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[RP] Du sang qui coule dans nos veines.

Jehanne_elissa
Rendez-vous avait été pris alors carrosse avançait vers les terres de Decize. Rendez-vous avait été pris en de funestes circonstances et morose ambiance dans l’habitacle du véhicule. Le froid mordant du nord du Royaume était la raison de toutes ces fourrures posées sur le corps recroquevillée de la petite Vicomtesse. Contre elle, ses jambes touchant les siennes, sa meilleure amie. Et ce jour ce n’était pas les babillages d’adolescentes qui envahissaient la place. Pas de « et comment on sait que ça va arriver, le sang » pas de « raconte-moi les mots d’amours » ou même des « as-tu vu la façon dont il l’a regardé ? ». Non le silence. Un silence voulu par la Vicomtesse car elle ne se sentait pas d’être légère sur la route de Decize, elle ne se sentait pas d’être légère en avançant vers la première représentation de son père. Oh devait-elle vraiment y aller ? Elle l’avait demandé à Clémence, il ne fallait pas l’abandonner. Oh et baste la demande… Non ce n’était pas poli. Et n’allait-elle pas atrocement le regretter si elle ne le faisait pas ? Bien sur que si.

L’adolescence on connaît tous : les changements de nos corps, notre esprit qui trouve de nouveaux centres d’intérêts, et les grands questionnements existentiels fondateurs de l’être humain – est-ce que je vais tomber amoureuse, est-ce qu’il m’aime, est-ce que je suis jolie ? Tout ça, ça l’affectait. Tout ça en plus du sujet « parents ». Sa mère ne présentait aucun problème, sa mère était son idole, sa mère était la Fleur d’Oc aimée et admirée de tous, sa mère était la mère suprême, la mère adorée. Sa mère était belle, sa mère était pieuse, douce et généreuse, sa mère était parfaite. Elle le pensait, le vivait, le croyait : rien ne pourrait jamais ébranler ces certitudes, rien ne pourrait jamais amocher l’amour qu’elle lui vouait. Mais son père… Toute une histoire. Elevée dans la haine envers lui et les Appérault, élevée pour ne pas y penser pendant longtemps cela ne lui avait causé aucun tord : il n’était qu’une partie étrange de sa vie, un inconnu qui avait planté la graine et encore, elle se voyait plus fille de l’immaculée conception que fille de son père. Et puis son nom avait été évoqué, et la curiosité était arrivée, mais de qui suis-je donc la fille. D’abord de discrètes recherches : si on savait dans le milieu ou elle a grandit qu’elle cherchait inconsciemment à contrer l’image despotique de son père ça serait une catastrophe. Et elle avait rencontré Clémence…

Une étrange impression de pécher alors que le cochet leur crie qu’ils entrent en terres de Decize. Un nœud au ventre et une gêne dans la pensée, un brouillard que l’on attribue plutôt à la honte. Et si Tante Pol apprenait qu’elle était venue voir et certainement emporter un portrait de son père ? Oh quelle horreur ! Non ne pas y penser. Elle se redresse, autant endolorie par le froid que par l’inactivité et se frotte les yeux. Yeux verts qui se posent sur Eilinn et main qui va, sous les fourrures chercher la main de son amie.


- « Eilinn ?

Temps d’attente, temps de silence qui les enrobe, un de ces temps qu’adore la jeune Goupil : le temps des confidences. Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, qu’elles soient joyeuses ou tristes se confier à Eilinn était toujours un réel appui, un réel soulagement, tout comme elle aimait l’entendre et la consoler, l’entendre et la conseiller. Quelle chance elle avait d’avoir une vraie amie… Elle qui avant de la connaître avait si peur de grandir, si peur d’être seule dans un monde d’adulte. Une perspective qui avait même été l’origine de quelques cauchemars, se souvient-elle un vague sourire aux lèvres. De grâce, Eilinn avait ouïe dire que la Vicomtesse de Cauvisson cherchait une dame, de grâce elle avait trouvé en elle non seulement une candidate au poste mais bien plus encore : son alliée.

- « Eilinn je suis désolée d’être si bougon. Mais j’ai un peu peur tu sais… Mon père… Enfin tu sais que je n’ai pas été élevée à l’aimer, mais je veux me faire mon propre avis. Tu sais que je ne pense pas que l’on puisse être que mauvais et mon père ne doit pas faire exception. Et si je n’en parle pas c’est car je ne veux pas blesser Tante Pol, Actarius ou Cristol qui eux ont déjà leur avis forgé. Seule Clémence sait… C’est donc un secret… Merci d’être là. »

Un sourire. Et des yeux larmoyants ? Non pas déjà. Quoique ? Ah l’adolescence et la sensibilité des adolescents…

****

Coche arrêté dans une cour et porte qui s’ouvre. Petite Vicomtesse qui sort, cape de fourrure sur les épaules. Alors c’est ça, la Bourgogne ? Ce ciel gris, ce froid mordant et ces pierres a l’air si malheureux ? Par pitié, pourvu que les terres de Malpertius soient plus joyeuses ! Ou alors est-ce ton état d’esprit ou l’impatience est bridée par le sentiment d’interdit qui voit les choses sombres ? Qu'importe, ne digressons pas, un sourire est donné au garde ainsi que l’ordre de les annoncer alors qu’elles entrent dans la demeure de la maîtresse des lieux.

