Ozomatli
Cuamantzingo. Saison des pluies.
Les insectes bourdonnaient autour de la tête de l'esclavagiste, effrayés par les trombes d'eau qui se déversaient au dehors, et par l'électricité ambiante de cette matinée orageuse. Quand les pluies étaient torrentielles, les bestioles se réfugiaient sous les arbres en attendant la fin du tumulte, tout comme le bétail et les hommes. Mais pas comme les esclaves.
Dégage moi cette tranchée ! Et creuse mieux que ça, cul de babouin !
Deux hommes détrempés, arborant le fameux collier de bois de la servitude, travaillaient sous la pluie en subissant les invectives d'Ozomatli. Ils avaient été embauchés pour une bouchée de tortilla, afin de labourer les champs de l'esclavagiste. Des terres qui à l'heure actuelle, ressemblaient plutôt à des sables mouvants où se mêlaient des torrents de boue. La tâche était éreintante, surtout pour Ozomatli, qui finissait par avoir des crampes au bras à force de distribuer des coups de baguette sur les mollets des travailleurs. Sans parler qu'il s'abîmait furieusement la voix en leur vociférant des ordres.
Je reviens au coucher du soleil. Vous aurez un doigt coupé si l'ouvrage n'a pas été terminé !
Le terrible mexicatl à la belle figure agita la main pour chasser les moustiques, puis il pénétra dans son calli avant de rabattre un loquet de bois afin de s'enfermer. Là il enfouit son visage dans un riche tissu de maguey brodé, s'essora les cheveux et se laissa tomber sur une paillasse douillette. On pouvait voir à l'intérieur de cette hutte, et aux multiples ornements qui la décoraient, que son propriétaire n'était pas sans argent et qu'il avait la délicatesse d'une femelle.
Ayant jeté un regard autour de lui, Ozomatli souleva une dalle de terre sous son couchage, et observa ce que contenait sa cachette. Une montagne de quachtlis était ammassée là. L'or fit miroiter un reflet jaune sur les dents de nacre de son propriétaire. Il remua les pièces froides du bout des doigts. Oh le bel argent, durement gagné, à la sueur de son front ! N'avait-il pas été obligé de s'adonner jusqu'à la dernière des bassesses pour l'obtenir ? N'avait-il pas dut jeûner jusqu'à en tomber malade, durant des jours entiers ? Boire de l'eau croupie, creuser à la mine, arnaquer des imbéciles, capturer des enfants, prostituer des sauvages, vendre tout ce qu'il avait en sa possession, jusqu'à sa propre peau ? Et aujourd'hui, il était riche à foison. Il mangeait à sa faim et tout le monde l'enviait.
L'éphèbe laissa échapper un soupir satisfait et s'étendit sur son lit, un bras replié en oreiller. Il contempla un instant le plafond qui résonnait du martèlement des gouttes d'eau, l'esprit charmé par des visions de bonheur. Très vite, le sommeil appuya sur ses paupières et relâcha son corps.
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Les insectes bourdonnaient autour de la tête de l'esclavagiste, effrayés par les trombes d'eau qui se déversaient au dehors, et par l'électricité ambiante de cette matinée orageuse. Quand les pluies étaient torrentielles, les bestioles se réfugiaient sous les arbres en attendant la fin du tumulte, tout comme le bétail et les hommes. Mais pas comme les esclaves.
Dégage moi cette tranchée ! Et creuse mieux que ça, cul de babouin !
Deux hommes détrempés, arborant le fameux collier de bois de la servitude, travaillaient sous la pluie en subissant les invectives d'Ozomatli. Ils avaient été embauchés pour une bouchée de tortilla, afin de labourer les champs de l'esclavagiste. Des terres qui à l'heure actuelle, ressemblaient plutôt à des sables mouvants où se mêlaient des torrents de boue. La tâche était éreintante, surtout pour Ozomatli, qui finissait par avoir des crampes au bras à force de distribuer des coups de baguette sur les mollets des travailleurs. Sans parler qu'il s'abîmait furieusement la voix en leur vociférant des ordres.
Je reviens au coucher du soleil. Vous aurez un doigt coupé si l'ouvrage n'a pas été terminé !
Le terrible mexicatl à la belle figure agita la main pour chasser les moustiques, puis il pénétra dans son calli avant de rabattre un loquet de bois afin de s'enfermer. Là il enfouit son visage dans un riche tissu de maguey brodé, s'essora les cheveux et se laissa tomber sur une paillasse douillette. On pouvait voir à l'intérieur de cette hutte, et aux multiples ornements qui la décoraient, que son propriétaire n'était pas sans argent et qu'il avait la délicatesse d'une femelle.
Ayant jeté un regard autour de lui, Ozomatli souleva une dalle de terre sous son couchage, et observa ce que contenait sa cachette. Une montagne de quachtlis était ammassée là. L'or fit miroiter un reflet jaune sur les dents de nacre de son propriétaire. Il remua les pièces froides du bout des doigts. Oh le bel argent, durement gagné, à la sueur de son front ! N'avait-il pas été obligé de s'adonner jusqu'à la dernière des bassesses pour l'obtenir ? N'avait-il pas dut jeûner jusqu'à en tomber malade, durant des jours entiers ? Boire de l'eau croupie, creuser à la mine, arnaquer des imbéciles, capturer des enfants, prostituer des sauvages, vendre tout ce qu'il avait en sa possession, jusqu'à sa propre peau ? Et aujourd'hui, il était riche à foison. Il mangeait à sa faim et tout le monde l'enviait.
L'éphèbe laissa échapper un soupir satisfait et s'étendit sur son lit, un bras replié en oreiller. Il contempla un instant le plafond qui résonnait du martèlement des gouttes d'eau, l'esprit charmé par des visions de bonheur. Très vite, le sommeil appuya sur ses paupières et relâcha son corps.
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