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[Rp] Quand un lion se fait chat

Valezy
Plusieurs jours après les événements relatés durant la cavalcade hivernale…

Au sein d’un manoir, situé à l’extérieur des murailles de la cité… Son manoir… Même si il n’avait que trop rarement le temps de l’honorer de sa présence. Ses voyages et sa charge ne lui laissant, en effet, guère le loisir de s’isoler dans ses quartiers pour se livrer à ses études et à ses écrits. Cependant, en ce jour, bien loin de ses habitudes, le maître des lieux n’étaient pas là pour se retirer au calme, loin des affaires de ce siècle.

L’homme déambulait, en effet, d’un pas empressé dans les différentes pièces de la bâtisse, inspectant les lieux de son regard inquisiteur, s’attardant, ainsi, sur chaque détails et gesticulant, de temps à autres, quelques ordres à ses gens et ceci, à la moindre broutille qui l’incommodait.

Une fois son inspection terminée, il se rendit alors dans la grande salle, où il était de coutume de servir bonne chaire à ses, trop rares, convives. Sur son visage flottait furtivement un petit sourire satisfait qui s’effaça rapidement à la vue du nain qui fainéanté dans le fauteuil situé près de la cheminée.

« Encore là, j’espère que tu as fait porter la lettre comme je te l’ai demandé ? »

Le nain ne put que hausser les sourcils devant l’abrupte question.


« Bien sur que je l’ai fait, je ne suis pas un… »

Il n’eut cependant guère le loisir d’achever sa phrase que son maître l’interrompit.

« Nul besoin de nier, toi comme moi savons que tu l’es… ».

Et bien que Gaspard ne sembla guère gouter à ce trait d’humour, il n’en resta pas moins silencieux. Valezy riva alors ses yeux bleus sur son domestique, mais aussi ami. Pour l’occasion, il avait fait enfiler ses plus beaux atours au petit homme… Un vieux costume mais que ce dernier ne revêtait que trop peu souvent, y préférant ses loques habituelles.

« Bien… Joli habit, c’est parfait. Tu es tout simplement ridicule avec… »

Mais cette fois ci, le nain ne laissa pas passer cette dernière remarque.

« Et toi, tu me sembles bien nerveux, gamin… Je te connais bien trop pour que tu puisses me dissimuler cela derrière quelques boutades. »

A cette dernière remarque, le Seigneur de Magnet ne pu que sourire avant de répondre sur un ton bien plus affable.

« Tu as raison, Gaspard… »

Son regard se détourna alors pour se poser sur le montant de la cheminée, sur lequel avaient été soigneusement gravées ses armes. Dans le silence qui s’ensuivit, les deux hommes eurent, alors, tout le loisir d’écouter le doux crépitement qui s’échappait des flammes, dansant gracieusement au sein de l’âtre. Puis, au bout de ce qui parut être de longues et interminables secondes…

« Tu devrais y aller maintenant, va et prend les deux gardes avec toi, ainsi que le nouveau coche. Veille, aussi, à ce que rien de fâcheux ne vous arrive sur le trajet… Veilles-y par tous les moyens, tu comprends ? »

La réponse qui s’ensuivit se fit alors bien plus respectueuse que la précédente.

« Bien, maître, il en sera fait ainsi…
Il n’en reste pas moins que tout ceci va nous couter une petite fortune… »


A ses mots, le Capitaine ne pu réprimer un rire, avant de répondre.


« Tu sais bien que je ne porte aucun intérêt à ses questions…
Allez, va maintenant. »


Après, s’être incliné, le nain se retira alors, suivant ainsi les consignes de son maître.

Et, quelques minutes plus tard, Valezy pu contempler de sa fenêtre le carrosse qui s’éloignait et les deux cavaliers qui faisaient route dans son sillage.

Visiblement rassuré, l’homme se détourna alors… Il devait encore se préparer et cela n’était pas sans le ravir. Aussi, eut- il tôt fait de pénétrer dans la salle des étuves.
Les lieux, immergés dans une chaleur à la limite du soutenable, étaient embaumés par la douce odeur des herbes aromatiques. Valezy se débarrassa alors, avec soulagement, de sa tenue de soldat…Qu’il détestait, d’ailleurs, au plus haut point, peut être parce qu’il la portait beaucoup trop souvent à son goût.

Et ceci, avant de se plonger dans le bain qui lui avait été soigneusement préparé. Il ne pu retenir un soupire de contentement en sentant son corps se détendre au contact de l’eau chaude. Valezy se laissa, alors, glisser dans le baquet jusqu’à ce que son visage soit à son tour immergé dans l’eau… Puis, ses yeux s’ouvrirent, enfin, pour contempler fixement le plafond de la pièce, en une image légèrement troublé par l’ondulation des flots.

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Johanara
Sous le regard inquisiteur de la vieille gouvernante qui avait langé les d’Ambroise depuis trois générations , la jeune fille s’empourpra.

Et bien quoi? Ne me fais pas ces yeux là. C’est seulement un souper …Entre collègues. Je t’assure que je n’ai point besoin d’un chaperon!

Les sourcils broussailleux de la mère Eulalie se froncèrent et elle rétorqua l’air visiblement septique et le ton soupçonneux.

J’vous trouve bien élégante, moué, pour un simple souper! Et toutes ces coquetteries que vous avez exigée d’la pauv’ Mathilde! Regardez la ,l’est en nage la petiote !

En effet , la jeune chambrière tremblait encore, le visage rouge et les cheveux collés aux tempes par la transpiration. Johanara haussa les épaules et soupira en repensant au drame qui s’était joué plus tôt dans la grande chambrée.

Quelques temps auparavant , elle avait manqué faire porter un billet à Valezy , feignant quelques maux de tête l'astreignant à demeurer dans ses appartements. Sa camériste n'arrivait à rien!
Les cheveux étaient tantôt trop bouclés , tantôt trop plats , et aucune toilette ne trouvait grâce à ses yeux.

Après moults menaces , bravades et autres fulminations , Johanara fut enfin satisfaite du reflet que lui renvoyait le miroir de Venise. Elle avait ensuite laissé la jeune fille disposer un peigne d'ivoire finement ciselé de part et d'autre de ses longues anglaises flamboyantes. Un dernier raccord , un ultime diamant réajusté et la chambrière la libérait sans signer ce qui était pourtant un chef d'oeuvre, conforme par sa rayonnante figure aux portraits des madones.
Dans la grande psyché d'acajou, la demoiselle d'Ambroise avait contemplé une dernière fois son élégante toilette. Elle avait revêtu une cotte de drap or que surmontait une ample robe de gaze safran. Pour parfaire sa mise , elle avait pris soin d’oindre ses fins poignets et le creux de son opulent décolleté de quelques soupçons de fragrance de jasmin.


Prend ta soirée Mathilde. Et quitte cet air chagrin je suis on-ne-peut plus satisfaite.

Souriant légèrement à sa camériste , elle se tourna brusquement en entendant le heurtoir battre lourdement la porte en chêne massif.
Diantre comme le temps était prompt à s'écouler... Déjà on venait la chercher.
Mathilde , avant de se retirer , posa un long manteau de satin doublé de zibeline sur les épaules graciles de sa jeune maîtresse.

Traversant les corridors de Saint Lys , elle fut bien surprise de se retrouver nez à nez , ou plutôt ventre à nez avec le nain!


Vous? Hum bien le Bonsoir. Gaston c’est bien ça? Je vous suis.

Quelques instant plus tard le coche déchirait la nuit , filant vers le manoir du seigneur de Magnet.
Doux voyage en comparaison du périple -voir la cavalcade hivernale- qui lui avait valu cette galante invitation.
Elle se remémora le billet reçu tantôt dans la matinée et qu’elle avait soigneusement rangé dans l’un des petits tiroirs de son secrétaire après l'avoir relu maintes fois , le rose aux joues.



Citation:
A l'attention de Johanara d'Ambroise,
Connétable d'Armagnac et de Comminges
Baronne de Lignières et Dame de Saint Lys,
Mais, aussi, et surtout, très chère et très estimée amie,

Je pense que vous devez sans mal aucun, imaginer les raisons qui me poussent à prendre la plume en ce jour pour vous écrire ces quelques mots. Encore que je pourrais aisément et inlassablement goûter le plaisir de noircir ce parchemin, pour la simple et unique satisfaction d'avoir l'occasion de penser à vous et à votre beauté.

Il n'en reste pas moins, que par la présente, j'ose remémorer à votre bon souvenir, l'affaire que nous avions tout deux conclus, voici quelques trop longues journées déjà. Espérant ainsi que vous n'aviez pas oublié cette récompense que vous aviez, alors, eu la bonté et la bonne grâce de m'accorder.

Aussi, je vous renouvelle donc cette invitation à dîner et vous convie à me rejoindre, ce soir même, en mon humble et modeste demeure.
Comme promis, mes gens passeront vous quérir, alors que le soleil pointera à son couchant, et ceci, afin que ces derniers vous emmènent à moi en toute sécurité.

Vous disant par la même, à très bientôt,
Impatiemment,
Valezy.



La chevelure ambrée de la Baronne magnifiée par les quelques rayons de lune qui éclairaient la nuit fit son apparition hors du coche bientôt suivie par la robe mordorée et le regard vert empire.

L’iris rivée au manoir , elle se laissa guider distraitement par le nain , étrangère à ce qui se passait autour d’elle , contemplant l’air absent l’architecture de l’édifice comme à chaque fois qu’elle se trouvait en un lieu qu’elle ne connaissait pas. Elle aimait à admirer les batîsses comme si à force de caresser les vieilles pierres du vert sombre et soutenu de son regard , elles allaient lui livrer leurs plus anciens secrets.

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Valezy
Les secondes devenaient des minutes… Qui elles même se transformaient en éternité…

Il était fin prêt… Non, pas tout à fait, se dit t’il finalement, avant de s’emparer d’un seul geste de son anneau sigillaire, lourde chevalière en or frappée à ses armes, pour passer délicatement à son index, ce dernier ornement.
Son regard se déporta, finalement, sur le miroir où il pu ainsi, à loisir, mirer le reflet qui lui était offert, à l’image du célèbre Narcisse en admiration sur les rives du mythique Céphise.

Il avait revêtu pour l’occasion des atours qu’ils comptaient parmi ses plus remarquables. Mais de cela, le Seigneur de Magnet n’en manquait en rien. Car, d’ascendance italienne, on aurait pu dire que le sang qui coulait dans ses veines portait, à merveille, le goût du faste et du beau. De telle sorte que, bien avant qu’il ne fut fait noble, il n’était déjà pas rare de voir Valezy négocier, à quelques lombards de passage, de riches étoffes, venues d’au-delà des Alpes ou de plus éloignées encore, dans le lointain et tant imaginé Orient.
Pour cette soirée, il avait revêtu chemise et braie, de soie et de velours, et dont les nuances indigo se mêlaient à merveille à la couleur de ses yeux, comme pour mieux faire ressortir cette dernière. Sur cet ensemble un surcot d’azur et finement brodé à ses couleurs, parachevait son costume. Et, de ci de là, quelques fils d’ors et boutons de nacre ne faisaient que rajouter à son bon plaisir… Car il était tel ce qu’il aimait…

Un sourire en coin déforma, alors, ses lèvres quand il prononça, à sa propre intention, et d’un ton dans lequel transparaissait sans mal aucun la vanité et le contentement.


« Tout simplement, parfait… Comme d’habitude. »


Se fut alors que le retentissant aboiement de ses molosses se fit entendre à l’extérieur de la maisonnée. Il s’était à de nombreuses reprises demandés pourquoi ses chiens de chasse manifestaient ainsi leur déplaisir à chaque fois que le nain rôdait dans les parages… Mais force était d’avouer, qu’à défaut d’en connaître la raison, ce fait lui était fort utile, surtout en cette occasion.