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Clemence.de.lepine
Clémence vint elle-même accueillir les deux jeunes filles. Ce fut elle qui donna l’ordre de nourrir et panser les chevaux, comme celui d’offrir pain et vin à l’escorte. Nul besoin d’intendance en ce jour, elle n’avait que trop hâte de revoir les deux petites Vicomtesses.

Il était vrai que la saison était froide, humide et venteuse. Il était vrai aussi que le gris du ciel et la lourdeur des nuages ne donnaient pas envie au voyageur de s’attarder à l’extérieur – d’autant plus s’il venait du Languedoc. Mais Clémence était de Champagne et la rigueur du temps annonçant l’hiver ne l’ennuyait pas.


« Je vous guettais, demoiselles. Manifestement, le voyage s’est déroulé sans encombre particulière. »

Elle observe d’un œil circonspect la jeune Goupil qui semble déjà perdue à peine le pied posé en Bourgogne. Elle ne sait que trop bien les raisons qui l’ont menée des terres d’Oc jusqu’ici et si cela ne l’effraie ni ne la réjouit, cela a au moins le mérite de l’inquiéter. Elle n’a aucune envie de blesser l’adolescente, aucune envie de la voir s’enfuir de Decize comme elle a pu s’enfuir de l’Epine, aucune envie d’aborder un sujet douloureux, de dévoiler des vérités bouleversantes, de provoquer colère ou tristesse, déception ou rancœur. Elle souhaite simplement le bien de cette rousse enfant, elle le souhaite réellement, parce qu’elle est Volpilhat, parce qu’elle est Appérault, mais surtout parce qu’elle n’a plus de mère et que son père n’existe plus.

Clémence retient un soupir. Serait-il possible que ces deux demoiselles passent un séjour agréable à Decize sans que le passé, les souvenirs et la vérité puissent venir altérer de façon irréparable leur conversation et leurs relations ? Le mieux était pour le moment de parler, se reposer, et laisser faire le fil de la discussion.


« J’ai fait l’acquisition de quelques douceurs délicieusement fondantes en bouche, la dernière fois que je me suis rendue à Paris. Vous devez êtes fourbues du voyage. Allons donc à mes appartements, le feu y brûle et une collation vous y attend. »

La Demoiselle de l’Epine prend les devants, tentant de retenir les battements sourds de son cœur alors qu’elles se rapprochent de la chambre. Elles allaient s’installer, échanger quelques courtoisies, et quand elles auraient épuisé leurs ressources frivoles, sans doute se trouveraient-elles gênées à se demander qui la première parlerait.

« Vous connaissez Fiora… » fait-elle en montrant d’une main lasse et évasive, alors qu’elles franchissent la porte, la levrette naine italienne qui trône sur le lit. « Elle a gardé quelques mauvaises habitudes mais je ne désespère pas de la faire courir un jour ou l’autre. Sans doute n’a-t-elle pas tout à fait terminé son deuil… »

Elle aurait voulu alors n’avoir jamais parlé, et ses yeux d’azur viennent chercher le regard d’Eilinn, craintifs, presque coupables d’avoir peut être rappelé à la jeune Champenoise un pénible souvenir.

« Bref… » lâche-t-elle en s’asseyant dans un large fauteuil et en invitant ses invitées à faire de même.

« Massepains à la violette ? Dragées ? Oublies au miel ? Gaufres à la cannelle ? Servez-vous, faites-vous plaisir. »

On leur apporte du vin clair coupé à l’eau et Clémence en profite pour lancer d’un ton léger une question pour le moins anodine.

« Quelles nouvelles de vous pouvez-vous bien m’apporter ? » Et elle encourage leurs réponses d’un sourire aérien, tout en croquant allégrement une pâte de fruit.
Eilinn_melani
Le trajet avait été long, et silencieux. Mais Eilinn n'en tenait pas rigueur à son amie. L'amitié indéfectible qu'elle avait pour la Goupil surpassait n'importe quel sentiment comme l'ennui, ainsi la jeune Salamandre ne pouvait pas en vouloir à Jehanne Elissa. Quoi qu'il en était, ce mutisme ne déplaisait pas à la jeune fille, qui réfléchissait tant qu'elle pouvait à la décision prise quelques jours plus tôt à Noirlac. Ce choix lui paraissait évident depuis des mois, voire des années, malgré les évènements, et rien n'arrivait à faire regretter ce virage dans la vie de la jeune fille, en pleine opposition avec ce qu'aurait voulu sa mère pour elle.

Jehanne se saisit de sa main dans le coche, et dans un dialogue qui semblait se répéter de plus en plus souvent, Eilinn excusa le silence de son amie.

Ne t'excuse pas Jehanne ! Je comprend tout à fait ton sentiment, et tu devrais arrêter de te morigéner de la sorte ! Je ne suis pas bavarde non plus, et je suis certaine que ce séjour à Decize sera plaisant !

Ce voyage était pour la Goupil, pour qu'elle en sache plus sur son père, et la jeune Melani ne pouvait que louer cette intention, elle qui avait trop peu connu le sien. Le coche s'arrêta finalement, et le babillage mondain commença, tandis que Clémence de l'Epine les accueillait avec amitié. Eilinn resta discrète, souriant sincèrement à la nouvellement-bourguignonne.

