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[RP] L'Automne, saison propice pour...

Asdrubaelvect
Les feuilles orangées et trouées qui se détachent des arbres, tourbillonnent et s'écrasent sur le sol formant une pellicule masquant les chemins des infortunés voyageurs. Et si par malheur pour ceux-ci il venait à pleuvoir, il serait à craindre que l'infâme pellicule s'approche d'une calotte glacière, aussi glissante que traîtresse. Cela enlevait-il pour autant les charmes de l'automne ?

Quelle saison était plus propice que celle-ci pour les balades bucoliques ? Le printemps, certes, était aussi une belle saison mais les atouts de l'automne et de ses fruits divers et variés est indiscutable. C'était bien pour cette raison que le Duc d'Amboise était dans les jardins bordant le Palais des Ducs, il aimait beaucoup ses domaines bourguignons et tourangeaux et ne les quittaient que peu souvent mais aujourd'hui semblait particulier : une promenade était prévue.

L'Inquisiteur s'était paré de ses longs vêtements noirs habituels, au sommet de sa classe, il avait même consenti à porter des gants d'un noir aussi profond que son habit. Arrimé à un arbre non loin de l'une des entrées des jardins, il attendait.
Jusoor
A peine passées les portes de Bourgogne, Ju et ses compagnons de route avaient filé vers Dijon la Belle, chacun pour diverses raisons.
La première en ce qui concernait Ju, celle qui lui faisait battre le sang aux tempes était de sentir Einar contre son cœur et l'embrasser, se nourrir des sourires qu'il allait lui destiner, le retrouver enfin, son fils... la seconde était de revoir Dijon et le Château des Ducs. S'informer là-bas des derniers grands évènements de la Bourgogne, et puis traverser les couloirs avec hâte, pour la promenade...

Quelques jours plus tôt elle avait fait parvenir une missive au Duc : son retour était prochain, et elle voulait retrouver les jardins du Château en sa compagnie, comme ils avaient pris l'habitude de le faire, quelques soirs. Certes le parc était splendide, d'autant plus en cette saison qui invitait la nature à se parer d'ors, mais en compagnie du Duc, l'atmosphère devenait magique. Et Ju appréciait chaque instant en sa compagnie, même les instants de rebuffade vexée.

Lors de ces promenades, son bras pris sous celui du Duc, la Moineaute l'écoutait échapper des discours qui n'étaient que découvertes pour elle et ainsi la guider vers un questionnement propre. Elle apprenait. Des notions métaphysiques, des idées tranchées, une vision des choses différente de la sienne, claire et... bornée parfois. Tantôt cet entêtement du Duc lui arrachait un sourire, tantôt ça l'agaçait profondément, mais sans jamais laisser s'écorner le respect qu'elle lui portait. Il était son aîné, il était charismatique, et plus que l'entendre, lui l'écoutait.

Ces promenades entrecoupées de silences, côte à côte, cette neutralité qui ne le quittait jamais arrivaient plus sûrement que n'importe quoi d'autre à la rasséréner, à poser la Moineaute suffisamment longtemps pour qu'elle respire.

Ju hâta le pas au sortir du Château, elle ne souhaitait pas le faire attendre, c'eût été indélicat, du moins c'est ce qu'elle croyait. Prenant garde de ne pas glisser sur les feuilles traîtresses, elle fouilla du regard l'entrée du jardin et reconnut la silhouette familière, drapée de noir. Sourire irrésistible de joie de le revoir qui se dessine elle le rejoint et, accompagné d'un
"Vous permettez? ", glisse son bras sous celui du Duc.
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Eusaias
Digoine remontait du quartier des cordonniers de Dijon vers le grand Palais des Ducs de Bourgogne. Il avait décidé d’offrir à sa première vassale, son ainée, sa Jusoor de quoi commencer petit dans le monde des grands. Il avait donc racheté auprès de « La camelote » des draps de Flandre et des tenues dignes d’une dame. Il avait décidé qu’une robe méritait des chaussures dignes de ce nom et c’est pourquoi en ce jour il s’était rendu chez le meilleur cordonnier de la région.


Hector qui l’accompagnait, n’arrêtait pas de geindre, que Jusoor devait trouver un époux. D’après l’écorcheur il lui fallait que fort et autoritaire, quelqu’un sachant tenir une épée et surtout quelqu’un de loyal. Le Balbuzard comprit ou voulait en venir son homme, celui-ci désirait être le fameux époux. Afin de couper court à cette conversation dont le Baron ne voulait même pas entendre parler Eusaias demanda à Hector de faire venir de ces hallebardiers helvètes dont on disait le plus grand bien.



Puis avec un chenil de quelques molosses que veux-tu qui lui arrive ?


Avait lâché le Balbuzard alors qu’il mettait pied-à-terre dans la cour du château.


Non à Jusoor, il lui faut un homme bien titré, sage et surtout très calme ! Car tu vois, je l’aime énormément, mais elle doit être invivable parfois. Donc pas de caractériel pour elle, sinon la Guiche sera à feu et à sang un jour sur deux. On lui trouvera un Vicomte ou un Duc et ils me feront plein de petits. Alors cesse de m’agacer avec cela ! Allez viens je veux voir ou en sont les débats sur le vin, j’espère bien que « La Digoine » se vendra mieux cette année.