Puis, après avoir jeté un dernier regard sur son reflet, il se mit alors en marche pour accueillir son invité. Et son empressement était palpable tandis qu’il dévalait les grandes marches centrales du manoir.

Et grand bien lui en fit car à peine avait-il eut le temps d’arriver dans le hall que les lourdes portes de chênes s’ouvrirent déjà. Et c’est alors qu’il vit…
Un nain… Et son sourcil se leva alors de façon perceptible, car cela n’était pas vraiment ce qu’il attendait…
Rapidement suivit d’une femme… Et ceci était déjà beaucoup mieux…
D’autant plus que le spectacle était tel que Valezy occulta rapidement le premier au profit de la seconde.

En effet, force fut d’avouer que l’homme en eut le souffle coupée… Car la vision de la jeune baronne, apprêtée d’or et de safran et dont le gracieux visage était encadré de sa flamboyante et raffinée coiffure, ne pouvait en rien le laisser dans l’indifférence.
Néanmoins, il ne se laissa guère le temps de passer pour un niais que déjà il se reprenait pour déclarer, tout en se rendant à la rencontre de la belle.


« Baronne, me voila fort aise de constater que vous avez favorablement répondu à mon invitation… Aussi soyez la bienvenue en ma modeste demeure. »

Et le doux sourire qui vint alors illustrer son visage n’était pas pour le contredire.

« Que dire ? Si ce n’est que vous êtes sublime, ma chère… Et encore, par ce compliment, je suis bien loin de la vérité. »

Alors, arrivé à un pas seulement de son interlocutrice, l’homme s’inclina… A sa manière d’une rapide et furtive inclinaison de la tête et des épaules. Marque de fabrique d’un homme qui ne s’était abaissé, de toute son existence et devant un mortel, que par une seule et unique fois.
Puis, redressant fièrement son visage, ses yeux se posèrent sur les iris de jade de Johanara, tout en lui présentant son bras.


« Mais venez, je serais le pire des hôtes si je vous faisais la conversation dans un hall.
Aussi, allons-nous nous rendre dans la grande salle, si vous le désirez. »


La jeune femme lui fit alors l’honneur de prendre son bras et l’homme ressentit ce simple contact comme on goute à une douce caresse. De telle sorte, qu’une lueur sembla illuminer le fond de son regard tandis qu’il conduisait d’un pas posé son invité à travers le large escalier en colimaçon.

« Puis je m’enquérir de votre santé ? J’ai hésité à vous faire parvenir si prestement mon billet… Mais, il y a des domaines dans lequel je ne saurais faire preuve de patience.
Aussi, j’espère que vous vous êtes remises de toutes ses mésaventures ? »

Et sur cette question, son visage se tourna vers la Baronne, la douceur de ses traits le disputant à son apparente sollicitude.
A quelques mètres d’eux, de vastes portes ouvertes laissées entrevoir leur destination. Une pièce aux dimensions respectables, baignée dans la lueur diffuse que laissait émaner le feu de l’âtre et les flammes des candélabres, et ornée en ses murs d’un hétéroclite mais agréable décorum. Où se mêlait harmonieusement des tapisseries aux couleurs chatoyantes et différents écus relevées par les armes de nobles lignées, qui pour la plupart étaient soit inconnues, soit oubliées…

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Johanara
La jeune fille gravissait les dernières marches lorsque les portes de chêne massif s’ouvrirent, laissant apparaître le fier seigneur des lieux.

Ce dernier avait troqué l’uniforme contre une mise fort élégante et qui lui seyait à ravir. Le regard accroché délicatement au tissu azuréen , un sourire sibyllin se forma à ses lèvres . Ainsi tous les militaires ne manquaient pas de raffinement…

Levant lentement ses yeux vers les siens , Johanara accueillit les paroles de son capitaine par un franc sourire et une rougeur aux joues qui lui semblait coutumière ces derniers jours.


Je ne pouvais décemment refuser si courtoise invitation et me priver du plaisir de revoir mon sauveur…

La Baronne prit son bras , priant pour qu’il ne la brusque pas comme certains indélicats qui oubliant qu’elle boitait légèrement la malmenaient sans précaution , l’allure vive et le pas lourd.

Mais les gestes du Capitaine étaient tout en retenue , aussi était il très agréable de flâner à son bras et la jeune fille se sentit tout à fait à son aise tandis qu’ils pénétrèrent sous la lumière ruisselante des hautes flammes dans une pièce fort joliment ornementée.

Il s’enquit alors de son état de santé.


Ma foi , le médicastre s’est fort bien occupé de moi. Les traces de coups se sont fortement estompées mais je vais garder un bien vilain souvenir de tout ça , regardez

Écartant son abondante crinière dans un mouvement gracieux , elle lui désigna la petite cicatrice qui courait sur le lobe de son oreille avant de lui sourire avec malice.

Alors que quelques effluves jasminées vinrent ravir le beau seigneur , Johanara rejeta délicatement sa lourde chevelure en arrière , dissimulant par la même la discrète estafilade.

Dans l’âtre de l’imposante cheminée , le feu crépitait gaiement. Par intervalles , une flambée joyeuse s’allumait et enveloppait les deux jeunes gens de rayons caressants. La rousse chevelure se nimbait alors d’une auréole lumineuse , projetant de surprenantes clartés dans les entrelacs de ses longues boucles ambrées.

Johanara fixa distraitement les arabesques que dessinaient dans l’ombre les flammes rutilantes avant d’ajouter :


Je tenais à vous remercier encore de vous être porté à notre secours au péril de votre vie. S’il est certain que le souvenir de ses deux brutes m’est des plus pénible et malcommode , ce méchef a été considérablement adouci par votre gentillesse et votre présence rassurante.

Son air sérieux attestait de son réel sentiment de reconnaissance envers son sauveur.

