Guiz
Enfin les deux compères avaient passé les frontières, ça faisait quelques jours que les paysages changeaient pour ressembler de plus en plus à ceux qu'elles connaissaient. Les montagnes avaient fini par céder la place aux collines, puis les collines aux plaines. La végétation aussi se modifiait au fil de leur voyage. Elles arrivaient.
Le pas du cheval rythmait le retour depuis la mer, dix jours déjà... Dix jours s'étaient écoulé depuis cette nuit là... Dix jours pendant lesquels Guiz n'avait pu que voir l'état de son amie s'aggraver, tout en essayant d'oublier le sien... Dix jours que la poussières se mélangeait à leur sang, dessinant de bruns et ocres, toutes sortes de forme sur leurs capes.
Chaque pas les rapprochait de leur destination, mais chacun d'eux aussi ravivait la souffrance. Ni l'une ni l'autre ne s'était plaint. Aucun mot n'était nécessaire, elles savaient. Heureusement qu'elles avaient acheté ce canasson avant de quitter le sud. Il ne valait pas grand chose mais avait de bons pieds, l'allure n'était certes pas celle d'un vrai destrier mais celui ci tenait bon sur la longueur. Il avançait d'un pas placide, portant les deux femmes sur son dos. Elles allaient arrivé amaigries, sales de leur voyage mais pas seulement. La violence qu'elles avaient connu cette nuit là dépassait de loin tout ce que Guiz avait pu imaginer. Ah qu'elle avait été naïve de penser pouvoir se défendre chargées comme elles l'étaient. Aucun brigand digne de ce nom n'aurait pu les laisser passer et il avait fallu qu'elles en croisent deux.
L'affrontement avait semblé durer des heures, mais quand elles avaient perdu pied et que les hommes eurent prit le dessus, le temps s'était allongé de plus belle. Ils avaient prit un malin plaisir à les faire souffrir chaque fois qu'elles refusaient de se soumettre et de les laisser se servir. Guiz ne savait pas vraiment ce qu'avait enduré Juju mais surtout elle voulait oublier ce qu'elle même avait vécu. Même quand elle n'avait plus senti de coups ou de mains sur son corps, elle était resté prostré, tel un animal apeuré. Tout courage et toute envie de lutte l'avaient quitté. Elle avait attendu le petit matin pour oser bouger. Son oeil droit ne semblait plus vouloir capter les rayons du soleil. Sa peau la tirait sur une grande partie de son corps, elle pensa alors que le froid l'avait dévoré. Elle savait que trop bien ce qu'il arrivait aux membres gelés. Soit on les coupait soit ils vous tuaient.
Du bruit s'était fait entendre non loin d'elle et la frayeur de la nuit avait reprit le dessus. De nouveau elle avait cherché à se cacher de ses bourreaux, puis elle avait distingué la silhouette qui s'approchait d'elle. Elle n'avait rien à craindre ils étaient partis... Et elles étaient encore en vie, du moins pour le moment.
Elles étaient restées là la journée entière, à hésiter, à réfléchir, à pied elles n'iraient pas loin surtout sans nourriture, armes ni cartes. Puis l'animal qui les accompagnait avait fini par revenir sur ses pas. Elles l'avaient enfourcher comme elles avaient pu, le remerciant de ne pas se jouer d'elle en se dérobant à ce moment là. Et elles avaient décidé de suivre leur destin. Chaque jour, elles avaient continué, elles avaient décidé de rentrer et elles rentreraient, qu'importe les souffrances, qu'importe la chaleur qui irradiaient des plaies dans leurs chaires, elles ne s'arrêteraient pas pour se soigner.
C'est ainsi qu'elles rentraient dans Blois ce matin là, en étant plus que les fantômes d'elles mêmes. Guiz espéra ne croiser personne de sa connaissance, elle refusait qu'on puisse s'apitoyer sur elle et vu son état, il y avait vraiment peu de chance que les badauds ne remarquent rien.
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