Luciedeclairvaux
[Angers - prémices d'une ouverture]
L'enseigne avait été accrochée le matin même à un hôtel particulier, face à la cathédrale. De la place, derrière les volets clos, nul ne pouvait se douter de l'excitation qui régnait à l'intérieur. Tout avait été étudié depuis des semaines : les commandes aux tapissiers, aux tisserands, aux menuisiers ... ; et le recrutement effectué avec soin, de la cuisinière en sous-sol, à la plus haute des "ambassadrices".
Ce soir était le grand soir : l'inauguration de l'établissement.
Certes, les portes ne seraient pas grandes ouvertes, on ne rentrerait que sur recommandation ou invitation. Mais Lucie espérait bien que leur travail en amont apporterait ses fruits. Tout était impeccable. Seule manquait sa partenaire, encore blessée, mais qui ferait sans doute une apparition dans la soirée, du moins l'espérait-elle en passant en revue les recrues, replaçant ici une boucle, remontant là une bretelle fine, donnant les dernières recommandations.
Puis elle traversa les couloirs à la recherche de son portier, tout en admirant les tapisseries et les boiseries cirées, éclairées de lustres arrogants. Le bâtiment était tellement luxueux qu'elle avait peine à croire qu'il leur appartenait bel et bien. Mais il fallait bien que l'or dérobé sur les routes ou extorqué à son père à grands renforts de battements de cils (et de promesses de reversement d'une part de ses bénéfices surtout) serve à quelque chose.
Et c'était là une bonne action. L'argent des riches rendu aux pauvres.
Car toutes venaient du ruisseau, certaines même étaient logées ici avec leur enfant. Toutes avaient connu la faim. Pauvrettes ...
Et toutes lui mangeraient dans la main, songea la Montmorency avec un sourire satisfait.
Elle dévala les escaliers qui menaient aux cuisines et trouva là l'homme qu'elle cherchait. Attablé. Ils avaient cela en commun qu'il mangeaient comme des chancres, sauf que Lucie restait maigre, tandis que le Géant Scandinave s'amplifiait d'années en années. Aussi blond qu'elle, les yeux aussi bleus, mais malheureusement, le cerveau en compote. L'ancien portier de la forteresse de la Zoko la suivait partout désormais. Il était donc naturel qu'elle le laisse veiller sur l'établissement.
Arnulf chéri. Ça va être l'heure.
Dit-elle en posant sur son épaule voutée une main qui lui sembla ridiculement petite. Il leva les yeux vers elle. Il lui faudrait s'habituer désormais à la voir sans armes ostensibles, vêtue de bottes et braies noires, d'une chemise immaculée, et d'un long manteau d'homme aussi blanc que les fourrures qui le doublaient. Le maintien princier, cheveux attachés sur la nuque, mais la balafre bien visible, souvenir de son passé de guerrière.
Et ce projet serait mené comme un combat, car avant même d'ouvrir ce bordel il lui avait fallu se battre contre la noblesse Angevine qui aspirait à une image renouvelée et pure du duché. Ils ne savaient pas que Lucie était déterminée et qu'elle n'avait pas lâché sa vision d'un Anjou libre, gouailleur, incontrôlable et insolent de charme.
[L'enseigne prête sciemment à confusion afin de générer d'éventuelles visites incongrues. Bon jeu !]
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L'enseigne avait été accrochée le matin même à un hôtel particulier, face à la cathédrale. De la place, derrière les volets clos, nul ne pouvait se douter de l'excitation qui régnait à l'intérieur. Tout avait été étudié depuis des semaines : les commandes aux tapissiers, aux tisserands, aux menuisiers ... ; et le recrutement effectué avec soin, de la cuisinière en sous-sol, à la plus haute des "ambassadrices".
Ce soir était le grand soir : l'inauguration de l'établissement.
Certes, les portes ne seraient pas grandes ouvertes, on ne rentrerait que sur recommandation ou invitation. Mais Lucie espérait bien que leur travail en amont apporterait ses fruits. Tout était impeccable. Seule manquait sa partenaire, encore blessée, mais qui ferait sans doute une apparition dans la soirée, du moins l'espérait-elle en passant en revue les recrues, replaçant ici une boucle, remontant là une bretelle fine, donnant les dernières recommandations.
Puis elle traversa les couloirs à la recherche de son portier, tout en admirant les tapisseries et les boiseries cirées, éclairées de lustres arrogants. Le bâtiment était tellement luxueux qu'elle avait peine à croire qu'il leur appartenait bel et bien. Mais il fallait bien que l'or dérobé sur les routes ou extorqué à son père à grands renforts de battements de cils (et de promesses de reversement d'une part de ses bénéfices surtout) serve à quelque chose.
Et c'était là une bonne action. L'argent des riches rendu aux pauvres.
Car toutes venaient du ruisseau, certaines même étaient logées ici avec leur enfant. Toutes avaient connu la faim. Pauvrettes ...
Et toutes lui mangeraient dans la main, songea la Montmorency avec un sourire satisfait.
Elle dévala les escaliers qui menaient aux cuisines et trouva là l'homme qu'elle cherchait. Attablé. Ils avaient cela en commun qu'il mangeaient comme des chancres, sauf que Lucie restait maigre, tandis que le Géant Scandinave s'amplifiait d'années en années. Aussi blond qu'elle, les yeux aussi bleus, mais malheureusement, le cerveau en compote. L'ancien portier de la forteresse de la Zoko la suivait partout désormais. Il était donc naturel qu'elle le laisse veiller sur l'établissement.
Arnulf chéri. Ça va être l'heure.
Dit-elle en posant sur son épaule voutée une main qui lui sembla ridiculement petite. Il leva les yeux vers elle. Il lui faudrait s'habituer désormais à la voir sans armes ostensibles, vêtue de bottes et braies noires, d'une chemise immaculée, et d'un long manteau d'homme aussi blanc que les fourrures qui le doublaient. Le maintien princier, cheveux attachés sur la nuque, mais la balafre bien visible, souvenir de son passé de guerrière.
Et ce projet serait mené comme un combat, car avant même d'ouvrir ce bordel il lui avait fallu se battre contre la noblesse Angevine qui aspirait à une image renouvelée et pure du duché. Ils ne savaient pas que Lucie était déterminée et qu'elle n'avait pas lâché sa vision d'un Anjou libre, gouailleur, incontrôlable et insolent de charme.
[L'enseigne prête sciemment à confusion afin de générer d'éventuelles visites incongrues. Bon jeu !]
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