Nessty
Assise, allongée, en tailleur, à nouveau allongée, en bref gigotant dans tous les sens pour trouver le confort et l'inspiration au coin du feu d'un campement improvisé à quelques lieux de Rieux et de Niort, Nessty promenait sa plume sur un parchemin en chantonnant.
Citation:
Mon cher, très cher, Blondinet,
Déjà cette formulation fut des plus difficiles. Elle avait d'autres mots à l'esprit, plus convenables lorsqu'ils étaient susurrés à l'oreille que couchés sur du papier. Hum... J'vais rester dans les convenances sinon... Un énorme sourire malicieux investit son visage pendant que ses joues s'empourpraient légèrement.
Citation:
Me voici sur la route, à la frontière bretonne, celle qui m'éloigne encore plus de Rennes et de tant de souvenirs partagés.
Quelques instants avant mon départ, j'ai eu ta missive. Etrange sentiment de surprise qui n'en était pas une. Douce sensation de délivrance d'un poids qui m'oppressait sans que je ne le sache. Que dire de plus. Tes mots sont bien plus éloquents que les miens. Oui, j'ai également passé de merveilleux moments à Rennes et pas seulement à me gausser de la crétinerie de certains. Ai je vraiment besoin de préciser lesquels ? Je ne pense pas... Enfin je ne l'espère pas...
Il y a toute fois un point qui mérite que je fasse ma vilaine avec toi : je m'en fous que tu portes des braies (mots raturés triplement...) un titre, une fonction ou non. J'ai découvert un blondinet coquin (mot raturé triplement...) assidu à mettre son nez dans les profondeurs de mon décolleté (mots raturés triplement...) des mines. Ceci me suffit amplement.
...
Quelques instants avant mon départ, j'ai eu ta missive. Etrange sentiment de surprise qui n'en était pas une. Douce sensation de délivrance d'un poids qui m'oppressait sans que je ne le sache. Que dire de plus. Tes mots sont bien plus éloquents que les miens. Oui, j'ai également passé de merveilleux moments à Rennes et pas seulement à me gausser de la crétinerie de certains. Ai je vraiment besoin de préciser lesquels ? Je ne pense pas... Enfin je ne l'espère pas...
Il y a toute fois un point qui mérite que je fasse ma vilaine avec toi : je m'en fous que tu portes des braies (mots raturés triplement...) un titre, une fonction ou non. J'ai découvert un blondinet coquin (mot raturé triplement...) assidu à mettre son nez dans les profondeurs de mon décolleté (mots raturés triplement...) des mines. Ceci me suffit amplement.
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Nessty s'arrêta là dans sa missive pour se mettre à rêvasser un long moment, repensant à ces heures sans fin en si bonne compagnie. Elle se mit à arracher les barbes de sa plume, les unes après les autres comme si elle effeuillait une marguerite. La donzelle relut une fois de plus cette missive si précieusement conservée en son corsage et qui la mettait tant en émoi. Un émoi étrange certes, le même qui l'avait empêché de trouver le sommeil dans l'auberge miteuse de Rieux alors qu'elle attendait Mac, le même qui l'avait poussé à imaginer tant de subterfuges pour écourter la conversation avec son ami poitevin pour se saisir de sa plume et répondre au bellâtre qui s'était incrusté contra sa volonté dans les pensées d'une gueuse indépendante, le même émoi encore qui la poussait sans qu'elle ne s'en rende compte à la chansonnette.
Sa fierté de gueuse impétueuse se trouvait en ce moment même ébranlée et elle se voyait partagée entre l'envie de poursuivre son chemin comme si de rien n'était et celle sauter sur son cheval pour repartir en arrière. Dans un cas ou dans l'autre, elle y perdait. Le blondinet avait su mettre les mots là où cela faisait mal, très mal même. Il suffisait pourtant à la Vilaine d'y acquiescer et de faire comme si de rien n'était.... Rien qu'à cette idée, l'enchignonnée sentit un noeud lui tenailler les tripes et le coeur.
Elle leva la tête vers les chevaux qui se reposaient à quelques pas de là puis vers Mac installé silencieusement auprès du feu, puis vers le Kram qui faisait visiblement semblant de dormir, l'absence de son ronflement trahissait le rustaud. Il lui suffisait d'enfourcher un destrier et de le talonner pour se jeter dans ces bras qui s'offraient à elle. Ses compagnons de route ne remarqueraient pas son absence. Malheureusement, ces bougres étaient sur la route pour elle et elle ne pouvait briser sa parole sur un coup de tête ou de coeur. Non, elle ne pouvait pas s'enfuir de la sorte.
Elle soupira et se pencha à nouveau sur sa missive en en changeant le ton superficiel qu'elle aurait tant voulu insuffler à sa plume. L'envie de fredonner s'évanouit par la même occasion car il lui fallait dénouer ces sentiments encore trop incohérents en elle. Non, elle ne ferait pas marche arrière pour retourner à Rennes dès ce soir. Cela lui coûtait énormément mais la raison n'était pas à laisser son coeur la dominer.