Il tapa d’une main ferme sur l’épaule de son homme de main. Les feuilles mortes avaient tapissé une partie des escaliers et les laquais s’activaient à les ramasser. Une main fermement accrochée à la rambarde la Balbuzard montait les grandes marches, suivi de près par Hector.


Puis tu sais…


Il tourna la tête pour regarder son homme d’arme quand il aperçut Jusoor plus loin en compagnie de quelqu’un. Le sourire se figea puis s’effaça :


Jusoor épousera un homme titré, mais certainement pas Sombernon ! Suis-moi !


Et le Balbuzard, les mâchoires crispées de rejoindre un perchoir pour surveiller « sa fille ».
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Ingeburge
... dessiner, peindre, orner, colorer, créer, établir, dresser, vérifier, rechercher, collecter.

En cette fin du mois d'octobre, et plus que jamais, Ingeburge se consacrait à ses travaux héraldiques, au point qu'elle négligeait ses autres obligations, comme la gestion de son domaine auxerrois ou encore sa prise de fonction sous les ordres du Grand Chambellan de France; fort heureusement, du côté de la province ecclésiastique de Lyon, tout se réalisait selon sa volonté et ses consignes. Il faut dire qu'elle n'avait guère le choix. En généalogie, les travaux étaient nombreux à réaliser et des trois hérauts affectés à cete tâche, elle était la seule active.
Sylvestre était en congé et Mnémosyne, porté disparu. Ele jonglait donc entre ses familles et celles des autres. Et cela n'était pas tout, elle devait également gérer les affaires courantes de la marche bourguignonne, le temps de l'absence de Theudbald de Malhuys. Son maître en héraldique lui manquait d'ailleurs terriblement, surtout quand elle se trouvait présentement dans les ateliers privés de la Hérauderie de Bourgogne. Jamais encore elle ne s'y était sentie aussi seule, ayant gagné l'habitude de toujours travailler sous l'oeil critique mais juste de l'adventurier. Plus de remarques sur les couleurs, plus de conseils sur les partitions, plus d'explications sur le blasonnement, plus de moqueries sur sa rigueur quasi maniaque. Les pièces demeuraient désespérément vides et sans vie.

Ses dents mordillant légèrement sa lèvre supérieure, elle prit le temps d'observer l'oriflamme qu'elle était en train de confectionner. Le morceau d'étoffe serait remis le lendemain, lors d'un octroi dont Thomas de Clérel lui avait demandé d'être le témoin. Elle avait également été chargée de dessiner de nouvelles armes pour le fief qui serait remis et d'en dresser la fiche. Le travail avançait bien et tout serait prêt à temps pour la cérémonie. L'aiguille fut mise de côté et elle agita ses doigts blancs, lentement. L'engourdissement la gagnait et elle sentait sa nuque devenir roide.

Délaissant son ouvrage, elle se leva et fit quelques pas dans l'atelier, cherchant à freiner la douleur qui la gagnait. Le froid prenant de plus en plus ses quartiers n'arrangeait rien et elle décida d'aller ajouter une bûche au feu qui crépitait dans l'âtre, pour conjurer le rafraîchissement qui se profilait. Puis, toujours désireuse de se délasser tant l'esprit que le corps, elle parcourut encore la pièce, ses pas la guidant jusqu'à l'une des croisées Là, elle plongea son regard opalin vers l'extérieur. L'ouverture donnait sur les jardins et elle put y voir un homme qu'elle ne connaissait qu trop trop bien. Cette vue la replongea dans des souvenirs immédiats car le matin même, elle avait reçu une lettre du duc d'Amboise accompagnée d'un document précieux. Etrange coïncidence que de le voir là alors qu'elle demeurait passablement troublée par ce qu'elle avait put lire dans le court billet et sur le vélin qui y avait été adjoint. C'était peut-être un signe qui s'esquissait devant ses yeux, il ne pouvait y avoir au final de hasard. Durant un court instant, elle s'absorba dans une fiévreuse réflexion : descendre ou ne pas descendre? Son esprit pesait le pour et le contre... et n'eut finalement pas à trancher car quelqu'un d'autre força la décision en s'approchant du duc. Si ce dernier n'avait été que rejoint, Ingeburge serait peut-être allée au jardins, après tout, cette rencontre aurait pu n'être que fortuite et donc brève, mais la familiarité avec laquelle la femme prit le bras du Louveterie persuada la Prinzessin de ne rien en faire. Perplexe, elle se détourna et regagna vers la table, ne souhaitant ne plus avoir sous les yeux le spectacle de Jusoor - car la femme, c'était elle - accrochée à Asdrubaelvect. Cela devait encore être un signe, celui de reprendre la couture de l'oriflamme qu'elle remettrait justement à la Sémuroise le lendemain.

