Gnia
Pourquoi fallait-il que la noblesse confère le droit et le devoir de ne pas travailler si c'était pour être emmerdée avec tout le travail que l'on déléguait ?
C'était la question que se posait en cette aurore glaciale la Comtesse du Lavedan tandis qu'elle chevauchait aux côtés de son chargé de cheptel et d'élevage.
Le truculent bonhomme avait réussi, après plusieurs infructueuses tentatives, à instiller l'idée dans la caboche têtue de son artésienne de maîtresse qu'il fallait absolument qu'elle juge par elle-même de la qualité des prochaines laitières que l'on allait acquérir. D'autant qu'elle refusait de se défaire des belles et grasses limousines qu'un admirateur lui avait livrées à domicile à la fin de l'été.
Mais à force d'entêtement, l'éleveur avait remporté la mise et c'était une paire de ces splendides bêtes à la robe acajou qui leur servait d'escorte sur la route de la foire aux bestiaux.
Il avait bien l'intention d'en retirer un bon prix et d'offrir aux élevages Saint Just un couple de Salers.
Ainsi tandis que la Saint Just pestait de se geler les miches pour aller admirer des foutues bêtes à cornes alors qu'il ne faisait même pas encore jour, le maistre des élevages, lui, rayonnait, se délectant à l'avance des juteuses affaires qu'il ne manquerait pas de réaliser aujourd'hui.
Le pré où se tenait la foire se sentait bien des lieues avant que l'on aperçoive les premiers étals et enclos. Une odeur forte de bétail, de purin et de fumier se mêlait aux senteurs diverses et bigarrées de la bouffe que l'on vendait à quatre coins du champ clos. Et à mesure que l'on s'approchait, la Saint Just tâchait de repérer la buvette la plus proche ou la taverne qui aurait eu la bonne idée de se trouver non loin tout en plissant le nez en une lutte vaine contre les effluves foiresques.
L'oeil de lynx comtal eut tôt fait de faire le point sur une misérable auberge non loin du pré aux vaches. Ni une ni deux, elle laissa sur place son vacher en chef, lui laissant le bon soin de trouver un emplacement pour sa marchandise et toute latitude pour faire son lèche vitrine. Elle éperonna sa monture et fila droit sur la bicoque qui abritait la seule lueur d'espoir de cette matinée.
En moins de temps que pour traire une vache, le cheval fut attaché devant l'abreuvoir et la comtesse en habits sobres et bourgeois se démoula sur un banc du bouge, très vite rejointe par un cruchon de piquette infâme.
[titre inspirée d'une citation de Jean Gabin.]
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C'était la question que se posait en cette aurore glaciale la Comtesse du Lavedan tandis qu'elle chevauchait aux côtés de son chargé de cheptel et d'élevage.
Le truculent bonhomme avait réussi, après plusieurs infructueuses tentatives, à instiller l'idée dans la caboche têtue de son artésienne de maîtresse qu'il fallait absolument qu'elle juge par elle-même de la qualité des prochaines laitières que l'on allait acquérir. D'autant qu'elle refusait de se défaire des belles et grasses limousines qu'un admirateur lui avait livrées à domicile à la fin de l'été.
Mais à force d'entêtement, l'éleveur avait remporté la mise et c'était une paire de ces splendides bêtes à la robe acajou qui leur servait d'escorte sur la route de la foire aux bestiaux.
Il avait bien l'intention d'en retirer un bon prix et d'offrir aux élevages Saint Just un couple de Salers.
Ainsi tandis que la Saint Just pestait de se geler les miches pour aller admirer des foutues bêtes à cornes alors qu'il ne faisait même pas encore jour, le maistre des élevages, lui, rayonnait, se délectant à l'avance des juteuses affaires qu'il ne manquerait pas de réaliser aujourd'hui.
Le pré où se tenait la foire se sentait bien des lieues avant que l'on aperçoive les premiers étals et enclos. Une odeur forte de bétail, de purin et de fumier se mêlait aux senteurs diverses et bigarrées de la bouffe que l'on vendait à quatre coins du champ clos. Et à mesure que l'on s'approchait, la Saint Just tâchait de repérer la buvette la plus proche ou la taverne qui aurait eu la bonne idée de se trouver non loin tout en plissant le nez en une lutte vaine contre les effluves foiresques.
L'oeil de lynx comtal eut tôt fait de faire le point sur une misérable auberge non loin du pré aux vaches. Ni une ni deux, elle laissa sur place son vacher en chef, lui laissant le bon soin de trouver un emplacement pour sa marchandise et toute latitude pour faire son lèche vitrine. Elle éperonna sa monture et fila droit sur la bicoque qui abritait la seule lueur d'espoir de cette matinée.
En moins de temps que pour traire une vache, le cheval fut attaché devant l'abreuvoir et la comtesse en habits sobres et bourgeois se démoula sur un banc du bouge, très vite rejointe par un cruchon de piquette infâme.
[titre inspirée d'une citation de Jean Gabin.]
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