oreille attentive, elle découvrait à présent la chambre la plus grande, un coup d'oeil complice assurait qu'ils avaient pensé au même usage : Ce sera certainement une chambre à coucher. Accoudée au rebord de la fenêtre qui donne sur le parc de Verneuil, ses pupilles errent tête levée dans un ciel libre, se baissant doucement pour caresser la cime des arbres, la magnificence des premières roses. Elle remarque dans le jardin tout en friches un bassin entouré de ses pierres verdies qui jouent la vétusté extrême; les mousses d'eau, les petites plantes délicates des sources s'y sont acclimatées, avec des joncs, des iris sauvages, - et les libellules égarées en ville viennent s'y réfugier. Le jardin dans l'ensemble représentait un tout petit coin de nature agreste qui est installé là et qu'on n'a pas troublé depuis des lustres.
Puis ses yeux se plongent plus loin dans le parc municipal sur lequel donne la maison. Un parc qu'on devine très vieux, peu fréquenté, avec de la mousse et du lichen sur ses pierres posées en guise de bancs, dont les allées envahies par lherbe entre leurs bordures de buis, un jet deau dans un bassin en pierre, et un petit kiosque tout déjeté par le temps, pour rêver à lombre sous les platanes noueux, tordus, pleins de nids doiseaux. Ce parc avait comme une âme nostalgique et douce, apaisante.
La voix de l'Italien chaude la sort de ses contemplations
-Alors, j'achète ?
Elle fit volte face appuyant sa croupe et ses mains sur les rebord de la fenêtre, la silhouette de son buste se découpant à contre jour
-Et comment! J'aime ce qu'elle dégage, son exposition, la largeur de la cuisine aussi, un luxe certainement que de pouvoir préparer à manger dans un espace qui ne soit pas exigu...elle nécessite par ci par là quelques travaux avant l'emménagement mais rien de vraiment sérieux non?, Sachez que vous pouvez compter sur mon aide si c'est le cas
Adelinda.
La main posée sur le portail en bois, le vague à l'âme, elle avait rendez vous avec lui dans l'enceinte même de la maison, mais il a oublié qu'il avait fermé la porte à clé, et elle demeure là sur le pas de la porte, le regard balayant le jardin, vide.
Quelque chose étreignait son cur, sans que ça ne revête une quelconque gravité. Tournai lui manquait, ses relations avec son futur parrain étaient tourmentées, et Wil..elle craignait son départ au fond d'elle comme s'il était son unique famille.
Seul son fiancé demeurait ce terrain stable sur lequel elle pouvait avancer en toute sécurité, un repère, une adresse, un voyage en lui même, le voyage et la destination réunis.
Se relevant doucement elle eut envie de se déchausser, jupons ramassé d'une main découvrant un genou délicat, pied nu foulant le gravillon de la cour, levant les yeux pour regarder la fuite lente et arrondie d'une grive, les pensées aussi suspendues que l'oiseau, loin loin plus haut..
C'est à cet instant là qu'elle entendit des pas crissant contre les gravillons de l'allée, c'était lui..Sourire qui illumine son visage, retenant ses jambes pour ne pas courir et sauter à son cou, se contentant de sourire bêtement..de ce sourire niais qu'elle lutte pour cacher quelques fois à sa vue..en vain.
Adelinda.
Le visage frais, badin, et ses yeux rieurs de son fiancé figèrent un instant le sourire sur ses lippes, elle qui pourtant demeure toujours prête à lui rendre taquinerie pour taquinerie, mais voila, elle ne se souvenait plus de la solution de Will la veille, elle ne se souvenait plus de rien à vrai dire, à linstant même où ses yeux se posèrent sur le front fier de lItalien, planté dune chevelure noire, soyeuse, les pommettes pleines, et la face régulière, dune beauté sanguine.
Elle crut pouvoir placer une quelconque riposte quand il la souleva avec aisance avant de lui ordonner dans un souffle de fouiller contre son cur à la recherche dune clé.
-Une clé..ici?
