Cerridween
[Minuit a sonné aux cadrans des pendules,
Ta robe de bal s'est évaporée.
Alors que chacun de tes pores reculent,
Tu es obligée d'avancer.]
Elle est redevenue une silhouette noire, cachée sous un grand mantel de lourde laine doublé de fourrure grossière. Un vent froid souffle sur les routes que le grand shire cadence lentement le chemin qu'ils empruntent. Le ciel est blanc, de ces ciels qui annoncent l'hiver et les neiges qui deviendront éternelles un temps, accompagnés de cette odeur si particulière, douce et suave... l'odeur du repos. La capuche relevée, elle a fermé les yeux. Sous sa carapace de tissu, les sons arrivent plus feutrés. Elle ferme les yeux, à l'abri de son rempart. Elle se rassasie des volutes de pensées qui restent attacher à sa tête, dans la chaleur ouatée. Elle s'y accroche, comme une morte de faim à son pain du jour. Encore, un peu, de cette comédie, du bout des mots et de l'être, où les masques tombent la nuit. Encore, un peu, tourner, valser, du bout des doigts et des lèvres, à la faveur de ces souvenirs qui sont encore là sur sa peau. Encore, un peu, ne pas voir le jour qui se lève. Encore un peu, ne pas sentir la nuit venir... et pourtant elle est déjà là, sur elle, sombre. Le rouge s'est évanoui, au fond d'un coffre. Tout n'est pas perdu... mais elle a encore tant à perdre.
Elle tourne la tête, sa main valide dégageant la capuche pour mieux y voir. Derrière elle, le chariot bâché et cahotant. Karyl hésite entre continuer sur sa petite jument ou rester près du cocher. Celui ci d'ailleurs, lève les yeux au ciel, surement après une nouvelle salve de questions suivant un flot d'explications sur les bateaux, les chevaliers trop-super-forts, comment on fait l'aventure, la Turquie, les copains, Georges et comment on refait une maison. Elle sourit doucement avant qu'un soupir ne se trahisse en volutes de fumée passant ses lèvres. Elle se retourne vers l'horizon.
Elle est de nouveau en mission. Elle espère pourtant. Le héraut franc comtois avait signalé sa disparition. Elle ne veut pas le croire. Cela ne se pouvait pas. Il est le dernier et un des meilleurs, malgré son esprit torturé et ses cicatrices à fleur de peau. Elle l'avait senti fatigué et usé. Comme tous ceux qui portant la licorne sur le dos de leur mantel, arrivaient à cet âge. Elle avait lu dans le regard sur les murs du Mans, la fougue, toujours vivante malgré une étincelle de désespoir. Il n'a pas pu, le vieux Corbeau décati, baisser sa garde. Il ne peut pas. Il fait parti des légendes, comme le Destructeur. De ceux qui ont des ombres bien plus grandes que la plupart des mortels. Face à lui, elle a toujours le regard craintif et pourtant admiratif qu'elle avait quand elle était une simple écuyère. « Emmerde le pouvoir royal pour mieux le servir ». Comment y arriver sans lui qui en connait si bien les rouages.
Les deux mains se crispent sur les rênes quand se profilent les murs du domaine du monastère où elle pensait l'avoir laissé.
Pile ou face ?
Face à face avec le destin d'un grand.
Le petit convoi s'arrête devant les lourdes portes de la petit enceinte. La Pivoine se laisse tomber de son cheval. Elle marche vers Karyl qui la regarde, sans un mot. La main valide gantée de cuir se pose sur la joue rosie et elle essaie de sourire.
Je vais voir s'il est là... tu peux venir si tu veux... seulement si tu le veux.
Elle le regarde le petit homme dans les yeux. Y puisse-t-elle du courage ? Une dernière étincelle ? L'espoir ? Un baiser vient se poser sur le front où se battent quelques mèches blondes...
Elle se retourne et marche d'un pas lent vers l'huis. Elle baisse la tête un instant et prend une grande inspiration. La main valide délasse le mantel pour faire apparaître le collier d'argent où pend sa chimère.
Un murmure... entre les mâchoires qui se desserrent et les paupières qui abdiquent un instant.
Que nul n'ignore que la Justice et la Bravoure guident ma route, et que je ne crains pas le mal...
Pour qui répètes-tu ce serment, Pivoine ?
La main se porte à l'anneau qui pend à une chainette et elle tire d'un coup sec la clochette qui sonne.
Victoire ou glas ?
