Izaac
[Ach ! la guerre, madame, Groß Malheur ! A Lausanne, petite lucarne avare de lumière, chandelle, plume et papier. Mémoire de guerre.]
C'est à peine si l'on sentait l'atmosphère férocement virile qu'imposaient les hommes en robe et chasuble dans la cité genevoise occupée. Les vallées helvètes semblaient dormir paisiblement. Les vacarmes assourdissants des crapaudines sétaient tus.
Le 11 décembre de lAn de grâce Quatorze cent cinquante huit, le gouvernement de Genève avait répondu aux assassinats ciblés que pratiquait le très aristotélicien duché de Savoie depuis le Grand Siège de Cinquante six, en faisant marcher ses phalanges jusque sous Annecy. Le 12, trois armées genevoises investissaient ses remparts. Après une semaine de combats féroces et une centaine de morts coté savoyards, la cité sur le Thiou était saisie. Durant trente et un jours, les genevois tinrent victorieusement la ville, la mine et toute la route des Alpes jusqu'au Mont Blanc.
Le sort des armes avait tourné depuis en faveur de l'alliance du glaive et du goupillon qui occupait Genève depuis laube du vingt-huit janvier. Huit jours. Alors que les derniers averroïstes et les spinozistes, dernières macules ici-bas, se voyaient circonscrits au destin de Croupion de l'Aristotélité, l'Eglise de Rome avait proclamé une troisième croisade contre les aristotéliciens réformés, seconde religion dans les royaumes par le nombre de ses fidèles. Tous les chemins mènent à Genève. A Gouda, en terre dEmpire, les plus hauts dignitaires ecclésiastiques et les Ordres Militaires projetaient de draper la cité du lac d'un linceul de pourpre et d'en faire un territoire temporel de l'Eglise. Genève, phare de la réforme aristotélicienne se voyait promettre le destin de Ville Eternelle de l'Aristotélité. Alléluia ! Hors Genève, la confédération helvétique, elle, demeurait à labri des délires des hommes de Dieu. Au fond des leurs vallées, derrière leurs forts remparts, les sages femmes et hommes des hameaux dHelvétie fourbissaient les mots qui accouchent de belles Paix pour des guerres qu'ils n'ont pas faites. Sous le regard de leurs édiles, tristes Cassandres, Morat, Sion, Soleure et Zürich mouraient de langueur, faute dâmes. On écrirait plus tard lHistoire en accusant les montagnes qui faisaient des cul-de-sac. Mais, Deos merci, la Confédération était sauvée. Requiescat im pace.
Sil n'était quelques remous de grands chemins en Pars imperii lingua italicum et dans le beau duché de Lorraine, rien ne semblait désormais interdire les plus folles ambitions des Hommes pour la cité du lac. La Cité !
Genève ! Ô Genève !
52. Qu'ils disparaissent donc tous, ces faux prophètes qui disent au peuple : « Paix, paix ! » Malheureusement, il n'y a pas de paix !
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P4. Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière
C'est à peine si l'on sentait l'atmosphère férocement virile qu'imposaient les hommes en robe et chasuble dans la cité genevoise occupée. Les vallées helvètes semblaient dormir paisiblement. Les vacarmes assourdissants des crapaudines sétaient tus.
Le 11 décembre de lAn de grâce Quatorze cent cinquante huit, le gouvernement de Genève avait répondu aux assassinats ciblés que pratiquait le très aristotélicien duché de Savoie depuis le Grand Siège de Cinquante six, en faisant marcher ses phalanges jusque sous Annecy. Le 12, trois armées genevoises investissaient ses remparts. Après une semaine de combats féroces et une centaine de morts coté savoyards, la cité sur le Thiou était saisie. Durant trente et un jours, les genevois tinrent victorieusement la ville, la mine et toute la route des Alpes jusqu'au Mont Blanc.
Le sort des armes avait tourné depuis en faveur de l'alliance du glaive et du goupillon qui occupait Genève depuis laube du vingt-huit janvier. Huit jours. Alors que les derniers averroïstes et les spinozistes, dernières macules ici-bas, se voyaient circonscrits au destin de Croupion de l'Aristotélité, l'Eglise de Rome avait proclamé une troisième croisade contre les aristotéliciens réformés, seconde religion dans les royaumes par le nombre de ses fidèles. Tous les chemins mènent à Genève. A Gouda, en terre dEmpire, les plus hauts dignitaires ecclésiastiques et les Ordres Militaires projetaient de draper la cité du lac d'un linceul de pourpre et d'en faire un territoire temporel de l'Eglise. Genève, phare de la réforme aristotélicienne se voyait promettre le destin de Ville Eternelle de l'Aristotélité. Alléluia ! Hors Genève, la confédération helvétique, elle, demeurait à labri des délires des hommes de Dieu. Au fond des leurs vallées, derrière leurs forts remparts, les sages femmes et hommes des hameaux dHelvétie fourbissaient les mots qui accouchent de belles Paix pour des guerres qu'ils n'ont pas faites. Sous le regard de leurs édiles, tristes Cassandres, Morat, Sion, Soleure et Zürich mouraient de langueur, faute dâmes. On écrirait plus tard lHistoire en accusant les montagnes qui faisaient des cul-de-sac. Mais, Deos merci, la Confédération était sauvée. Requiescat im pace.
Sil n'était quelques remous de grands chemins en Pars imperii lingua italicum et dans le beau duché de Lorraine, rien ne semblait désormais interdire les plus folles ambitions des Hommes pour la cité du lac. La Cité !
Genève ! Ô Genève !
52. Qu'ils disparaissent donc tous, ces faux prophètes qui disent au peuple : « Paix, paix ! » Malheureusement, il n'y a pas de paix !
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P4. Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière