La tête posée sur son bras valide, le visage près de celui de son amie, Guiz avait fini par sombrer dans le sommeil. La fatigue intense due à lémotion sajoutait à celle que lui causaient ses blessures. Latmosphère était lourde dans la petite maison réchauffée par les faibles rayons hivernaux. Aucun bruit ne se faisait entendre. Quelquun avait refermé la porte. Le soleil perçait par la petite fenêtre, donnant forme aux particules de poussières qui voletaient au gré des courants dair.
La nuit avait fini par céder la place au jour. Guiz se réveilla en sueur, elle avait mal à la tête. Chacune des coupures de son corps la brulaient, pourtant elle grelottait de froid. Sans attache dans la vie son corps se laissait aller à la souffrance la torturant une dernière fois. Depuis la mort de Juju, son état ne faisait quempirer. Quelques jours plus tôt, le besoin de vivre pour soigner Juju laurait sans doute aidé à lutter contre le destin mais aujourd'hui, se battre navait plus aucun sens pour elle.
En relevant la tête, son il unique se posa sur le corps sans vie devant elle. Il faudrait organiser les funérailles mais serait elle seulement en état pour y assister. Pour tout ce quelle avait fait pour sa ville, elle méritait une grande messe, sans aucun doute, si tous ceux qui lavaient côtoyé se présentaient à léglise, le petit lieu de prière de Patay serait trop petit. Ensemble, elles avaient donné beaucoup de leur temps pour redonner les couleurs dantant à leur village. Au bout de plusieurs mois, les deux femmes avaient eu besoin de prendre le large, de voir du pays.
Elles étaient parties, accompagnées par Nabounette et Charles. Ils avaient fait le tour du royaume, découvrant de nouveaux paysages, passant de temps en temps en taverne. Puis la lassitude les avait prit. Il était temps de rentrer à la maison. Une fois la décision prise, Guiz trouva un canasson capable de transporter leur barda et surtout les porter en cas de fatigue. Elles quittèrent donc Béziers, le cur léger et les poches bien pleines. Ca avait été leur plus grosse erreur. Les événements sétaient enchainés très vite, trop peut être. Lattaque les avait séparées, Nab avait préféré rester sur place, tandis que les deux femmes rentraient.
La mort de Juju avait renvoyé Guiz les pieds sur terre. Trop longtemps elles avaient été insouciantes et la réalité les avait rattrapées.
Nab... Il faudrait la prévenir, trouver les mots pour lui dire que sa tante les avaient quitté. Elle était encore loin de Patay et Guiz voulait être auprès d'elle pour lui annoncer la nouvelle. Elle s'occuperait d'elle si jamais elle survivait, c'était le minimum qu'elle pouvait encore faire pour Juju.
Son cur semballait parfois quand la fièvre remontait dun coup. Ces moments étaient trop souvent suivit de vertiges. Depuis des jours, elle mangeait de moins en moins, lappétit lavait quittée pendant le trajet de retour. Le monde se mit à tourner autour delle. Sa vision se troubla, elle avait limpression quun essaim dabeille bourdonnait dans sa tête. Un nouveau malaise. Jusque là, elle n'en avait eu quen bougeant, tant quelle restait assise contre le mur, il ne se passait rien. Son état empirait encore, elle le savait. Guiz reposa sa tête sur son bras sur la paillasse occupée par Juju. Essayant de calmer sa respiration en se concentrant dessus. Elle avait limpression quelle allait étouffer. Le monde bougeait de plus en plus vite. Son estomac se nouait. Elle se redressa en espérant que ça aille un peu mieux. Se sentant de plus en plus faible, elle abandonna lidée de se lever. Au contraire elle laissa glisser son corps en position allongée. Rien ny faisait, la crise ne semblait pas vouloir sarrêter. Elle grelottait de plus en plus. La fièvre montait encore. Elle ferma les yeux et se laissa partir.
Il faisait grand jour depuis des heures, elle avait tant à faire. Ses champs ne se cultiveraient pas tout seul. Il lui fallait préparer des réserves de bois pour lhiver, faire quelques conserves, secouer les champignons dans les tamis pendant au plafond afin qu'ils sèchent convenablement. La taverne aussi réclamerait sa présence, les patichons picolaient plus que d'habitude, sans doute pour mieux supporter le froid qui s'installait. La journée promettait dêtre chargée. Elle se hata donc d'attaquer sa journée. Le sourire aux lèvres elle traversait Patay pour se rendre à la mairie, quand un épais brouillard sinsinua dans la rue, enveloppant les passants dont elle ne reconnaissait plus le visage. Quand celui-ci se dissipa, il laissa la place à de grands arbres dont les feuilles filtraient la lumière pour la tamiser dans le sous bois. Un homme se trouvait au dessus delle, épée levée au dessus delle, la peur quelle ressentait était bien réelle. Son visage affichait un sourire victorieux. Elle mourrait dans cette forêt. Puis des gouttes chaudes larrosèrent. La tête de lhomme roula. De nouveau le brouillard s'empara de l'image pour laisser la place à une autre. Juju était partie à la recherche dun tir bouchon, la grande cave du couvent était tel un paradis après avoir touché la mort du bout des doigts. Elles avaient bien l'intention de vider un maximum de bouteilles avant qu'on les découvre et les mettent à la porte.
Guiz sagita dans son sommeil, levant son bras valide devant son visage. Criant, appelant à laide, hurlant le nom de Juju. La température montante lemmenait dans un délire fiévreux. Son corps transpirant de toutes parts semblait rejeter les zones gonflées et rougies où les lames avaient entaillé sa peau. Ses vêtements sétaient collés sur les plaies, arrêtant lécoulement du sang mais aussi les empêchant de respirer correctement pour une bonne cicatrisation. L'infection avait mit du temps à se transmettre à tout les organes mais elle s'insinuait un peu à chaque minute écoulée.
Après des heures de souffrances et de folie, Aristote eut pitié delle et la laissa quitter son corps, lui permettant de rejoindre son amie.
Cen était fini des deux compères.