Le soulagement du baron rassura Aliénaure. Ils auraient dû parler de tout cela avant, mais l'occasion ne leur avait pas été donnée, les angoissant tous deux inutilement.
Elle se releva, tira la grosse couette jusqu'au menton de Trokinas, et déposa un baiser sur le front du baron. Un rituel qu'elle réservait, il n'y a pas longtemps encore, à ses frères et soeurs, lors du coucher.
Souriant, elle alla fermer les volets, souffla la flamme qui illuminait la pièce, mit une autre buche dans la cheminée qui diffusait une douce châleur et se dirigea vers la porte.
La main sur la poignée, elle se retourna vers lui.
N'ayez crainte. Personne ne m'éloignera et je ferais face à mes démons... Reposez-vous, maintenant.
Puis elle sortit.
Le lendemain matin, chez le Baron...
Aliénaure repoussa une mèche brune qui lui chatouillait son front. La veille, elle avait passé le reste de la journée dehors, passant à la Mairie effectuer quelques paparasseries, envoyant quelques courriers à qui de droit, et régler quelques petits détails.
Une fois tout accompli, elle était revenue les bras chargés de victuailles, satisfaite d'elle-même. Le temps que sa mère lui avait confié la maisonnée lui était désormais fort utile maintenant qu'elle devait se débrouiller seule. Et ici comme à Limoges, elle avait remarqué qu'un sourire et la gentillesse pouvaient vous offrir un pain tout chaud ou des fruits à moindre prix.
Elle avait passé toute la nuit à fabriquer un onguant capable de guerrir les plaies du baron plus vite et éviter qu'elles ne s'infectent. Passer des heures à regarder sa mère fabriquer ses potions laissait toujours des souvenirs qui pouvaient se rendre fort utiles.
En arrivant à la boutique, Archibald l'avait trouvée endormie, la joue sur un livre, et elle s'était réveillée en sursaut, comme prise la main dans le sac.
Je... heu... Je préparais quelque chose pour soigner le baron et... enfin, je me suis endormie...
Ses baigayements avaient attendri le commis qui avait éclaté de rire et lui avait apporté de quoi faire taire son ventre qui gémissait bruillamment.
Depuis, elle le regardait travailler la viande, s'était même amusée à accueillir les clients et les servir.
Mais pour Archibald, "une demoiselle comme elle" ne devait pas se rabaisser à cela. Alors, après de maintes tractations, elle l'avait convaincu de la laisser préparer le repas. Aussi, elle s'était lancé dans la préparation d'un boeuf bourguignon, recette qu'elle avait vu préparer très souvent par Louise, leur cuisinière.
Elle sopoudrait la viande de farine quand un bruit se fit entendre derrière elle. Sans se retourner, persuadée qu'il s'agissait du commis, elle mélangea le tout, y ajoutant doucement le vin.
Pensez-vous que cela va plaire au Baron, Archibald?
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