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[RP] Diantre ! mon amant ?

Babette
Ah oui, quand même...

Elle avait voyagé la Brune, elle en avait parcouru, du chemin poussiéreux, elle en avait abordé, de la ville morte. Mais à ce point, elle se doutait pas... Pourtant, elle qui avait mené la danse, qui avait dansé sur la route jusqu'à la Teste, qui avait ri de voir le sud, qui décidait, de tout, toujours.
Oh comme elle regrettait son choix... Un passage au couvent, d'accord. Mais elle aurait du en choisir un autre... Quelle plaie que cette ville ! Elle n'avait même pas réussi à l'y croiser, depuis qu'elle avait quitté le giron plaisant et dévergondé de la religion du coin.

Ah les nonnes...

E. aimait les couvents presque autant que T. Pour les mêmes raisons d'ailleurs... Rhaaaa... mettre un pied dans un couvent, y parcourir de la mirette tous ces corps presqu'inviolés... et s'employer à les profaner un à un qui de la main qui de la langue... les parcourir, les entendre gémir son prénom plutot que celui du prophète, les sentir se tendre sous la caresse... Hum... E. adorait ça et elle s'en était délectée pendant plus d'une semaine, s'amusant de la bure, riant de la chasteté et propageant dans le lieu saint un vent de luxure qui manifestement n'était pas pour leur déplaire...

En riant...

… elle avait quitté l'endroit. Pas qu'il lui manquait, faut pas exagérer, mais elle avait envie de le retrouver, il est des choses dont les nonnes sont dépourvues et qui manquaient à la Brune. Heureusement, T. en était pourvu, et généreusement. Baguenaudant et sautillante, elle avait donc repris le chemin de la ville la plus proche, enthousiaste et pleine d'envie. Sauf qu'arrivée dans le bourg elle avait déchanté.
Au point qu'après quelques jours à errer, l'âme en peine – de verres surtout – dans les tavernes désertées, à avoir cherché dans la grange le coquin en train de trousser la paysanne, elle avait fini par se lasser.

Boudeuse...

… sur un rocher, elle s'installe, à l'entrée de la Teste. Et se forçant, elle esquisse un sourire poli à chaque passage.


Si vous croisez T, évitez de lui dire que je l'attends, bientôt je serai partie.

Menteuse.
_________________
Theobald.
Pam pam padam...

Il voguaille en sifflotant, T. Il flâne, flaire les sentiers mal fréquentés, fréquente les bouges de tous bords, et même, parfois, oui oui, un couvent ou deux. C'est qu'E lui manque, et qu'elle a rejoint l'un d'entre eux. Mais chaque fois qu'il s'y rend, c'est plus fort que lui, il est détourné de l'E chemin par les minois rougissants des nonnettes qui ont peur de ce qu'elles désirent et désirent ce qu'elles craignent plus que le seigneur pour lequel elles portent ces jolies robes toutes noires, sous lesquelles il est si facile de se cacher...

Et voilà qu'il s'égare à nouveau. Ah, qu'il aime à s'égarer, à louvoyer, à bivouaquer ici ou là, où son envie le mène et le démène. C'est qu'il faut bien s'entretenir. Tenez, ce matin même, il a vérifié ses capacités à détaler lorsqu'un paysan, armé d'une fourche, l'a poursuivi du lit de son épouse jusque dans le poulailler où, le temps de faucher quelques oeufs au passage, T a réussi à le semer.

Semer un paysan... belle ironie. Si le type n'avait pas été à ce point dépourvu de la moindre once d'humour, T lui aurait bien fait remarquer. Mais allez donc... les paysans ne rient de rien, c'est bien connu. C'est que la terre est une affaire sérieuse. Et puis visiblement, l'homme en question, qui n'avait déjà guère apprécié de surprendre dans la grange avec sa fille, la vieille, lui tenait désormais forte rancune de l'avoir attrapé dans le lit marital.

Pourtant, il a le sens du service rendu, T. C'est qu'il est impressionné par les paysans et leur ardeur à la tâche. Semer, labourer, herser, saillir, toutes ces activités qui, dans l'esprit de T ne se réalisent qu'en galante compagnie, jupons troussés, les paysans préfèrent perdre leurs journées, sous un soleil accablant ou un froid mordant, à les mener à bien dans leurs pauvres petits lopins de terre. Dépenser autant d'énergie, jusqu'à se vider de toutes ses forces, pour nourrir les oisifs tel que lui, voilà qui l'impressionne, T. Alors il leur rend service. Son sens aigu de la justice le pousse, en remerciement pour le bienfait qu'ils offrent à l'humanité, à leur épargner la pénible et éreintante besogne, en rentrant le soir, de remplir leurs obligations conjugales.

Mais, triste monde que celui là, on ne lui reconnait pas, à lui non plus, les sacrifices faits pour aider son prochain et contenter sa prochaine. Bref, après ce petit intermède sportif de bon matin, T flânait dans les ruelles fort calme de la Treste.

Le calme ne dérange pas T. Il trouve toujours à s'occuper, le plus souvent en ne rien faisant. Ne rien faire n'est pas à la portée du premier venu, et il faut bien toute une vie d'entraînement pour y parvenir de manière efficace. Le calme, en revanche, dérange E. Elle aime l'animation, le bruit, les rires, les éclats de voix, les empoignades. Elle aime que ça bouge, E. Et quand ça ne bouge pas assez, elle râle, se renfrogne et lui tape dessus. Il sait donc qu'ils ne tarderont pas à bouger, dès qu'elle daignera réapparaître, sortir du couvent où elle a cru bon de s'enfermer.

Et d'ailleurs...

Z'avez vu la peste, là, à l'entrée du village? Celle qui sourit, pis que derrière, elle a la pire langue de vipère qu'j'a vu dans l'coin... Elle dit qu'elle va partir, mais l'est toujours là bas, à pas bouger... Parle tout l'temps d'un gus, qu'elle dit qu'y s'appelle Thé... C'te drôle de nom... Comme si qu' j'm'appelais Verveine...


Verveine? Avec ta trogne violacée, Vinasse t'irait mieux, non?

Petite révérence et voilà T qui prend ses jambes à son cou, se faufilant entre les badauds venus au marché, poursuivis par les éructements dudit Vinasse, et de son acolyte la Gnole. Qui, ô ironie suprême, se fut avéré n'être autre que le paysan auquel T avait tant rendu service, troussant sa fille, contentant sa femme et le détroussant au passage d'une bonne petite poignée d'écus, planqués sous une marmite, information précieuse murmurée entre deux halètements par la jolie fille fermière. En quelques enjambées rieuses, le voilà qui arrive à l'entrée de la Teste, où l'attend, perchée sur un rocher, un bel oiseau boudeur.

Ola, dame du Corbeau! Enfin... m'est avis qu'Hirondelle vous irez mieux, à voir le printemps qui transpirent de vos yeux... Que vous me semblez belle, que je me semble beau. M'est avis que nous sommes bien assortis pour faire un bout de chemin ensemble, non?

Petit regard en arrière, en direction du village, d'où arrivent poussivement ses deux poursuivants.

D'autant que les deux sangliers imbibés que voilà n'ont qu'une idée en tête, me passer la corde au cou. Mon pauvre cou, qui ne supporte d'entourage que vos bras...
Babette
Elle le voit arriver. Comment le manquer ? Combien de temps qu'il la suit maintenant ? Quelques semaines ? quelques mois ? quelques années ? Elle serait bien en peine de le dire, déjà perdue dans les courbes avantageuses de son bourreau....

Regardez donc ce cou qu'il a fort mais proportionné, ce creux dans la gorge, ce menton volontaire, ces épaules sur lesquelles elles aiment tant se reposer, alors qu'E. adore y plonger ses ongles... Elle en soupire de désir, rien que de l'apercevoir au bout de la rue. La mèche au vent...

... le sourire aux dents. Et cette gouaille, toujours. Combien de fois l'a-t-il laissée, livrée à elle même ? combien de fois l'a-t-il laissée partir, sans la retenir ? Elle ne sourit pas la Brune, pas même une esquisse. Même la pupille fait mine de se durcir, le front se plisse, la lipe se fait boudeuse....

... Elle tourne le dos. Se détache. Non, c'est pas vrai, elle n'en a rien à fiche de lui. Depuis qu'il la suit. Elle s'en moque, s'en gausse, en rit. Qu'a-t-elle à faire, elle, d'un type comme lui ? Il la suit, elle le supporte...

… qu'il est beau !

Elle s'en mord la lèvre, la belle, de le savoir derrière elle, sans hésiter elle se détourne, avant qu'il ne puisse même imaginer le minois réjoui qu'elle vient d'arborer. Comme il l'énerve, l'agace, l'emmerde ! Mortecouilles, que ne les a-t-on pas enlevées justement ? Sans nul doute aurait-il bien moins d'effet sur elle, s'il n'avait ce don de lui faire crier... de la faire crier, en fait.

Elle regarde au loin...

… et ne voudrait voir que le voir. Mais elle a un sacré orgueil la belle, et jamais, jamais, jamais, elle n'avouera autre chose que de le supporter, et encore, difficilement. Un instant, elle rappelle devant la pupille l'image de Soeur Alexiane, parfaite, sublime. La cuisse blanche et les hanches rondes, le sein petit, mais le téton réactif...

… soeur Alexiane...

Et pendant quelques secondes, ça l'occupe, la Brune. Elle s'en passe la langue sur les lèvres, ne sentant même pas T arriver derrière elle. A peine l'insanité qu'il lui sort. Elle serre les dents et se concentre pour ne pas se crisper, au contraire hausser les épaules. Elle s'en fiche, elle s'en moque. Il n'est rien pour elle...

… corbeau, hirondelle, de la volaille...

… il se fiche d'elle en plus ? Il n'a qu'à l'appeler Cocotte aussi. Elle le déteste. Elle se retourne. Le toise du haut de son rocher, en tailleur.


“Vous voyez cette robe ? Et bien elle n'est pas de votre fait. Une explication ?”

