Anaon
[ 21 Décembre 1458
Limousin-Marche - Bourganeuf ]
Un épais manteau poudreux recouvre le paysage dune blancheur immaculée. Le froid devenu coutumier en ces temps hivernaux, semble geler la bourgade dans son propre sommeil. Un vent glaciale souffle dans les ruelles, imposant le silence par sa seule présence. Quelque lueurs blafardes parsèment les chaumières du centre endormies de la belle Bourganeuf, pourtant, un peu à lécart, une maison rayonne de chaleur. Serait-ce la fête avant lheure?
Un feu brûle avidement dans lâtre, faisant profiter de sa chaleur une large pièce décorée avec une certaine aisance. Autour dune table ronde, siège une vieille dame accompagnée dune mère et de ses deux enfants. La table correctement dressée et lambiance festive qui règne parmi les convives ne laisse aucun doute quant au caractère particulier de ce jour précis. Ces païens ne fêtent pas Noël avant lheure, non, ils fêtent La Nuit-Mère, la Modra Necht.
La nuit est assez avancée quand les vux de bonheur passent dune oreille à lautre accompagné des branches de houx et de guis qui séchangent dans la bonne humeur. La mère pose sur ses épaules une lourde cape de cuir doublée de velours, recouvrant sa robe de velours grena, tandis que la vieille nourrice habille chaudement les enfants. Elle se saisit dune lanterne puis salue la vieille dame que le froid hivernal ninvite guère à une escapade nocturne. De plus, la vieille, a foi en Aristote et en célébrant les fêtes calendaires avec eux, elle ne fait qu'acte de tolérance. Prenant soin demmener avec elle une petite branche de gui, la femme rejoins lécurie avec ses enfants. Le son des lourdes portes qui sentrouvrent est accueilli par quelques doux renâclements et le cri perçant dun faucon perché plus haut. La femme aide sa fille à monter sur la grande percheronne, puis soccupe de son fil qui tente de grimper sur Le gris. Elle enfourche a son tour un étalon ibérique à la robe dor et aux crins dargent, piaffant d'impatience et paradant inutilement comme à son habitude. Sassurant que tous va bien derrière elle, la femme sengouffre à lextérieur suivi de près par le faucon enfin libre de déployer son envergure.
La lanterne à la main droite, les rênes dans la gauche, le petite procession traverse les rues enneigées de Bourganeuf dans un silence religieux. Le cortège nest éclairé que par la faible lueur de la lanterne porté par celle que certain appelait la Gardienne Gladriel, la gardienne des fantômes. .. Cest une femme au cur celte dont lâge effleure la trentaine, de long cheveux châtain chute sur ses reins, aujourdhui retenu par un diadème brillant dune gemme blanche scintillante. Un pentacle est retenu à son cou, par une chaine d'argent, tandis que dans son décolleté, elle garde dissimulée un petite croix druidique aux côtés d'un stylet, à la lame fine comme une aiguille.
La lueur de la lanterne vient déposer sur son visage aux yeux de saphir, une lumière orangée. Un visage si singulier, amalgame de douceur et damertume, lui qui avait su rester si juvénile malgré les années se voyait peu à peu recouvert par le ton dure et glaciale reconnu aux Castelcerf. Une femme telle une lame, à double tranchant, aiguisée jusquà la moelle. A trop côtoyer les ombres, elle était devenu fantôme elle-même, discrète mais redoutable, aux sein de ses remparts quelle avait tant chéris.
Arrivé devant la porte fermée de la ville, il lui suffit de montrer son visage pour quon lui ouvre laccès. Un frisson lui parcoure léchine, mais arrivé au dehors, toute tension se relâche.
Une étendue immaculée sétale devant ses yeux. Les champs se sont assoupis sous un épais manteau de neige qui crise doucement sous les sabots des chevaux. Lair glacé qui glisse sur son visage ne cesse de lui rappeler de doux souvenirs enneigés. Réajustant subtilement ses doigts sur les rênes, la femme quitte l'amble pour adopter un galop cadencé. La lanterne tangue au bout de son bras levé, menaçant de renversé la bougie quelle protège dans sa carapace de verres. Pourtant, Gladriel sen soucis bien peu Elle pourrait devenir aveugle, elle saura toujours comme le rejoindre.
La vaste étendue enneigée laisse peu a peu place une légère cuvette. Un lac, enclavé en partie par les bois, y siège en son fond. Sa surface scintille de part et dautre, là ou la glace à poser son règne, brillant de mille éclats comme si les étoiles même étaient venues sy échouer. Le Lac Cristallin se déploie à leurs regards dans toute sa splendeur hivernal. Quand les sabots des chevaux atteignent les berges, la femme ralentit lallure, imité de près par les jumeaux. La bourganiaude descend souplement de létalon avant daidé ses enfants à mettre pied à terre. Un sourire entendu avec sa progéniture, elle leur cède la lanterne et séloigne lentement deux.
Le reflet des étoiles et de la lune dans la neige lui offre une visibilité suffisante pour rejoindre le gardien de ce sanctuaire de paix. Elle se retourne un instant pour apercevoir du coin de lil ses enfants qui joue calmement près des chevaux sous le regard attentif du faucon perché sur une selle. Elle arrive devant un vieux chêne centenaire dont les branches noueuses sont couronnées de poudre immaculée. Un sourire effleure ses lèvres. Sa main se pose sur une cicatrice barrant le tronc de larbre. Il est étrange de constater comme certaines blessures ne se referment pas. On lui avait pourtant si souvent répété que le temps soignait les plaies de lâme. Peut être nest il pas capable de soigner celle du cur?
Gladriel sort de sa petite besace la fameuse branche de gui. Elle porte à son visage le petit être végétal. Plusieurs petite perles ornent la branche et luisent dun blanc nacré. Les boules blanche symbolisent la pleine lune, et la douceur avec laquelle nous devons traité les êtres qui nous sont chers. Les deux saphirs de la femmes s'attendrissent tandis quun sourire nostalgique vient adoucir son visage. Elle dépose délicatement le gui au pied du chêne, puis elle se redresse, et pose ses deux mains sur lécorce froide avant dy approcher son visage. Elle murmure alors à larbre, comme si lêtre qui était venu rendre son dernier souffle entre ces racines, il y a de cela bien des années, pouvait lentendre.
_ Puisse les Awens du monde blanc te guider vers une vie meilleure et si tu as déjà retrouver le monde des Incarnés je te souhaite une existante plus paisible et plus douce quelle ne le fut mes cotés
Le vent souffle doucement sur le lac, faisant frémir la couronne neigeuse du vieux chêne, laissant senvoler quelque flocons de neige qui dormaient sur ses branches. Des murmures s'épanchent des lèves de la bourganiaude, les trois prières celtes s'échappent dans la nuit.
_O Ghel An Heu...
Elle laisse un doigt glisser lentement sur deux enluminures entrelacées, s'abandonnant au froid de l'hiver qui l'enveloppe dans ses souvenirs.
[RP restrictif, pour participation veuillez vous référer ICI ]
*Modra Necht : La Nuit-Mère, l'une des 8 fête calendaires Druidique
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