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[RP] L'errance des éclopés

Drannoc
Il marchait librement comme un pèlerin, un long bâton affuté pour accompagner sa patte folle amochée durant sa dernière bataille aux pieds des remparts.
Alençon, donc. Il faut tenir et c’est la première fois qu’il goute à la frustration, le sentiment étrange de n’avoir rien à faire sans pouvoir y changer quoique ce soit, aucune alternative. Réduit à l’impuissance, l’amertume s’insinuait peu à peu en sa chair à mesure des jours écoulés. C’est quoi c’t’histoire ? Tu commences à ressembler à ces morts en sursis que tu méprises. Il a pourtant l’expérience et le recul, ce détachement qui le préservait de la faiblesse humaine. Fermes la ou t’es déjà mort, ça n’fait que commencer. Il se rendait compte qu’il atteindrait les prémices de l’hiver dans l’oisiveté la plus totale, sur ces mêmes terres. M’arrive quoi ? Je t’ai dis de la fermer. Il sentait une vague glaciale submerger ses tripes. Il se rendait compte qu’il avait peur. L’inexplicable.
Lueur brûlante aux yeux, IL approchait déjà.


- Non je n’crois en rien...il luttait contre l'apparition mais son scepticisme fondait pourtant, impuissant.
* Ricanement profond, caverneux.*
- Je pouvais y rester…j’y étais presque…
- Tu finiras poussière, être faible. Peut-être bientôt, finalement.
- Pourquoi tu n’m’y as pas laissé ?
- Je t’avais façonné froid, lucide et clairvoyant, tu ressembles maintenant à un sous être de ce néant. Tu étais guidé par le Fléau, tu trébuches en agneau à la lueur de ta lâcheté.
- Je n’crois en rien.
- Tu es fini, ne luttes pas et disparais.

Il ouvrait les yeux alors qu’il ne se souvenait pas les avoir fermé. Le cœur cinglant contre sa poitrine, la sensation glaciale avait disparu du cœur de ses tripes. Il se tenait au bord d’une corniche et son pied venait de faire rouler un caillou dans l’abyme. Il observait le trou noir, hochant la tête lentement et prêt à découvrir ce qu’il y avait plus bas.

- Non. L’arme à la main, pas ça, lâchait-il une lueur noire dans les yeux et les dents serrées. Je suis mon maître…encore.

Il contenait une fureur sourde contre lui-même et faisant demi-tour, plantait son bâton fermement au gré de ses pas qui le ramenaient vers la cité. Peu à peu, les marques de toute expression quittaient son visage et le Dode abandonnait son esprit délabré. Momentanément. Il est vivant il est vivant il est vivant il est vivant il est vivant il est vivant…résonnait une voix dans sa tête. Ta gueule. Evidemment.
_________________
--Ny.x



Précipice.


Là.


Omnisciente.
Omniprésente.


Depuis l'origine et jusqu'à la fin des temps.
Observatrice silencieuse parmi les étoiles séniles et les soleils moribonds,
Diaphane présence, souffle inaudible au commun, examinatrice amusée de ce monde qui palpite.
Etendant son bras immense pour écarter le tissu nuageux d'un effleurement et mieux scruter les âmes.

Ignorant les tièdes et sans saveur, résignées, dans le rang, et autres avides de pouvoir sans mérite, ouvrières de l'ombre mesquine. Dénuées d'intérêt. Indigentes de l'esprit.
Concentrée sur le chant des inaliénables vagabonds, de noirceur lumineuse.


Au loin, un Fils Carmin ourdit l'embrasement du monde, nostalgique d'un passé révolu, entrainant dans sa course l'Ange au coeur pur. Bientôt les dépouilles écartelées jalonneront leur route, éclatante de pourpre et de fers croisés. Combien tomberont sous leurs lames et retourneront à la Terre l'abreuvant de leur sang ?

Ici, un Enfant qui s'ignore. Egaré volontaire, dialoguant en lui même comme s'il était divisé. Aveugle et sourd à son propre coeur, préférant l'errance et le confort d'une vaine idolâtrie, se rassurant comme il peut pour mieux enfouir une douleur tue. Léthé une fois avait porté regard sur lui. L'invitant à poursuivre, à devenir. Lui insufflant la goutte d'oubli nécessaire à la survie. Elle avait observé leur chant depuis. Si clair et pourtant...

Là sa Fille a renfilé son masque. La brûlure était par trop attractive. Effrayante. L'albâtre a trop aimé l'ivoire, s'est trop abîmée à son feu pour se risquer à nouveau à s'ouvrir. L'enfant de la Discorde a renoncé à bâtir, se laissant emporter comme une feuille sous le vent d'automne, passive depuis que la Tisseuse l'avait quitté. Avide de liberté acceptant l'emprisonnement et les carcans imposés. A se débattre silencieusement dans le refuge des paradis artificiels.