L'oeil est mauvais, le bras a envie de se tendre, la main d'effleurer la joue, la poitrine de se coller contre le torse, la bouche de manger celle d'en face et le sourire de se noyer dans les baisers.
Mais bon sang, elle s'en fiche on a dit ! Carrément ! Voyager seule, ça la connait. Carrément ! Elle n'a besoin de personne d'abord. Surtout pas de lui. Qu'il dégage !


“Allez vous en, T. Vous m'êtes inutile.”

… Menteuse.
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Theobald.
Oh oh... L'oiseau arbore son bec des mauvais jours. Il va se faire méchamment picorer, à n'en point douter. Il en salive déjà d'avance... Sauf qu'il ne faut pas se projeter trop loin dans l'avenir. Le présent est autrement plus urgent. Alors que l'haleine fadasse de ses deux poursuivants se rapproche, voilà l'oiseau de nuit qui se perche un peu plus haut sur son rocher, lui jetant ce regard où se mêlent adoration et détestation... Qu'il aime les paradoxes. E est un paradoxe à elle seule. Une foule de paradoxes, même...

“Vous voyez cette robe ? Et bien elle n'est pas de votre fait. Une explication ?”

Mine boudeuse et oeil noir. Ouuuhhh, qu'il se jetterait bien sur elle, là, maintenant, pour dévorer ce petit nez froncé par l'agacement, pour butiner ses jolies lèvres pincées, faire naître, d'un coup de... baguette magique le petit éclat qui dort au fond de son regard. D'aller se faire un gîte dans la descente de ses reins, d'aller y glisser jusqu'au matin...

Fichtre... les vociférations le sortent de sa contemplation... Petit regard à regret en arrière... C'est que la distance se réduit... Ils ont encore de bonnes jambes, les bougres... Et E. d'en rajouter une couche...


“Allez vous en, T. Vous m'êtes inutile.”

Menteuse.... Fort heureusement, un menteuse qu'il ravale. Il aura bien le temps de la faire enrager un peu plus tard. Rage et urgence ne font pas bon ménage, surtout lorsqu'E. hausse le menton comme ça... Bon bon bon... rapide examen de la situation... Elle est là, inamovible, butée comme elle sait l'être, insensible au danger imminent qui guette les côtes de T., qui se feront rosser à coups sûr si les péquenots lui collent la patte dessus... Elle le toise du haut de son rocher... Rocher derrière lequel une inclinaison exponentielle mène au fond d'un vallon noyé sous la broussaille. En voilà, une jolie porte de sortie...

Je plaide coupable, cette robe n'est, il est vrai, pas de mon fait, et c'est dans l'inutilité que je me complais le mieux... Mais franchement... a-t-il jamais été dans mes habitudes de vous habiller? Allons allons... vous préférez maintes fois plus quand je vous déshabille... A cela au moins, vous devez consentir que je vous suis utile...

Nouveau regard en arrière. Encore quelques secondes à en profiter, avant que les beuglements ne le rattrapent définitivement. Quelques secondes à jouer de ce petit jeu qu'il adore... qu'ils adorent.

Au vrai, E., me voilà bien vexé. C'est vous qui me faites un affront de cette robe qui ne rend pas grâce à votre beauté. Affront que je m'en vais laver de ce pas...

Regard en arrière... Diantre, finalement, ils sont un poil trop lents, ces butors...

De ce pas... de ce pas...

Allez, allez, magnez vous le train... Aaaaahhhh! Un pas, deux pas, il est à portée de leur paluches épaisses, qui s'avancent pour le happer, déjà trop contentes de lui faire passer un mauvais quart d'heure...

Peine perdue, pauvres pauvres paysans... Theobald est un courant d'air, à peine ici qu'il n'est déjà plus là! Insaisissable, il se faufile, caracole, s'éparpille, s'égrène, file entre les doigts les plus agiles... Sauf les siens, les habiles doigts d'E. qu'il s'en va retrouver.


De ce pas!

Sur ces mots, il bondit, T., avec une agilité féline, saute sur E., l'entoure de ses bras et l'entraîne avec lui dans son élan, par dessus le rocher... et les voilà qui roulent, culs par dessus têtes, si jolis les unes que les autres, tourneboulent à n'en plus finir dans le maquis, dévalant la pente comme deux bolides lâchés par une main divine jouant à un drôle de jeu de quilles...

Enfin, leur course folle prend fin au fond de ce petit vallon, protégés par les buissons sauvages. Jamais les deux lourdauds ne viendront s'aventurer là dedans. Et les voici, comme par magie, invisibles aux yeux du monde.

Petit regard rieur posé sur elle. Les cheveux sont embataillés, entremêlés d'herbe sauvage... La robe est dans un triste état, comme promis... E. semble retrouver le sens du monde et lui jette ce regard lourd de malédictions, qui sonne comme un défi pour lui. Diantre qu'il aime ces yeux là, et qu'il aime en changer la colère capricieuse en un torrent de désir.


Et bien voilà... que disais-je... Elle est très peu résistante, cette robe.. Il ne me reste plus qu'à vous l'ôter définitivement, afin de lui apprendre qu'on ne se moque pas impunément de Theobald, en cachant à ses yeux les rares et éblouissantes beautés que recèlent ce triste monde.