Et si nul sourire n’étirait les lèvres carminées de la jeune noble , ses grands yeux d'un vert de mer brillaient de pénétrantes clartés semblables à la vague quand elle s'enflamme.

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Valezy
La chaleur du feu de bois envahissait son corps, lui apportant, par la même, un bien-être et un réconfort certain… Mais, était-ce la seule raison du sentiment qui envahissait alors Valezy ? S’arrêter à cela aurait été faire preuve d’une sottise exceptionnelle.
Car, il avait à son bras, une femme d’une rare beauté et d’une élégance qui égalait sans peine la sienne, ce qui n’était pas peu dire… Du moins, le pensait-il, avec arrogance certes, mais aussi, avec conviction.
En outre, là n’était pas les seules qualités de la jeune femme, bien loin de là. Il en avait conscience et ne pouvait, en conséquence, éprouver qu’agréables sentiments de se retrouver en si admirable compagnie.

Aussi, le Capitaine savourait avec un grand plaisir cet instant, s’attardant à chaque sourire, à chaque regard, à chaque propos…

C’est alors que la Baronne lui montra sa fameuse blessure de guerre… Et si Valezy porta sur l’oreille de Johanara, un regard empressé, ce ne fut point cela qui attira réellement son attention. Mais comment ceci aurait-il pu être le cas, pour un homme qui avait vu son content de guerres et de combats et avec eux, son lot d’atrocité?
Mais là n’était pas, de toute façon, le but de son interlocutrice, et le petit sourire mutin qui se dessina sur les lèvres de cette dernière, ne faisait que le lui confirmer.

A sa place, se fut un enivrant parfum qui retint ses sens… Un parfum sur lequel il pu placer un nom sans guère de difficulté. Du jasmin…
En retour à ce constat, un fin sourire vint adoucir le visage du maître des lieux.

Mais, déjà, la gracieuse Baronne détournait son attention, pour lui livrer avec une honnêteté et une sincérité certaine sa gratitude. Le visage de la belle était ainsi devenu si sérieux… Et toute malice y avait alors disparu avec son sourire.

Ce qui ne fut pas le cas de Valezy… Dont le sourire se fit espiègle.

"Allons, chère amie… Il n’y nul besoin de me remercier pour cela.
Quel genre d’homme aurait pu donc rester sourd à votre appel à l’aide dans cette forêt?

Si tel avait été mon cas, je ne serai digne ni de mon rang, ni de ma charge et encore moins d’avoir l’infini plaisir de votre compagnie en ce jour. "


Son regard azuré se riva alors dans les yeux verts de la jeune femme…
Des yeux brillants et limpides qui, à nul autre pareil, n’auraient mérité la désignation de miroir de l’âme. A ce spectacle, Valezy ne resta pas longtemps indifférent… Et se fut au tour des pupilles du Seigneur de Magnet de s’embraser de mille feux.

Sa destre se dégagea alors légèrement de l’étreinte de la Baronne, avant de glisser d’un geste volatile le long du bras de cette dernière. Achevant sa course sur la main de la jeune femme dont il s’empara avec une douceur que l’on aurait pu qualifier de surprenante pour un homme d’arme.
Puis, d’un simple mouvement, il fit alors face à la jeune femme… Se faisant à la fois si proche et si lointain.

"Pour ma part, je préfère considérer cette mésaventure comme un geste de la Fortuna, ou de la providence, selon comment vous la désignez…
Et gagez que je ne garderai en mémoire de tout cela, que les bons côtés. "


A son tour, il avait déclamé ses derniers mots avec la plus grande des franchises, ses lèvres retroussées en un sourire des plus amènes.

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Johanara
Johanara l’écoutait , amusée par son ton espiègle , les yeux rivés aux siens , buvant ses paroles , un léger sourire aux lèvres. Tandis que sa voix grave et mélodieuse enchantait la Baronne , cette dernière s’efforçait de déceler en lui quelque chose de déplaisant , en vain.

De la prestance , il n’en manquait point. De l’esprit encore moins. Elle appréciait sa compagnie , et même la recherchait. C’est ainsi qu’on pouvait la voir flâner jusqu’à très tard dans les locaux de l’ost , espérant croiser son capitaine et faire un brin de causette en sa compagnie.

Ce soir , elle aurait tout l’heur de goûter à son agréable présence sans être interrompue par quelque soldat en mal d’affairement.

Puisse le temps s’étirer longuement…Il avait filé à trop vive allure alors qu’ils étaient dans ce coche qui les avaient ramenés si vite à Auch. Elle en était descendue avec regret , gardant doux souvenir du trouble qui l’avait envahie.

Au dehors , la campagne s’étendait , immaculée, dans son manteau hivernal. La lune, claire et froide, jetait son pâle enchantement sur la sylve environnante. Le vent hurlait , déchirant le morne silence et se querellait avec les grands arbres en violentes bourrasques.

Rien de comparable à la tempête qui allait bientôt faire rage dans le cœur de la belle Johanara.

Le regard du jeune seigneur se fit soudain plus insistant. S’empourprant imperceptiblement , elle détourna ses grands yeux véronèses les laissant errer un bref instant sur les luxuriantes tapisseries.
Mais le safre étincelant l’attirait irrémédiablement, aussi ses prunelles s’ancrèrent aux siennes , ravies d’avoir un fragment céleste où s’oublier.

Il relâcha son étreinte. Allaient ils passer à table?

Caresse furtive le long de son bras tandis qu’un gracieux battement de cils tentait de chasser de son oeil stupeur et trouble mêlés. Fallait il que chacun de ses gestes provoque en elle pareil émoi…

C’est alors qu’il glissa sa main dans la sienne. Norf de norf!

Les mirettes s’agrandirent avant de venir s’accrocher un peu plus aux iris azurées avec un léger haussement de sourcils interrogateur.

M’enfin!!! C’était pas censé avoir la poigne brutale et la main rugueuse un militaire?
Nenni! Sa peau était douce, et les doigts longs et fins de la Baronne jouèrent furtivement avec les siens.

