Citation:A Dole,
Mon cher ami, Imladris,
J'entends qu'une armée comtoise s'est postée sur le col de la faucille. Une grosse armée. Je vois que les gens qui souhaitent préserver la paix de Dole ont perdu... Passer le col, quelle folie allez-vous donc commettre ! C'est deux ans de guerres et d'escarmouches que votre franc comte se prépare là... Vous savez comment Genève sait transformer chacune de ses défaites tactiques en victoire politique à long terme. Deux croisades n'ont jamais su nous mettre à genoux ! Bien au contraire, elles ont assuré notre force. Nous avons su grossir de tous les proscrits des royaumes. Aujourd'hui, vous nous offrez de grossir encore davantage ? Je vais perdre la main et devoir la laisser chez moi à ceux qui sont moins raisonnables que moi.
Genève va probablement se créer une quatrième armée avec tous les renforts qui viennent d'outre Sarine et que nous n'avons pas su faire passer à Annecy à cause de l'armée de Valzan, perdue au diable vauvert, peut être entre Annecy et Genève. On l'a repoussée il y a trois jours, en vrac. S'il advenait que l'armée comtoise entre sur le territoire de la confédération, soit pour assiéger Genève, soit pour rejoindre Annecy, soit pour quelque raison que ce soit, je gage que ces gens, qui s'ennuient fermes à Genève alors que nous nous battons tous les jours à Annecy, vont se précipiter dans l'armée et exiger de se battre. Je vais perdre la main, mon bon ami... Et si l'armée comtoise vient s'enfoncer dans un long siège à Annecy, ce sera Saint Claude ou une autre cité comtoise qui sera menacée alors que vos gens les plus belliqueux seront aller faire mumuse en Savoie, un duché qui vous traite comme la lie de l'Empire depuis plus de deux ans. Un duché aujourd'hui peuplé de 450 âmes agité par quelques Sparte et leurs amis. Tout comme Dole aujourd'hui ?
Nos bourbines se félicitent tous les jours du rattachement d'Annecy et de sa mine d'or, surtout. Ils sont compte-sous et franchement mécréants, je vous le concède. Ils ont trop fréquenté Notwen. Toutefois, cette fois, nous les avons chaque jour davantage avec nous. Les espions qui relèvent les lances genevoises à Genève doivent l'avoir constaté. Les quelques welches qui agitent la gargote helvétiques contre nous tromperaient-ils le regard des espions comtois ? Genève n'est pas seule et outre Sarine, il y a pas mal de gens qui s'ennuient. Et qui ont des amis dans la partie germanique de l'Empire. Qui s'ennuient aussi. Je vous en prie, usez de toute votre influence pour préserver notre uvre : ne passez pas le col où la Paix de Dole sera oubliée et je n'y pourrai plus rien.
Les savoyards doivent comprendre que tout ne peut être résolu par les armes. Et nul besoin d'être ami pour faire la paix ! J'en discutais encore hier avec monsieur Tibérias, ancien régent de Savoie, captif sur parole, chez nous. Vous savez comme moi, qu'on redoute quelquefois mes mots, dans certains couloirs de Rome et dans certaines commanderies. On voudrait les couvrir par le bruits des armes de fer ? Je n'ai jamais dit que ce qui était vrai. En précipitant le retour du sang et des cendres, Dole prive Annecy d'abord, Chambéry ensuite, du temps nécessaire pour prendre du plomb dans la caboche. Dans 25 jours, il y aura des élections à Annecy. C'est un temps que je souhaitais consacrer au dialogue plutôt qu'au combat. Vous me réduiriez ce temps si d'aventure on remettait les caparaçonnés aux premiers rangs. Et ceux là, une fois la charge lancée, je ne peux plus rien. Les savoyards font la guerre comme une ordalie d'un autre âge : Deos récompensera le gentil et punira le méchant ! Ce sont des enfants capricieux qui trépignent puis qui pleurnichent chez le paternel quand ils ont pris une gifle. Nous, non. Deos, même en nous laissant meurtris sur le champ de bataille, nous a toujours apporté la "victoire". La guerre n'est pas un loisir pour barons en mal de gibier. Monsieur Machiavel l'a écrit récemment à Florence. C'est prendre certaines choses fort légèrement en les laissant se résoudre dans un duel. Me confirmerez-vous dans l'idée que certaine noblesse n'a plus la raison pour aider au gouvernement des gens ? Encore une fois, on confond chasse féline et guerre entre les hommes.
Si à la chasse au félin, les sang-bleus sont forts bons, je vous le concède volontiers, à la guerre toutefois, ils perdent toujours. Observez le pitoyable échec de la campagne de Provence de la princesse de Mortain. Tant de gens d'arme pour une retraite piteuse. Arles tenue six mois pour quoi ? Et on vous ferait croire que Genève et ses 150 âmes réussiraient là où le roi de France et l'Empire ont échoué ? C'est donner bien du pouvoir à ceux qui gouvernent la république de Genève. Aurais-je des recettes malignes qui échappent à certains ? Des recettes qui légitiment de précipiter à nouveau les comtois dans une guerre d'escarmouches longues, pour les beaux yeux d'une pucelle savoyarde qui minaudait et faisait l'effarouchée dans ses beaux atours, et qu'un brave bucheron de fond de vallée helvète ; las de ses caprices, a défloré avec un peu de virilité, je vous le concède.
Je pourrais conclure en vous citant Périclès dans son oraison funèbre aux athéniens, rapportée par Thucydide dans sa guerre du Péloponnèse, mais je me contenterai d'une autorité moins grande. Quand j'étais petit, mon grand père me disait toujours "ce n'est pas quand on a fait caca dans la culotte, qu'il faut serrer les fesses".
Je vous embrasse, mon ami.
Izaac