Non loin, un autre s'agite et vocifère. Désespérant de réveiller un monde atone. Prêt à n'importe quel excès face aux jérémiades ampoulées, paré à la riposte dans une explosion d'éloquence fougueuse.
Plus loin, un Pèlerin s'éveille à la faveur d'un long sommeil. D'une renaissance annoncée en éclatants vermeils, aux lèvres d'une arrogante servante de Bélial ou aux extases guerrières.


Vivants.
Ses Enfants sont vivants.
C'est ainsi qu'elle les aime. Agités dans ce monde tiède. Dérangeants les timorés et leur existence insipide.

Qu'importe la fin.
Il n'y a que les mots qui soient beaux.
Que leur chant qui resplendisse assez pour déchirer les cieux et voler jusqu'à elle.

Qu'importe Sélène et Hélios, indifférents dans leur course à ces coeurs qui palpitent.
Lorsque viendra le crépuscule de leur vie,
Que leurs entrailles se mêleront à celles de leurs ennemis dans un maelström grandiose,
Qu'ils cesseront de lutter et d'avoir peur.

Alors loin des faux semblants,
Croyances ternies par les mots des hommes,
Ils reviendront tous à la genèse,


Au Primat,

A Elle...
Drannoc
Il est vivant il est vivant ! Précipice. Il est vivant Égaré il est vivant il est vivant Deviens ! il est vivant il est vivant il est vivant Disparais....

Il roulait au sol comme un damné, la tête dans les mains et le corps secoué de spasmes alors que ricanait un soleil rouge au zénith. Mais il fait nuit espèce de fou. Il se mettait à rire, assailli de cette nouvelle voix un peu trop propre. L'Enfer l'avait rattrapé alors qu'il tentait encore de rejoindre la civilisation. Un filet de sang coulait de son nez et venait contourner ses lèvres. Nyx...

- Rejoins son monde, raclure. Ce soleil le brûlait encore et il avait l'impression d'avoir perdu sa peau fondue tandis que sa chair bouillait et que des cloques se formaient en surface, éclatant dans un cloaque infernal. Il percevait jusqu'aux effluves de chairs brûlées qui émanaient de tout son être. T'es en train de cuire mon pote.

Feu d'artifice total dans sa tête il avait fini par se redresser, à genoux et les mains à plat devant lui, à cracher du sang par le nez et la bouche, la tête penchée de côté, l'œil vitreux. Il restait figé.


- Mais il m'arrive quoi ?...
- Tu es simplement en train de crever, immondice.
- J'ai faim maint'nant.

Il se trainait jusqu'à l'arbre le plus proche et s'appuyait contre comme un cadavre à moitié vivant et il avait l'impression de relâcher un air putride en un souffle de damné. *Rires*, t'es vraiment au bout.

- Ouais, mais j't'emmerde. J'vivrai plus longtemps que moi.
Glacial, ténébreux.
- Tu entends la Foi ?
- Je n'crois en rien et de mémoire défaillante, j'passe mon temps à l'dire...
- Alors que cela fait des heures que tu erres à parler sans un autre être vivant ? Tu reprends conscience.

Il poursuivait l'errance, délaissant le tronc jusqu'à glisser dans un fossé accueillant et protecteur. Sur le dos il observait une nuit fraîche et ses étoiles scintillantes. Au loin, les bruissements d'une nature vivante et intacte enveloppaient la campagne de son aura mystérieuse...

_________________
--Ny.x




Focus.




Là.


Omnisciente.
Omniprésente.


Mère du monde, issue du Chaos primordial.
Divine créatrice de noirceur éthérée,
Elle prédomine sur tout et tous, les regarde se démener, pauvres hères, après leur avoir tout offert,
Ether et sa pureté lumineuse à Eris et son malicieux esprit d'émulation.


D'un souffle elle commande aux étoiles d'illuminer les cieux.
D'une pensée elle ordonne à Chronos de suspendre le cours du temps, une fraction de seconde, fraction d'éternité. Qu'importe, il n'a prise que sur les chairs mortelles.

L'âme ne saurait souffrir de cette pause hors du temps, hors du monde.
Elle s'attarde, décortique cette âme, si torturée en dedans, si complexe dans ses retranchements. Que cherche-t-elle emmurée dans sa propre folie ?
Le repos, le salut, l'Oubli ?

L'âme désireuse de savoir, comprendre, se cherche et s'égare. Trop de voix, trop de voies. Sans issue.
Voit-elle cette illumination soudaine, sent-elle le souffle délicat de Zéphyr sur sa peau meurtrie ?
A-t-elle enfin compris combien elle est chérie ?
Unique parmi des centaines.


La trame du monde se referme et reprend sa course, Sélène brille cette nuit, les gratifie de ses reflets d'éclat argenté, révélant mille détails empreints d'opacité.
Sa Fille viendra sans doute s'attarder à son tour.
Quand viendra l'heure.


Et de ses bras chaleureux elle les ceindra,

Tous.


A Elle.
--Eris.





Toute la rage du monde vient de se concentrer en un point précis.
Phonoi et Algea avaient été servis, mais elle...

