[Par une zoulie après-midi, ferme de Thalie]
La brunette espagnole, c'est bien connu, ça a un caractère de ... cochon! Pour confirmer l'adage, et aussi parce que la mairie semblait manquer de carcasses, Thalie avait opté pour cet élevage, histoire de dépanner, hein, mais de s'faire aussi un peu de sous, faut pas décon...abuser.
Sauf que quand on est fan de fringues, un petit peu frêle parce qu'on est qu'une pauvre femme toute fragile - forcément, les femmes sont toutes fragiles, ça fait leur force (eh ouais) -, et qu'on a une propention assez importante à être contrariée, on a tendance à ne pas tellement apprécier cette grosse tâche immonde qui souillait sa robe, comme... bah comme là, tiens.
- ¡ Misericordia!, ¡ Mi vestido!* hurla-t-elle. ¡ Cochino feo!** - une fois lancée, on ne l'arrête plus... ¡ Cochino malo, malo y malo!*** S'ensuivit une espèce de baragouinage pas content du tout, plein de noms d'oiseaux, une espèce de magma marmonné qui ne filait pas envie d'être le cochon, pour le coup.
Puis la tornade s'apaise, et affiche une moue boudeuse, les poings serrés, alors qu'elle hurle :
- Fedeeeeeeeeriiiiiiiiiiiicooooooooooooo, à l'aide !Fedeeeeeeeriiiiiiiiiiiiiiiiiiicoooooooooooooooooooooooooooo, au secours !
Un brigand? Deux brigands ? Une bande entière de brigands ? Un ours, un loup, les deux ? Voilà ce que Federico, le vieil homme - tout le monde est vieux passé 30 ans -, pensa en entendant la jeune espagnole beugler à l'aide. Pour hurler comme ça, quelque chose de grave se passait ; il lâcha donc le maillet dont il se servait pour fixer une barrière autour de la propriété, et se rua vers la ferme - Thalie devait être autour de l'enclos, c'est là qu'il l'avait vue pour la dernière fois.
Parvenu auprès d'elle, il tourna brusquement la tête de droite et de gauche, pour chercher les - il n'en doutait pas - agresseurs de l'unique fille de son maître espagnol. Sauf que là, il n'y a personne que la jeune femme, les bras croisés sur la poitrine, une mèche de cheveux lui barrant le visage, sourcils froncés, moue boudeuse affiché sur ses lèvres, et poings serrés. C'était à n'y rien comprendre, à moins que... A moins qu'il n'y ait une histoire de houppelande "pas chèèèèère du touuut", quelque part, et qu'elle l'ait râtée. Et là, c'était pas bon, mais alors, pas du tout.
- Ben qu'est-ce qui vous arrive, Thalie ?
La brune fulmina, montrant sa robe tâchée de boue :
- Qu'est-ce qui m'arrive ? Comment ?! Enfin, tu ne vois pas ? C'est une catastrophe !
Aïe. Ca, c'était pire qu'une bonne affaire vestimentaire loupée. Il tenta de l'apaiser :
- Oh, mais ce n'est rien, on ne la voit presque pas... Et puis, vous savez c'est le métier qui rentre ! Il ponctua son propos d'un éclat de rire gras, qui, étrangement, ne fut pas partagé par sa protégée.
Celle-ci déclara, placide :
- C'est tellement drôle que j'en ai mal au ventre, dis-donc... Et merci, tu n'as qu'à dire que je ressemble à une souillon la plupart du temps !
Là, il fallait la calmer, avant que ça dérape vraiment... Idée de génie, idée de génie... Idée de génie!!
- Et si je vous préparais un bon bain dans lequel vous vous prélasseriez ? Avec ces petites essences que vous aimez tant, vous savez ?
Ou de l'art de détendre quelqu'un qu'on connaît depuis sa plus tendre enfance, en connaissant ses points faibles. Sourcil brun qui se lève, petit sourire qui naît sur les lèvres de l'Espagnole, qui s'exprime d'une voix bien plus calme, d'un coup :
- Mais ça va prendre des heures ! Et je voulais voir cette jeune femme blonde qu'on a rencontrée, tu sais, Aléa... ? Les sourcils se froncent à une question du vieux. Oui, celle que j'ai rencontrée à Poitiers, y en a pas 50 000 non plus, hein... Je ne me suis pas enfuie ! T'arrêtes, hein !
Puis, lui tournant le dos, l'air digne :
Je vais à la rivière, ce sera parfait ! Et peut-être que les grenouilles seront plus gentilles que toi, qui veux toujours m'énerver! Ouais, ingrate, aussi, en plus d'être caractérielle.
Après avoir foncé chercher une tenue lui permettant d'aller nager - très légère, la tenue, il ne s'agissait pas non plus de se noyer, hein, mais juste de cacher le minimum vital pour éviter de se faire agresser -, la brune se dirigea d'un pas décidé vers la rivière... Enfin, vers Marqués, son minorquin - le seul mâle de sa vie -, parce que si en plus de sa robe, ses chausses devaient être abîmées, là, ça serait la fin du monde.
[Toujours par une zoulie après-midi - la rivière - c'est bien, vous suivez]
Hop, ni une ni deux, la jeune femme et l'équidé sont à la rivière, et Marqués graille tranquillou, alors que le premier orteil de sa propriétaire est glissé dans l'eau, pour en être sorti aussitôt, le tout accompagné d'une grimace et d'un cri outré en espagnol, qui pourrait se traduire par "ouuh la vache, elle est gelée !" La brune se tourne vers son cheval, qui affiche le même air blasé que Federico lorsque Thalie pique une crise ou une autre, sur un accessoire vestimentaire...ou un autre.
- Ouais, t'as raison, j'peux pas aller la voir comme ça...N'empêche que si après ça, elle ne comprend pas que je l'aime, je sais pas ce qu'il lui faut, moi, à la blondinette. T'as vu comme elle était trop jolie ce matin ? Ouais, t'as raison, elle est toujours trop jolie...
Et un jeté d'Espagnole à la baille, un ! Après quelques minutes, le froid qui l'avait saisie jusqu'aux os s'estompa enfin, et la brune fit quelques brasse, détendue d'être enfin bientôt propre. Lavée, elle glissa sa tête sous l'eau à nouveau, et en ressortit, lançant ses cheveux en arrière.
- Marqués, mon beau, tu ne bouges pas, d'accord ? Je vais suivre un peu la rivière, si quelqu'un de pas gentil t'approche, tu mords, mi amor !
Et la brune de se laisser bercer par les petits clapotis de l'eau, et de descendre un peu le cours de la rivière, sur le dos. Par moments, elle se tournait, et allongeait ses bras et ses jambes pour évoluer grâcieusement dans l'onde, ravie de fendre les eaux de ses doigts écartés, sans réelle poussée, sans réelle résistance. C'est alors qu'elle la vit, et malgré elle, se redressa, surprise. Une légère tasse plus tard, la brune était remise de sa première émotion, et se laissa entraîner vers la blonde, se dirigeant vers la rive, où elle s'appuya.
- Le bonjour, jolie blonde...
* : Je vais pas vous traduire "Miséricorde", hein? Si ? "Miséricorde, ma robe !"
** : "Vilain cochon !"
*** : "Méchant, méchant, méchant cochon !"
[Edit pour fautes de mise en page + 1 très vilaine faute d'orthographe digne d'un CP]