Sauf qu'elle n'en avait aucune envie. Les tâches qui lui étaient assignées étaient pourtant nombreuses, elle choisit donc de se consacrer quelques heures à la généalogie, prenant soin de ne traiter que des affaires concernant des personnes qui lui étaient rien.

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Phylogène, duchesse d'Auxerre, Grand Maître des Cérémonies de France
« Aultre n'aurai. »
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Joueuse quelque peu accaparée par le RP du sacre, je n'oublie pas les RP/demandes en cours, promis!
Asdrubaelvect
Arrimé ? Que cela l'amusait et lui rappelait sans conteste le matin de sa vie, les voiles élégantes, la houle grossière et meurtrière et bien sûr, l'huile bien trop rare d'une mer sans fin. Il n'avait jamais pu tester la rondeur de la Terre telle que la décrivait Aristote mais il avait simplement constaté qu'une fois arrivé assez loin, l'horizon ne connaît toujours nulle fin. Était-ce là ce qui faisait dire au vieux grec qu'ils vivaient sur une boule ? Le cercle n'est-il pas la seule forme géométrique parfaite vers laquelle tendent tout ce que le Très-Haut créa ?
Le fruit de ses pérégrinations mentales le menaient ces derniers temps à négliger habitudes et obligations, l'emportant parfois plus loin que cet horizon dont nul être de chair ne saurait se départir, brisant l'aliénation de ses membres mais en créant une toute différente par le biais de sa tête. Tout à ses pensées, il oubliant les leçons qu'il devait donner à ses enfants -bien qu'Esyllt n'y était plus assidue- au profit d'un engourdissement, d'un confortable engourdissement. C'était bel et bien l'état dans lequel il se trouvait lorsque son bras fut touché. Il lui fallut pourtant quelques mots et une poignée de secondes avant que le vieux duc ne s'échappe de cette prison mentale, de cette délicieuse apathie.
En cet instant, le sentiment de surprise lui était inconnu et même impossible, ce fut pour cette simple raison qu'il répondit d'une voix posée et neutre.


D'autres auraient été choqués de votre familiarité.

Cela aurait pu sonner le glas de leur rencontre bucolique -au milieu du Palais et de la ville de Dijon, oui ! vous ne rêvez pas- mais il n'en fut rien car qui connaissait l'inquisiteur savait qu'il aimait à être froid -paraître pour les intimes.
Ne soyons pas médisants, certains -et même plutôt certaines- avaient su lui faire montrer un visage jovial et avenant. Mais ce temps était en ce jour révolu.


Vous m'avez l'air bien en joie. Y a t-il une raison particulière ou bien l'automne a t-il un effet si particulier ? Ajouta t-il en souriant légèrement.
Jusoor
D'autres auraient été choqués de votre familiarité.

La voix respectée était froide, le ton guère plus chaleureux. L'assertion percute l'esprit de Ju et le temps d'un battement de cils elle ne sait que faire. Consciente de ses lacunes en matières de politesse et d'usages, elle avait pris pour habitude d'agir avec spontanéité... Ou bien était-ce là le choix de ne pas se laisser effacer par une félonne amabilité de bienséance.

Mais un battement de cils ne saurait longtemps durer et malgré cela, le Duc qu'elle commençait à discerner la prit de court, sans qu'elle ait pu lui répondre qu'en effet, d'autres que lui auraient pu se scandaliser d'un geste si naturel.

La voix, plus amicale, et qui s'éteignait déja sous un sourire discret, s'était enquis des raisons qui pouvaient faire naître chez Ju cette joie visible.


En joie ? C'est bien plus que cela, Duc ! Et quelle meilleure façon de succomber à la joie qui l'envahissait, que de la laisser s'exprimer par un sourire qui lui dévora le visage ?

La Bourgogne, Duc ! Terre élue et chérie ! A des lieues de moi maintenant, la Touraine et la Normandie. Enfin je suis chez moi, avec tout ce que cela implique. Court silence qui ne freina en rien la liesse de Ju. Il y a quelques minutes encore, je serrais mon fils sans pouvoir le quitter des yeux. C'est seulement la faim qu'il cria subitement qui m'arracha à ma douce contemplation, afin de le voir rejoindre un sein nourricier.

Ces derniers mots laissaient malgré tout un goût amer dans la gorge de la Moineaute.

Et puis l'automne oui... Pourquoi pas ? Ju riva son regard au-dessus de l'épaule de son compagnon de promenade, sur le sommet des arbres encore parés. La Bourgogne s'apprête Duc, n'est-elle pas agréable à voir ? Allons donc la contempler vous et moi, dans ces jardins qui nous deviennent coutumiers. Ces promenades m'ont manquées, et je crois être bien heureuse de pouvoir les retrouver... Ju glissa un regard sur lui et sourit.

Contez moi donc vos dernières semaines, et ce qui a pu agiter la Bourgogne pendant mon absence...

Et son bras pris sous celui du Duc, elle avança, sans vraiment choisir de direction, juste portée par le plaisir de ce moment en sa compagnie.
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Eusaias
Mais elle lui sourit la gourde ! Hector je vais rappelle moi de la foutre au pain et à l’eau des qu’on rentre ! Je vais lui apprendre à fricoter avec des vieux c*ns !