Sentant ses joues rougeoyer sous le regard du jeune homme , elle lui répondit , l’air mutin.


La providence…Pensez vous qu’elle a mis ces brigands sur ma route simplement pour éprouver ma capacité à rougir niaisement?

Et cette main…Les convenances l’exhortaient à montrer un peu plus de retenue et à se dégager gracieusement de l’étreinte. La serrant avec une infinie douceur dans la sienne , elle décida de s’accorder quelques secondes avant d’agir raisonnablement.
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Valezy
Un moment de flottement… Un moment de doute…

Somme toute un de ces étranges moments que seul sait procurer de tels instants d’espoir et d’aspiration. Un savant mélange d’appréhension et d’excitation qui donne, ainsi, naissance à ce sentiment si difficilement descriptible, à cette impression d’être comme un funambule sur un fil… Mais, après tout, c’était bel et bien ainsi qu’il aimait vivre. En effet, la patience n’avait jamais été le fort de Valezy, bien loin s’en fallait. A cela, il y avait toujours préféré provoquer sa chance et son destin… Oser pour mieux vivre sa vie.

Son regard était, alors, ancré dans celui de la Baronne de Lignières… Comme si l’azur des cieux rencontrait en cet instant le vert de la plaine. Une rencontre prédestinée, inéluctable mais qui pourtant paraissait si fragile et si éphémère. Comme si, à tout moment, l’astre diurne menaçait d’achever brutalement sa chute par delà l’horizon, pour mieux les plonger, tout deux, dans les ténèbres nocturnes…

Dans la main du Capitaine reposait celle de la jeune femme… A la fois chaude et douce… En cela et en tout point, telle qu’il l’avait si souvent imaginée. Tellement souvent, par ailleurs, que pour rien au monde il n’aurait voulu relâcher si plaisante étreinte… Mais, en définitive, tout cela ne dépendait en rien de lui.

Et encore et toujours ce doute, encore et toujours ce flottement…
Car, tout en se noyant, corps et âme, dans le regard de la belle Baronne, il su percevoir le trouble qui s’emparait de cette dernière. Le léger haussement de sourcil qui s’ensuivit lui confirma, alors, cette impression, ne la rendant que par trop tangible.
Bientôt, verdict à son audace serait annoncé.

Et, c’est ainsi, qu’il fut fixé…

Tandis que la main de la jeune noble se refermait sur la sienne, l’étreignant avec une infinie douceur, joignant leur doigt en un tout. Un frisson parcouru alors son échine, lui procurant un plaisir infini. En retour, les traits de son visage se détendirent, se faisant plus doux à l’image du sourire qui illuminait son faciès.
Il ne pu s’empêcher d’adresser une pensée à ce vieil homme qu’il avait tant aimé et qui un jour, lui avait narré ces quelques mots en latin… Des mots qu’il n’avait plus jamais oubliés.

Une voix suave et teintée de malice l’interpella alors et il lui répondit en ces mots.


« Allons, Baronne… Pour ma part, je trouve adorable ce que vous qualifiez ainsi, sans vergogne, de niaiserie ».


Le sourire du seigneur de Magnet s’élargit alors tandis, qu’imperceptiblement, son être se rapprochait de son interlocutrice.

« Non… J'estime que si ces vulgaires marauds sont apparus sur votre route, c’était pour que je puisse tout simplement me retrouver ce soir en votre compagnie et pour éveiller quelques sentiments que je n’escomptais plus de connaître à nouveau.

Ainsi, l’instant présent passé vos côtés est pour moi, sans nul doute, aucun, le plus indescriptible des plaisirs.
Voila, pour ma part, ce à quoi j’aime penser au sujet de la providence.»

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Johanara
C’était grisant de laisser aller sa main dans la sienne , de faire courir ses doigts sur les siens et de goûter la douceur d’une étreinte maintes et maintes fois rêvée…

Sa main libre vint effleurer le fin tissu de la chemise, l’index s’enroulant avec grâce autour d’un fil d’or qui ornait un précieux bouton nacré.

Sanguienne! Que son visage était proche du sien! Elle pouvait sentir son souffle tel un zéphyr ténu caresser doucement l’albâtre de sa peau qu’elle imaginait aisément teintée d’incarnadin.

Ce dîner prenait une tournure inéluctable , et si la belle n’était point certaine de faire bonne ripaille , elle se plaisait à penser que toute cette affaire allait mener à… A un baiser!

Un fastueux manoir , un séduisant capitaine digne des histoires que lui narrait naguère sa nourrice où de preux chevaliers aux yeux célestes réveillaient belle princesse par tendre baiser , des candélabres rutilants qui jetaient d’enchanteresses lueurs à sa longue crinière dénouée…

Tout y était! A défaut d’une princesse , une baronne ferait l’affaire!

Johanara , ses grands yeux rendus clairs et limpides par le trouble , fixait sans vergonde les lèvres de son vis-à-vis , étrangère à ce qui pouvait bien se dire autour d’elle.

Ce n’est que quelques battements de cils plus tard , qu’elle se rendit compte qu’il s’étendait en palabres!

Sa rêverie étirée à l’orée de sa paupière , elle hocha la tête pour donner le change, encore un peu fébrile d’avoir songé à ce baiser!

C’est alors qu’il prononça quelques mots qui la ramenèrent âprement à la réalité.

« éveiller quelques sentiments que je n’escomptais plus de connaître à nouveau… »

M’enfin! Voilà bien des paroles qui assuraient triomphe aisé sur les remparts d’une prudence déjà balbutiante.

Se sentant comme la neige tardive de Mars sous les assauts d’un lumineux printemps , elle planta ses yeux dans les siens, l’air de dire « je ne vous giflerai pas » avec un sourire un brin plus tendre qu‘à l‘accoutumée.

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Valezy
Faiblesse des hommes, si prompts à être emportés par leurs sentiments, à l’image de ces feuilles automnales balayées par le vent, rendus ainsi dépourvus de tout contrôle et de toute volonté.

