--Enzo.
[Putain de vie inachevée et trop courte...]
Il n'avait plus rien à dire. Ses paroles et gestes avaient été assez équivoques pour que le message soit bien clair. Sa raison lui avait dictée ce choix. Mais son coeur s'était serré devant la jeune femme qui le quitta d'un au revoir, prenant l'escalier d'elle-même en direction du salon. Il n'osa se montrer, et resta collé contre le pan du mur prés de l'escalier. Il serra ses poings, conscient que si la vie lui avait permit d'avoir plus de temps, il aurait pu s'offirir un autre choix soudain. Comme il détestait de ne pas avoir le droit de choisir. Il frappa de ses poings avec rage contre le mur, la tête en arriére, regardant le plafond, sentant des larmes de rage sur le point de lui brûler les yeux. Il ne pouvait pas . Il ne devait pas s'engager dans une nouvelle destinée, un nouveau chemin. Cela ne serait pas honnête.Et l'expliquer aurait été si irrationnel. Phé n'aurait pas saisi. Le résultat aurait été le même au final, peut-être l'aurait-elle quitté sans autant d'indifférence et de rancoeur s'il avait pu lui avouer. Mais à quoi cela servait-il ? C'était sa vie et pas une autre. C'était lui et pas un autre. Et seul lui savait rester dans le silence, le mutisme, le mystére qui l'entoure. Il entendit des pas dans l'escalier.
Enzo se redressa de suite. S'enferma à double tour dans la chambre qu'il avait choisit. Il resta contre la porte quelques minutes. Un regard de dérision autour de lui. La bourse sur le lit. Soupire. N'est pas vraiment sur le point de se coucher, la nuit était l'égale du jour pour lui. Ses yeux gardaient toujours cette innocence, cette flamme d'insouciance et ce qui lui permettait de goûter à la vie même si la mort rodait autour de lui. Et raison de plus pour en profiter. D'en profiter pour lui sans inclure quiconque, ne plus créer aucun lien ni chemin à suivre. D'un pas assuré, il ouvrit les fenêtres. Déboutonna sa chemise, l'enleva et s'installa sur le rebord de la fenêtre, les pieds dans le vide. Voilà ce qu'il appéciait, lui dans son élément le plus simple, l'air à même la peau, même si un peu frais pour la saison. Il farfouilla dans son pantalon, dans une des poches, il y trouva ce qu'il aimait par dessus tout. Il quitta le rebord pour aller chercher un des chandeliers. Il se réinstalla, puis alluma son petit cone fabrication maison. Il inspira une grande bouffée. Et il partit l'instant d'une minute, un peu ailleurs.
Ses yeux sentirent comme une grande bouffée de chaleur les envahir, les rendant un peu mi-clos. Il adorait cette sensation d'être loin, de s'envoler même si au naturel, il n'en avait pas forcément besoin. C'était devenu plus un geste de rélféxe qu'une envie irrésistible. Les toits devant lui formaient comme un paysage offrant la possibilité de s'évader, de les arpenter les uns aprés les autres pour courrir loin d'ici. Il en sourit. Une idée à envisager. Il zieuta en plongée sous ses pieds. Trop haut à moins de nouer des draps, et de se glisser le long mais à son humble avis, il n'aurait pas le temps. Ses yeux se plissérent au milieu de la fumée abondante. Ils suivirent le chemin tracé par les toits, se penchant un peu dans le vide pour savoir qu'elle en serait l'issue.Bien loin en tout cas. Dommage qu'il ne puisse voir le ciel. Il aurait bien aimé chercher cette étoile qui lui manquait tant. Pas l'instant à priori pour y songer.Le cone finit, propulsé par un geste sec de deux doigts en face de lui, il vit celui-ci s'écraser sur le trottoir dans quelques braises incandescentes. Jamais éteint malgré la chute vertigineuse. C'est ainsi qu'Enzo voulait être. Vivant jusqu'au bout. Un pied de nez fait de vie, de rires pour narguer ce qu'on viendrait lui prendre de droit sans lui demander son avis ni son choix. Il se souvint soudain de ces mots: Sur nos stèles je veux graver,que nos rires ont berné,la mort et le temps.
Il sauta du rebord de la fenêtre. Il n'avait pas mangé depuis un moment. Son estomac gargouillait à la limite de tomber dans les pommes. Il prit sur lui. Juste une pomme déjà ce serait beaucoup. Prenant sa chemise à la volée, il se en profita pour se rafraichir avec l'eau mis à disposition pour faire disparaitre les passages des corps sur sa peau. Il plongea ses mains dans la bassine et envoya l'eau sur son visage. Un coup de fouet. L'aiderait sûrement à mieux cacher son instant de voyage dans des contrées lointaines de son esprit. Ses mains n'arrétérent pas de revenir à l'assaut avec de l'eau. Les gouttes perlaient à chaque courbe, sensation si agréable. Conscient de ce que ses gestes faisaient et refaisaient sans cesse, il fait la moue. Cela ira là. Saisit à tâton une serviette sur le côté selon que sa mémoire en avait gardé. Bien appliquée sur son visage, il laissa échapper un soupir de plaisir. Respira comme jamais.
Il renfila sa chemise dans un geste habituel, un élan coutumier, volant dans les airs et venant se poser direct sur ses épaules, les bras bien placés dedans. La reboutonna machinalement d'une rapidité excessive. Se passe une main dans ses cheveux. Les balaya d'un mouvement vif, sentant l'humidité de l'eau sur ceux de devant prés de son front. Ouvrit la porte et descendit les escaliers vite fait. A peine un regard sur ce qui pouvait se passe autour de lui. Avait oublié de mettre sa chemise dans son pantalon mais n'en tint pas rigueur pour autant. Coup d'oeil rapide vers l'entrée. Fermée la maison close apparemment. Tant mieux. Direction le comptoir pour prendre de quoi se remonter un peu, cela ne serait pas de refus.Il espérait qu'on ne viendrait pas le questionner.
Enzo se plaça à sa place habituelle, bout de comptoir, pied sur le rebord, tête posée dans le creux de la paume de sa main. Il observa, ses oreilles grandes ouvertes, guettant un instant de répit de Emilla pour pouvoir lui commander un verre et savoir s'il pouvait grignoter, se mettre quelque chose sous la dent trés vite. Se sentant légérement la tête tournée. Dans cette attente, il repensait soudain à tout premier objectif, Paris et la Cour des Miracles.
Là où tout le monde pensait le retenir, Enzo déploie ses ailes.
Il s'envole.