Revoir le lévrier d'Aléanore fut par contre plus douloureux, tant elle tentait d'effacer les souvenirs de cette journée de septembre, qui avait marqué durablement son esprit. Les cauchemars qui se répétaient depuis ce jour funeste la tourmentaient, ainsi toute occasion de fuir le sommeil était saisie, comme ses études théologiques à Rome. Elle ne répondit pas à Clémence, ne voulant pas ramener le spectre de l'Etincelle dans la pièce, et préféra donner des nouvelles.


Je vais prononcer mes vœux au sein de l'Abbaye de Noirlac. J'ai décidé de devenir prêtre de l'Eglise Aristotélicienne, mon choix s'est finalement fait après des mois de questionnement.

Eilinn fit une pause, et rajouta.

Servir Dieu est la seule chose qui me guide dans mon choix, peut-être pourrai-je permettre alors à l'Eglise d'éviter de s'égarer à nouveau.

Le regard se fit un instant plus lointain, mais la jeune fille ne laissa pas le temps à la mélancolie de gagner du terrain, et elle posa une main douce sur celle de Jehanne.

Pardon de ne pas te l'avoir annoncé plus tôt, c'est une décision récente ! Je n'en ai même pas encore informé mon beau-père.

Elle s'inquiétait de la réaction que cela susciterait chez son amie, même si elle ne comptait pas la quitter pour autant, voulant conserver sa vie d'avant.
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Jehanne_elissa
Je vais prononcer mes vœux au sein de l'Abbaye de Noirlac. J'ai décidé de devenir prêtre de l'Eglise Aristotélicienne, mon choix s'est finalement fait après des mois de questionnement.

Alors que sa main portait un massepain proposé par Clémence vers sa bouche, elle s’arrête en chemin et le regarde de la jeune rousse se tourne vers son amie. Hein ? Son massepain à l’orée de ses lèvres carmines, elles même toujours entrouvertes et gourmandes ce n’est que la main de son amie sur la sienne qui la fait sortir de ce no mans land dans lequel elle se plonge lorsqu’une nouvelle la surprend. Seigneur… Eilinn allait donc prononcer ses vœux. Eilinn allait éviter le chemin qui lui traçait son nom soit la joli mariage, les beaux enfants, la vie d’épouse. Eilinn allait épouser le Seigneur. Eilinn allait pouvoir être libre. Eilinn allait être libre certes mais avec une vie monastique. Et quand elle serait nommée à une paroisse allait-elle devoir partir loin d’elle ? Cœur qui se serre douloureusement. Il se serre car elle peut partir, loin, et qu’elle s’y refuse, il se serrer car ce sentiment est mauvais. C’est égoïste et méchant, c’est être contre un choix pris par une des personnes qu’elle estime le plus, c’est être en contradiction au bonheur de cette personne qu’elle aime. Le visage se baisse alors un peu et le massepain se retrouve toujours entre ces mains mais alors que celles-ci sont sagement sur ses genoux. Plus le temps passait plus un sentiment nouveau naissait dans le cœur de la petite Goupil : celui de l’admiration. Elles se connaissaient depuis quelques temps maintenant, avouons le même, quelques années. Elles avaient été à la sortie de l’enfance, elles étaient devenues femmes ensemble, elles avaient connus deuil comme le leur rappelait la présence de la petite Fiora, elles avaient aussi connu mariages et liesses. Et elles étaient devenues femmes… Alors qu’elle, Jehanne Elissa prenait le chemin classique de l’enfant noble elle voyait Eilinn avancer si vite dans sa voie, se montrer si brillante, y consacrer tellement de temps… Et pour réussir ! Oh aucune jalousie, aucune, juste ce sentiment nouveau, cette admiration naissante, qui faisait poser un regard encore plus chargé de sentiments sur son amie. Et ce regard si chargé de pose donc sur Eilinn, puis sur Clémence alors qu’elle enserre la main posée sur la sienne. Il ne fallait pas penser à elle mais à son amie et elles auraient tout loisir d’en parler plus tard. Et puis il allait falloir trouver une robe pour la cérémonie.

- « N’est-ce pas une excellente nouvelle ? Je suis certaine que tu es promise à de grandes choses Eilinn et en faisant ce geste, tu offres un bel avenir à l’Eglise. Dieu à une des meilleures personnes de ce monde dévouée à sa cause.

Et un sourire doux donné à son amie en contraste à un ton profondément déterminé, déclamé avec presque autant de ferveur que lorsqu'elle récite ses prières. Les cils battent, la main est lâchée et elle se redresse un peu sur son fauteuil. Plus d’appréhension, plus cette morosité ambiante distillée à son humeur, juste le plaisir d’être là avec son amie après ce si grand aveu, le plaisir d’être aussi avec Clémence et des gourmandises, le plaisir de Fiora ici comme si étincellement avait décidé de veiller sur elle de là-haut, veiller à ce qu’elles n’abordent aucun sujet trop ennuyeux qui les ferrait vieillir trop vite : le plaisir de repousser à plus tard les pensées négatives et de se concentrer sur le moment présent. Alors elle est calme, alors elle fini par grignoter un bout de massepain, laissant le sucre adoucir son palais. Oubliée l’affaire du portrait ? Presque, l’on sait comme elle est légère la mignonne Volpilhat…