La moue est toujours boudeuse, et le regard plein d'un orage prêt à lui éclater au visage. Il y est allé fort, il faut dire... mais la situation le nécessitait...

Et puis, il va sans dire que dès que nous aurons rempli nos bourses en vidant celles trop pleines d'autrui, par ce principe physique nécessaire à la bonne marche du monde, je vous offrirai une robe qui vous siéra bien mieux... Vous savez bien qu'il n'y a que moi pour connaître par coeur les moindres dédales de votre corps... Et puis, cette robe nouvelle, rien ne me plaira plus que de vous l'ôter à nouveau...

Et un petit regard mi cajôleur mi malicieux, rempli de sous-entendus, pour enrober le tout...

Alors? Situation sauvée? Ou naufrage imminent?
Babette
Heiiiiiiiiiiiiin ? Mais ça va paaaaas ? Qu'est-ce qu'il lui prend de lui sauter dessus comme ça ? Pas qu'elle s'plaigne qu'il s'jette sur elle d'habitude, mais y'a manière et manière de le faire ! Elle boudait là, nom d'un chien, elle bou-dait ! Et on ne saute pas sur des gens qui boudent, encore moins des femmes !

Y'a plus aucun respect...

… du faisage de gueule ! Pourtant E y a bien mis tous les signes. Le menton en avant, le sourcil froncé, la lèvre plissée, l'épaule hautaine et le ton coupant... Non, l'avait rien oublié, alors d'où il l'entraine com...

Haaaaaaaaan! Ça pique ! Ça gratte ! Ça coupe ! Ça cogne ! Ça roule ! Ça s'emmêle ! Ça déchire !

Ça s'arrête... enfin... Il faut quelques secondes à la Brune pour se réveiller, réaliser la chute, jeter un oeil vers le haut du vallon, avant de reposer les yeux sur T. Un regard lourd de menaces, lourd de reproches, lourd d'interrogations aussi, et lourd de promesses... A peine si elle entend le petit discours de son bavard de harceleur, de toute façon elle n'entend rien que le fracas de leur roulade, et surtout...

… les larmes lui montent aux yeux. Sa robe... sa nouvelle robe, sa belle robe, sa robe toute neuve ! Elle le maudirait sur cent générations si elle était une sorcière. Elle le poursuivrait en justice si elle était procureur. Elle le foutrait en taule si elle était juge. Elle le torturerait si elle était bourreau. Elle le tuerait si elle était meurtrière.

Mais...

… elle n'est que E. Et tout ce qu'elle peut faire, c'est se lamenter de sa robe fichue, du tissu étiolé qui pend lamentablement sur son corps découvert et meurtri par la chute. Sans oublier de darder son regard noir sur le coupable de cette infamie, cette horreur, ce crime contre la couture, cette abomination contre l'esthétisme !


« Taisez vous ! Fripon, voyou, destructeur, irrespectueux, tête de chou, salade confite, tomate farcie, je vous déteeeeeeeeeeeeeste ! »

Elle a crié.
Elle l'a baffé.
Elle l'a embrassé.
Elle l'a mordu.


« Effacez moi ce sourire, vous m'exaspérez ! »

E se relève, époussette les lambeaux qui l'habillent, le toise. Furibarde. Séduite. Elle le hait. Elle le désire. La Brune manque tomber à nouveau en reculant d'un pas, puis rétablit l'équilibre.

« Bon, maintenant que vous avez fait le malin, on y va. C'est pas tout ça, T, mais vous avez une robe à m'offrir, avant de pouvoir me l'enlever. »

Se dessine un sourire un coin, une étincelle s'allume dans la prunelle, alors qu'elle lui tourne le dos, dévoilant au regard conquis d'un T concupiscent une chute de reins que rien ne couvre plus. Et la belle de se déhancher tranquillement, évitant là un arbrisseau, ici un buisson.

« Et sachez qu'en guise de punition, vous en aurez pour des robes avant de pouvoir me toucher. »

...Menteuse.
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Theobald.
« Et sachez qu'en guise de punition, vous en aurez pour des robes avant de pouvoir me toucher. »

Menteuse… Elle ne pourra jamais tenir aussi longtemps, et il le sait bien, T. Mais docile, il lui emboite le pas, lève d’un geste princier les branches qui sont sur son passage, vérifie de temps à autres que les deux lourdauds ont bien été semés, arrache un brin d’herbe qu’il colle au coin de sa bouche et se met à le mâchonner pensivement.

Où vont-ils, au fait ? Pas la moindre idée. Il suit E. C’est elle qui décide de ce genre de broutilles. Lui suit. Le vent, l’envie du moment, la volonté d’E. Depuis qu’il l’a rencontré, il sait qu’elle n’est pas à femme à qui l’on dit non. Ce qui tombe fort bien, il n’aime pas dire non aux femmes. Et puis il n’a pas besoin de but, d’itinéraire, de destination. Sa destination, c’est elle, le moment d’après, celui où il pourra se glisser dans la courbe de ses reins, s’aventurer sous les jupons en lambeaux et s’y nicher jusqu’au matin.

