Erwelyn
[A Nevers, poil au derrière, fin novembre 1458]
Ahem Lynette ?
Le toussotement gêné qui venait darriver jusquà ses oreilles avait été formulé par les deux surs les plus célèbres du royaume, celles quon ne présente plus tellement leur réputation les précède avant même quelles aient pensé à partir. Lynette, coupe à la garçonne et cheveux qui repoussent tout doucement, parchemin en main et fiole de liqueur de poire devant elle, était assise sur le rebord dune fontaine. Poneybouboule, cadeau de sa suzeraine préférée de elle lors de son ennoblissement, broutait non loin lherbe qui commençait à bien geler en Bourgogne.
Levant la tête, la mainoise observa donc un instant ses deux amies. Cétait pas trop le moment de la déconcentrer dans la mission quelle sétait fixée ce jour, mais les ponettes passaient tout de même avant tout. Elle laissa de côté le plan quelle avait commencé à dessiner.
Pourtant, elle y était presque, elle le sentait ! Pis son plan était quand même superbement illustré, elle sétait vachement bien appliqué : un Vaxichou représenté avec un bon bide de nobliau, un sourire débile sur le visage, une fausse épée en bois, qui sapprochait dun piège intelligemment concocté. Le Duc en question allait mettre le pied sur un tas de feuille qui recouvrait un énorme trou béant, creusé à même le sol de la forêt. Celle-ci étant représentée par un tas darbres et plusieurs poneys roses en train de manger. Elle-même sétait dessinée plus loin, avec une robe rose, planquée derrière un arbre. Et puis elle avait mis des flèches partout : « avancer ici, super piège de la mort qui tue » au-dessus du tas de feuilles, « Lynette stop » derrière larbre, « poneys roses » devant la clairière aux poneys, et bien sûr « réserve dalcool pour faire la fête » avec une flèche pointée sur sa besace.
Le plan infaillible quoi !
Il suffisait juste à la mainoise damener son faux-futur-mari jusque là, le faire marcher sur le tas de feuille, et il sécraserait au fond du trou. Soit il mourait tout de suite, soit il se pétait une jambe et agoniserait des jours durant, crevant de faim en prime. Autant dire que Lynette préférait largement la seconde solution, histoire de se délecter quelque peu de la fin du Vaxichou.
Bon, il lui fallait aussi creuser ce foutu trou, mais avec les écus quelle se trimballait depuis des mois après la vente de ses champs et de son échoppe, ça devrait être jouable. Y aurait bien un ou plusieurs gamins qui seraient prêts à sy mettre moyennant finance.
Le plan fut donc enroulé et rangé dans sa besace, à labri des regards curieux des surs Bogdanov, qui étaient encore persuadées que Lynette vouait un amour sans faille au duc bourguignon. La fiole de liqueur de poire, cadeau de son parrain invisible lors de son baptême fut tendue à la blonde et la brune, après en avoir bu une gorgée.
Oui ?
Cest à dire que on a travaillé dans un champ cette semaine
Et ? Vous lavez cramé cest ça ? Vous voulez que jaille voir le propriétaire pour arranger ça ?
Non, non mais cétait une femme
Et elle sappelait Manon ? Bon, toutes les Manon veulent pas forcément sauter sur Roudoudou tu sais Mahaut. Y en a des biens chuis sûre. Et pis bon, cétait quun bain fina
Hiiiiiiii
Rha mais non, pas Manon !
Bon, quoi alors, elle a essayé de vous chouraver tous vos tonneaux ou quoi ?
Mais non Lynetteuuuh ! Cétait ta tata Sad !
Et là, grand silence de la part de la mainoise. Sa tata Sad ça faisait un moment quelle navait pas pensé à elle. A vrai dire, elle évitait même dy penser depuis leur dernière rencontre. La Corléone avait refusé de lui raconter quoi que ce soit sur sa mère, et cest amère que Lynette avait repris la route vers le Maine. Y avait eu quelques courts échanges de courriers, mais rien qui ne pouvait créer un véritable lien entre la tante et sa nièce. Et en aucun cas elle naurait pu imaginer sa tante posséder un quelconque lopin de terre à Nevers, elle limaginait plutôt arpentant les routes du royaume
Ses lèvres sentrouvrirent plusieurs fois, sans quaucun son nen sortit. Enfin, cest un minuscule son que produisirent ses cordes vocales.
