Lottilde
Elle était restée silencieuse, l'exilée, la comtoise qui avait fui sa province tant aimée pour ne pas souffrir plus longtemps de la voir s'enfoncer chaque jour d'avantage dans la fange...Sa belle Franche-Comté d'autrefois si fière de l'autonomie qu'elle s'était octroyée et défendait becs et ongles n'était plus. La politique de la girouette s'était installée et avec elle une nouvelle façon de courber l'échine qu'elle jugeait terriblement inconfortable. Oh, certes, elle permettait de mieux enlacer quelques mules impériales ou même, soyons modestes,comtales ou ducales,recommandables ou pas, aucune importance...Mais elle n'avait jamais pu s'habituer à cette mode qui vous casse le dos en vous martyrisant les genoux...Ni à ces parvenus incultes et sans éducation qui s'y adonnaient avec passion, lustrant leurs couronnes si mal acquises tous les matins en souillant leurs braies...Et puis ils sentaient mauvais des pieds, dans leurs mules...L'apocalypse olfacive...
...et pleutres, par-dessus le marché...
Elle sursauta au son de sa propre voix murmurée dans la nuit savoyarde noire comme un cul de four et tourna rapidement la tête dans l'obscurité du ravin où elle s'était retranchée, à quelques toises de l'embranchement du chemin qu'emprunteraient bientôt les hordes de sauvages qui suppléaient à la maigreur des armées savoyardes...Elle sourit sans gaîté. Sans foi ni loi, sans honneur non plus..Des français qui volent au secours des amis impériaux, si c'était pas touchant, cette fraternité là ! Elle en aurait versé une larme d'émoi si elle avait pensé à prendre un mouchoir mais elle avait oublié et elle n'aimait pas avoir la goutte au nez , même à quelques heures de sa mort probable...Et elle avait assez pleuré quand les vaillants savoyards avaient laissé passer les gentils français en sachant pourtant qu'ils allaient ravager les cigales en Provence...D'innocentes cigales impériales, pourtant, sujettes grinçantes et impertinentes de sa Majesté l'empereur si vénéré ! .. ça, jamais elle ne leur avait pardonné...les girouettes comtoises, elles, avaient continué à tourner là où les vents étaient favorables...Une p'tite courbette à Genève, une p'tite courbette à la Provence, une P'tite courbette à la savoie, enfin, une pt'tite courbette au plus fort du moment, quoi ! Et puis après tout, la Provence, ça avait beau être des frères, c'était trop loin...Comme l'Anjou, ça avait beau leur avoir piqué 500.000 écus, c'était trop loin aussi ! Pffff...
Séduite par Genève - la- couillue, celle qui abrite encore dans ses entrailles des hommes libres que l'amour du pouvoir n'a pas souillés, elle avait un beau matin tout abandonné pour la rejoindre...Quel crime...!! Elle avait pourtant fait serment de ne pas attaquer ses frères comtois ! Mais en échange, les comtois n'avaient pas respecté le même serment à son égard et elle avait vu arriver et repartir aussitôt sur un brancard de feuillage le comte et la comtesse de Salins...
Nouveau sourire dans l'obscurité..Voilà ce que c'est, que ne jamais s'entraîner au combat et se terrer derrière les murs d'un couvent à la moindre escarmouche ! On se fait saigner par la première brute épaisse sans couronne mais experte au maniement des armes...
Immobile dans la nuit savoyarde, elle tourna la tête et leva les yeux sur la masse noire des remparts d'Annecy, saluant l'oriflamme de Méliandulys dont elle devinait le flottement plus qu'elle ne le voyait. Quelques éclats métalliques, si peu, apparaissaient parfois entre les merlons. Les braves n'avaient pas fui, eux, ni larmoyé pour faire venir au pas de charge le premier couillon en haillon venu et lui vendre pour rien du tout l'honneur de perdre la vie...Non ! pas pour rien du tout : pour des prunes...
Elle n'avait pas peur, elle ne regrettait rien. Ou seulement les amis d'autrefois, les vrais, ceux qui avaient le regard droit de la fidélité...et n'étaient pas au rendez-vous pour attaquer Genève qui ne leur avait rien fait en faisant croire qu'ils défendaient leurs pauvres frères bafoués..Ils auraient du coller une croix helvète sur le reblochon, tiens, en signe de solidarité.