Elle va vous en faire baver si vous faites ça…

Tu sais que tu as raison ! Elle serait fichue de se fâcher ! Je serai alors obligé de la marier à un sale breton !

Il poussa sur ses bras pour se relever du sol réapparaissant dans les hautes herbes.

Viens avec moi, je vais lui claquer le museau ! Donne-moi ton gantelet !

La main tendue vers l’écorcheur resta seul, celui-ci d’un signe de la tête lui disait non.

Allons en plein château de Dijon ? Deux vassaux de sa grâce Angélyque qui s’entre-tuent, vous allez avoir de grosses emm*rdes. Puis ça ne règle pas le souci avec Jusoor.

Mouais…. Bordel….

Les mains se croisèrent dans son dos et la marche des cent pas commença. Il va me le payer… il va me le payer… il va…

Un sourire éclaira son visage. Hector va me chercher Gros Martin, la Barrique, Tête de lard et le crochu ! Tu…

Eusaias entre ricanements et sourires carnassiers raconta son plan à son écorcheur. Le nez aquilin se fronçait et à chaque ponctuation et des regards noirs tel des couteaux étaient lancés en direction de Jusoor et d’Asdrubaelvect. L’écorcheur accepta et prit à grandes enjambées le chemin de la ville. Le Balbuzard resta perché un pied posé sur un muret afin de pouvoir observer les « amoureux ».

Jusoor, jusoor, jusoor…. Le couvent t’attend si tu continues.
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Asdrubaelvect
La marche machinale et sans but n'était pas sans déplaire au bourguignon, avancer sans but, cela frôlait l'insouciance qu'il aurait aimé connaître ces dernières années. Malheureusement, il n'en était guère ainsi. Car un Duc et qui plus est un père ne connait que soucis et tracas.
Il n'avait pas retenu tout ce qu'elle avait dit, ces derniers mois n'avaient pas été favorables à mémoire bien que son entendement restait lui intact. C'est alors avec un flegme à faire pâlir les anglais -amis des bourguignons rappelons le- qu'il répondit aux questions qu'ils avaient retenues -ou du moins celles auxquelles il avait envie de répondre.


Vous trouvez que l'automne apprête ? Je songeai qu'elle dévêtait. Il ne laisse aucun répit aux feuilles, qui de l'arbre sont l'attirail verdoyant et laisse ceux-ci bien nu face au froid d'un hiver rigoureux. N'est-ce pas cruel ?
Ah bel automne ! Il m'est familier et doux depuis quelques années, est-ce à dire que je serai cruel ? Il avait du moins pour lui d'être le moment préféré de...
Une phrase en suspend et quelques secondes égrainées plus tard, le Duc (se) reprit.
Vous n'aimez guère les Jardins de France ? Pourtant ils sont si doux. Je les apprécie pour ma part, Amboise en particulier. Sûrement y retournerais-je bientôt, l'hiver y est plus clément qu'en Bourgogne.
Cela occupera probablement bien autrement mes journées que celles des dernières semaines, partagées entre éducation, lecture et écriture. Le rythme y est donné tantôt par mes enfants, tantôt par la correspondance que je reçois et à laquelle j'essaie de répondre avec assiduité. Bien difficile exercice attendu l'extrême irrégularité de celle-ci. Il m'arrive de passer une semaine sans en recevoir alors que d'autres croulent sous le flot incessant de lettres, courriers et autres missives.
Et bien évidemment, nombre de prières. Elles sont mon pain quotidien lorsque mon corps le refuse. Elles sont mon eau lorsque le vin est aigre.


Le Duc afficha un sourire grave quelques instants, conscient de ne pas vraiment avoir répondu à la question de sa compagne de promenade.

Quant à la Bourgogne, je ne sais guère trop. Il semble que ces derniers temps ma présence y soit devenue sans objet. Je dois avouer que cela semble me convenir, jusqu'à quand je ne le sais guère.
Et vous, qu'avez-vous donc à conter ?
Jusoor
Faisant mine de n'avoir pas remarqué la phrase mourant sur les lèvres de son compagnon de sentier, Ju répondit à sa première question.

L'automne apprête, oui je le crois. Avant de se voir devêtue, la Nature se pare d'un jaune doré trop prononcé pour n'être pas jugé criard, au rouge le plus sombre qui lui sied à merveille. Ainsi elle profite et se donne en spectacle, faisant le bonheur de bien des artistes de rue. Ensuite, épuisée elle succombe et se laisse arracher ce qui fait sa splendeur j'en conviens. Et évidemment, elle devient bien moins attrayante à l'oeil, forme décharnée, squelettique et anguleuse. Grise...

Sur ces mots le silence se fit quelques pas durant, un silence qu'il rompit pour lui parler des Jardins de France. Comment aurait-elle pu les aimer sans les avoir jamais vus ? Mais la réponse n'était pas attendue plus. Il lui décrivait maintenant ses dernières semaines dans une généralité opaque qu'elle ne chercherait pas à percer, respectueusement. Ju répondit au sourire énigmatique qu'il lui adressa et poursuivit leur errance.