Je
Avant de se lever dun bond et de reprendre la fiole de liqueur des mains dOrka, buvant deux ou trois gorgées cul sec.
Ben si elle croit que jvais aller la voir, elle se fourre lil dans le doigt, jvous préviens !
Au fond delle, elle avait surtout peur den découvrir plus sur sa mère. Floraine avait été pour elle un exemple à suivre, lavait mis en garde contre nombre de choses, lui avait fait découvrir les plantes, la façon de soigner les gens Oh, évidemment, ça navait pas toujours été facile. Pas le droit de parler aux garçons, des hivers rigoureux, aucun contact avec quiconque de sa famille durant toute son enfance mais qui pouvait se targuer davoir eu une enfance facile et dorée ici bas ?
Trouillarde de tomber sur elle, Lynette se dirigea vers Poneybouboule et attrapa ses rênes avant de le tirer en direction du centre bourg. Si elle se planquait dans sa chambre jusquà leur départ, elle minimisait les chances de croiser la Corleone.
Jvais à lauberge, faites-moi signe quand on repartira de ce trou.
Soucieuse, elle fit quelques pas avant de se rendre compte quelle avait été assez sèche avec les ponettes. Se retournant, un petit sourire leur fut adressé.
Merci
Et la fiole tendue
Tenez, prenez-en soin, jy tiens comme à la prunelle de mes yeux
Cétait juste une fiole certes, mais pas nimporte laquelle. Yeux fixés sur la terre battue puis sur les pavés du bourg, Lynette se remémora la discussion houleuse qui sétait déroulée en Touraine avec Sadnezz. Concentrée sur ses bottes, elle ne vit pas arriver la forme qui la percuta sèchement et lenvoya valser au sol, sa jambe gauche étant encore un peu faible. Mine boudeuse, cest dun ton agressif quelle invectiva le responsable de la chute, rattrapant les rênes au passage pour essayer de se relever.
Pouvez pas faire attention où vous marchez, spèce de
Et ses mirettes tombèrent enfin sur le visage de la personne qui se tenait en face delle.
Bordel
Comment aurait-il pu en être autrement ?
Si ce nest pas toi qui vient à la Corleone, la Corleone viendra à toi
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Ahem Lynette ?
Le toussotement gêné qui venait darriver jusquà ses oreilles avait été formulé par les deux surs les plus célèbres du royaume, celles quon ne présente plus tellement leur réputation les précède avant même quelles aient pensé à partir. Lynette, coupe à la garçonne et cheveux qui repoussent tout doucement, parchemin en main et fiole de liqueur de poire devant elle, était assise sur le rebord dune fontaine. Poneybouboule, cadeau de sa suzeraine préférée de elle lors de son ennoblissement, broutait non loin lherbe qui commençait à bien geler en Bourgogne.
Levant la tête, la mainoise observa donc un instant ses deux amies. Cétait pas trop le moment de la déconcentrer dans la mission quelle sétait fixée ce jour, mais les ponettes passaient tout de même avant tout. Elle laissa de côté le plan quelle avait commencé à dessiner.
Pourtant, elle y était presque, elle le sentait ! Pis son plan était quand même superbement illustré, elle sétait vachement bien appliqué : un Vaxichou représenté avec un bon bide de nobliau, un sourire débile sur le visage, une fausse épée en bois, qui sapprochait dun piège intelligemment concocté. Le Duc en question allait mettre le pied sur un tas de feuille qui recouvrait un énorme trou béant, creusé à même le sol de la forêt. Celle-ci étant représentée par un tas darbres et plusieurs poneys roses en train de manger. Elle-même sétait dessinée plus loin, avec une robe rose, planquée derrière un arbre. Et puis elle avait mis des flèches partout : « avancer ici, super piège de la mort qui tue » au-dessus du tas de feuilles, « Lynette stop » derrière larbre, « poneys roses » devant la clairière aux poneys, et bien sûr « réserve dalcool pour faire la fête » avec une flèche pointée sur sa besace.
Le plan infaillible quoi !
Il suffisait juste à la mainoise damener son faux-futur-mari jusque là, le faire marcher sur le tas de feuille, et il sécraserait au fond du trou. Soit il mourait tout de suite, soit il se pétait une jambe et agoniserait des jours durant, crevant de faim en prime. Autant dire que Lynette préférait largement la seconde solution, histoire de se délecter quelque peu de la fin du Vaxichou.
