Rheanne
Cavaliers en tête, Rheanne pourtant Ecuyère de la Licorne nen fait pas partie. A son arrivée dans lOrdre Royal, il sétait vite imposé un problème de taille : les déplacements. Pas quelle naime pas les voyages, loin de là mais cest plutôt les conditions qui lui font généralement défaut. Bon, dun elle na pas de canasson et grand bien lui en fasse et de deux, elle horripile ce mode de transport à dos de cheval. Curieux direz-vous pour quelquun qui a souhaité intégré voilà plusieurs semaines un ordre royal dont le but est de partir en mission pour secourir de part le royaume de France.
Bah ouais mais là, elle avait un peu bugué à lépoque et la première mission en Maine navait pas posé de problème, elle était déjà sur place
Alors, parce quelle peut être maligne quand elle le veut la Rheanne, elle avait repéré quelques chariots marqués à la Licorne et avait rapidement émis le curieux souhait dêtre affecté à la gestion de lintendance pendant les déplacements. Pas que la brune cultive un goût prononcé pour le comptage des gamelles et la réfection des toiles de tente endommagées mais cela lui permettait de voyager de la seule façon quelle puisse se permettre.
Ce mouvement à la Touraine néchappant pas à la règle, on retrouve notre jeune écuyère en compagnie des hommes darme communément affectés à la logistique licorneuse. Assise donc sur un des chariots à côté du conducteur du chariot - elle va quand même pas conduire elle-même !! - elle semble taciturne en ayant en vue les remparts de la nouvelle cité.
Le Maine, la Touraine, de nouveau le Maine et maintenant lAlençon
Mission à laquelle la jeune écuyère a pris part sans hésiter
Des mois quelle a pris la décision de postuler à lOrdre Royal, de fuir un Comté qui ne lui apporte plus rien à part la douleur.
Non pas la douleur physique mais la douleur de labandon. Non, plutôt des abandons. Un homme et un frère, tous les deux étaient entrés dans sa vie comme des tornades et avaient embelli son quotidien lui apportant chacun à leur façon amour et protection. Mais il a fallu que le Très Haut les lui enlève. QuIl les envoie loin delle la laissant désemparée. Elle aurait pu rester en Beaumont pour attendre lun ou quitter le Maine en suivant lautre. Mais elle avait fait le choix de se retrouver seule, de sinvestir dans lOrdre Royal et dy suivre ses frères et ses surs, qui constituaient désormais sa seule famille.
La famille
vaste sujet presquinconnu pour la jeune brune. Même le mot lui-même ne lui donnait aucun sentiment ni ressentiment. De sa jeunesse, elle navait connu que le couvent du Mans, couvent quon pourrait dire de « redressement pour jeunes filles dissipées ». Punition dun seigneur pour une curiosité maladive dune gamine dà peine huit années
Crispation des mâchoires aux vagues réminiscences de ce passé.
A son retour de Chinon, elle avait décidé dentreprendre des recherches sur cette famille qui lavait abandonnée du jour au lendemain, sur ce père qui avait renié son aînée trop soucieux de sa réputation et ayant fui le courroux de son seigneur et le déshonneur encouru.
Il y a quelques jours, elle a reçu deux missives, lune de la Licorne informant dune nouvelle mission et une seconde estampillée de la paroisse de Laval. Alors quelle en avait ouvert une, elle ne pouvait se résoudre à prendre connaissance de cette dernière.
Et là pendant tout le trajet, elle a gardé précieusement cette lettre dans sa besace ne trouvant pas le moment de louvrir. Mais la missive ne laisse aucun répit à son esprit. Et si un voyage ne requiert pas une énorme concentration, il en sera tout autrement pour les jours à venir où il lui faudra défendre aux côtés des autres.
Quelques éclats de voix au devant du cortège aussitôt suivi par des cavaliers lancés en pleine course. Mais quel plaisir peuvent-ils trouver sur le dos de ces monstres ? Un frisson parcourt son échine et instinctivement ses mains viennent frotter ses cuisses dans un geste de malaise. Cest ce moment quelle choisit pour prendre la missive de Laval. Lhomme darme à ces côtés peste de ne pouvoir se dégourdir un peu et de devoir chevaucher avec les autres.
Rheanne soupire et lignore largement. Elle regarde la lettre sortie de la besace et en ôte le cachet de cire dun geste maladroit. La missive dépliée, elle en prend connaissance.
De longues minutes à lire et relire
alors que le râleur dà côté, continue son office.
Elle ne peut croire ce quelle lit. Il avait été jusque là
Son propre père avait été jusquà demander à changer le propre nom de sa fille aînée pour lui éviter le déshonneur ? Ou bien était-ce les surs du couvent du Mans qui avait mal notifié sa filiation. Toujours est-il quelle découvre en cet instant une autre vérité, celle qui nest pas sienne, celle qui vous fait défaillir et douter de votre propre existence. Et se pourrait-il que le curé de Laval se soit lui-même trompé ?
Elle relit les prénoms cités comme descendance de son chien de père. Pas de doute, son propre nom et celui de ses quatre surs y figurent. Mais ce nom
ce nom
Elle la déjà entendu quelque part et cela ne remonte pas à son enfance. Non cela vient de récents souvenirs. Elle la entendu par la bouche même de Licorneux
Son malaise grandissant, elle attrape violemment le bras du pilote du chariot.