Valezy exécrait la faiblesse, tant et si bien qu’il ne se permettait en rien de s’y abandonner, tant et si bien qu’il avait embrassé le métier des armes qui avait fait de lui ce qu’il était en ce jour. Aussi, les méprisaient t’il ardemment… Toutes… Sauf une.
A laquelle il se laissait aller avec délectation en ce doux instant.

A travers le fin tissu de soie de sa chemise, il ressentait l’agréable contact des doigts graciles de la jeune femme…

Il pensa alors qu’une vie ne saurait lui suffire pour avoir son soûl d’une telle vision. Une peau aussi pâle que les timides rayons de lune qui traversait les fenêtres de la pièce, des yeux verts et changeants dans lequel il était si facile de se noyer et de perdre tout sens des réalités, des lèvres aussi rouges que désirables… Dire de la Baronne qu’elle était belle, n’aurait en rien été fidèle à la vérité… Elle était telle, qu’un mot aussi simple et usité n’aurait été en mesure de lui rendre pleinement justice.

Puis, alors qu’il eut terminé de déclamer ses précédents mots, le visage de la Connétable se redressa légèrement, rivant, une nouvelle fois, ses iris de jade dans son regard, lui souriant avec une tendresse qui aurait pu se faire renverser le cœur de tout homme sain de corps et d’esprit.

Il ne lui aurait fallu aucun signe supplémentaire de la part de la belle, pour que le Capitaine se décida, enfin, à réaliser son souhait le plus désiré et le plus cher.

Son visage s’approcha alors de la jeune femme avec une lenteur calculée, qui contrastait en tout point avec l’ardeur qui l’animait…

De telles sortes que leurs souffles respectifs finirent par se mêler, quelques infimes secondes avant que leurs lèvres ne se caressent. Aussi douce que du miel pensa alors Valezy. Et les deux jeunes gens finirent enfin par s’embrasser…

Un baiser doux et tendre, semblable en ce point à ce que le Seigneur de Magnet avait rêvé… A ceci près, que même ses rêves, les plus fous et les plus limpides, n’auraient su retranscrire l’émoi et la vague d’euphorie qui le saisit alors.

Son bras, demeuré libre, s’empara avec délicatesse de la taille de Johanara, attirant ainsi cette dernière à lui, avec douceur mais inéluctabilité. Blottissant, par la même, leurs corps l’un contre l’autre… Mais n’étaient ce point ainsi qu’ils se devaient de l’être ?
Et leur baiser s’éternisa, se prolongeant par leurs bonnes grâces communes…

Cet instant, Valezy aurait voulu qu’il ne cesse jamais…
Mais on n’a pas toujours ce que l’on veut dans la vie… Et il aurait du s’en rappeler.

Car, c’est alors, qu’une petite créature ingrate, difforme… Et qui n’allait pas tarder à être haït, fit son entrée dans la pièce, un plat entre les bras et déclarant sans discrétion aucune.


« C’est l’heure de passer à… »

Il ne prit pas la peine de terminer sa phrase, tandis que son regard s’était finalement posé sur les deux jeunes gens.

« Oups ! Je tombe mal, on dirait ? »

Une sombre idée se fit alors jour dans l’esprit de Valezy… Qu’on me donne un sac et une pierre pour que je puisse le jeter dans le Ger
s
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Johanara
Lorsque le visage de Valezy fut si proche du sien qu’elle pût presque frôler de ses longs cils épais et noirs le satin de sa peau , Johanara sentit son cœur manquer un battement.

Malepeste qu’il était beau! Ainsi penché vers elle , les paupières mi closes , le bleu de ses yeux plus étincelants que les joyaux qui jetaient leurs éclats avec grâce aux poignets délicats et aux doigts fins de la Baronne, il lui rappelait quelque douce figure mythologique aux traits d’éphèbe.

Fermant les yeux à demi, elle accueillit ses lèvres sur les siennes avec un émoi tel qu’il lui aurait été bien difficile de se souvenir du prénom de sa bien-aimée mère à ce moment précis.

Le baiser se prolongea , saisissant de tendresse et de douceur , tandis que le jeune homme l’attirait contre lui , et qu’elle sentit son corps transir d’un long frisson.

Lorsqu’il s’écarta d’elle , interrompu par l’entrée inopinée du fâcheux , que la belle ni ne vit , ni n’entendit tant le trouble lui soulevait l’âme , c’est un regard voilé d’une obscure nuit qu’elle posa sur son visage et ses lèvres , auxquelles elle ne saurait plus renoncer désormais.

Johanara finit tout de même par s’apercevoir de la présence du domestique. S’empourprant sous son regard , bien que déjà rubescente par l’émeuvement, elle se détacha prestement du Capitaine et lissa du plat de la main les jupons auréolins de sa toilette afin de se redonner une certaine contenance.

Elle savait que nul n’avait la langue plus pendue et fourchue que ses satanés domestiques , et qu’au lieu d’aller jaser gentiment à propos d’une jeune et gente noble à laquelle leur seigneur faisait cour galante , elle allait finir lorsque l’anecdote serait déformée à force d’être racontée de valets en bonnes et de bonnes en laquais par devenir une coureuse aux cheveux rouges et à la poitrine débordant de son corset!


Sourire aimable à l’attention de Gaspard dès fois que ça lui vaille d’avoir les cheveux flamboyants au lieu d’écarlates!
La mine renfrognée de Valezy la fit sourire grandement. Elle lui lança un regard complice, certaine qu’il partageait ses envies subites de naingicide.

Voulant faire bonne figure , elle fit mine de s’intéresser au plat qu’on lui présentait et se dirigea vers la tablée
.

Que voilà un fumet fort agréable! Nul doute que vos gens nous ont préparé un festin!

Mais Ventre Saint George! Quel baiser!

De ces baisers habités par Vénus et ses feux redoutables laissant sur les lèvres de l’embrassée à la fois et un bien doux souvenir et la promesse d’un avenir radieux.