- « Les nouvelles… Et bien je ne sais pas si vous le savez et si l’affaire s’ébruite, mais l’on a demandé ma main. Un jeune homme me l’a personnellement demandée et je n’ai pas dit nom car sans pouvoir l’expliquer il m’attendit. Est-ce l’amour que l’on nous a conté dans notre enfance ? Je n’en sais rien mais je l'espère! Parfois, son regard se voile et j’ai envie de le faire sourire. Puis il n’est pas français. »


Petit rire de la Goupil qui mordille à nouveau dans le massepain. Cela peut paraître fou, cela peut paraître étrange pour une jeune Officier Royal, cela peut paraître incohérent au vu de sa parenté avec Sa majesté mais le fait que ce jeune homme ne soit pas français avait énormément joué en sa faveur. Elle vivat en Royaume de France, elle travaillait à sa mesure pour la Couronne de France – en vrai, c’est plus pour son Languedoc mais bon… - mais ne voulait pas, jamais, épouser un français. Sa mère n’était-elle pas l’exemple flagrant que les français sont de mauvais époux et que se lier à un vous rend malheureuse ? Jamais, beurk. Oh jeune Goupil comme tu es encore immature pour être mariée…


- « Il s’agit du Comte de Scye je pense que vous le connaissez Clémence. J’attends les réponses : de mon tuteur le Chevalier de Siarr et de mon parrain, Actarius d’Euphor. » Un sourire, le massepain est fini et elle pose ses deux mains sur ses genoux. « Et vous Clémence ? »
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Clemence.de.lepine
L’une s’apprêtait à prononcer ses vœux et l’autre se trouvait presque promise. Étaient-ce réellement là deux enfants qui se tenaient à ses côtés ? Il lui semblait qu’elles étaient toutes deux déjà plus avancées qu’elle ne l’était elle-même aujourd’hui. Un serment les lierait apparemment bientôt à Dieu ou à un homme. C’était un engagement que Clémence, à ce jour, ne plaçait pas dans ses priorités – et pourtant, la décision devenait urgente – mais quelles étaient ses priorités, au fond ? Elle garda ce sourire sibyllin qui la caractérisait si bien tandis que ses yeux se posaient tour à tour, songeurs, sur ces deux étonnantes jeunes filles.

Je ne puis être fière de vous - cela ne serait pas approprié, puisque je ne peux m’imputer le mérite de votre réussite - mais je suis tout à fait heureuse de la tournure que semblent prendre vos vies.

Elle se saisit d’un massepain, le croqua du bout des dents et avala sa bouchée avec une gorgée de vin. Elle prenait grand soin à ne pas précipiter ses gestes ou même ses mots, alors même que ses sourcils froncés traduisaient l’effort qu’elle fournissait, à ne pas enchaîner trop vite les phrases, les sourires ou les œillades. Elle tentait de gagner du temps.

Je suppose, oui, que votre choix a dû être difficile, Eilinn. Elle trempa à nouveau ses lèvres dans la coupe, puis, après avoir reposé cette dernière, laissa son regard s’attarder sur son interlocutrice.

Mais c’est un noble but, que vous avez choisi ; et je suis certaine que vous serez promise à un grand et bel avenir. Vous semblez être une jeune fille perspicace et vous êtes plus que capable. L'Église ne peut que se réjouir de se savoir bientôt dotée d’une personnalité jeune et volontaire. J’espère que vous saurez préserver votre fraîcheur, néanmoins, et que vous garderez un œil curieux et étonné sur tout ce qui pourra vous entourer.

Clémence hésita un bref moment, la main en suspens, et se décida finalement à reprendre une gorgée de vin. Passivement, elle enroula une mèche de ses cheveux clairs autour de son index droit afin de tromper son embarras et de laisser croire qu’elle était tout à fait nonchalante ; seulement, l’insouciance dont elle aimait faire montre avait ses limites et elle ne pouvait résolument pas affecter l’indifférence en cet instant même. Elle n’y parvenait pas. Alors, elle s’éclaircit la gorge et proposa un autre massepain à Jehanne, son sourire toujours figé aux lèvres quand elle se repassait en tête les propos naïfs et candides de la jeune fille à propos de son prétendant.

Le Comte de Scye… oui je le connais. Bien sûr. Fit-elle d’un ton diffus. Elle avait bien entendu eu vent d’un tel mariage mais n’avait pas voulu y accorder trop de crédit avant d’avoir la confirmation d’un des deux concernés. Les rumeurs allaient bon train, parfois vraies, souvent fausses, il était alors idiot d’y prêter foi trop vite.

C’est un bon parti, une union intelligente je pense, et je suis sûre que votre tuteur et votre parrain s’y accorderont. Même si…

Le vin encore trouva le chemin de sa gorge et s’y faufila avec plaisir.

Enfin, même si le parti et le sang que vous représentez vous-même restent des plus nobles et des plus prestigieux. Mais sur ce point je ne suis peut être pas trop objective. Elle lui glissa un regard absent. Vous êtes charmante et vous respirez encore l’innocence. Vous êtes vive d’esprit, vous êtes prompte au sourire et au rire, vous pouvez émouvoir n’importe qui sans même vous en rendre compte. Je suis sûre que le Comte de Scye s’en est aperçu lui-même, c'est tellement évident, et je suis certaine qu’il sait qu’en plus d’avoir la chance de pouvoir s’unir à une noble lignée et à un nom illustre, il possède celle de pouvoir épouser une jeune femme plaisante et épanouie. Alors j’espère qu’il prendra grand soin de vous et qu’il ne vous rendra pas malheureuse. Cela serait un gâchis terrible…

Timidement, elle vint sourire à la petite Volpilhat. Elle venait de lui parler de sa peur de la voir renoncer à sa gaieté et son innocence. Et cela ne l’incitait absolument pas à poursuivre leur conversation sur un terrain moins agréable.