Arrête toi !!! Tout de suite !!!
Ne discute pas, je te dis darrêter ce canasson !!!
Lhomme darme semble étonné de ce ton dur et froid qui nest pas coutume chez lécuyère et légèrement décontenancé, il arrête le chariot.
Mais on doit suivre le mouvement
Vas y, jai besoin de marcher, ne mattends pas. Vas.
Le chariot repart suivis de ses confrères. Rheanne les regarde séloigner, les remparts ne sont pas loin, elle ferait le reste à pied. Et puis de toute façon, elle en a besoin. Besoin dêtre seule, pour digérer cette lettre, pour intégrer ce mensonge
Le pas lent, tenant la missive à bout de doigts prête à lui échapper, Rheanne avance dans le sillage du cortège.
Semnos
La démobilisation, donc enfin un espoir pour beaucoup de retrouver le foyer quitté depuis si longtemps. Pour beaucoup, mais pas forcément pour le Vif qui senferma rapidement dans une morosité douceâtre menée par ses doutes quand à son appartenance à la terre où ses champs et sa forges devaient ressembler à des lieux abandonnés. Son dernier départ de Bertincourt avait manqué une fois de plus, une fois de trop peut être, de lui coûter la vie. Deux fois que la mort lui rendait visite sans lemportait et deux fois par des épées artésiennes sur le propre sol qui lavait vu grandir, cultiver, pêcher et forger
Là-dessus était arrivé un ordre de mobilisation volontaire pour Alençon. Une fois de plus menacé par des bandits prenant le nom aujourdhui tristement célèbre dune créature tirée dun quelconque mythe dailleurs ou de limagination débordante de ces gens sans foi ni loi.
Trop heureux de repousser à plus tard un choix quil navait nulle envie de faire, Semnos avait rassemblé ses quelques affaires pour la marche à venir
Décidément, ses affaires avaient autant souffert que sa bourse depuis quil avait quitté son foyer solitaire du Nord. Il ne lui restait presque plus rien au fond de sa bourse et inutile despérer reluire dans ses habits que le voyage et les combats avaient rudement menés. Bah
il navait jamais eut lintention de briller vu son statut et ses origine au milieu de tant de gens dont les titres pouvaient à eux seul ouvraient sur un monde quil ne connaissait pas. Et quil ne connaitrait pas sauf si le royaume devenait fou
Vint le départ pour Alençon, avec les chevaliers en tête, ainsi que la plupart des membres des deux ordres, puisquà nouveau les Dames Blanche faisaient route de concert avec la Licorne, une fois de plus.
Le trajet se fit sans heurt, cela dit une telle compagnie en arme, exception faite des quelques chariots légers pouvant suivre le rythme, ne devait pas attirer les petits bandits. Tant mieux ils navaient pas de temps à perdre.
Enfermé dans un mutisme solitaire, Semnos promenait son regard sur les cavaliers qui lentouraient et se déplaçaient aux grés de leurs conversations, de leurs réflexions ou de leurs songes alors quils promenaient un regard perdu sur le paysage les entourant. Sur chacun cependant se voyait plus ou moins nettement les marques du temps quils avaient passés sur les routes. Les mines étaient fatigués, certains trais tirés par les trop longues gardes. Les vêtements, pas plus que ceux du Vif nen avaient réchappé, bien que la plupart soient dune facture qui démentait sans conteste un certain rang de noblesse.
Avec les femmes, toute aussi capable que nimporte quel homme de la colonne, voir plus il le savait parfaitement, son esprit ségara vers des souvenirs de moment dont même la douceur sestompait avec le temps. Son regard reflétait par moment lazur du ciel, par moment le doux bleu acier des nuages qui seffilochaient dans le ciel et il lui fallut quun des sabots de sa monture ripe sur un caillou pour le ramener à la réalité. Honteux il aurait surement pu lêtre, mais il éprouva seulement un sentiment de vide teinté dune pointe de colère. Comment pouvait-il se permettre de penser à ce genre de plaisir, lui qui navait rien à offrir à une femme
Alors quil perdait son regard vers les bois environnant, il perdit le compte du temps et pu sapaiser. Du moins jusquà ce que des éclats de voix le sorte de sa torpeur. Le temps de quelques battements de cur il situa la ville devant eux, Marie qui lançait son défit et sa monture de concert et bien sur
le campement, annonçant autre chose quun refuge.
Se raidissant sur ses étriers, il commença à rechercher le grand maitre du regard, mais la voix dEnguerrand lui tint lieu de signal. Il lâcha la bride et dun claquement de langue Brouillard se propulsa en avant. Il navait pas lintention de faire la course avec les Destriers qui le précédait, car sa monture bien que solide, navait que peu de chance den venir à bout. Il se porta plutôt sur le bord de la route pour laisser libre passages à dautres tout en se plaçant pour faucher tout importun qui tenterait dintercepter lun des leurs. Simplement se caler sur le rythme de la monture dEnguerrand devait demander au hongre gris de sérieux efforts
Sa lance de cavalerie lui manquerait surement dans ce cas mais fort heureusement la longue lame qui barrait son dos lui assurerait une allonge suffisante. Et puis au diable le bougre dâne qui tenterait de stopper une charge comme celle ci sans un fossé ou un mur de pierre !