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Valezy
La lancinante danse des flammes de l’âtre projetait l’ombre de Gaspard sur les deux jeunes nobles, à l’image d’un voile sombre et démesuré, annonciateur d’un bien sinistre présage… En quelques sorte, l’augure de l’impromptu et du malvenu.

Cette impression fut d’ailleurs si bien partagée par le couple qu’un silence de mort eu tôt fait de s’installer dans la grande salle. Et en cela, cette pesante atmosphère fut à peine brisée par le crépitement et le craquement des buches dans le feu.

Et c’est ainsi que le petit serviteur du maître des lieux obtint indirectement réponse à sa précédente question. Son visage hirsute et barbu se levant avec une lenteur infinie vers celui de Valezy, pour mieux constater le poids que les iris azurines, de ce dernier, faisait peser sur son infime personne. Cette vision, du regard froncé et impassible de son maître, ne pu d’ailleurs que le faire déglutir, tandis qu’il sentit un frisson s’emparer de son être, ne parvenant à se rendre que plus misérable encore aux yeux de la jeune Baronne.

En effet, le nain ne connaissait que trop bien le Seigneur de Magnet pour se laisser berner par l’inexpressivité apparente de son visage… Car chez un tel homme, l’impassibilité des traits, qui transformait son faciès en masque impénétrable, était bien souvent la dernière étape avant la naissance de la fureur… Une fureur qui ne pourrait qu’en cuire au petit homme.

Aussi ce dernier détourna t’il aussitôt son visage avant de se remettre consciencieusement à son office, déposant, par la même, bons nombres de mets et de plats sur la table…
Table qui, au passage, se retrouvait presque aussi grande que lui.

Se fut finalement, la douce et suave voix de la non moins douce et suave Connétable qui mit fin à l’étrange ambiance qui environnait le travail du domestique et d’un regard en coin, se dernier se vit quelque peu rassuré en constatant le regard complice échangé entre les deux jeunes gens et qui eu tôt fait de rendre à Valezy son air affable… Pour ne pas dire tendre.
En un sourire, ou plutôt, en une grimace, le nain pensa alors avec satisfaction qu’il devrait pouvoir échapper à la punition… Finalement, le jeune maître n’était pas très différent d’une grosse peluche.

De son côté, une main délicatement posé dans le creux du dos de sa belle, Valezy s’avança vers la tablée, alors qu’un doux sourire est finalement parvenu à se tracer sur ses lèvres.


« J’espère, en effet, que ce modeste repas sera à votre convenance, Baronne… ».

Et sur ces mots, ses yeux céruléens se déportèrent alors un instant pour regarder la tablée garnit de plats divers et variés… En effet, ne connaissant pas les goûts culinaires de Johanara, et en homme avisé, il avait alors fait en sorte que le menu proposé puisse lui offrir en suffisance tout ce qui pourrait lui faire envie. De telle sorte, que sur les différents plats d’argents, des volailles côtoyaient du gibier et du poisson, le tout se retrouvant agrémenté de légumes et de fruits… Force était, pour Valezy, de reconnaître que le nain avait bien travaillé.

Sa main libre ne s’en posa pas moins sur l’épaule de son serviteur, serrant cette dernière avec une fermeté exagérée qui ne manqua pas de rendre Gaspard livide. Le maître se pencha alors pour murmurer à l’oreille de son domestique quelques paroles appropriées à la situation.


« Débarrasse moi le plancher, maintenant… Et si tu t’avises à pénétrer de nouveau dans cette pièce sans frapper… Je te jure sur Aristote que je transformerai ton crâne en heurtoir. »

Et se fut sur ces derniers mots que le nain décampa du salon avec la plus grande des célérités, laissant derrière lui les deux nobles, tout en pensant que les peluches n’étaient définitivement plus ce qu’elles étaient.

La porte se refermant ainsi derrière lui, Valezy reporta de nouveau son attention vers la jeune femme, son sourire s’élargissant perceptiblement alors que son regard s’attarda plus que de raison sur les lèvres purpurines de son convive. Ainsi, tout en tirant avec lenteur une des chaises pour inviter la jeune femme à prendre place, il ne pu que repenser à ce baiser échangé quelques secondes plus tôt. A ce doux souvenir, un frisson parcouru son échine.

Puis, la belle ayant pris place, le jeune Seigneur s'installa à ses côtés.


« Souhaiteriez-vous un peu de vin ? »

Joignant alors le geste à la parole, sa main s’empara d’une bouteille de vin et de deux verres… Sachant pertinemment qu’il ne le faisait que pour se rendre agréable et pour faire bonne figure. Car, déjà, une conviction s’était éveillée en son âme et en son cœur, s’imposant ainsi à son esprit.

Peu lui importerait désormais la faim et la soif… Car la seule envie qui l’animait désormais était d’avoir l’occasion de goûter une nouvelle fois aux lèvres de la belle jeune femme qui lui faisait face et le dévisageait de ses grands et adorables yeux de jades.

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Johanara
La Baronne accepta volontiers la coupe et contempla un bref instant le liquide grenat, l’air pensif.

Et maintenant?
Comment devait elle se comporter vis-à-vis de son hôte?

Depuis quelques temps déjà , elle se sentait plus proche de lui , goûtant sa présence avec délice , recherchant toutes sortes de prétextes pour pouvoir discuter longuement en sa compagnie.

L’épisode malheureux des brigands n’avait fait que conforter une évidence déjà bien ancrée en son esprit : elle désirait plus que tout être à ses cotés.

Comment ce sentiment si doux , inattendu et insurmontable à la fois, lui était-il venu ? Elle ne pouvait le dire.

La jeune fille avait d’abord craint être la seule à éprouver cette attirance. Elle avait ressouvenance non sans une certaine malice d’une ou deux paroles qui auraient pu abonder en ce sens… Quelque chose à propos de ses cheveux…

Passant une main dans ses longues boucles rousses elle le considéra à travers ses longs cils noirs , un sourire mutin étirant ses lèvres sanguines.