Citation:
...
Il me tarde de revenir auprès de toi pour rire, pour te laisser retirer l'épingle à cheveux de Link de mon chignon, pour laisser les heures de la nuit s'écouler entre tes bras, pour toutes ces choses qui font qu'en ta présence j'ai su oublier mes gardes et m'adonner aux délices de l'abandon. J'apprendrai volontiers à partager mon temps entre fougue et douceur si cela s'avère possible, sans sacrifice de part et d'autre.
Demain, dès les premières lueurs de laube, à lheure où tu t'éveilleras sur une nouvelle journée bretonne, je ne serai déjà plus sur les mêmes terres que toi. Je saurai toute fois que, où que je sois, il y a quelqu'un qui m'attend. Enfin, si tu le souhaites... J'espère également que peu importe les forêts, les rivières, les montagnes ou les plaines que je traverserai, tu sauras là pour m'encourager à venir te retrouver. Je n'aurai ainsi plus l'impression de chevaucher les yeux fixés sur mes pensées ou sur les besoins des opprimés, sans rien voir d'autre que combats ou sans entendre autre chose que débats.
Il me tarde déjà de te retrouver. J'aurai tant préférer ces mots échangés au coin d'un feu, au milieu de nos regards et de nos mains entremêlés. Je m'excuse encore d'avoir pris ainsi la fuite au petit matin de notre dernière nuit, sans avoir osé avouer ce que je n'arrive toujours pas à cerner clairement en moi. Tu as su le dire : est ce partagé ou un simple fantasme dans nos esprits embrumés ? Ce que je sais pertinemment en cette période de tourments, c'est que tu me manques également.
Ta Vilaine qui se sent pas maline cette fois ci.
Fait sur les chemins dans la nuit du dernier jour de février 1457.
Il me tarde de revenir auprès de toi pour rire, pour te laisser retirer l'épingle à cheveux de Link de mon chignon, pour laisser les heures de la nuit s'écouler entre tes bras, pour toutes ces choses qui font qu'en ta présence j'ai su oublier mes gardes et m'adonner aux délices de l'abandon. J'apprendrai volontiers à partager mon temps entre fougue et douceur si cela s'avère possible, sans sacrifice de part et d'autre.
Demain, dès les premières lueurs de laube, à lheure où tu t'éveilleras sur une nouvelle journée bretonne, je ne serai déjà plus sur les mêmes terres que toi. Je saurai toute fois que, où que je sois, il y a quelqu'un qui m'attend. Enfin, si tu le souhaites... J'espère également que peu importe les forêts, les rivières, les montagnes ou les plaines que je traverserai, tu sauras là pour m'encourager à venir te retrouver. Je n'aurai ainsi plus l'impression de chevaucher les yeux fixés sur mes pensées ou sur les besoins des opprimés, sans rien voir d'autre que combats ou sans entendre autre chose que débats.
Il me tarde déjà de te retrouver. J'aurai tant préférer ces mots échangés au coin d'un feu, au milieu de nos regards et de nos mains entremêlés. Je m'excuse encore d'avoir pris ainsi la fuite au petit matin de notre dernière nuit, sans avoir osé avouer ce que je n'arrive toujours pas à cerner clairement en moi. Tu as su le dire : est ce partagé ou un simple fantasme dans nos esprits embrumés ? Ce que je sais pertinemment en cette période de tourments, c'est que tu me manques également.
Ta Vilaine qui se sent pas maline cette fois ci.
Fait sur les chemins dans la nuit du dernier jour de février 1457.
Les derniers mots s'étoufferaient sous sa plume comme dans sa voix. Elle roula nerveusement le parchemin pour l'expédier avant de changer d'avis, mécontente d'elle de se retrouver dans une telle situation mais soulagée d'avoir su lâcher quelques bribes insoupçonnées. Peut être regrettait-elle de ne point être l'une de ces mantes religieuses à cet instant ? Peut être avait-elle retrouvé le goût de la guimauve de sa jeunesse ? Peut être était-elle tout simplement perdue dans des sentiments amoureux un peu trop gênants pour une caractérielle notoire...
Elle observa le messager s'envoler en se mordant les lèvres. Trop tard pour le rattraper et changer quelques mots. Elle aurait voulu dire tout cela un peu mieux, un peu plus ou pas du tout. Elle savait déjà que sa réponse n'arriverait à son destinataire breton qu'à son retour à Niort. Elle maudissait plus que tout cette distance qui la séparait de son blondinet ainsi que les responsabilités si divergentes de chacun, mais tel était le destin et elle était prête à encourir le risque de le braver une fois de plus. Restait simplement à savoir comment...
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