Gnia
Pour une décision sur un coup de tête, c'était un sacré joli coup d'boule. C'était venu comme une subite envie de pisser, comme ça, un matin, au réveil. La Saint Just se relevait à peine de couches pénibles, longues et douloureuses mais déjà l'inactivité lui pesait et à la vérité, Montauban l'étouffait. Et une Saint Just qui s'emmerde, c'est potentiellement dangereux, voire explosif. Alors quand la Ladivèze avait suggéré que voir un peu de pays lui ferait p'têt du bien, Agnès avait pas réfléchi bien longtemps. Une carte avait été étalée sur l'écritoire, calée au Nord par la carafe de vin, et aux coins Sud Ouest et Est par respectivement une tartine de fromage entamée et une coupelle de fruits confits.
La main triturant nerveusement la fine estafilade qui courait sur l'arrête de sa mâchoire, elle avait soigneusement repéré les coins à vins, les domaines dans lesquels on pourrait s'arrêter, une petite croix pour le vieux fabricant de liqueur de pruneaux rencontré lors de sa première arrivée à Agen. Son doigts suivit le cours de la Garonne jusqu'à Bordeaux. L'ongle tapota l'estuaire, caressant le vélin au niveau des terres de Lesparre et du Médoc. La tête se pencha sur la carte en plissant les yeux pour repérer Blanquefort, le regard concentré chercha à situer le Castelmoron d'Albret. Travelling arrière et un long moment la Saint Just continua à observer la carte en buvant à petites gorgées son godet de vin.
Puis après le calme vint la tempête.
En une matinée se fut plié. La môme Morvilliers qui était arrivée le matin même fut réquisitionnée, la gamine Blanc-Combaz priée de suivre, la Ladivèze - à qui la Saint Just devait maintenant une vie, voire une et demie - faisait d'office partie de la joyeuse compagnie et en passant par Agen on irait arracher la p'tite camériste embauchée tantôt des griffes de sa famille un poil trop protectrice.
Virée de gonzesses.
Ah non. Y'avait un bonhomme dans le lot. Avant de quitter l'Alabrena, Agnès avait laissé une note à son intendant qui était retenu elle se souvenait plus où à jongler encore probablement avec la trésorerie catastrophique de la Comtesse. On allait avoir besoin de lui, surtout au retour pour gérer les achats compulsifs et autres frais de bouche et de cave de l'Infâme
Et puis fouette cocher.
Vers l'infini et au delà.
'Fin au moins jusqu'à l'océan.
Déjà.
Le digne voyageur avait donc pu croiser au sortir de Montauban, un coche sans armes visibles d'où sortaient des piaillements de poulailler, auprès duquel chevauchaient au pas deux cavalières qui tentaient de tenir conversation sérieuse sans parvenir à se concentrer vraiment sur autre chose que l'ambiance volaille du coche. Le tout était encadré d'une petite escorte armée discrète et efficace, mal nécessaire à un déplacement d'envergure de donzelles nobles en mal de sensation.
Voyez Matalena, aux abord d'Agen, lorsque je suis venue la première fois en Guyenne, j'ai rencontré un vieux qui cultivait des arbres à prunes. Les pluneaux d'Ente qu'il les appelait. Et ben ce vieux édenté, il a le secret d'une "liqueul de pluneaux" qu'il mâtine de pêches de vignes, un petit bijou digne du Jardin des Délices. Donc avant de récupérer la petite Ailein, on va essayer de retrouver le vieux. Ou avant peut être... J'ai peur qu'après on retrouve pas trop notre chemin, ou qu'on se souvienne pas de ce qu'on est venues faire à Agen...
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La main triturant nerveusement la fine estafilade qui courait sur l'arrête de sa mâchoire, elle avait soigneusement repéré les coins à vins, les domaines dans lesquels on pourrait s'arrêter, une petite croix pour le vieux fabricant de liqueur de pruneaux rencontré lors de sa première arrivée à Agen. Son doigts suivit le cours de la Garonne jusqu'à Bordeaux. L'ongle tapota l'estuaire, caressant le vélin au niveau des terres de Lesparre et du Médoc. La tête se pencha sur la carte en plissant les yeux pour repérer Blanquefort, le regard concentré chercha à situer le Castelmoron d'Albret. Travelling arrière et un long moment la Saint Just continua à observer la carte en buvant à petites gorgées son godet de vin.
Puis après le calme vint la tempête.
En une matinée se fut plié. La môme Morvilliers qui était arrivée le matin même fut réquisitionnée, la gamine Blanc-Combaz priée de suivre, la Ladivèze - à qui la Saint Just devait maintenant une vie, voire une et demie - faisait d'office partie de la joyeuse compagnie et en passant par Agen on irait arracher la p'tite camériste embauchée tantôt des griffes de sa famille un poil trop protectrice.
Virée de gonzesses.
Ah non. Y'avait un bonhomme dans le lot. Avant de quitter l'Alabrena, Agnès avait laissé une note à son intendant qui était retenu elle se souvenait plus où à jongler encore probablement avec la trésorerie catastrophique de la Comtesse. On allait avoir besoin de lui, surtout au retour pour gérer les achats compulsifs et autres frais de bouche et de cave de l'Infâme
Et puis fouette cocher.
Vers l'infini et au delà.
'Fin au moins jusqu'à l'océan.
Déjà.
Le digne voyageur avait donc pu croiser au sortir de Montauban, un coche sans armes visibles d'où sortaient des piaillements de poulailler, auprès duquel chevauchaient au pas deux cavalières qui tentaient de tenir conversation sérieuse sans parvenir à se concentrer vraiment sur autre chose que l'ambiance volaille du coche. Le tout était encadré d'une petite escorte armée discrète et efficace, mal nécessaire à un déplacement d'envergure de donzelles nobles en mal de sensation.
Voyez Matalena, aux abord d'Agen, lorsque je suis venue la première fois en Guyenne, j'ai rencontré un vieux qui cultivait des arbres à prunes. Les pluneaux d'Ente qu'il les appelait. Et ben ce vieux édenté, il a le secret d'une "liqueul de pluneaux" qu'il mâtine de pêches de vignes, un petit bijou digne du Jardin des Délices. Donc avant de récupérer la petite Ailein, on va essayer de retrouver le vieux. Ou avant peut être... J'ai peur qu'après on retrouve pas trop notre chemin, ou qu'on se souvienne pas de ce qu'on est venues faire à Agen...
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