Ce que je pourrais vous conter de mon voyage ? Cela ne vous fera pas battre le coeur plus vite Duc. Il a été calme et la mission menée à bien. Chaque matin, le jour renaissait, identique à celui de la veille. Les gestes, perpétuels, étaient devenus des habitudes. Les paysages qui se déroulaient sous nos yeux ne variaient pas, et partout, les fumerolles des maisons proches teintaient l'air de la même odeur de bois et de suie.

Parfois quelques journées, labeur du campement acquitté, je quittais mes compagnons et m'offrais une promenade identique aux notres.


Dans mon isolement recherché, j'errais dans mes souvenirs les plus vivables et retrouvais des gestes anodins oubliés depuis un certain temps maintenant, comme celui de se pencher et cueillir les châtaignes qui jonchent le sol. D'autres fois, je me choisissais un endroit confortable et tachais d'échaffauder un avenir, sans retenue, ignorant le lest de ce qu'on n'a plus...

Ju n'attendait pas de réponse non plus de sa part. Elle lui parlait, comme elle ne le faisait que rarement, peut-être uniquement avec Eusaias. Elle lui livrait des bribes, confiante. Et doucement, le silence s'imposa à nouveau, jamais étranger, jamais dérangeant, élément primordial de leurs promenades.

C'était ainsi de marcher avec lui. Passer un moment, échanger des généralités, parfois des idées plus précises qui servaient d'enseignement à Ju. Mais surtout, sans qu'elle sache s'il le percevait aussi de cette façon, c'était pour elle une parenthèse dans sa vie, une bouffée d'oxygène qu'elle attendait avec impatience, un moment de quiétude à la fois intime et inébranlable. Etre à son bras c'était aussi se réserver du temps pour elle...


Le temps avait filé, entre banalités, foy et contemplation de ce qui les entourait. Au détour d'une allée, Ju sentit la bise froide, mordante, qui ne venait sans doute pas de se lever pourtant et qui s'escrimait à arracher quelques feuilles des arbres. Prise d'un frémissement elle leva les yeux sur son compagnon de promenade :

Duc, si vous le voulez bien, j'aimerais retrouver la chaleur d'un intérieur désormais...
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Eusaias
Et le Balbuzard était resté là à les épier, ne perdant aucune miette de ce qu’il se passait. Le vent commençait à soulever les feuilles, les faisant tournoyer devant lui avant qu’elles ne retombent sur le sol. Un craquellement se fit entendre derrière lui, le terrible écorcheur revenait de ville un sourire inquiétant sur le visage. Sa barbe noire et fournie lui donnait un air encore plus sévère et son regard perçant aurait glacé le sang du plus stoïque des mercenaires.

Ils sont en place et je vous ai préparé ce qu’il fallait. Deux paysans ramassent du bois non loin et un autre se repose plus bas. C’est sans risque, croyez mon expérience.

Brave Hector, mon brave Hector que ferai-je sans toi.

Les deux affreux se fixèrent un moment avant d’entendre leurs voix s’élever dans un ricanement des plus déments. La patte de Digoine rejoint l’épaule de l’écorcheur, signe de départ amical sans doute, les deux rejoignirent leurs chevaux. Ce fut là que les mains en forme de serres se glissèrent sous la couverture frôlant le manche de la hache de leurs pointes des doigts. Cette hache avait fait ses preuves sur bien des champs de bataille et d’un geste habituel il défit les sangles et passa le manche à l’horizontale sur le flanc du cheval, manche à porté de main.

Allons-y, je ne voudrais pas être trop en retard.

Le cheval fit demi-tour et les deux hommes s’enfouirent dans les bois. Le grand bois était encore suffisamment touffu pour qu’on ne les remarque pas et le sentier était sinueux à souhait, empêchant toute traversée rapide. Ce fut en passant vers la grosse souche déracinée qu’il vit les brigands tapis dans les feuilles. Gros Martin lui fit signe de la tête avant de disparaitre derrière un arbre. Le balbuzard continua sa route quelque peu, mais à travers les arbres cette fois, à l’abri des regards il se dressa sur ses étriers et saisit son arc.

Tenez prenez celle-là, elle a été cueilli ce matin en ville sur un des membres du guet.

Mais, il n’y aura pas ma signature !

C’est le but et c’est mieux ainsi.

C'est vraiment difficile de faire "le bien", de chercher à être gentil.

Long soupir à fendre l'âme de la part du Baron.
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Asdrubaelvect
Jusoor avait exprimé le froid qui la guettait. Mis en cause, le vent glacial de la saison automnal n'en cessait pas pour autant son souffle porteur d'engelures et de rhumes. Ces retrouvailles cordiales bien que toujours si froides pour un Duc qui n'en finissait pas de porter un deuil dont on lui disait ironiquement qu'il lui resterait jusqu'à la fin de ses jours durent prendre fin. Il raccompagna donc la jeune femme jusqu'au palais et après l'avoir quittée avec galanterie, il s'en fût en direction de Sombernon, à l'Ouest de Dijon.

