Imperturbable, Onibaka fixait du haut des remparts les armées des envahisseurs d'Otomo continuer leur valse hésitation. Les masques étaient tombés, plus question de libération désormais, ne restait que le choix entre la soumission et la mort.
La politique l'ennuyait au plus haut point, surtout lorsque les hommes s'en servaient pour justifier leurs actes surtout les plus vils...
Nakatsu était sa ville, il y avait vécu depuis de longues années. Il y avait rencontré des collègues, des concurrents et des amis. Il y avait trouvé l'amour aussi. Il avait pourtant aussi commercé et lié des liens d'amitié avec des habitants de Kurume, sans jamais se départir de sa franche bonne humeur. Comment avait-on pu en arriver là?
Uchi avait privilégié l'administration et Otomo l'armée ! Nos dirigeants ont bien trop longtemps été des naïfs visiblement. Et Otomo qui osait se targuer de venir nous offrir la Libération ! Quelle blague tragique ! Otomo avait des armées, la tentation était trop belle d'en faire usage. Voilà tout. Frères et soeurs! La belle famille que voilà qui vient menacer, fomenter des révoltes et prendre par la force.
Onibaka ne savait trop bien que la torche de la guerre avait été jeté sur leurs terres. Les envahisseurs venaient les tuer et installer leur joug. Ne vous affolez pas voyons, il sera doux et profitable, nous répètent-ils à l'envie. Courbez la tête, ouvrez vos portes ...
Visiblement eux aussi savaient être naïfs parfois. Jamais les habitants d'Uchi n'accepteraient de leur jeter aussi facilement cette ville en pâture. Beaucoup allaient mourrir non pas pour un concept aussi abstrait que l'honneur mais pour la défense de leurs foyers, de leurs familles, de leur droit à disposer d'eux-mêmes.
L'honneur est dérisoire alors, la lutte avait été voulue par Otomo. Que le sang des héros tombe en pluie sur leurs fronts avides. Nos "frères et nos soeurs" viennent nous tuer pour notre bien. Rien à voir avec un guerre d'annexion, Otomo a des idéaux plus nobles voyons. Dommage pour nous ces idéaux, ils savent en faire si facilement abstraction lorsque l'occasion se présente de poignarder dans le dos. Comment croire alors une seule de leurs promesses ?
Jetant un oeil sur les compagnons qui s'alignaient à ses côté, il esquissa un sourire. Les bannières de Hita et Kokura leurs cités soeurs, mais aussi Iwakuni, Mioshi, Masuda, Matsue et bien sûr Nakatsu. De tout le daimyo avait accourru des renforts, certains fièrement et martialement équipés. D'autres portant les tenues de fonctionnaires, d'artisans, de pêcheurs, d'agriculteurs ou de simples hères et maniant de simples batons ou encore mains nus mais coeur fier. Tous réunis dans un seul but. Faire barrage aux Usurpateurs. Et qui sait un jour peut-être libérer les cités natales de leurs parents et amis forcées par de viles traîtrises.
La guerre de Libération d'Uchi serait longue et sanglante à n'en pas douter, mais les kamis connaissaient leur courage et reconnaitraient un jour leur bon droit. Un jour Nakatsu serait délivré de la menace étrangère. Un jour Hita et Kokura verraient l'Occupant mis en déroute.
Le temps de la paix s'achevait, sa vie prenait un tournant inattendu. Désormais, il refermait la parenthèse de sa vie de fonctionnaire et d'enseignant dévoué à sa ville et à son kuni, au savoir. Désormais, il allait devoir participer à la Résistance. Il lui faudrait faire couler le sang de ceux qu'il avait peut être cotoyé, avec qui il avait peut être trinqué à Kurume. Son coeur se serra à cette idée, mais on ne lui laissait pas le choix, Otomo voulait du sang et des conquètes.
Ils avaient leurs conquètes, maintenant ils venaient pour le sang...
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