Ton coeur en attendant la réponse ne se calme pas...
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Ta robe de bal s'est évaporée.
Alors que chacun de tes pores reculent,
Tu es obligée d'avancer.]
Elle est redevenue une silhouette noire, cachée sous un grand mantel de lourde laine doublé de fourrure grossière. Un vent froid souffle sur les routes que le grand shire cadence lentement le chemin qu'ils empruntent. Le ciel est blanc, de ces ciels qui annoncent l'hiver et les neiges qui deviendront éternelles un temps, accompagnés de cette odeur si particulière, douce et suave... l'odeur du repos. La capuche relevée, elle a fermé les yeux. Sous sa carapace de tissu, les sons arrivent plus feutrés. Elle ferme les yeux, à l'abri de son rempart. Elle se rassasie des volutes de pensées qui restent attacher à sa tête, dans la chaleur ouatée. Elle s'y accroche, comme une morte de faim à son pain du jour. Encore, un peu, de cette comédie, du bout des mots et de l'être, où les masques tombent la nuit. Encore, un peu, tourner, valser, du bout des doigts et des lèvres, à la faveur de ces souvenirs qui sont encore là sur sa peau. Encore, un peu, ne pas voir le jour qui se lève. Encore un peu, ne pas sentir la nuit venir... et pourtant elle est déjà là, sur elle, sombre. Le rouge s'est évanoui, au fond d'un coffre. Tout n'est pas perdu... mais elle a encore tant à perdre.
Elle tourne la tête, sa main valide dégageant la capuche pour mieux y voir. Derrière elle, le chariot bâché et cahotant. Karyl hésite entre continuer sur sa petite jument ou rester près du cocher. Celui ci d'ailleurs, lève les yeux au ciel, surement après une nouvelle salve de questions suivant un flot d'explications sur les bateaux, les chevaliers trop-super-forts, comment on fait l'aventure, la Turquie, les copains, Georges et comment on refait une maison. Elle sourit doucement avant qu'un soupir ne se trahisse en volutes de fumée passant ses lèvres. Elle se retourne vers l'horizon.
Elle est de nouveau en mission. Elle espère pourtant. Le héraut franc comtois avait signalé sa disparition. Elle ne veut pas le croire. Cela ne se pouvait pas. Il est le dernier et un des meilleurs, malgré son esprit torturé et ses cicatrices à fleur de peau. Elle l'avait senti fatigué et usé. Comme tous ceux qui portant la licorne sur le dos de leur mantel, arrivaient à cet âge. Elle avait lu dans le regard sur les murs du Mans, la fougue, toujours vivante malgré une étincelle de désespoir. Il n'a pas pu, le vieux Corbeau décati, baisser sa garde. Il ne peut pas. Il fait parti des légendes, comme le Destructeur. De ceux qui ont des ombres bien plus grandes que la plupart des mortels. Face à lui, elle a toujours le regard craintif et pourtant admiratif qu'elle avait quand elle était une simple écuyère. « Emmerde le pouvoir royal pour mieux le servir ». Comment y arriver sans lui qui en connait si bien les rouages.
Les deux mains se crispent sur les rênes quand se profilent les murs du domaine du monastère où elle pensait l'avoir laissé.
Pile ou face ?
Face à face avec le destin d'un grand.
Le petit convoi s'arrête devant les lourdes portes de la petit enceinte. La Pivoine se laisse tomber de son cheval. Elle marche vers Karyl qui la regarde, sans un mot. La main valide gantée de cuir se pose sur la joue rosie et elle essaie de sourire.
Je vais voir s'il est là... tu peux venir si tu veux... seulement si tu le veux.
Elle le regarde le petit homme dans les yeux. Y puisse-t-elle du courage ? Une dernière étincelle ? L'espoir ? Un baiser vient se poser sur le front où se battent quelques mèches blondes...
Elle se retourne et marche d'un pas lent vers l'huis. Elle baisse la tête un instant et prend une grande inspiration. La main valide délasse le mantel pour faire apparaître le collier d'argent où pend sa chimère.
Un murmure... entre les mâchoires qui se desserrent et les paupières qui abdiquent un instant.
Que nul n'ignore que la Justice et la Bravoure guident ma route, et que je ne crains pas le mal...
Pour qui répètes-tu ce serment, Pivoine ?
La main se porte à l'anneau qui pend à une chainette et elle tire d'un coup sec la clochette qui sonne.
Victoire ou glas ?
Ton coeur en attendant la réponse ne se calme pas...
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