L'âge obligeant, le Duc prenait à chacun de ses déplacements une voiture flanquée de ses armes, les longues années durant lesquelles il se déplaçait à cheval étaient révolues et il ne le prenait aujourd'hui que pour de rares occasions : la chasse ou les promenades avec ses proches. Quelques hommes d'armes l'accompagnaient toujours, les brigands sévissaient fréquemment et la présence de soldats les dissuadaient à coup sûr. Le Duc possédait aussi une épée qu'il ne portait plus à la ceinture mais qu'il laissait posée prêt de lui dans la voiture hippomobile.

Les forêts étaient assez denses sur le chemin et le soleil déjà affaibli par la saison laissait place à une forme d'obscurité. Le Duc somnolait à présent, les yeux clos et la tête posée contre le vitre fraîche de sa voiture. Il songeait déjà aux lettres qu'il allait rédiger en arrivant, ainsi qu'à la foule d'idées qu'il avait à coucher sur le papier. Tant de choses à écrire, tant de choses à conter... Son esprit vaquait déjà.
Gros_Martin, incarné par Eusaias




Tendre une embuscade était chose simple : il suffisait de trouver quelques vauriens et se cacher dans un coin en attendant « le gibier ». Généralement il était préférable que les vauriens soient d’anciens soldats, car une fois le combat engagé ils ne tourneront pas de l’œil aux premières giclées de sang qu’ils recevront. Il fallait aussi qu’ils sachent tenir leur langue, trop nombreux étaient les benêts qui parlaient de ce qu’ils avaient fait et finissaient par se balancer au bout d’une corde.

Mais Gros Martin savaient qu’il pouvait compter sur la Barrique et le Crochu pour fermer leur mouille. Tête de lard ce n’était pas pareil, le dijonnais était grande gueule et teigneux et tout le monde savait son aversion de la noblesse. Gros Martin, avait appris que le dijonnais à la tête porcine, d’où son surnom tête de lard, possédait cinq hommes de main, des suisses et le rouquin trapu avait bien besoin de second couteau.

La main du brigand remonta sous les feuilles afin de s’emparer de l’épieu en ferraille. Les rôles avaient été distribués et chacun savait ce qu’il avait à faire. Le rouquin devait enfoncer son épieu dans le torse d’un des deux chevaux du coche afin de stopper celui-ci. Le Crochu, un mec très bien qui avait servi en Bretagne et sévit en Bretagne allait l’aider en attaquant le second cheval de tête.

La Barrique armé de sa cognée guiderait deux des suisses sur le flanc droit du coche afin de faire une diversion pendant que les trois autres suisses attaqueraient le flanc gauche. Tête de lard, resterait en hauteur, stoïque avec son arc il abattrait les gardes un peu trop doués.

Les doigts de Gros Martin se refermèrent sur le manche de l'épieu à en faire blanchir les phalanges. Le coche du Duc approchait, la chaine du fléau du Crochu sifflait déjà en tourbillonnant dans l’air. D’un bond, d’un seul Gros Martin se releva et d’un pas sur le côté il enfonça dans le poitrail de l’animal la lame rouillée de son arme.


A L’ATTAQUE !

Une seconde giclée de sang l’aspergea, signe que la tête du second animal de tête venait d’être brisée par la masse pointue du fléau. Les cris des hommes se faisaient déjà entendre de chaque côté. Le rouquin tira les deux poignards à sa ceinture et lança le premier contre la porte du coche d’Asdrubaelvect en signe de défi. Du coin de l’œil il pouvait déjà voir que le Crochu s’occupait du cocher.
Asdrubaelvect
Alors que son esprit était déjà absorbé par les hautes idées qu'il allait bientôt rédiger, sûrement dictées par une quelconque inspiration d'un Saint ou du Divin, un vacarme sans nom le tira de sa douce torpeur. C'était le hennissement d'un cheval... de deux chevaux en fait. Le coche marqua l'arrêt et des cris percèrent le sommeil des sous-bois.
Il n'en fallut pas davantage pour que le Duc se redresse et prenne son arme. Réflexe salvateur s'il en était, cela lui évita d'avoir le crâne transpercé par la lame d'un poignard qui venait se de planter à peu près à l'endroit où sa tête était posée quelques minutes auparavant.

Il venait de comprendre qu'il subissait une attaque de brigands. Il était d'une évidence que cela n'était pas le fait de nobles car la première attaque fut portée contre les chevaux. Or cet animal si noble et si proche de la noblesse humaine ne saurait subir les assauts du sang bleu. Cela serait en effet un affront fait à la condition par le Très-Haut donnée au cheval. Ces agresseurs n'avaient cure de la noblesse et probablement même de l'Aristotélicisme. Il fallait donc les abattre, les envoyer auprès du Créateur pour que celui-ci juge leur âme au plus vite.




