Adrienne
La brune de Hoegaarden avait troqué sa toge stricte de magistrate contre une robe moulante pamprée d'or et de sable et brodée de lionceaux. Ce motif sur la damassure de sa robe était fort peu courant mais non moins élégant. Pour compléter sa tenue, elle avait jeté son dévolu sur une longue mante de velours sable posée sur ses graciles épaules et mis sa gorge en valeur en la parant de son collier de Commandeur de l'Ordre de Sainte Illinda dont la croix trouva un écrin confortable entre les reliefs de son décolleté. Le mortier brodé de deux galons d'or avait cédé la place à une longue tignasse auburn qu'elle n'était pas peu fière d'être parvenue à dompter. L'excentrique magistrate n'avait pu s'empêcher d'y piquer négligemment un edelweiss, au gré de son humeur du jour.
Ainsi atournée, elle hâta l'allure pour emprunter seule la courte distance séparant les locaux de l'auguste Cour d'Appel du Palais Royal. Regard contrit, cherchant en vain son cavalier parmi la foule se pressant aux portes du Salon des Nymphes ...
Par Sainte Illinda, il n'osera tout de même pas me faire faux bond ! marmonna t'elle entre ses dents, elle qui se faisait une joie de faire sa première sortie officielle à son bras.
Elle avait beau être blasée des salons parisiens et des soirées mondaines, celle-ci ne manquerait pas d'aiguiser son insatiable curiosité et elle ne doutait pas que la maîtresse des cérémonies avait mis les petits plats dans les grands pour rivaliser de fastes et graver l'évènement dans les mémoires. Cela amusait d'ailleurs grandement notre Vicomtesse d'assister à ce ballet de tenues chatoyantes, gracieuses courbettes et sourires aguicheurs. Car l'objectif inavoué de cette soirée, nul n'en était dupe, était de débusquer parmi le fleuron de cette noblesse la digne épigone de feue Sa Majesté Catherine Victoire d'Appérault.
Quelle tristesse d'en être réduit à devoir choisir son épouse comme l'on désigne un morceau de gigot sur un étal, pensait la Vicomtesse d'un air chagrin tout en louvoyant entre les fidèles sujets de sa Majesté dans les fastueux couloirs du Palais menant au Salon des Nymphes Mais s'il n'y avait nul autre moyen d'assurer descendance à Sa Majesté dont le veuvage n'avait que trop perduré, alors il fallait s'y résoudre. Et l'enjeu semblait de toute évidence attirer les plus beaux trésors que pouvait receler le Royaume de France. Ce n'est pas tous les jours non plus que pouvait être donnée aux pucelles et jouvencelles la perspective de s'illusionner devenir Reyne de France.
Se pliant de bonne grâce à esquisser une oeillade par-ci, un sourire par-là, sans oublier de se fendre d'une révérence de temps en temps face à tous ces visages familiers, tâchant de masquer sa déception de ne pas avoir encore croisé le regard de celui qui accaparait ces pensées, elle se consola en apercevant sa consoeur Melior. Les deux jeunes femmes, à force de débattre jour et nuit sur coutumiers et tables de lois, avaient appris à s'apprécier depuis le temps qu'elles oeuvraient à faire triompher la justice en ce Royaume. C'est donc tout naturellement qu'elle la rejoignit :
Vicomtesse, le pourpre sied à ravir à vos yeux d'onyx. Je suis bien aise de vous rencontrer en un lieu prêtant à toutes les frivolités, voilà qui nous changera agréablement des salles d'audience austères. Hélas, je crains que mon cavalier ne m'ait posé un lapin. Le vôtre aussi ? Humpf ... Nous voici donc telles deux naufragées condamnées à nous échouer vers le buffet, puisse t'il être copieux !
Attrapant au passage deux verres de cristal sur un plateau généreusement mis à leur disposition par un jeune page de service, elle trinqua à cette soirée qui s'annonçait des plus divertissantes.
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Ainsi atournée, elle hâta l'allure pour emprunter seule la courte distance séparant les locaux de l'auguste Cour d'Appel du Palais Royal. Regard contrit, cherchant en vain son cavalier parmi la foule se pressant aux portes du Salon des Nymphes ...
Par Sainte Illinda, il n'osera tout de même pas me faire faux bond ! marmonna t'elle entre ses dents, elle qui se faisait une joie de faire sa première sortie officielle à son bras.
Elle avait beau être blasée des salons parisiens et des soirées mondaines, celle-ci ne manquerait pas d'aiguiser son insatiable curiosité et elle ne doutait pas que la maîtresse des cérémonies avait mis les petits plats dans les grands pour rivaliser de fastes et graver l'évènement dans les mémoires. Cela amusait d'ailleurs grandement notre Vicomtesse d'assister à ce ballet de tenues chatoyantes, gracieuses courbettes et sourires aguicheurs. Car l'objectif inavoué de cette soirée, nul n'en était dupe, était de débusquer parmi le fleuron de cette noblesse la digne épigone de feue Sa Majesté Catherine Victoire d'Appérault.
Quelle tristesse d'en être réduit à devoir choisir son épouse comme l'on désigne un morceau de gigot sur un étal, pensait la Vicomtesse d'un air chagrin tout en louvoyant entre les fidèles sujets de sa Majesté dans les fastueux couloirs du Palais menant au Salon des Nymphes Mais s'il n'y avait nul autre moyen d'assurer descendance à Sa Majesté dont le veuvage n'avait que trop perduré, alors il fallait s'y résoudre. Et l'enjeu semblait de toute évidence attirer les plus beaux trésors que pouvait receler le Royaume de France. Ce n'est pas tous les jours non plus que pouvait être donnée aux pucelles et jouvencelles la perspective de s'illusionner devenir Reyne de France.
Se pliant de bonne grâce à esquisser une oeillade par-ci, un sourire par-là, sans oublier de se fendre d'une révérence de temps en temps face à tous ces visages familiers, tâchant de masquer sa déception de ne pas avoir encore croisé le regard de celui qui accaparait ces pensées, elle se consola en apercevant sa consoeur Melior. Les deux jeunes femmes, à force de débattre jour et nuit sur coutumiers et tables de lois, avaient appris à s'apprécier depuis le temps qu'elles oeuvraient à faire triompher la justice en ce Royaume. C'est donc tout naturellement qu'elle la rejoignit :
Vicomtesse, le pourpre sied à ravir à vos yeux d'onyx. Je suis bien aise de vous rencontrer en un lieu prêtant à toutes les frivolités, voilà qui nous changera agréablement des salles d'audience austères. Hélas, je crains que mon cavalier ne m'ait posé un lapin. Le vôtre aussi ? Humpf ... Nous voici donc telles deux naufragées condamnées à nous échouer vers le buffet, puisse t'il être copieux !
Attrapant au passage deux verres de cristal sur un plateau généreusement mis à leur disposition par un jeune page de service, elle trinqua à cette soirée qui s'annonçait des plus divertissantes.
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