Bon, il lui fallait aussi creuser ce foutu trou, mais avec les écus quelle se trimballait depuis des mois après la vente de ses champs et de son échoppe, ça devrait être jouable. Y aurait bien un ou plusieurs gamins qui seraient prêts à sy mettre moyennant finance.
Le plan fut donc enroulé et rangé dans sa besace, à labri des regards curieux des surs Bogdanov, qui étaient encore persuadées que Lynette vouait un amour sans faille au duc bourguignon. La fiole de liqueur de poire, cadeau de son parrain invisible lors de son baptême fut tendue à la blonde et la brune, après en avoir bu une gorgée.
Oui ?
Cest à dire que on a travaillé dans un champ cette semaine
Et ? Vous lavez cramé cest ça ? Vous voulez que jaille voir le propriétaire pour arranger ça ?
Non, non mais cétait une femme
Et elle sappelait Manon ? Bon, toutes les Manon veulent pas forcément sauter sur Roudoudou tu sais Mahaut. Y en a des biens chuis sûre. Et pis bon, cétait quun bain fina
Hiiiiiiii
Rha mais non, pas Manon !
Bon, quoi alors, elle a essayé de vous chouraver tous vos tonneaux ou quoi ?
Mais non Lynetteuuuh ! Cétait ta tata Sad !
Et là, grand silence de la part de la mainoise. Sa tata Sad ça faisait un moment quelle navait pas pensé à elle. A vrai dire, elle évitait même dy penser depuis leur dernière rencontre. La Corléone avait refusé de lui raconter quoi que ce soit sur sa mère, et cest amère que Lynette avait repris la route vers le Maine. Y avait eu quelques courts échanges de courriers, mais rien qui ne pouvait créer un véritable lien entre la tante et sa nièce. Et en aucun cas elle naurait pu imaginer sa tante posséder un quelconque lopin de terre à Nevers, elle limaginait plutôt arpentant les routes du royaume
Ses lèvres sentrouvrirent plusieurs fois, sans quaucun son nen sortit. Enfin, cest un minuscule son que produisirent ses cordes vocales.
Je
Avant de se lever dun bond et de reprendre la fiole de liqueur des mains dOrka, buvant deux ou trois gorgées cul sec.
Ben si elle croit que jvais aller la voir, elle se fourre lil dans le doigt, jvous préviens !
Au fond delle, elle avait surtout peur den découvrir plus sur sa mère. Floraine avait été pour elle un exemple à suivre, lavait mis en garde contre nombre de choses, lui avait fait découvrir les plantes, la façon de soigner les gens Oh, évidemment, ça navait pas toujours été facile. Pas le droit de parler aux garçons, des hivers rigoureux, aucun contact avec quiconque de sa famille durant toute son enfance mais qui pouvait se targuer davoir eu une enfance facile et dorée ici bas ?
Trouillarde de tomber sur elle, Lynette se dirigea vers Poneybouboule et attrapa ses rênes avant de le tirer en direction du centre bourg. Si elle se planquait dans sa chambre jusquà leur départ, elle minimisait les chances de croiser la Corleone.
Jvais à lauberge, faites-moi signe quand on repartira de ce trou.
Soucieuse, elle fit quelques pas avant de se rendre compte quelle avait été assez sèche avec les ponettes. Se retournant, un petit sourire leur fut adressé.
Merci
Et la fiole tendue
Tenez, prenez-en soin, jy tiens comme à la prunelle de mes yeux
Cétait juste une fiole certes, mais pas nimporte laquelle. Yeux fixés sur la terre battue puis sur les pavés du bourg, Lynette se remémora la discussion houleuse qui sétait déroulée en Touraine avec Sadnezz. Concentrée sur ses bottes, elle ne vit pas arriver la forme qui la percuta sèchement et lenvoya valser au sol, sa jambe gauche étant encore un peu faible. Mine boudeuse, cest dun ton agressif quelle invectiva le responsable de la chute, rattrapant les rênes au passage pour essayer de se relever.
Pouvez pas faire attention où vous marchez, spèce de
Et ses mirettes tombèrent enfin sur le visage de la personne qui se tenait en face delle.
Bordel
Comment aurait-il pu en être autrement ?
Si ce nest pas toi qui vient à la Corleone, la Corleone viendra à toi
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