Quant à moi et bien … Je crois n’avoir rien à vous apprendre d’extraordinaire. Vous me voyez aujourd’hui en Bourgogne, sachez que je tente de m’y plaire et de m’y construire une vie différente de celle que j’ai pu vivre en Champagne. C’est étrange, d’arriver sur une terre autrefois hostile à celle d’où je viens. Mais le passé est le passé et il est parfois préférable de l’oublier pour aller de l’avant.

Sa mère, Raphaël, ses souvenirs en Champagne, son père…

Souhaitez-vous vraiment, Jehanne, que nous parlions de Louis-Raphaël maintenant ? Demanda-t-elle de but en blanc, hachant ses mots avec une insistance affligée. Ne voulez-vous pas oublier encore un moment, ne voulez-vous pas vivre telle que vous êtes et arrêter de vous poser toutes sortes de questions perturbantes ?

Et voilà, on y était. Il suffisait que la petite Goupil se range de l’avis de Clémence, après tout. Et alors elles pourraient toutes les trois parler de choses légères, manger, boire et rire de concert. La jeunesse était faite pour cela, après tout.
Jehanne_elissa
Oui la jeunesse est faite pour cela : parler de tout et de rien, plus de futile que d’utile, rire et s’émerveiller. Oui la jeunesse est faite pour cela. Mais la jeunesse, combien de temps dure t elle ? L’on dit bien que l’on est jeune dans sa tête et non selon le triste décompte des années qui passent… La jeunesse est ni plus ni moins qu’un état d’esprit que l’on a, que l’on se créé, que l’on se donne ou que l’on s’enlève. Parallèlement, il y a l’adolescence. Et ça ce n’est pas un état d’esprit, c’est moment par lequel on passe tous, c’est un temps donné ou au passage de l’enfance à l‘âge adulte, on tâtonne, on se cherche, cherche les autres, on veut se trouver, on veut construire, on veut savoir. Et on s’en doute la petit Goupil veut savoir.

C’est cette certitude, cette lacune à combler qui vient resserrer son ventre elle qui papillonnait l’instant précédent. Refuser, dire que l’on peut continuer à bavasser serait encore une fois repousser une discussion déjà trop souvent éloignée. Pour la première fois elle est prête à affronter la réalité qui pourtant lui déplaît chaque fois qu’elle la rencontre. Elle se l’est dit dans sur le chemin, autant y aller maintenant, autant y aller là, ne plus attendre. Cette question qui la hante depuis maintenant quelques années doit trouver une réponse, cette personne défunte dont elle a entendu tant de mal doit retrouver quelques couleurs sur la toile ou les récits discours et commérages ont peint sa personne. Et quelle personne… Son père. Beaucoup peuvent penser qu’il s’agit là de psychologie de comptoir, une psychologie de charlatan, un problème qui n’a pas lieu d’être. Et pourtant. Et pourtant ! Imaginez que vous avez grandit orpheline. Imaginez que votre mère est tout le temps peinte avec les traits d’une sainte, d’une personne aimée et idolâtrée et que par la force des choses, vous l’idolâtrez aussi. Cette figure matriarcale en temps normaux, c'est-à-dire s’il y avait les deux parents est importante, trop importante pour un équilibre déjà précaire. N’écrase t elle pas celle du père ? N’est-ce pas dangereux pour que l’enfant grandisse « normalement » ? Et bien ajoutez à ceci que le père est un point noir, sombre, un personnage critiqué, jamais évoqué avec amour et tendresse. Ajoutez à ceci qu’on dit que votre père serait la cause de la mort de votre idole de mère.

N’est-ce pas sujet à doutes, troubles, incertitudes? Maintenant il faut penser que vous avez le fief que votre mère a donné à votre père lors des épousailles. Ajoutez que ce père, si hargneusement décrit vous a donné le dit-fief avant de disparaître. Et pensez aussi que l’orpheline en question a l’intime conviction qu’aucun individu n’est foncièrement mauvais : en tout un chacun se trouve une part de bonté, de gentillesse, et son père ne doit pas, ne peut pas être l’exception qui confirme la règle, pas lui, pas lui, pas celui dont vous avez le sang. Vous voyez maintenant le tableau complexe, les ramifications tortueuses, les liens obscurs qui font rage dans l’esprit de la jeune Goupil dès que l’on évoque Louis-Raphaël d’Appérault. Et il est grand temps de trouver une réponse et de se faire sa propre idée. Il est grand temps de mettre un visage sur un nom. Il est grand temps de savoir que penser de ce père.


- « J’aimerais oui.


