[RP] Le presbytère d'Autun

Le Père Alexandre. se traina péniblement jusqu'au presbytère la bure complètement imbibée de son propre sang qui coulait des entailles faites pas les épées de ses agresseurs.

Il se glissa jusqu'à la salle à manger du rez de chaussée et il s'affala dans le fauteuil en bois pour reprendre un peu de force.

Il ferma les yeux un instant et tenta de récupérer un peu son souffle avant de nettoyer ses plaies. Il laissa passer quelques vives douleurs que ses chairs déchirées le faisaient se raidir et grimacer.

Après un moment de répit, il tenta de se lever et il retira sa besace qui contenait les herbes médicinales ramassées dans la campagne Autunoise et qui étaient maculées de sang.

Il ôta ensuite sa bure, ses chausses et ses braies couverts de sang et il se retrouva nu au milieu de la pièce. Il s'approcha du broc d'eau et en versa le contenu sur un linge qu'il appliqua sur ses plaies béantes qui saignaient encore vigoureusement. Comme il n'avait rien d'autre sous la main et prit ses braies et se mit à les déchirer en bande de tissus dont il fit des pansements.

Toute cette opération lui paru lui prendre un temps infini et il laissa à nouveau beaucoup de force dans cet effort soutenu.

Il poussa à deux reprises un cri de douleur qui dut s'entendre au moins jusqu'aux portes de la ville. Il avait réussi à se maitriser le reste du temps mais il ne put réprimer les deux cris de souffrance qui lui déchirait les entrailles.

Il réussit cependant avec peine à se hisser jusqu'à l'étage où se trouvait son lit et il parvint à s'allonger revêtu du pyjama d'Adam et des gros pansements épais sur son corps transpercé comme une outre.

Le lit du presbytère avait déjà été le lieu d'un autre calvaire pour lui et il pria le Très-haut de lui venir en aide...

Comment tout çà avait-il bien pu arriver ? Qu'est-ce qui était passé par la tête de ces soldats dont aucun ne lui était inconnu ? Pourquoi l'armée de Cuche s'en prenait-elle ainsi aux voyageurs ?

La douleur mêlée à la colère et à l'incompréhension aurait fini par lui faire perdre la raison, mais ses prières pour le Très-Haut finissaient toujours par lui donner la force de survivre et de pardonner. Il pensait fort à son amie Soeur Asselyne qui lui disait toujours de faire preuve de tempérance.

C'est à cette pensée qu'il demanda au Très-Haut de pardonner aux quatre soldats qui venaient de l'éventrer sans sommation en lui détruisant sa précieuse crosse que Frère Ambroise lui avait juste redonné après lui avoir gardé gentiment près de huit mois.

Après tout, ce n'était pas tout à fait de la faute de ces quatre personnes dont la naissance et la vie ne les avaient pas épargné :

Le Sieur Cuche était sans doute le rejeton caché d'un soudard alcoolique et d'une dame de bonne lignée qui avait du subir (déjà !) les assauts répétés d'un géniteur imbibé de bière. Le petit Cuche afin de faire oublier ses origines bâtardes avait pris soin de jouer les "Rastignac" tout au long de sa vie et de devenir soldat comme papa (oui il était quand même un peu limité) afin de soulager sa haine par la force de l'épée et contre des innocents sans défense (il se disait que sa mère ne s'était pas beaucoup défendue non plus).

"Que le Très-Haut dans sa grande miséricorde pardonne à cet Enfant !"

La Dame Nolweenmonnier était sans doute originaire des bas-fonds de Bourgogne. Avant de servir son Duché avec son épée, elle avait du mener une vie de fille de joie dans les campements de l'armée où beuglaient les fantassins avinés. Elle avait réussi, grâce à ses douces faveurs, payantes pour les simples soldats et gratuites pour les gradés, à se faire embaucher comme soldat de l'Ost. Elle avait trouvé un généreux mécène qui contre quelques parties de jambes en l'air, lui avait offert une épée pour faire le sale boulot (et elle s'y connaissait disait-on !). La pauvre fille exécutait désormais les basses oeuvres de son maitre et tentait d'oublier son passé en s'habillant comme une Dame. Elle n'était pas très fine et illettrée et seules les basses besognes lui convenaient...

"Que le Très-Haut dans sa grande miséricorde pardonne à cet Enfant !"

