Scath_la_grande
[Chapitre 1 : annonciassement
Quoi ? Cest pô comme ça quon dit ? Ben zut
]
Un peu plus tôt, l'embrunaise-bientôt-montalbanaise-si-Dieu-le-veut sétait acquittée rageusement dune missive, habillée de son écriture sévère et ramassée.
Le piaf qui devait remettre le pli à son brun, fut le bouc-émissaire involontaire de la demoiselle. Ses doigts sétaient agrippés si fermement au volatile qu'il faillit succomber à létouffement.
La lettre rousse était des plus expansive
Citation:Mon brunot,
Laisse tout en plan et rapplique dare-dare au lavoir.
Je suis sous le saule à pleurer.
Jai quelques urgences à te faire part.
Amène à boire et de la bonne liqueur, jai soif !
Teigneusement tienne,
Ta Belette.
Il ny avait plus quà attendre que le loup sorte du bois ou de tout autre lieu où quil soit.
Sis près du lavoir, sous un saule feuillu qui étendait ses longues branches protectrices sur elle. La belette avait posé croupe et misère à son pied, éculant loutre à vinasse qui était sagement installée sur ses genoux pour dissiper son nouveau chagrin dêtre bientôt mère.
Scath avait quitté il y a quelques heures à peine la Sombre, et le temps avait contribué à la réflexion plutôt quen confusion stérile.
Heureusement que dans son badinage léger, la ptite gourmande s'était assagie de ses appétits gargantuesques de bagatelle. Ce qui réduisit considérablement les candidats à la paternité, et une fois écartés ceux qui pour des raisons techniques ne pouvaient en rien être les géniteurs de la créature, il nen resta plus quun en lice.
Son baiseur à demeure.
Le seul et unique qui avait droit à toutes les faveurs scathiennes. Pour lui, elle ne faisait pas que de plier léchine ou présenter lséant, elle oscillait dangereusement du sentiment.
Lui en déplaise, elle sen défendait.
Lire de La Grande ne faiblit pas avec l'attente, sécoulant comme un abcès dans son être, la rousse fulminait de cette occupation intempestive de son bidon. Les fines phalanges senroulaient nerveusement aux brindilles dherbe, décapitant du tendre, décapitant du vert.
Elle guettait sa venue, lui, le fraudeur de la semence, qui par négligence avait laissé passer entre les mailles de son filet une graine tenace.
Parce qu'il était le seul responsable, lui, de ce crime sur sa personne, elle, étant si parfaite, ne pouvait être en rien coupable de cet état._________________
Eagol
Eagol braconnait gaiement dans la forêt d'on ne sait quel seigneur. il ne s'était que peu soucié du droit du maître à disposer en usus en fructus et en abusus du gibier qu'il lui était alloué par on ne sait quel morceau de papier stupide. La forêt s'étendait à la lumière apaisante du clair de jour qui diffractait à travers les arbres en maints rayons. Eagol chassait la jeune biche qui ne manquerait de succomber à ses assauts. Mais la seule créature qui envahissait vraiment ses pensées, si on peut appeler ainsi, était sa petite belette farouche. Il l'adorait autant par ses charmes que par ses instincts toutes animales et impulsives qui excitaient toujours son imagination.
C'est alors qu'il vit une biche. Droit devant lui, paisible et inconsciente, le vent favorable, des conditions idéales pour tuer lâchement par surprise comme le font souvent les chasseurs. Il prit une flèche, banda son arc et visa la bête...
Crédidiou, B'jourr messère Purrez m'ièder à truver mé chimin?
Eagol sursauta et sa flèche partit dans la nature, la biche avait aussitôt filé. Un individu avec l'accent très prononcé de la campagne isolé voir même ignoré lui adressait la parole.
Dîtes donc mon bonhomme, on vous a jamais dit qu'on interrompait jamais un chasseur pendant un tir? Mais remarquez si je trouve pas de gibiers je peux toujours me rattraper sur vous!!!
Eagol était furieux mais l'homme, un vieillard avec un bâton, ne semblait pas effrayé outre mesure. C'est en le regardant plus fixement qu'il comprit que le vieil homme était aveugle.
J'dout' qué vus pissiez mé fère plus de torrrts qué la destinée m'ait déjô fôt subir. P'tit con... Mais j'vus prie tot dé même de bé vôloir m'excouzer, je suhaiterais qué vus m'aidiez à sortir dé la forêt.