Il vit ainsi, T., laisse venir les instants les uns après les autres, sans vouloir voir au loin, puisque le loin arrive, de toute façon. Un l’instant, pour l’instant, l’instant T., si l’on peut dire, consiste à laisser glisser son regard le long des courbes alléchantes d’E., en attendant d’y glisser davantage. D’autant que les accrocs au tissu dus à la chute dans le vallon offrent mille et une possibilités nouvelles pour découvrir tel ou tel bout de peau.

Elle est en rogne, E., mais il sait bien qu’elle ne l’aime jamais tant que quand elle le déteste. Exercice d’équilibriste dans lequel T. excelle, cherchant la chute et la repoussant sans cesse, tel un funambule en pleine tempête. Il sait qu’elle jouera la boudeuse, elle aime tant ça… Il sait qu’elle le repoussera, mais que ce sera pour mieux l’empoigner et l’enserrer de ses bras et de ses lèvres, de ses jambes et de ses cheveux. Ces longs cheveux qui tombent comme le soir…

Elle est toute nuit, à ses yeux. Elle est le matin et le soir, l’aube et le crépuscule. Elle est l’étoile et la pénombre, elle qui mêle si bien les émotions contraires, les ordres contradictoires, les injonctions paradoxales. Elle ne lui démontre jamais si bien sa passion que lorsqu’elle lui crache au visage « Je vous déteste, T. » Quand elle trépigne, tape du pied, fulmine en psalmodiant « je vous hais je vous hais je vous hais je vous aime je vous hais ve jous hais ve jou zaime… ».

Pour l'heure, elle boude et ne décroche mot. Lui qui n'aime rien tant que les manier comme la pointe d'une dague ou la caresse de doigts aventureux... Ah, comme il aime l'horripiler de babillages incessants... Surtout quand elle ne veut pas l'entendre.


Dites moi, E… Jusqu’où suis-je censé vous suivre, cette fois ci ? Je sais que vos punitions valent à elles seules de ne pas vous lâcher d’un pouce… A quelle grange allons-nous nous arrêter ? Au bord de quelle rivière ? C’est que le soleil tombe, et vous savez combien j’aime ne pas vous toucher lorsqu’il fait sombre… Mais vagabonds que nous sommes, il nous faut bien un endroit digne pour ne pas faire de galipettes. Une meule de foin, une cabane dans les arbres, une chaumière vide… ou pas, d’ailleurs… Ah, que j’attends avec une impatience effrontée l’heure d’être interdit de vous dévêtir…
Babette
Elle a cédé, bien sur. Dès l'heure suivante. Même sans le voir elle devinait dans son dos le sourire en coin, la mirette lubrique. Et cette langue qui jouait dans la bouche de T, ne faisant rien qu'à l'agacer, n'étant pas dans la sienne, de bouche. Ou ailleurs, mais sur elle toujours.

Elle avait cédé...

… dans la forêt avant même d'en sortir. Dans une botte de paille vers Blaye. Dans une grange près de Saintes. Dans un pré vers le Périgord. Dans une chambre d'hotel à Limoges. Elle a cédé, avec le sourire, avec des grimaces, avec envie et désir. Elle l'a dévoré des yeux, de la bouche, des mains. Redécouvrant et parcourant le corps du vagabond avec délices et gourmandise. Elle a gouté, elle a picoré, elle a grignoté chaque bout de chair, le punissant de toutes les manières possibles et imaginables.

Elle rit...

… et se tourne vers lui. L'air vindicatif. Plusieurs jours qu'ils marchent, squattent des charrettes, et progressent sans qu'il ne sache vers où ils se dirigent. Montrant de la main les alentours, elle le toise, du haut de sa petite taille.


« Alors T... vous reconnaissez ? Moi oui... Faut dire que j'ai eu le temps de m'y faire, vu que vous m'y avez lachement abandonnééééééée il y a quelques mois. Ça vous revient maintenant ? »

Revancharde et rancunière, la brune. Elle avait trouvé ça franchement désagréable, pour ne pas dire insupportable, cette façon qu'il avait eue de la faire boire pour ensuite la laisser sur place, cuvant telle une pauvrette dans un fossé, pendant qu'il partait faire la fête en Languedoc. Comme si on pouvait faire la fête en Languedoc...

…. y'en a qui ont de ces idées ! Et E de glisser un sourire en coin.


« Vous allez me refaire le coup ? Ou cette fois, j'ai sur vous des arguments qui suffisent à vous convaincre de faire attention à ce que je vous suive bien au moment du départ ? »

Guillerette malgré tout, le goût de ses lèvres trainant encore sur une épaule qu'elle hausse comme pour en chasser -ou imprimer- le souvenir, elle s'empare de son bras, et l'entraine vers sa petite masure qu'elle avait eu le temps d'acheter lors de son premier passage.

« Vous croyez que si je vous poste devant, je la vendrai plus rapidement ? Ou qu'au contraire tel l'épouvantail vous allez faire fuir tout éventuel acquéreur ? »

Arrivés devant la maison, qui ne ressemble à rien après quelques mois d'errance et que de toute façon elle n'avait pas aménagée, réservant son esthétisme à ses tenues vestimentaires, elle enroule ses bras autour de son cou, pose un baiser sur son nez, puis se détache.