Eris n'est pas sa contemplative Mère ni sa compatissante Fille.
Elle se délecte des gémissements des blessés, danse sur les champs de bataille entre les corps déchiquetés.
Elle est celle qui d'un geste provoqua la chute de Troie, se satisfaisant de contempler l'anéantissement d'un monde par un autre, pour une pomme lancée à trois déesses suffisantes.

Un hurlement sinistre déchire la trame du ciel.
Sa colère est immense. A sa divine mesure.
Et cette fois, meurtrissure à la joue de son enfant ne saurait lui suffire.

Oeuvrer comme elle se doit, se jouer de lui, des autres,
Pseudis Logos soufflé à l'oreille, pour lui insuffler l'énergie.
"Il est en train de la tuer..."

Elle ne saurait tolérer que sa fille soit ainsi laissée, délaissée.
Qu'il soit fou est secondaire.
Elle est le mal nécessaire à son action.
"Lève toi..."

Il sait de qui elle parle,
D'une image qu'elle impose à l'esprit
D'une silhouette agenouillée au dessus d'une autre,
Massacrée.
"Avant qu'il soit trop tard..."








Phonoi : Le Meurtre
Algea : La Douleur
Pseudis Logos : Le Mensonge
Drannoc
La nuit cèdait peu à peu à l'aube et du fond de son fossé il assistait à l'éternelle métamorphose du monde. Son néant. Le tiens. Le leurs. De longs corps effilés semblaient s'immiscer en lui en auras rougeoyantes et bleutées...C'est l'aube et la nuit, le feu qui ondule et l'embrase, le consume...Elle est morte elle est morte elle est morte elle est morte...ça m'fatigue, j'veux dormir maintenant.

"Tu me laisses pas..."
"Dors maintenant. "

Et elle dormait la si petite silhouette en charpie, veillée de sa Mère...alors que Dran immobile, s'enfoncait dans le sol comme au ralenti et enivré de Ses voix envahissantes. Encore...Ricanement sourd. Tu n'en sortiras pas même si tu as évité l'abîme. Il laissait des sillons de ses doigts fatigués dans la terre meuble du fossé, percevait le ciel s'éloigner à mesure qu'il rejoignait les profondeurs calmement, lentement. Puissant, tu t'enfonces encore. C'est plus facile, comme un agneau. La ferme. Elle est morte elle est morte elle est morte...Il lui semblait que du sang s'échappait cette fois ci de ses yeux à moins que la brume écarlate ne se soit saisie de lui, comme une chape de torpeur mortuaire soudaine...

"Lève toi"...Eris d'une voix pleine, profonde...

Il griffe la terre sauvagement, complètement crispé et en sa fosse irréelle qui se résorbe, le ramenant à la surface du monde. Mais putain.
Il se levait enfin, sortait du fossé et avalait la distance, la jambe trainante mais l'instinct intact... Il se poursuivait presque lui même alors qu'il devait la rejoindre Elle.

_________________
Drannoc
Au frais.

Tout devenait soudainement trop réel. L'humidité emplissait ses poumons et les murs gris enfermaient sa perception. Porte lourde et barreaux à la fenêtre, quelques rats venaient grignoter ses pieds alors qu'il reprenait conscience. Il bougeait un peu, souffle court et yeux toujours vitreux. Il avait pourtant cru abandonner son sang avec son esprit en cette terre inconnue. Il avait presque espéré y laisser son corps et son âme, pour en finir, comme une bête abattue. 'Tain c'est bon, j'aime. Ça ricane quelque part dans sa tête. Il n'était pas allé bien loin pourtant, à Sa recherche. Rien à foutre, elle l'a voulue. T'es où, pourriture ?

"Ainsi, Nous, Shynai du Ried, Juge du Duché d'Alençon, en cette soirée du vingt sept octobre 1458, déclarons l'accusé messire Drannoc coupable des faits qui lui sont reprochés.
De ce fait, son séjour dans nos geôles se fera sur une durée de six jours."

Il se redresse et tire des chaines au bruit assourdissant de métal trainant sur le sol. Il lève les yeux sur cette fuite qui égrène ses goutes d'eau implacables tout près de lui. Ploc, ploc. Un halo blanchâtre vient caresser le mur en face où paraît une longue trace rougeoyante. C'est ton esprit. Nan c'est l'sang d'un autre, ta gueule.

Il observe à travers les barreaux les nuages menaçants. Il attend, appuyé au mur, immobile.


-Six jours, j'en avais demandé dix...Une tête de sœur vient se marrer dans la pièce et il ricane avec elle. J'suis bien ici, ne les laisses pas m'emmerder. Elle n'est pas là mais il la sent, ce parfum familial, la chaumière qui brûle, le Noc abattant un cerf de ses mains nues, un sapin puis sa femme, torgnolant sa fille pour finir.
Il éclate de rire et protège sa soeur dans un rêve foudroyant...

Les chaînes teintent dans un silence de mort et dans le vide d'une geôle grise et noire.

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