Eagol se disait que peut être c'était pas bien d'agresser les vieillards aveugles, sauf s'ils étaient riches. Malheureusement vu les haillons qui lui servaient de vêtements y'avait pas grand chance pour qu'il possède la moindre pièce d'or sur lui.
Bon très bien je vous aide, ça me permettra d'avoir la paix pour chasser.
Au cours du chemin qui le ramenait or des bois, le vieillard le pressa d'innombrables questions sur lui, sur sa vie et sur ses pensées. Il commençait drôlement à lui taquiner les harpions celui là. Mais quand il essayait de se défiler, le vieil homme repartait systématiquement à la charge.
Dîtes moi mon brave, vous aimez vivre? je veux dire vous êtes heureux?
Quelle question... non non je préfèrerais crever la gueule ouverte dans un fossé pourquoi? Mais bien sûr que je suis heureux surtout avec ma belette mais pourquoi me demander tout ça?
L'aveugle prit tout de suite un ton plus sardonique et moqueur.
Ne voudriez vous pas avoir toujours une vie comme celle là?
Eagol eut un léger doute, la situation devenait vraiment étrange.
Euh oui ... certainement je pense.
Ne serait-ce pas formidable d'avoir la vie éternelle? Surtout pour un jeune homme avec une vie telle que la vôtre?
Euh... pourquoi pas?
À cet instant Eagol remarqua que le vieillard avait mystérieusement perdu son accent de péquenaud. Ce qui ne le rassura point à son propos. Peut être qu'il était dérangé?
Et si je vous disais que j'étais plus qu'un vieillard aveugle? Que j'avais des dons, des pouvoirs que beaucoup de mortels envient?
Si vous le souhaitez... je peux vous offrir l'immortalité.
Eagol s'esclaffa intérieurement. Certain à présent de la situation mentale et sanitaire du vieux schnock. Il avait les asticots qui lui trouait la caboche.
À supposer que j'accepte, que voudriez vous en échange?
Oh vous savez vous m'avez déjà aidé à traverser la forêt... mais il y a néanmoins quelque chose que je dois vous demander pour que cela fonctionne ...
Comprenez, cela n'est pas donné, et il faut quelque chose qui soit équivalent en terme de vie. Il n'y qu'une chose qui me vient en tête, c'est un enfant... donnez moi un enfant et je vous offre la vie éternelle.
Là c'était clair il s'était siphonné la carafe. En tout cas Eagol prit les choses avec humour et lui lança.
Ah bah c'est pas de chance, j'en ai pas sous la main, dommage que ça pousse pas dans les choux hein? Je regarderais au marché tout à l'heure mais ça doit coûter bonbon.
L'aveugle sourit, pas vexé pour un sou.
Vous n'êtes pas obligé de me le fournir maintenant, mais pensez y à l'occasion... je ne serais jamais très loin.
Ah mais je sens que nous sommes sortis de la forêt, vous pouvez me laisser là je retrouverais mon chemin seul à présent. Bien qu'aveugle je connais bien la région.
Sur ce il repartit en direction de la ville. Eagol badina.
J'aurais dû le guider vers la première bouse venu. Vieux timbré, t'es pas près de l'avoir ton enfant.
Il repartit vers la maison. Espérant retrouver sa Scath adorée.
Tiens j'ai des pigeons en retard.
Et comme il oubliait souvent de les nourrir, certains n'étaient que des cadavres tendant désespérément la patte. Quelle abnégation ces pigeons.
Citation:Mon brunot,
Laisse tout en plan et rapplique dare-dare au lavoir.
Je suis sous le saule à pleurer.
Jai quelques urgences à te faire part.
Amène à boire et de la bonne liqueur, jai soif !
Teigneusement tienne,
Ta Belette.
Ça a l'air grave... Je ferais mieux de rappliquer vite fait... mais pourquoi me demander de la liqueur? J'en ai toujours sur moi.
Ce qui explique pourquoi malgré ses nombreuses tentatives il n'a jamais été fichu de toucher une SEULE biche...
Il prit de quoi casser la graine et fila vers le lavoir._________________
Eagol, incarné par Scath_la_grande
C'est marrant... mais Eagol avait pourtant maintes fois vu cette scène. Enfin ça voulait pas dire qu'il avait connu d'innombrables concubines qui lui aurait demandé dédommagement, ni qu'il n'avait pas connu d'innombrables concubines (enfin pas trop quand même!). Non... il avait vu ça quelques part dans des petits théâtres, des histoires qu'on racontait avec des princesses, des chevaliers et tutti quantti comme on dit chez l'épicier du coin (qui ne l'est en fait pas tant que ça). Des histoires de gens stupides et béats ou la femme qui annonçait "la chose" débitait des phrases comme ça :
Citation:-Oh mon chéri! dit elle à un type en armure maculé de sang, comme tu me rends heureuse, grâce à toi je peux faire ce que j'ai toujours rêvé de faire : faire la vaisselle, la lessive, le repas. Comme je suis gâté quand tu m'offres ces dés à coudre et ce fil de laine. Que je suis folle de joie quand je récure le sol et les latrines...