« Bon, vous avez quartier libre. Libre à vous de vous enfuir, en vrai, j'm'en fiche comme de ma dernière pinte. »

… Menteuse.
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Theobald.
Qu’il fut agréable de cheminer au gré des granges, de butiner au détour des prés, de batifoler dans les recoins de chaque auberge. Il suivait le mouvement, sans trop regarder devant, s’aventurant dans les chemins de traverse histoire d’aller dénicher un coin tranquille pour leur prochaine halte, dans les sentiers mal fréquentés au cas où des rencontres intéressantes pourraient ponctuer les prochains jours. La veille, dans une venelle crasseuse de Limoges, il avait acheté à un borgne une dague en manque d’aiguisage, mais dont la poignée était incrustée d’une émeraude qui, une fois repolie, vaudrait très certainement un bon prix. La poignée d’écus que cela lui avait coûté avait changé de mains, de lui au borgne, puis de poches, de celle du manteau râpeux du borgne à celle de ses propres braies empruntées à un tisserand pour faire bonne figure durant la transaction.

Il s’était empressé d’aller rendre les braies, mettant un point d’honneur à respecter le rendu induit par la notion d’emprunt, prenant en échange un châle qu’il paya au tisserand en même temps que le prêt des braies, avec les écus du borgne qui, avant qu’il ne repasse la porte dans l’autre sens, avaient à nouveau changé de poche, pour revenir dans le fond de son baluchon. Une bonne journée que celle-ci.

T. allait de rencontres en rencontres, de poches en poches et de villages en villages, suivant E. et ses envies. Ses envies à elle. Ses envies à lui, il les casait sans trop de difficultés entre ses envies à elle. C’était assez facile, d’autant que, la plupart du temps, ses envies à lui se résumaient à avoir envie d’elle. Et vice versa. Harmonie d’un ballet d’envies de l’un, d’envies de l’autre, d’envie l’un de l’autre.

Envie d’E. Rien que d’y penser… Ses yeux ne quittent pas les hanches d’E. qui ondulent à vous donner le mal de mer… Fort heureusement, il a le pied, l’âme et le reste marin. Le roulis de ses reins, quand elle tangue sous les soubresauts du désir, vaut bien les passions du plus déchaîné des océans.

L’œil de T. s’emplit de convoitise, remonte le long du bassin, détaille la taille, caresse la naissance de la poitrine, court le long du bras qui embrasse le paysage.

Bras levé ? Tiens donc… Ohoh, minois tourné vers lui. Regard noir de revanches pas encore tout à fait accomplies. Les lèvres bougent, l’envoutent, il y poserait bien les siennes, là tout de suite… Sauf que si les lèvres purpurines se meuvent ainsi, c’est qu’E. parle. Et il sait par expérience qu’elle n’aime pas spécialement qu’il la bâillonne, fut-ce de ses lèvres, quand elle s’adresse à lui. Enfin, tout dépend des moments… Mais là, il a comme l’impression que le moment ne s’y prête pas.

Allons, un peu de concentration, T. Qu’a-t-elle dit, déjà ?


« …nééééééée il y a quelques mois. Ça vous revient maintenant ? »


L’air volontairement perplexe, le voilà qui scrute les alentours. Quelque chose doit lui revenir, donc. Et vite, sinon E. va se mettre très en colère.

Hmmm… quoique la colère lui sied si bien…

Non, non, pas tout de suite. Il est des colères qu’il faut savoir faire patienter. Or donc… ce paysage…

Damnation. Mais bien sûr. C’est ici qu’elle a manqué son départ à cause d’une bouderie un peu plus poussée et arrosée que les autres. Et un peu moins bien jaugée de la part de T. Petite erreur de calage qui entraîna de fâcheuses conséquences. Sourire gouailleur de circonstance.


« Vous allez me refaire le coup ? Ou cette fois, j'ai sur vous des arguments qui suffisent à vous convaincre de faire attention à ce que je vous suive bien au moment du départ ? »

Fichtre oui, cela me revient comme un coup de fouet… Votre sale caractère, mon inénarrable tendance à ne guère me soucier de mes compagnons de voyage… Ah, quelle sinistre erreur pour laquelle jamais je ne me morigènerais assez… Vous, compagne de voyage ? Ce sinistre oubli que vous m’avez si bien fait payer m’a permis d’acquérir un nouveau réflexe. Je vous laisse toujours passer devant, ainsi je suis bien sûr que je ne vous laisse pas en arrière. Qui plus est, cela m’a fait découvrir des paysages infiniment plus délectables que ceux que l’on trouve aux abords des chemins. Jamais je n’ai fait route avec le regard aussi obstinément fixé droit devant moi…

Menteur, mais si peu.

Et E. de lui saisir le bras et de l’entraîner vers une petite chaumière pas bien loin de la ruine, et T. de se laisser emporter, comme toujours.