Sortant de son coche l'épée à la main, il avisa la scène. Deux chevaux morts, massacrés, un cocher aux mains d'une bête s'approchant assez d'une créature lunaire d'après les descriptions qu'en donnait le Livre des Vertus. Ses quelques hommes d'armes semblaient dépassés et apeurés par la cruauté de ces bêtes.
La situation était critique et le Duc d'Amboise le savait. Ses talents de bretteurs étaient bien inférieurs à ceux de jouteurs, et l'âge lui avait enlevé une partie non négligeable de ses forces.
Il n'était pas pour lui question de ré-entrer dans la voiture, être cerné n'était absolument pas une stratégie viable. Le mieux était d'avoir un angle de vue dégagé et de s'assurer de l'impossibilité d'être surpris.

Le Duc n'avait nulle protection et la longue robe noire d'inquisiteur qu'il portait n'avait rien de confortable pour se battre. Il savait pertinemment que le moindre coup qu'on lui infligerait lui serait certainement fatal, ou du moins amoindrirait tellement ses facultés martiales que son temps en serait compté. Et vu le nombre de brigands qui commençaient à montrer le bout de leur truffe, il y avait fort à parier que sa poignée de soldats ne le protégeraient pas bien longtemps.

Bien que son âge était un inconvénient, il n'était pas dépourvu d'avantage. Le premier d'entre eux était bien entendu l'expérience : celle de la vision stratégique et celle de l'usage de l'épée. Il savait où et comment frapper pour tuer du premier coup et libérer sa lame au plus vite. Et c'est lancé pour garder son honneur plus que pour protéger sa vie qu'il lança le premier coup en direction du plus proche vaurien qu'il croisa. Le début de la dernière résistance du bourguignon fut accompagnée du cri de la famille, un puissant
"Lovetria !" Cri rappelant que dans la bataille, il n'était jamais absent et ayant pour objectif d'effrayer par sa détermination les vauriens contre qui il se battait. Cela était sûrement vain, mais le poids des traditions et de la coutume était on ne peut plus important dans la noblesse.

Ainsi, il se battrait jusqu'à la mort. Et si son épouse était morte sous les coups de brigands, lui en tuerait un maximum avant de mourir.




(1) Achille, Custer et Asdru, même combat.
Eusaias, incarné par Aimbaud





Un sourire en coin fendait le visage du Baron de Digoine alors que le Duc se lançait dans la mêlée. En temps normal il y avait fort à parier qu’Asdrubaelvect serait de taille à abattre les hallebardiers suisses, mais y arriverait-il avec une flèche en pleine poitrine ? Les doigts du Balbuzard libérèrent l’empennage de la dite flèche. Un sourire radieux illumina le visage du balbuzard lorsque la corde de l’arc claqua et que la flèche fendit les airs. D’abord, elle passa sous la branche du vieux châtaigner, puis juste au-dessus de l’épaule de « Tête de Lard » avant de terminer sa course dans la poitrine de l’inquisiteur.

Alors que l’arc rejoignait son étui, la hache fut tirée de sous la couverture. Il lança un regard entendu à Hector avant de faire retentir un puissant
: « AD SCINTILLAE GLORIAM ! »*, cri de guerre du Balbuzard, depuis la disparition de sa promise. La hache fut levée au-dessus de la tête d’Eusaias, alors que la rage, l’esprit guerrier prenait le contrôle de son corps. Les mâchoires crispées, les yeux exorbités, sous la colère il talonna son frison.

Gros Martin, La Barrique et le Crochu, purent voir en la charge du Balbuzard, « le signal » afin qu’ils se retirent du champ de bataille. Eusaias chargeait toujours dans le dos de l’homme à tête porcine. Homme qui d’ailleurs s’était retourné afin de comprendre la manœuvre.

Le Baron ne lui faisait pas confiance ? Pourquoi l’avoir fait poster là avec son arc alors que le Balbuzard était un peu plus loin et avait le même angle de tir ? Pourquoi le regard du Balbuzard était braqué sur lui alors que la hache menaçait ? N’étaient-ils pas « amis » ? Toutes ses questions qui traversaient l’esprit de « Tête de Lard » trouvèrent réponse lorsque la hache de bataille vint s’écraser avec force sur son front ridé.

La tête du dijonnais éclata sous la férocité du coup et une giclée de sang accompagnée de quelques dents vint asperger le visage de Balbuzard. Alors que le brigand s’étalait raid mort, le crâne fendu jusqu’au menton, au pied du cheval de Digoine, les arbalètes des jumeaux, Guillaume et Adalbert, claquèrent simultanément, accrochant un suisse à un des arbres bordant le chemin. L’homme recroquevillé regardait incrédule les deux carreaux figés dans son flanc et partit dans un dernier souffle.

Eusaias se redressa sur ses étriers levant à nouveau sa hache vers le ciel.


HARDIIIIIIS TUEZ ! TUEZ !




* A la gloire de l’étincelle.