La voix hachée trahissait leffort de se soustraire à ce souvenir dans la chambre, où elle cloîtrée, elle se mit à dessiner ce visage qui la hante. Elle avait beau trainer le fusain avec soin sur la toile, à petits coups maigres, aucune esquisse ne la satisfaisait.
Sarrachant à ces pensées elle se rendit compte que ses doigts fins avaient dores et déjà entamé la glissade nattendant guère de réponse à sa question dérisoire. Eux ils savaient où était ce cur qui battait, pour lavoir quelque fois caressé, rêvé, ils sattelèrent à la recherche de lobjet de leurs instances : Une clé qui ouvrait la porte dune demeure pour les abriter, abriter leur histoire qui commence, leurs joies, leurs peines ou les deux mêlées, même les peines ne lui faisaient plus peur depuis quelle le connait..
La clé tourna dans le trou de la serrure, leurs visages rivés sur cette porte lourde en bois qui souvre, se sentirent recevoir lhaleine accueillante et tiède de la maison. Elle ne sentait plus lodeur rance des murs défraichis, mais le parfum chaud de la cire et du bois
et pour cause
une fois sur pied, Nicolas sétait emparé délicatement de ses doigts glacés. il monta un étage, longea un corridor, traversa une première pièce avec elle, pour quils se retrouvent enfin dans une chambre qu'elle reconnut avec peine ainsi meublée, elle fit le tour de la chambre, admirant lintérieur qui ne manquait plus que de quelques touches féminines, des draperies élégamment disposées ça et là afin de se jouer de la lumière, ou de la tamiser quand elle se fait crue.
-Les meubles sont magnifiquement bien conservés ! je tavoue les avoir imaginé usés les sachant achetés anciens, mais finalement non, ils ont lusure soignée.
La Flamande se sentit grisée soudain de réaliser que c'était leur demeure à eux deux, son corps volta pour le regarder avec une fixité ardente, les yeux aussi brillants que ceux d'une enfant le jour de la saint Noël
-Je rêve d'avoir un petit atelier de peinture ! penses tu que je pourrais l'installer quelque part Niccolo mio?
Nicolas.df
Un léger frisson parcourut l'Italien lorsqu'une main délicate se glissa entre les pans de sa veste pour chercher le morceau de métal qui y était caché. Il ferma les yeux un court instant, mais déjà la clef était dans la serrure, et la porte ouverte. Son bagage reposé sur pieds, non sans réticence, il l'attira à l'étage, vers les pièces terminées. Un fin sourire releva les coins de sa bouche à la remarque de la jeune femme, et il rétorqua sur un ton faussement offensé.
Evidemment qu'ils sont bien conservés, je ne pousse tout de même pas le sens des économies jusqu'à acheter des meubles branlants. Et de quoi aurais-je l'air si je n'offrais pas le plus douillet des écrins à ma perle personnelle, je vous le demande ?
L'enthousiasme d'Adelinda faisait tout de même plaisir à voir. Et ses yeux... bon sang, il aurait aimé s'y noyer si cela n'avait pas constitué un lieu commun d'une banalité affligeante. Seul un petit nez irrésistible les séparait de ses lèvres. Ah, ses lèvres ! Cela faisait bien quelques minutes que Nicolas n'y avait pas gouté, aussi vola-t-il un nouveau baiser. Gardant une main autour de ses épaules, il la regarda ensuite en souriant. Elle aussi souriait, et semblait attendre quelque chose. Il eut à peine le temps d'hausser un sourcil interrogateur, que la mémoire lui revenait : pendant qu'il s'attachait à détailler son visage un peu plus tôt, elle avait pris la parole. Au sujet d'un...
Un petit atelier de peinture ? Ma foi très chère, vous venez de trouver un usage à l'énigmatique dernière pièce de cette étage. Voudriez-vous me dresser une liste du matériel qui vous sera nécessaire, afin que je le commande ?
Le jeune homme n'y connaissait rien, mais il se faisait fort de trouver un artisan plus expérimenté. Sa Flamande aurait le plus bel atelier de peinture de Verneuil, foi d'un di Prato !