Fernal
Fernal, drapé aussi dignement que possible dans sa cape d'emprunt, s'inclina respectueusement devant le vicomte.
Il ne put cependant, ainsi que la politesse l'aurait voulu, détourner bien longtemps le regard de ce morceau d'étoffe que l'homme semblait traiter avec les égards dus à une relique sacrée. Et pour cause: il reconnaissait là les armes de Constantinople pour les avoir "traquées" dans toute l'Italie du nord, et maintenant en Provence, car elles n'étaient jamais loin du précieux savoir auquel le nain avait voué sa vie.
En effet, et d'autant plus depuis la chute de Constantinople il y a quatre années, de nombreux lettrés byzantins s'étaient rendus en Italie (y compris à Saluces dont Fernal était originaire), emportant de précieux manuscrits alchimiques dans leurs bagages et disposés à les vendre, ainsi que leur savoir, pour survivre. Et notre nain s'imaginait déjà la bibliothèque du vicomte gorgée de ces inestimables textes grecs.
Excité à cette pensée, il bondit sur le siège que lui désignait le vicomte et attendit là un moment, les pieds balançant dans le vide, qu'on veuille bien l'interroger. Ce que dame Ascram fit sans tarder, et il s'exécuta:
- Mon seigneur, c'est pour moi, depuis mon arrivée en Provence, la période des vaches maigres. Mon escarcelle est vide, point de dîner; point de logis. Pourtant, je suis plein de ressources. Aussi entrepris-je bien naïvement de présenter ma requête auprès de madame votre épouse; étant donné son pouvoir discrétionnaire. Je ne suis qu'un obscur alchimiste piémontais, comme vous l'aurez sans doute compris, et on me surnomme "Fernal". Aussi, un de ces "miracles" qui sont du ressort des personnes de votre rang et condition, un geste protecteur de clémence et de mansuétude qui sortent parfois les petits de leur médiocrité lorsqu'ils ont la bonne fortune d'en être un jour les heureux bénéficiaires, oui, un tel geste de votre part ferait de moi un serviteur zélé et dévoué de votre maison, si vous y trouvez une quelconque utilité.
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Il ne put cependant, ainsi que la politesse l'aurait voulu, détourner bien longtemps le regard de ce morceau d'étoffe que l'homme semblait traiter avec les égards dus à une relique sacrée. Et pour cause: il reconnaissait là les armes de Constantinople pour les avoir "traquées" dans toute l'Italie du nord, et maintenant en Provence, car elles n'étaient jamais loin du précieux savoir auquel le nain avait voué sa vie.
En effet, et d'autant plus depuis la chute de Constantinople il y a quatre années, de nombreux lettrés byzantins s'étaient rendus en Italie (y compris à Saluces dont Fernal était originaire), emportant de précieux manuscrits alchimiques dans leurs bagages et disposés à les vendre, ainsi que leur savoir, pour survivre. Et notre nain s'imaginait déjà la bibliothèque du vicomte gorgée de ces inestimables textes grecs.
Excité à cette pensée, il bondit sur le siège que lui désignait le vicomte et attendit là un moment, les pieds balançant dans le vide, qu'on veuille bien l'interroger. Ce que dame Ascram fit sans tarder, et il s'exécuta:
- Mon seigneur, c'est pour moi, depuis mon arrivée en Provence, la période des vaches maigres. Mon escarcelle est vide, point de dîner; point de logis. Pourtant, je suis plein de ressources. Aussi entrepris-je bien naïvement de présenter ma requête auprès de madame votre épouse; étant donné son pouvoir discrétionnaire. Je ne suis qu'un obscur alchimiste piémontais, comme vous l'aurez sans doute compris, et on me surnomme "Fernal". Aussi, un de ces "miracles" qui sont du ressort des personnes de votre rang et condition, un geste protecteur de clémence et de mansuétude qui sortent parfois les petits de leur médiocrité lorsqu'ils ont la bonne fortune d'en être un jour les heureux bénéficiaires, oui, un tel geste de votre part ferait de moi un serviteur zélé et dévoué de votre maison, si vous y trouvez une quelconque utilité.
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