D’un geste délicat , elle leva son verre en sa direction tandis que son sourire s’élargissait et que ses prunelles s’allumaient de lueurs émeraudes.


A quoi buvons nous mon beau Seigneur ?

Balayant du regard la tablée et les plats en abondance , elle rajouta d’une voix enjouée.


C’est un véritable festin! Vous m’avez gâtée…

Lui souriant avec douceur , elle fit tinter le verre , le vin fuyant contre la paroi de la coupe en un sillon amarante.

Il lui faudrait graver cette exquise soirée en sa mémoire. De ce merveilleux baiser aux traits fins et réguliers du visage du maître des lieux.

Sa main libre se crispa sur le fin tissu de sa robe fleur de soufre , bien trop tentée d’écarter à son front l’une de ses mèches cuivrées qui dissimulait à demi le firmament de ses yeux .

Caressant sa peau satinée de ses iris brillantes, elle sentit ses joues s’empourprer délicatement tandis que son regard se portait à présent à ses lèvres joliment dessinées ,tendre écho à ce baiser qui hantait agréablement ces pensées.

Génée , elle détourna les yeux , priant pour qu’il trinque prestement et qu’elle puisse dissimuler ses pensées en se concentrant sur le dîner.

Fixant distraitement les clartés que projetait dans l’ombre le feu agonisant, elles sentit son cœur se serrer doucement tandis qu’une pensée s’insinuait en son esprit, et si ce baiser devait demeurer unique; si la soirée s’achevait et qu’ils ne restaient que deux simples amis ...

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Valezy
Tenant le pied de sa coupe entre ses longs doigts, Valezy faisait délicatement tournoyer le vin dans son réceptacle, tout en mirant, de son regard azurin, la danse de l’incarnat breuvage. En cet instant, mouvantes étaient ses pensées à l’image de cette boisson qu’il malmenait.

Qu’il était étrange de ressentir de nouveau les palpitations de ce cœur qu’il croyait pourtant mort. Par le passé, une telle harmonie ne s’était emparée de lui que par une seule et unique fois… Et il avait alors naïvement pensé que c’était la dernière. Tant et si bien, que depuis cette sinistre journée, son âme était demeurée aride, éloignée de tout agréable sentiment…

Du moins, jusqu’à ce que son regard croise ses yeux de jade pour voir se raviver ce désir qu’il avait tout d’abord tenté d’étouffer derrière ce masque de marbre qui en était presque devenu indissociable de son visage.

Puis, vint le moment où il l’avait côtoyé quotidiennement… De telle sorte que même la plus rude des falaises ne peut que se retrouver effritée sous les assauts de l’océan.

Ainsi se retrouvait-il assis là, repensant à ce baiser, à ce goût qui s’était emparé de son palais, à cette saveur qu’il avait autrefois oublié pour la reléguer tout au fond de son esprit et ne s’en remémorer qu’à l’instant, au contact des lèvres charnues de la belle Baronne…

Ses iris se portèrent alors sur le doux visage de la jeune femme, pour le contempler, ou plutôt pour l’admirer. Ainsi, s’abandonna t’il à ce doux spectacle tout en se disant qu’il lui serait aisé, et oh combien agréable, de se livrer à ce loisir pour une éternité.

Et un doux sourire vint finalement déformer le trait de ses lèvres tandis que la mélodieuse voix de Johanara se fit retentir dans la grande salle.


Oui, trinquons… Trinquons à la beauté de cet instant…
Et à celle de tous ceux qui lui succéderont.


Les verres s’entrechoquèrent alors, en un doux tintement cristallin qui annonça le début du repas. Ce dernier se déroula à merveille, les deux jeunes gens profitant des mets et de la boisson avec un bon plaisir d’autant plus grand que la conversation qui rythma la soirée fut des plus agréables. Toutefois, cet entretien n’aurait su être à la hauteur du ravissement qu’éprouvait le Seigneur en surprenant les œillades fréquentes et régulières que lui jetait sa convive. De tel sorte que si le jeune homme était déjà tombé sous le charme… C’était ensorcelé par la belle baronne qu’il devait quitter cette tablée…

Mais d’ores et déjà, le moment de se séparer approchait à grand pas alors, qu’une fois le diner terminé, le maître des lieux raccompagnait la belle à son carrosse. Cette dernière ayant de nouveau revêtue son manteau doublé de zibeline pour mieux affronter les rigueurs de cet hiver si glacial.

Les deux nobles avancèrent ainsi, bras dessus, bras dessous, dans la cours du manoir, un nain les suivant à distance raisonnable, tandis que les silhouettes du couple étaient doucement éclairées par la lueur blafarde d’une lune qui se trouvait déjà bien haute dans le ciel.

Au cours du trajet, la main de Valezy se crispa sur l’avant bras de la baronne, la retenant ainsi dans sa marche. Et, un sourire éclaira alors le visage de l’homme pendant qu’une lueur sembla soudainement traverser ses prunelles. Aussi, se fut d’une voix douce qu’il déclara:

Je ne saurais vous quitter ainsi surtout après une si agréable soirée…
Car, sans nul doute, ce serait une grave erreur.


Se disant, son visage s’approcha avec lenteur de celui de son interlocutrice, de telle sorte que ses lèvres finirent par effleurer les siennes, par une nouvelle fois et dans le dessein d’échanger un tendre baiser. C’est ainsi que leur souffle se mêlèrent longuement, avec un désir et une passion tel qu’ils ignorèrent la brise qui se leva pour balayer leurs capes et leurs chevelures de son souffle froid.

Puis, au bout de longues et plaisantes minutes, leur baiser se termina… Le regard de Valezy se riva alors dans celui de la jeune femme, dont les joues s’étaient teintées de rose et ceci, à son plus grand bonheur, avant de déclamer en un souffle.

Je ne puis vous dire qu’une seule chose désormais…
A très bientôt, ma douce baronne.


Et sur son visage flottait un tendre sourire…

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