« Vous croyez que si je vous poste devant, je la vendrai plus rapidement ? Ou qu'au contraire tel l'épouvantail vous allez faire fuir tout éventuel acquéreur ? »

Hmm… J’imagine que si une nobliote fortunée passe par ici et me demande dans le lot, nous pourrions en tirer un excellent prix. Et je ne jouerai les épouvantails qu’envers les acquéreurs du sexe qu’on dit forts… titrés arrogants, gros paysans bouffis… Quoique… si d’aventure, un jeune jouvenceau passait, peut-être pourrait-il ne pas être insensible au charme qui se dégage de tout mon être…

Enfin, les lèvres tant désirées viennent se poser sur son nez, promesse d’aller voir ailleurs un peu plus tard dans la journée.

« Bon, vous avez quartier libre. »

Libre ? Qu’il aime quand elle parle de liberté. De la sienne, surtout, elle qui est la seule à pouvoir émettre l’idée de poser des bornes à sa liberté. Bornes qu’il aime à franchir, comme toute barrière pouvant se trouver sur son chemin, mais qu’elles étaient délicieuses, les barrières que lui posaient E. Avec elle, le goût de la bravade n’avait nulle autre pareil.

« Libre à vous de vous enfuir, en vrai, j'm'en fiche comme de ma dernière pinte. »

Elle s’en fiche ? Menteuse. Elle le dévore déjà des yeux, et les lèvres ne tarderont pas à mimer leurs voisins du haut.

M’enfuir ? Drôle d’idée… Je n’aime la fuite que quand elle m’amène à l’abri de vos bras, voyons. Vous fuir pour vous revenir serait un paradoxe amusant, certes, mais je suis las de tourner en rond.

Petit regard sur la maisonnette qui doit compter au moins deux, peut-être trois pièces. Un semblant de lit, un semblant de table, et sans doute, ô luxe des luxes, un peu de foin pour rendre le sol moins froid… Et de multiples combinaisons possibles à explorer…

Passons l’étape de la fuite et allons directement au retour en votre sein. J’ai bien envie de visiter cette modeste demeure et les possibilités qu’elles nous offrent pour l’occuper comme il se doit.

Sourire enjôleur, de ceux qu’il aime à distribuer comme on sèmerait des graines au vent.
Babette
Elle se gausse la brune, et dans un éclat de rire l'entraine vers la masure. E ne se fait aucune illusion sur la manière dont il veut occuper la maison, et en faire le tour. Le regard a pesé lourd sur ses courbes tout à l'heure, et elle s'amuse de le prolonger encore un peu en le précédant. La porte n'est pas fermée, E ne porte aucun intérêt à cet endroit, pas plus qu'à la ville. Ce n'était qu'un point de chute, un moyen de se refaire avant de reprendre la route.

Et la brune roule des hanches comme d'autres des tambours pour annoncer la suite. A en provoquer un mal de mer, alors qu'ils gagnent l'improvisé bateau, ivres d'envie et de désir, qui les accueillera ce soir... Pas de lit, pas de draps doux pour recueillir leurs corps essoufflés, seulement un matelas de vieux foin humide, devant un âtre vidé de toute flamme... Ne reste que celle qui leur brule les tripes et pour se réchauffer par de meilleur moyen que se frotter l'un contre l'être à s'en faire cramer le squelette...

Quelques heures plus tard...

… Ne reste de leurs ébats qu'un champ de bataille dans la pièce principale, dans l'arrière cuisine, à l'étage... La poussière dérangée se venge en collant à leurs peaux moites, le froid humide se pare de buée quand ils exhalent leurs soupirs béats de l'effort accompli, du travail bien fait.

La maison est baptisée, ou rebaptisée plutôt – souvenir fugace d'un brun amusant et plutot bon amant-...

… il est temps de l'abandonner. La patience ne fait pas bon ménage avec l'impétuosité d'E et la belle n'a que faire d'attendre l'acquéreur. Tant pis, elle laissera une annonce à la mairie, et au pire repassera si elle a un jour des nouvelles d'un habitant qui aurait le courage de retaper la masure.

Pour l'instant, la belle a d'autres envies. Et pour une fois temporairement rassasiée de celle de la chair, E envisage de reprendre la route.


« Vous avez suffisamment trainé maintenant. Il est temps de repartir. Flemmard ! »

Injuste ? Non, juste elle-même. E, son nombril, sa vie, ses envies. C'est déjà beaucoup, et bien assez pour qu'elle ne s'embarrasse pas d'autres considérations. D'ailleurs, elle aperçoit à la sortie de la ville vers laquelle ils se dirigent d'un pas plus ou moins alerte, une charrette qui semble les attendre.

« Prêt ? »

Sur un éclat de rire, E se lance à l'abordage. Course furtive où les petons -superbement chaussés d'une paire de bottes fines en cuir italien empruntées à une courge qui ne sait pas voyager accompagnée- ne touchent presque pas le sol, l'aidant à s'envoler pour mieux atterrir dans la paille moelleuse et irritante. Bien sur, T l'a précédée. Lui et ses grandes jambes. Soupir.