Elle se redresse dans son fauteuil et pose sagement ses mains sur les accoudoirs. Son si grand regard vert, a l’accoutumée si joyeux, prend d’étonnantes nuances sérieuses. Est-ce toujours la même personne ? Elle inspire alors lentement et laisse filer l’expiration entre ses lèvres entrouvertes. Clémence, Clémence, que vas-tu lui dire. Clémence, Clémence, petite fille du Lion, quelle certitude vas-tu lui chambouler ? N’est-ce pas terriblement dangereux de donner tant de pouvoir à une personne ? En un mot, une phrase, la de l’Epine pouvait changer la donne, en un mot, une phrase, elle serait crue sur parole car cela fait longtemps déjà que la blonde avait l’entière confiance de la petite rousse. Alors elle lui donne tout pouvoir. Elle s’en remet à elle, avec son aveugle confiance.

- « Vous savez c’est important pour moi de savoir. Surtout en ces temps ou ma vie va subir d’importants changements, je dois savoir, je voudrais voir. »
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Clemence.de.lepine
Elle le voulait. Et bien soit. Comment lui refuser quoique ce soit…

Clémence se conforta dans son assise, inspira mais n’expira pas immédiatement. Que savait exactement Jehanne et que ne savait-elle pas ? Elle avait perdu le fil, elle s’était perdue elle-même, elle ne savait absolument plus quoi penser de toute cette histoire. Le fait était que la petite rousse se tenait devant elle, là, maintenant, prête à entendre tout ce que la demoiselle de l’Epine souhaiterait bien lui dire, quand bien même cela pouvait réfuter toutes les théories qu’elle s’était construites elle-même ou avec l’aide de… des autres. Et il n’y avait pas d’échappatoire, il n’y en avait plus, ni pour l’une ni pour l’autre. Jehanne-Elissa allait apprendre que son père avait été un homme bon ; Clémence allait reconnaître qu’il n’était plus l’homme qu’elle avait connu.

Et elle expira.


C’était un homme bon, gentil, prévenant, intellectuel. Vous savez qu’il a vécu un long moment au domaine de l’Epine, ma mère fut sa préceptrice et il était l’écuyer de mon père, lors des rares moments où ce dernier daignait se montrer à nous et au monde. Je me fie beaucoup à mes premières impressions : j’ai fait la connaissance de Louis alors que j’avais six ou sept ans et il en avait douze ou treize. Il était plongé dans une lecture importante et pourtant, il a pris la peine de discuter avec moi, alors que je n’étais qu’une enfant : qu’y avait-il de passionnant à dialoguer avec une enfant ?

Elle étouffa un rire : elle concevait difficilement que l’on put trouver un intérêt quelconque à se lier de sympathie avec un enfant. Elle se détendit un peu et raffermit son regard, le posant directement au fond de celui de la jeune Goupil.

Je n’avais pas de figure masculine dans mon entourage proche et je suppose qu’inconsciemment, j’ai voulu que Louis-Raphaël me fasse office de père, de frère et d’ami. Les années passèrent, je grandis, il mûrit, sans que je puisse me défaire de cette affection que j’avais pour lui.

Elle hésita un moment, pensive, et finalement hocha la tête, comme pour confirmer le raisonnement introspectif qu’elle venait d’avoir.

Il est bien le seul homme vivant que j’ai jamais pu aimer pour ce qu’il était vraiment. Je veux dire… j’aime mon père parce qu’il est mon père et qu’une fille se doit d’aimer celui qui lui a donné la vie. J’aime mes ancêtres pour ce qu’ils représentent et parce que nous partageons le même sang. J’aime mon frère, ou plutôt l’idée que je m’en fais. Mais Louis n’avait aucun lien réel avec moi et j’aurais pu ne pas l’aimer, j’aurais simplement pu l’apprécier, comme j’ai apprécié les amis de ma famille et les quelques rares hommes que j’ai pu rencontrer et qui méritaient qu’on leur accorde de l’attention…

Elle sourit, d’un sourire sans joie, d’un sourire peiné, emplit de regrets.

Jehanne, je l’ai très bien connu, et je peux vous assurer qu’il méritait qu’on lui accorde de l’attention, il méritait qu’on l’apprécie, il méritait qu’on l’aime… Les avis divergent à ce sujet et je sais un peu ce que l’on vous a dit de lui.

Elle eut un soupir contrarié et se redressa, le dos droit, les mains dans son giron, le visage sévère.

Il n’est pas seulement venu en Languedoc pour pouvoir mieux gérer les terres de Calvisson. C’était aussi parce qu’il voulait voir un sourire sur le visage de Marguerite, qui était très malheureuse en Champagne. Il considérait cela comme un devoir, de la rendre heureuse, mais c'était avant tout un homme sensible que le malaise de son épouse rendait vulnérable. Peu de temps après son arrivée en terres d'Oc, il est tombé malade. Mais…

Elle se leva brusquement, mue par une idée soudaine, et fouilla un moment au fond d’un petit coffre qui renfermait de toute évidence bon nombre de ses correspondances. Enfin, elle revint auprès de la petite Vicomtesse, un pli au sceau rouge brisé à la main. Timidement, elle lui tendit le vélin.