Le Sieur Mogi se vantait d'être un soldat confirmé et décoré à plusieurs reprises. On le voyait souvent dans les tavernes dijonnaises entouré d'un auditoire de personnes sentant le sueur et la cervoise et qui étaient les seules à pouvoir écouter les chansons de ses campagnes militaires. Hélas, la réalité était tout autre sur les champs de bataille. La plupart de ses faits d'armes sortaient de son imaginaire fertile qui enjolivait ses actes de bravoure. Il était, en effet, plus enclin à frapper des victimes blessées ou désarmées qu'à affronter de véritables soldats. Sa diarrhée verbale qui contait ses exploits attirait seulement les mouches vertes collées sur les tables en bois des estaminets.
A le regarder et sans avoir à lui parler, un homme sensé voyait tout de suite à quel idiot décérébré il avait à faire.

"Que le Très-Haut dans sa grande miséricorde pardonne à cet Enfant !"

Le quatrième soldat était encore plus fourbe et pleutre que les trois autres puisqu'il s'était caché entièrement derrière ses amis assassins.
Il fallait quand même demander pardon au Très-Haut pour lui.

"Que le Très-Haut dans sa grande miséricorde pardonne à cet Enfant !"

Ses pensées et ses prières le fatiguèrent grandement, il ne pu résister au sommeil qui l'envahissait et qui allait peut-être l'envelopper dans une éternité silencieuse.

Il s'endormit nu sur son lit, les plaies saignantes et abandonné de tous...

"Oh Putain !" venait de lâcher presque malgré lui le curé en essayant de se redresser sur sa couche et en étant rappeler à l'ordre par ses cicatrices qui n'en finissaient pas de saigner et suinter.

Il respira l'air de sa chambre et il se rendit compte de l'odeur de pourriture qui provenait certainement de ses chairs mortes et du sang répandu sur le drap.

Il souffrait le martyr et il ne pouvait que boire quelques gouttes d'eau, ne pouvant aller remplir le broc lui-même au puits.

Comble de malheur (et de sorcellerie !), il lui était impossible de manger ou d'entreprendre quoique ce soit car, par la magie du Démon Acherpé que maitrisaient très bien douaniers et juges en toute impunité, il s'était retrouvé en prison dans le même temps que sa convalescence au presbytère.

Il y avait de quoi devenir dingue avec toutes ces pratiques ensorcelées mais jamais condamnées. Et dire que l'Inquisition menait une enquête contre lui parce qu'il avait tenu tête à l'évêque Aegon à une époque et que celui-ci à présent avait disparu en laissant son diocèse à l'abandon alors qu'il avait été un des plus grands moralistes pour les autres.

Un petit messager avait apporter au matin une lettre de la procureure qui lui signalait que sa plainte avait été prise en compte. Le tueur de curé, le tristement nommé Cuche, se défendait déjà en disant à qui voulait l'entendre qu'on ne pouvait pas mettre en procès un Capitaine surtout titré et copain avec le gratin.
Bref, on pouvait tuer des gens en toute impunité, en se faisant la justice soit même, mais on était trainé en justice pour le vol d'un pain. On appelait çà la Justice à deux vitesses mais tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Le Père Alexandre. n'oublia pas en ce dimanche où les cloches n'avaient encore pas sonnés, de dire une prière au Très-Haut et de lui demander d'abréger ses souffrances soit par guérison rapide, soit par la mort.

Il espérait être entendu car ses forces l'abandonnaient peu à peu et les barreaux de geôle qui s'étaient dressés autour de son lit lui détruisaient le moral.

Avoir le pouvoir In Gratibus était la plus belle des choses pour régler ses comptes avec ses ennemis... Les piliers du Duché le savaient bien...

Cinquième jour de souffrance...

Cinquième jour d'errance dans les limbes opaques des hallucinations qui accompagnent le demi-sommeil et la douleur...

Toc Toc Toc

Un bruit surgissant de nulle part, un bruit venu d'ailleurs...

A peine la force de soulever les paupières, aucune pour se mouvoir...

Une tentative désespérée d'émettre un son voire un cri. Ah Les cris ! Comme il a pu en pousser dans la nuit noire de sa désespérance.

"Seigneur ! Où es-tu ? Pourquoi me laisses-tu ainsi ?"

Pensées et prières qui s'évaporent dans un silence énorme.

Crispation des mâchoires en sentant venir la douleur qui irradie maintenant tout le corps.

Longue agonie d'un homme mis à mort lâchement par un Capitaine décérébré et couard issu d'une union co-sanguine entre cul et cruche enfantant Cuche...

Ah ! Les barreaux de la prison s'en sont allés ce matin... Le ciel parait serein...

Toc Toc Toc



"Sont-ce mes petits anges qui viennent me délivrer de cet insupportable calvaire pavé de sang, de sueur et de pus à l'odeur de gangrène..."

ECOUTE les anges, ils sont là pour toi...