Asdrubaelvect
Un inquisiteur, ça sait parfois se battre ! mais malheureusement, ça n'a ni cotte de maille, ni armure et encore moins de gilet pare-balle en kevlar renforcé de nanotubes de carbone. Ainsi donc, comme la flèche fendit l'air, elle fendit sans plus de problème les tissus et l'abdomen du Duc, le perçant le poumon droit, le diaphragme et deux côtes. L'empennage de celle-ci empêcha la flèche de ressortir du corps d'Asdru. Son corps avait donc tressailli deux fois : la première lorsque la flèche perçait la peau rugueuse de son dos et la deuxième lorsque l'empennage vint en butée contre cette même peau.
Sa main droite s'était ouverte sous la violence du choc et l'épée jusqu'alors fermement tenue rejoignit le sol froid et couvert de feuilles. La flèche ne l'avait pas emporté au sol, mais la torture que lui procurait la blessure lui fit brièvement le contrôle de son corps et de ses esprits. Il porta une main sur la flèche et ne put que murmurer malgré son envie de le hurler :

Lâches !
Il aurait voulu se tourner pour voir qui était l'auteur de cette agression mais sa vue s'était troublée et le monde qui l'entourait semblait tourner en cercles concentriques autour de lui. Peut-être était-ce un avant goût de la mort ? Il resta là encore quelques instants, le temps de retrouver ses esprits, le temps de préparer sa réaction car il avait instantanément compris ce qui lui arrivait.
Ses jambes tremblaient alors que sa bouche commençait à cracher quelques gouttes de sang, sûrement issues de ses poumons perforés. Il s'agenouilla, ployant sous le poids de son corps. Cette position lui permit de récupérer l'épée qui s'était enfuie de ses doigts affaiblis.

C'est avec dommage mais avec la ferme intention de se venger et d'en emporter le plus possible avec lui qu'il se releva. Titubant un peu, il s'approcha d'un mercenaire suisse qui lui tournait le dos. Et c'est alors que son épée, pleine de rage et de précision vint se loger dans la nuque de l'homme. L'inquisiteur ne pouvait pas faire voler cette tête qu'il aurait tant aimée planter au bout d'un pique, la force lui était pourtant suffisante pour assener un coup fatal. D'un mouvement habile et précis, la lame vint se planter dans la nuque du vaurien, suffisant pour rompre sa moelle épinière et laisser le brigand pour mort. Il le regardait s'effondrer devant ses yeux, presque instantanément.
Malgré ce qu'il aurait pu croire, cette furie guerrière ne lui permit en rien de se sentir mieux et les mouvements qu'il avait effectués ravivaient et décuplaient la blessure lancinante de son abdomen.
Toujours plus de sang s'écoulait autant par sa bouche et que par les deux plaies et étrangement, le Duc se sentait de mieux en mieux alors qu'il se vidait de son sang. La douleur semblait le quitter aussi vite que le sang et laissait place à une douce sensation d'engourdissement. Vu de l'extérieur, il semblait hagard et pataud sur le champ de bataille.

Un cheval approchait, et avec lui un cri de guerre qu'il ne connaissait pas. Qui était-ce donc ? Sa vue troublée l'empêchait littéralement de détailler un visage à moins de 3 mètres. C'est tenant sa garde qu'il se précipitait malgré la douleur -qui était bien loin de s'être totalement évanouie- qui se dirigea vers le cheval car par là se trouvait encore un homme à tuer. Et d'un nouveau coup d'épée visant cette fois encore la nuque, il trancha finalement la carotide du malheureux qui s'était tourné vers lui au même moment. Et même davantage, car l'homme semblait fuir le cavalier, et ce mouvement en direction d'Asdru empala l'homme sur l'épée du Duc qu'il lâcha aussitôt, trop lourde.

L'arme lâchée, ses genoux ployèrent de nouveau sous le poids de son corps et c'est maintenant couvert de son sang et de celui du suisse qu'il venait de tuer que le Duc s'agenouilla. Sa tête regardait en direction du cavalier qu'il ne pouvait toujours pas discerner.

Et de cette vision brouillée, il voguait vers il ne savait où, sûrement une nouvelle déshérence de sa raison qu'il connaissait depuis quelques années. Il voyait des ombres bouger autour de lui, et puis il avait la sensation sans norme de sentir la couleur de son sang. Le sol sous ses genoux pourtant couvert de sang lui paraissait être une sorte de porte, était-celle du Soleil ? Dans sa tête résonnaient entremêlés le bruit du cri inconnu qu'il avait entendu et la voix de feue son épouse, le fracas des armes et celui du tintement de cloches, peut-être celles de la Basilique Saint-Titus.
Il porta instinctivement la main gauche sur le haut de son torse, sur la belle croix qu'il portait depuis de longues années maintenant. Symbole de sa piété et de sa foi. Elle était déjà maculée du sang qui sortait de sa bouche. Il marquait bien davantage le pendentif que ses habits d'un noir profond et riche. Sa main droite était quant à elle toujours au sol, empoignant son épée, comme prête à porter un coup fatal dont son bras n'avait plus du tout la force d'assener, réflexe de vieux baroudeur de la guerre.

Et sur ses lèvres, quelques mots récurrents se dessinaient et était prononcés tant bien que mal :


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