Les mots souvent en disent bien plus long qu’un portrait. Voici une lettre qu’il m’écrivit il y a de cela de longues années, pour me convier à Cauvisson. Vous pouvez la lire, si vous le souhaitez. Elle porte son écriture, ses expressions, et un peu de son histoire et de ses sentiments. Vous verrez qu’il était un homme bien, loin de celui que l’on a pu vous dépeindre… même si… Elle marqua une pause. Même si je ne peux décemment pas cautionner ce qu’il vous fait subir aujourd’hui.
Jehanne_elissa
Alors elle a fermé les yeux comme avant de faire un saut dans le vide. Bien que l’on veuille le faire, bien qu’on soit dûment harnaché on est effrayé alors on ferme les yeux pour ne pas voir le vide. On préfère voir le noir que le vide qui nous attend, on préfère l’obscurité et le repli sur soi plutôt que l’éclatante vérité souvent si violente. Tandis qu’une main vient se refermer sur elle-même, faisant ressortir des jointures blanchies, l’autre va chercher celle de son amie. Trop. Trop ? Peut-être, peut-être pas. Mais la connaissant on ne peut s’étonner d’une telle attitude préliminaire : on sait à quel point son cœur occupe tout l’espace de son petit corps, à quel point son cœur est donné en pâture à cette heure. Torture volontaire pour en faire cesser une autre…

Et elle se laisse bercer, berce par les mots de Clémence qui au lieu d'être durs et acérés se révèlent mielleux et et doux. Doux, si doux... Elle ouvre ses yeux et les pose sur la Blonde de l'Epine. La petite Goupil en serait presque surprise et si elle ne buvait pas ses paroles, si elles n'avaient pas en ce moment valeur d'évangile elle l'aurait interrompue, surprise. Il s'agit bien de la première fois qu'elle entend parler de lui en de si bon termes, en de si respectables adjectifs. Et comme ça lui fait du bien... Elle n'a plus peur du vide, elle a ouvert les yeux et saute.

Un sourire. La belle Clémence aurait-elle, enfant, aimé son père? Cet homme plus âgé qu'elle, qui se matérialise pour la première fois sous les traits d'un homme calme et séduisant, peut-être blond, cet homme qui devait la dépasser de plusieurs têtes, se penchant sur elle quand il n'avait pas toute son attention portée sur un ouvrage sérieux? Comme il devait être fascinant, homme solitaire et cultivé. Et c'est à son imaginaire de créer pour la première fois de jolies histoires avec son père pour héros. Le sourire s'élargit de plus en plus, laissant voir ses dents du bonheur. Elle se tourne vers Eilinn comme pour dire " tiens, tiens tu as vu, c'est lui, c'est mon père, écoute comme il devait être beau, écoute comme il devait être intéressant!" avant de redonner son attention à Clémence, pendue à ses lèvres.

Puis elle lui parle du Languedoc. C'est dans ce sujet que tout change, que les croyances sont bouleversées, que tout semble plus clair, plus aéré, plus de gros nuages noir non, plus du tout. Il était venu en terres d'Oc pour son idole de mère, pour son bonheur et son bien. Alors pourquoi lui avait-on dit que son père avait par ses actions tué sa mère? Quitter sa Champagne a lui pour la rendre elle, heureuse... Peut-être blond, intelligent, calme et sensible, sentant comme devoir de rendre sa mère heureuse. Quel homme, quelle différence avec ce qu'on lui avait dit! Vous rendez-vous compte? C'est comme si on avait toujours devant vous dénigré un homme, votre père, que vous avez forcément un peu cru à ces paroles négatives et que finalement, finalement, vous trouvez une justification à ce sentiment étrange jusqu'alors refoulé qui vous poussait à aimer cet homme. C'est cet amour qu'elle avait d'abord ignoré, puis qui avait été la cause d'interrogations, cet amour presque naturel, qu'elle pensait si petit qui maintenant vient enserrer son coeur. Cette sensation est peut-être éphémère, cette sensation est certainement fugace lorsqu'elle confortera ce récit face à celui de Tante Pol mais elle s'en fiche, s'en fiche: elle laisse une vague de douceur envahir son corps, détendre ses muscle et ferme à nouveau les yeux. Seraient-ce ces gouttes translucides que l'on nomme larmes qui viennent perler à ces yeux?

Avant de se rouvrir brusquement. Clémence a bougé, Clémence a entre ses mains un vélin a cachet rouge. Automatiquement elle tend les mains et se retrouve pourvue de...


Les mots souvent en disent bien plus long qu’un portrait. Voici une lettre qu’il m’écrivit il y a de cela de longues années, pour me convier à Cauvisson. Vous pouvez la lire, si vous le souhaitez. Elle porte son écriture, ses expressions, et un peu de son histoire et de ses sentiments. Vous verrez qu’il était un homme bien, loin de celui que l’on a pu vous dépeindre… même si…


D'une lettre de son père. De ses mots. D'un papier qu'il a touché. Le regard un tantinet humide se penche sur le vélin entre ses mains, l'une ayant quitté celle d'Eilinn et l'autre étant toujours autant serrée. Avec des gestes tremblants elle ouvre et voit une belle écriture, fine et sérieuse, une écriture déliée, travaillée, l'écriture d'une personne ayant passé des heures et des heures à apprendre à manier la plume, si différente de la sienne encore bien trop ronde et enfantine. Les yeux, avides, passent de phrase en phrase, de mots en mots, allant du bas vers le haut, du haut vers le bas mais sans jamais lire: elle est bien trop excitée, bien trop étonnée, bien trop émue pour se concentrer sur la lecture. Les doigts de la petite Goupil deviennent alors de dangereuses serres qui s'emparent de la lettre quelle décide de garder.

