... dessiner, peindre, orner, colorer, créer, établir, dresser, vérifier, rechercher, collecter.
En cette fin du mois d'octobre, et plus que jamais, Ingeburge se consacrait à ses travaux héraldiques, au point qu'elle négligeait ses autres obligations, comme la gestion de son domaine auxerrois ou encore sa prise de fonction sous les ordres du Grand Chambellan de France; fort heureusement, du côté de la province ecclésiastique de Lyon, tout se réalisait selon sa volonté et ses consignes. Il faut dire qu'elle n'avait guère le choix. En généalogie, les travaux étaient nombreux à réaliser et des trois hérauts affectés à cete tâche, elle était la seule active. Sylvestre était en congé et Mnémosyne, porté disparu. Ele jonglait donc entre ses familles et celles des autres. Et cela n'était pas tout, elle devait également gérer les affaires courantes de la marche bourguignonne, le temps de l'absence de Theudbald de Malhuys. Son maître en héraldique lui manquait d'ailleurs terriblement, surtout quand elle se trouvait présentement dans les ateliers privés de la Hérauderie de Bourgogne. Jamais encore elle ne s'y était sentie aussi seule, ayant gagné l'habitude de toujours travailler sous l'oeil critique mais juste de l'adventurier. Plus de remarques sur les couleurs, plus de conseils sur les partitions, plus d'explications sur le blasonnement, plus de moqueries sur sa rigueur quasi maniaque. Les pièces demeuraient désespérément vides et sans vie.
Ses dents mordillant légèrement sa lèvre supérieure, elle prit le temps d'observer l'oriflamme qu'elle était en train de confectionner. Le morceau d'étoffe serait remis le lendemain, lors d'un octroi dont Thomas de Clérel lui avait demandé d'être le témoin. Elle avait également été chargée de dessiner de nouvelles armes pour le fief qui serait remis et d'en dresser la fiche. Le travail avançait bien et tout serait prêt à temps pour la cérémonie. L'aiguille fut mise de côté et elle agita ses doigts blancs, lentement. L'engourdissement la gagnait et elle sentait sa nuque devenir roide.
Délaissant son ouvrage, elle se leva et fit quelques pas dans l'atelier, cherchant à freiner la douleur qui la gagnait. Le froid prenant de plus en plus ses quartiers n'arrangeait rien et elle décida d'aller ajouter une bûche au feu qui crépitait dans l'âtre, pour conjurer le rafraîchissement qui se profilait. Puis, toujours désireuse de se délasser tant l'esprit que le corps, elle parcourut encore la pièce, ses pas la guidant jusqu'à l'une des croisées Là, elle plongea son regard opalin vers l'extérieur. L'ouverture donnait sur les jardins et elle put y voir un homme qu'elle ne connaissait qu trop trop bien. Cette vue la replongea dans des souvenirs immédiats car le matin même, elle avait reçu une lettre du duc d'Amboise accompagnée d'un document précieux. Etrange coïncidence que de le voir là alors qu'elle demeurait passablement troublée par ce qu'elle avait put lire dans le court billet et sur le vélin qui y avait été adjoint. C'était peut-être un signe qui s'esquissait devant ses yeux, il ne pouvait y avoir au final de hasard. Durant un court instant, elle s'absorba dans une fiévreuse réflexion : descendre ou ne pas descendre? Son esprit pesait le pour et le contre... et n'eut finalement pas à trancher car quelqu'un d'autre força la décision en s'approchant du duc. Si ce dernier n'avait été que rejoint, Ingeburge serait peut-être allée au jardins, après tout, cette rencontre aurait pu n'être que fortuite et donc brève, mais la familiarité avec laquelle la femme prit le bras du Louveterie persuada la Prinzessin de ne rien en faire. Perplexe, elle se détourna et regagna vers la table, ne souhaitant ne plus avoir sous les yeux le spectacle de Jusoor - car la femme, c'était elle - accrochée à Asdrubaelvect. Cela devait encore être un signe, celui de reprendre la couture de l'oriflamme qu'elle remettrait justement à la Sémuroise le lendemain.
Sauf qu'elle n'en avait aucune envie. Les tâches qui lui étaient assignées étaient pourtant nombreuses, elle choisit donc de se consacrer quelques heures à la généalogie, prenant soin de ne traiter que des affaires concernant des personnes qui lui étaient rien.
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Phylogène, duchesse d'Auxerre, Grand Maître des Cérémonies de France
« Aultre n'aurai. »
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Joueuse quelque peu accaparée par le RP du sacre, je n'oublie pas les RP/demandes en cours, promis!