Un grondement sous ses pieds la figea pourtant, et lentement, elle détacha son épée de sa ceinture d'armes. Défense illusoire, elle le savait. Les dents serrées elle attendait l'assaut, elle connaissait la douleur fulgurante de la lame qui déchire, la lueur de joie malsaine dans les yeux de celui qui tranche dans la viande sans respect de la bête. Elle n'offrirait pas au premier qui l'attaquerait un regard d'animal traqué...Elle essaierait de....
Pour se donner un semblant de courage, elle se tourna vers l'impassible Izaac, le philosophe érudit dont la belle moustache lustrée de frais pour l'occasion ne tremblait même pas...Alea jacta est...
...et pleutres, par-dessus le marché...
Elle sursauta au son de sa propre voix murmurée dans la nuit savoyarde noire comme un cul de four et tourna rapidement la tête dans l'obscurité du ravin où elle s'était retranchée, à quelques toises de l'embranchement du chemin qu'emprunteraient bientôt les hordes de sauvages qui suppléaient à la maigreur des armées savoyardes...Elle sourit sans gaîté. Sans foi ni loi, sans honneur non plus..Des français qui volent au secours des amis impériaux, si c'était pas touchant, cette fraternité là ! Elle en aurait versé une larme d'émoi si elle avait pensé à prendre un mouchoir mais elle avait oublié et elle n'aimait pas avoir la goutte au nez , même à quelques heures de sa mort probable...Et elle avait assez pleuré quand les vaillants savoyards avaient laissé passer les gentils français en sachant pourtant qu'ils allaient ravager les cigales en Provence...D'innocentes cigales impériales, pourtant, sujettes grinçantes et impertinentes de sa Majesté l'empereur si vénéré ! .. ça, jamais elle ne leur avait pardonné...les girouettes comtoises, elles, avaient continué à tourner là où les vents étaient favorables...Une p'tite courbette à Genève, une p'tite courbette à la Provence, une P'tite courbette à la savoie, enfin, une pt'tite courbette au plus fort du moment, quoi ! Et puis après tout, la Provence, ça avait beau être des frères, c'était trop loin...Comme l'Anjou, ça avait beau leur avoir piqué 500.000 écus, c'était trop loin aussi ! Pffff...
Séduite par Genève - la- couillue, celle qui abrite encore dans ses entrailles des hommes libres que l'amour du pouvoir n'a pas souillés, elle avait un beau matin tout abandonné pour la rejoindre...Quel crime...!! Elle avait pourtant fait serment de ne pas attaquer ses frères comtois ! Mais en échange, les comtois n'avaient pas respecté le même serment à son égard et elle avait vu arriver et repartir aussitôt sur un brancard de feuillage le comte et la comtesse de Salins...
Nouveau sourire dans l'obscurité..Voilà ce que c'est, que ne jamais s'entraîner au combat et se terrer derrière les murs d'un couvent à la moindre escarmouche ! On se fait saigner par la première brute épaisse sans couronne mais experte au maniement des armes...
Immobile dans la nuit savoyarde, elle tourna la tête et leva les yeux sur la masse noire des remparts d'Annecy, saluant l'oriflamme de Méliandulys dont elle devinait le flottement plus qu'elle ne le voyait. Quelques éclats métalliques, si peu, apparaissaient parfois entre les merlons. Les braves n'avaient pas fui, eux, ni larmoyé pour faire venir au pas de charge le premier couillon en haillon venu et lui vendre pour rien du tout l'honneur de perdre la vie...Non ! pas pour rien du tout : pour des prunes...
Elle n'avait pas peur, elle ne regrettait rien. Ou seulement les amis d'autrefois, les vrais, ceux qui avaient le regard droit de la fidélité...et n'étaient pas au rendez-vous pour attaquer Genève qui ne leur avait rien fait en faisant croire qu'ils défendaient leurs pauvres frères bafoués..Ils auraient du coller une croix helvète sur le reblochon, tiens, en signe de solidarité.
Un grondement sous ses pieds la figea pourtant, et lentement, elle détacha son épée de sa ceinture d'armes. Défense illusoire, elle le savait. Les dents serrées elle attendait l'assaut, elle connaissait la douleur fulgurante de la lame qui déchire, la lueur de joie malsaine dans les yeux de celui qui tranche dans la viande sans respect de la bête. Elle n'offrirait pas au premier qui l'attaquerait un regard d'animal traqué...Elle essaierait de....
Pour se donner un semblant de courage, elle se tourna vers l'impassible Izaac, le philosophe érudit dont la belle moustache lustrée de frais pour l'occasion ne tremblait même pas...Alea jacta est...