Est-ce possible pour un si petit être d'être dans un tel état?

Entre tension et béatitude, entre rêve et réalité, entre bonheur et envie de pleurer, entre envie de rire nerveusement et d'hurler sa joie. Son coeur qui bat fort, si fort, qu'elle l'entend tapageusement heureux, tapageusement victorieux, jusque dans sa gorge, jusque dans chaque partie de son corps. Et cette chaleur, cette chaleur qui vient lui colorer les joues... Jeune rousse qui a l'impression d'avoir chaud, très chaud à la tête. Et ses muscles comme courbaturés, endoloris d'avoir été si craintive... le poids de longs jours de voyages qui s'en va, le bonheur d'être rassurée et de se rendre compte que sa théorie est tangible: on ne peut pas être foncièrement mauvais. Oh il devait bien avoir des défauts ce père et Clémence si elle en avait été amoureuse... Il était bien normal qu'elle enjolive son portrait. mais quand même! La lettre toujours entre ses mains elle s'assoit au fond de son fauteuil et rejette la tête en arrière, yeux clos sur de mièvres rêveries.


Même si je ne peux décemment pas cautionner ce qu’il vous fait subir aujourd’hui.


- « Que voulez-vous dire ?

Nouvelle tension. Regard vert qui se pose sur Eilinn, puis sur Clémence.

- « S’il n'est plus là aujourd'hui ce n’est pas de sa faute. » Petit rire nerveux qui ne peut s’empêcher de filer. « Allons Clémence, je suis ravie que vous l’ayez apprécié et tout ce que vous me dites me fait… Tellement de bien ! S’il est mort c’est qu’Aristote a voulu le rappeler à lui. N’est-ce pas ? » Regard qui se pose sur Eilinn. Comme si regarder ta meilleure amie va certes prononcer ses vœux, serait un crédit de plus au fait que si les gens meurent c’est car Aristote les rappelle à lui. La nervosité te rendrait-elle sceptique, petite Goupil ? Un silence. Mauvaise descente ? « Que voulez-vous dire ? »
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Clemence.de.lepine
Clémence observa l’adolescente qui sous ses yeux se transformait : à son âge, on oscillait souvent entre l’enfance et l’âge adulte, et Jehanne-Elissa, à cet instant précis, revêtait à nouveau les traits de l’enfant qu’elle avait été il n’y a pas si longtemps, encore. Elle se sentit vieille, alors, à la regarder s’émerveiller, les yeux rivés au parchemin. Elle se sentit heureuse aussi, à se savoir à l’origine d’un tel chaos d’émotions positives. Elle se sentit nostalgique, elle se sentit jalouse également – un peu. Voilà longtemps qu’elle avait perdu cette capacité à s’émouvoir de ce qui lui semblait si peu. Une écriture, des mots déjà usés par le temps. Et pourtant, elle comprenait, il suffisait de s’installer à la place de la petite Vicomtesse, et ça n’était pas si difficile que ça, Clémence vivait quasiment la même situation qu’elle. Seulement, à sa place, elle n’aurait fait que sourire vaguement, pour ensuite ranger la missive au milieu des autres, alors que la rancune à nouveau viendrait assaillir ses pensées. Les mots ne remplaçaient pas une présence. Surtout quand on savait pertinemment que le père était vivant et qu’il se permettait d’être absent, simplement absent, douloureusement absent.

Mais de toute évidence, Jehanne pensait que Louis était mort. La blonde demoiselle lui adressa un regard choqué. Et puis, cela lui revint en mémoire. Lors de leur première discussion, à l’Epine, elle s’était demandé suite aux paroles de la Volpilhat si on avait pu lui faire croire que son père était mort. Et puis, le temps avait passé, et elle avait oublié son raisonnement. Et aujourd’hui… Oui, pour la rousse Goupil, Louis-Raphaël d’Appérault avait rejoint le Très-Haut.

Et donc, elle comprit. Elle comprit pourquoi Jehanne prenait ce qui lui venait de son père avec gaieté et légèreté. Parce qu’elle le croyait mort et qu’il est bien entendu moins délicat de pardonner l’absence d’un mort plutôt que l’absence d’un vivant. Troublée, Clémence reprit une gorgée de vin et hésita à répondre à la question ou à plutôt la détourner de façon plus ou moins habile. Elle aurait beau s’évertuer à esquiver la mine sceptique de sa jeune invitée, cette dernière reviendrait bien vite à la charge.


Et bien… Je ne sais pas, Jehanne. Commença-t-elle prudemment, tout en prenant place dans le fauteuil qu’elle avait quitté plutôt. S’il n’est plus là, c’est peut être de sa faute. Contrairement à vous, je n’ai jamais été informée officiellement de sa mort.

Et cela ne signifiait pas qu’il ne l’était pas. Mais en tant qu’amie, de Louis et de sa famille, en tant que Champenoise, elle était presque certaine qu’elle aurait été rapidement tenue au courant d’une telle disparition.

Peut-être l’est-il réellement, et en ce cas je m’excuse d’avance de pouvoir ébranler aujourd’hui vos certitudes en avançant la possibilité qu’il soit en vie mais… Vous savez aussi que je ne voudrais surtout pas vous donner l’opportunité de le haïr, aussi sachez que je crois sincèrement qu’il existe une chance qu’il soit encore vivant aujourd’hui.
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