-Clong cling clong, répondait le type en armure.
-Et toi mon chéri qui est si fort si musclé si beau si intelligent et sexuellement performant tu es le meilleur des hommes. Je voudrais que tu me fasses l'amour tout le temps, (oui les femmes dans les contes sont étrangement excitantes).
Aujourd'hui j'ai quelque chose d'important à t'annoncer, vu que déjà tu me combles de bonheur, je me dois de te donner un beau bébé en retour et qui sera mâle comme l'exige les convenances de notre rang...
Rien à voir avec la situation présente, c'est amusant comme les histoires ne reflètent pas la réalité. Sa douce et tendre était passé en mode dragon des ténèbres du genre pas commode (qui aurait manifestement oublié son café du matin comme le dirait un marchand turc) et la nouvelle qu'elle lui annonçait n'avait pas l'air de la réjouir autant que dans les contes de fées.
Sur ce Eagol lui répondit :
Baaahhr guoooo arggghhh
Son petit choux à la crème lui avait gentiment et un peu trop affectueusement obstrué les voies respiratoires. Scath desserra l'étreinte temporairement afin de pouvoir mieux comprendre ce qu'il avait à lui dire. Eagol se racla la gorge et prit une bouffée d'air frais afin de faire disparaître le teint méchamment rougeâtre de son visage. Il réfléchissait à ce qu'il allait dire puisque le couplet du futur papa enchanté ne semblait guère l'enthousiasmer.
Euuuuuuuh.... désolé... a pas fait exprès.
La stratégie de l'évitement de la confrontation était sans doute la plus judicieuse compte tenu du rapport de force présent. Mais sa réponse quelque peu piteuse ressemblait plus à une sorte de sauve qui peut généralisé. La réaction plus ou moins perplexe de sa douce tigresse l'invitait certainement à développer son propos.
Sauf erreur de ma part, je crois que tu étais là quand on a fait les semailles? C'est un petit peu tard pour me dire qu'il fallait pas mettre le lardon dans la ciboire. J'y peux quelque chose moi si t'es plus fertile que les rives du Nil à toi toute seule? Ce sont des choses qui arrivent mais c'est pas moi qui décide comment qu'on fait les bébés. J'ai pas le mode d'emploi et c'est pas moi qui contrôle ta fabrique de petiots.
Il se demanda un instant s'il avait bien choisi ses mots.
Ouais bon enfin c'est pas non plus comme si on avait la roue de la charrette de cassé mais c'est pas comme si t-allait mourir. Et puis c'est mignon un Bébé, enfin en général quand ils sont pas trop déformés... Et puis on peut faire des tas de choses avec... par exemple on peut jouer au funambule au bord d'un précipice, s'amuser à tirer avec des flèches enflammés, jouer à qui rattrapera le couteau en premier...
Inutile de préciser qu'Eagol avait plein de passes temps à faire avec un gamin. Il chercha néanmoins à la convaincre avec des arguments pratiques :
Et puis dis toi qu'il ou elle pourra te porter les bouteilles, nettoyer le vomi, ranger la vaisselle.... enfin pas au début c'est sur, ces bestioles ne savent faire qu'une seule chose... mais dis toi que ça nous aidera à fertiliser nos champs? (dans des proportions astronomiques!!!)
Il réfléchissait encore. Il fallait la convaincre que c'était pas sa faute mais aussi que c'était pas un drame.
Et puis quoi... t'as pas envie qu'un jour on t'appelle MAMAN?
Cyrinea
Elle avait mal dormi. Cette satanée blessure ne se refermait pas, et elle enchaînait cauchemars et réveils intempestifs. Elle commençait à prédire quelle devrait vivre avec et quau lieu de la maudire, elle lapprivoiserait, peut-être. Alors, elle saccrochait à des occupations terre à terre, à des plaisirs fugaces, tentant de ne jamais être déstabilisée et de laisser endormis déventuels sentiments, quels quils fussent, et qui seraient susceptibles débranler le semblant déquilibre quelle sefforçait de construire.