« Et nous revoilà sur la paille... Encore de votre faute, tout ça. J'étais riche avant de vous rencontrer, savez-vous ? »

…. Menteuse.
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Theobald.
« Vous avez suffisamment trainé maintenant. Il est temps de repartir. Flemmard ! »

Mains derrière la nuque, une brindille de foin au coin des lèvres, négligemment allongé à même le sol, la chemise quelque peu débraillée, cheveux en bataille…

Oui, il a tout du flemmard type, et l’assume pleinement. L’art de traîner n’est pas à la portée du premier venu. Il se relève pourtant, obéissant instantanément aux désidératas de sa compagne de route. C’est qu’il sait placer correctement ses atouts pour la suite. Non pas qu’il suffise d’obéir à E. au doigt et à l’œil pour être certain de finir avec le torse enlacée de ses longues et délectables jambes blanches comme la neige. Diantre non, E. n’est pas si facile à conquérir, ni si aisée à faire flancher.

Séduire E., c’est un défi chaque matin renouvelé. Il faut tantôt la suivre comme une ombre, tantôt la délaisser. Tantôt la cajoler, tantôt l’ignorer. Tantôt la contenter, tantôt la faire enrager. Un art délicat et subtil comme il les aime, et dans lequel il excelle même s’il n’est pas, fort heureusement, à l’abri d’un écueil dans sa stratégie, d’une erreur dans ses prévisions. C’est ce qui rend E. si singulière. Et T. aime que rien ne soit gagné d’avance. Avec E., c’est comme s’il changeait de partenaires chaque jour de la Création. Cent jours passés avec E., c’est cent jours avec cent maîtresses toutes différentes, chacune piquante à sa façon.

Et sur l’heure, c’est une maîtresse devant laquelle il faut plier. Il se lève donc, T., éternel sourire au coin des lèvres, ravi de changer de décor, de reprendre la route, et de redécouvrir ce qui se cache sous les jupons d’E. à leur prochaine halte. E. change comme change le paysage. Voilà pourquoi ils bougent sans cesse, entre autres. Et quelle joie, cependant, de découvrir au détour d’une nouvelle révélation, quelques permanences de caractère qui la rendent plus savoureuse encore. Ah, ce subtil mélange d’évolution et de constance. E. ou le paradoxe du renouvellement.

La voilà qui avise une charrette, non loin de là, et tourne son joli minois vers lui. Le regard brille d’une lueur maline, les lèvres évoquent déjà la naissance d’un bel éclat de rire à venir.


« Prêt ? »

Prêt, il l’est toujours. Joueuse, elle l’est sans cesse. Double constance de celles évoquées plutôt, et qui se croisent le plus souvent à merveille. Dans ces jolies prunelles brillent le défi, alors qu’elle s’élance, jupons remontés jusqu’aux mollets, histoire de courir plus aisément et surtout, à coup sûr, de chercher à le déstabiliser en révélant une délicieuse parcelle de sa peau immaculée.

Las, T. n’est pas si facile à divertir. Enfin… Il sait compartimenter quand c’est nécessaire, et repousse à plus tard les assauts furieux de son esprit libidineux, assauts qui finiront par prendre forme, à n’en point douter, à l’abri d’un moulin ou aux abords d’une auberge.

Quelques grandes enjambées suffisent à semer E. et à projeter T. à l’arrière de la charrette susmentionnée. Bientôt rejoint par une coureuse boudeuse d’avoir été, encore, devancée à la course. Soupire de circonstance, et détournement de conversation qu’elle est si habile à réaliser.

« Et nous revoilà sur la paille... Encore de votre faute, tout ça. J'étais riche avant de vous rencontrer, savez-vous ? »

Riche ? Menteuse. Elle n’a jamais été riche, trop prompte à dilapider l’argent gagné à la sueur du front des autres en soie et étoffes de toute sorte.

Etre sur la paille… Quelle meilleure situation au monde ? Confortable, agréable, où il est si facile de se cacher aux yeux du monde… Et puis, la richesse, E… Quelle vulgarité… Les écus ne sont pas fait pour être amassés, mais pour changer sans cesse de poches, de propriétaires, de mains, et passer le plus souvent entre les miennes. Passer, seulement, notez bien. Comme l’eau qui file vers la mer ou le sable porté par le vent. Au vrai, E., les écus ne sont que poussière. Poussière qui, bien utilisée, peut vous rapporter gros, s’entend.

Petit brin de paille arraché à ses congénères pour finir au coin d’une bouche qui pérore à n’en plus finir. Qu’il aime enfiler les mots comme d’autres enfilent les perles pour en faire un collier chantant.

Au vrai, E., avant de me rencontrer, vous étiez tristement riche d’écus qui ne bougeaient pas. Je vous ai appris le mouvement de la fortune, j’y ai donné vie. Aujourd’hui, E., vous êtes joyeusement et incessamment riche, d’une richesse chaque fois différente de la précédente. Notre richesse voyage entre nos mains. Et E., vous conviendrez avec moi que nos mains travaillant ensemble réalisent souvent des merveilles, sur tous les plans imaginables…

Mains qui passent derrière la nuque alors qu’il s’étend sur la paille, regard qui s’en va chatouiller les nuages. Content de lui, T. Toujours. C’est une de ses principales conditions de vie.
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