Objectif ce matin-là, aller au marché acheter du lait pour le môme. Elle shabilla à larrache, attacha sa chevelure passablement emmêlée par les je me retourne-putain, je le trouverai ce sommeil-et vas-y que je me retourne encore, et entreprit la traversée du village.
Elle crut dabord quelle était mal réveillée. Une chevelure rousse à terre, voilà qui était digne débranler les pragmatismes les plus solides. Elle pressa quand même le pas après moult frottements de paupières pour être sûre quelle ne rêvait pas, puis constata que la chevelure en question sadressait à Deos, parlait de boire, aussi, ce qui annonçait une âme troublée ou ivre. Ivre...non, elle se plaignait de ne pas avoir bu....
Fichtre ! Scath !
Cyrinea se pencha sur la jeune femme.
Oh ! Madre de Dios, elle va accoucher !
Garder son calme. Ne pas se laisser aller à la panique et tenter de se souvenir de ce quavait fait Matalena quand Rosa avait accouché dans les bois.
Matalena ?
Scath ? Regarde-moi et respire lentement...Pas de panique, jenvoie chercher Mata.
Elle se positionna derrière elle et souleva doucement se tête pour la poser sur ses genoux. Elle héla un gamin qui passait à point nommé, mais tout le monde sait que les gosses se lèvent tôt et cest dailleurs pour cette raison quelle navait, entre autre, jamais voulu en avoir.
Petit ? Tu connais latelier « Au fil des moires » ? Si tu connais pas tu cherches et tu fais fissa ! Tu demandes Matalena et tu la conduis ici, TOUT DE SUITE !
Cyrinea
Elle fut tellement soulagée de larrivée bénie de celle que lon nommait la Saint-Just, quen un soupir, épaules et poitrine saffaissèrent, et quelle se sentit soudain infiniment moins seule au monde. Neût été le cas, elle aurait évidemment improvisé, supposant que les femmes avaient de linstinct pour ces choses-là, à défaut de parfois savoir sen prémunir.
Citation:Vous avez fait prévenir quelqu'un capable de l'accoucher ? Si vous voulez l'aider, essayez de l'asseoir qu'elle puisse se laisser aller contre vous comme sur le dossier d'un moelleux fauteuil.
Cyrinea souleva lentement Scath en lattrapant par les aisselles. Se rapprocha, la laissa doucement sappuyer contre sa poitrine.
Jai fait prévenir Matalena. Je lai déjà vue accoucher une femme, et je crois que cest elle qui devait officier à cet accouchement-ci.
Menton pointé vers la rousse, yeux rivés sur ceux dAgnès, mais rassurantes qui parcouraient les épaules de la future mère.
Jai surtout peur que ce soit trop tard pour la déplacer. Faudrait du linge...de leau...les eaux elle les a pas perdues sous mes yeux mais au point où elle en est je parierais que cest déjà fait.
Elle avisa le dit Eustache, léquipage en question, et se dit quune bonne lampée pour se donner du courage ne serait pas de refus. Elle murmura des paroles dapaisement à lintention de Scath, tentant de ne pas laisser transparaître sa propre trouille. Ces choses-là, on savait toujours comment ça commençait, mais jamais comment ça allait finir.
Cyrinea
Perdre les os...cest quelle nen était pas loin avec lacharnement que mettait Scath à lui broyer ceux de la main droite. Elle se retint de crier et de grimacer, laissant le monopole de lexpression de la souffrance à la broyeuse, par décence.
La soulever ? Non seulement elle était sur le point de plus avoir de main mais en plus elle allait se choper un tour de rein. Elle avisa le Jacques en question, prit le temps de jauger sa musculature, ce qui fut vite fait, Cyr ayant une certaine habitude en matière dévaluation masculine. Pas terrible, mais ça ferait laffaire, au moins Scath ne serait pas déstabilisée et ne pencherait pas dun côté plus que lautre, à condition quil ne tourne pas de lil au dernier moment, ce qui était loin dêtre garanti, à son avis. Menfin, elle se prit à rêver dun gars bien bâti qui aurait pu faire le boulot tout seul. Elle se voyait mieux manier linge et paroles encourageantes que prendre à bras le corps une masse gémissante et inerte qui allait peser un mort.
Bref. Elle le fit ils le firent, de toute façon, de linge y en avait pas et elle naurait quà travailler son souffle si elle voulait proférer en même temps des pouuuuuuusse et respiiiiiiiire.
Hooooo hisse, précédé dun Scath, accroche-toi on te soulève, et vlà la rouquine, tenue à bout de bras contre la charrette.