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[RP] L'Averroïsme pour les nuls

Ellya
Humph... Pas là... Ni là... "Livre sur les plantes"? Qui est l'idiot qui a ... Ah, oui, c'est vrai.

Tête plongée dans les livres qu'elle avait "empruntés à long terme" au curé de Blaye, la jeune femme cherchait sans relâche des informations sur cette autre religion qui est sur beaucoup de lèvres mais dont, étrangement, les informations précises et détaillées à son sujet se voient être rares. Voire inexistantes?

Toujours rien?

Payen regardait par la fenêtre le mouvement des badauds en quête d'une demoiselle à trousser qui ferait son affaire pour le soir. Non. Les questions de sa maîtresse ne l'intéressaient pas. Mais il était payé pour parler alors...

Non. Rien! Regarde-moi ça!

Elle brandissait un des emprunts.

"Notes sur l'élevage de cochons". Et il apporte ça à un mariage!?

Mariage où la nonnette avait demandé de l'aide au frère Kronembourg.

Mais ce n'est pas la question.
Non, en effet.
Et pourquoi ne pas vous rendre à Rome?
Pas le temps. J'ai besoin de savoir, maintenant. Puis Rome, quoi.
Quoi quoi?
C'est infect, les rues empestent, les gens sont étranges et je ne sais jamais si je vais revenir entière voire revenir tout court tant il y a de rues...
Ah.

Lourd silence dans la chambre d'auberge.

Et pourquoi ne pas demander à cet homme là...
Quel homme?
Celui qui fait hurler les ménagères.

Aussitôt, la religieuse s'empourpra. Non, non, non, elle ne voulait pas savoir tout cela, non... C'était trop gênant et... Hurler, carrément? On pouvait hurler de plaisir?

Pas dans ce sens-là... Redescendez sur terre.
Ah.. Mais oui.. Évidemment, je...
Je parlais des Aristotéliciennes. L'homme. Celui qui vit à Montauban. Le balafré. Bordel, comment il s'appelle...
Celui qui a reformé?

Ellya aussi aurait aimé reformer sa famille... Sourire.

Avec un I comme Igor?

Parce que certaines choses marquent les esprits naïfs.

C'est ça!
Tu aurais dû dire: le charpentier!
Haem... En fait...
Et il saura?
Peut-être.
Victoire!

Parce qu'on peut crier victoire sans avoir tuer la peau de l'ours (ou quelque chose comme ça) quand on est optimiste. Et elle l'était. Pour dix.

Plume! Parchemin! Encre! Et tout le reste!

Attablée, elle commença alors sa jolie missive.



Très cher messer Iohannes,


Je me permets de vous écrire ce jourd'hui car vous êtes mon unique, que dis-je, mon dernier espoir!

Après maintes recherches dans des livres en tous genres, je n'ai pu trouver de réponse à ma question. Question si simple pourtant.

Mais vous ne me connaissez pas alors il convient sans doute de me présenter à vous avant de plus amples explications.

Je m'appelle Ellya de la Duranxie, actuellement sacristine en le singulier village de Marmande. Comme vous devez vous en douter, j'enseigne la pastorale. Or, étrangement, un détail m'a 'sauté aux yeux' comme disent certains, en relisant un extrait de la présentation de l'Aristotélisme.

Deux mots, à vrai dire. Mais je ne vous embêterai qu'avec un seul: l'Averroïsme. L'on m'a dit que vous sauriez très certainement m'en parler voire, si vous avez le temps et la gentillesse nécessaires, me l'expliquer.

J'imagine que pratiquer votre art - que je respecte, je vous l'assure - doit vous demander un temps qui vous force à négliger d'autres choses.

Mais je vous implore, messer, de partager vos connaissances avec l'humble femme que je suis et qui ne demande qu'à ne plus être seulement capable de répondre un mot quand on lui parle de l'Averroïsme: Averroes...

Avec mon plus grand respect,
Et tout le reste,

Ellya de la Duranxie,
Votre obligée

_________________
Ellya
[Plus tard]

... Cela est beaucoup plus triste. Car avec une rose, même quelqu'un sans coeur peut esquisser un sourire!

Voilà deux minutes qu'elle bassinait le coursier. Paniquée. C'est pourquoi, tandis qu'ils venaient d'arriver devant sa porte, elle se précipita dans sa chambre tout en refermant la porte sur elle.

Attendez-moi! Je fais vite!

Pourquoi était-elle dans cet état? Ce n'était pas très compliqué et ce qui c'était passé dans son esprit pouvait même se résumer par un schéma:
"Spinozistes" -> Promesse malencontreuse qu'elle avait faite -> Watelse qui allait bientôt arriver ->Argent qu'il refusait de lui donner -> Bourse qu'elle avait vidée en achats compulsifs -> Ruinée, elle devait payer un homme qui faisait trois têtes de plus qu'elle pour le service rendu.

Bref. Elle était dans la mouise.


Ksst. Ksst. Payen!
Mmm? Pourquoi chuchotez-vous?
Tais-toi, imbécile. On est mal, très très mal!
Qu'avez-vous encore fait?
Chu-chot-te! Je dois de l'argent à quelqu'un.
Sinon?
Oh... Au regard de son physique... Il pourrait nous démembrer.
Vous démembrer. Je n'ai rien à voir là-dedans!
Humph. Par pitié...
Et j'aurai une augmentation?
Tu crois que c'est le moment!

Blanche, la nonnette faisait des allers-retours entre son bureau et son coffre. Pour une fois qu'elle espérait voir son époux rentrer plus tôt!

Un politicien ferait des promesses.
Et cela marche?
Ça marche.
... Essayons!

Déglutissant avec peine, elle rouvrit la porte derrière laquelle se trouvait toujours l'inconnu.

Voyez-vous... J'aurais une autre lettre à envoyer et si vous pouviez vous en charger, et m'apporter la réponse par la suite, je saurai largement vous en récompenser. Vous n'aurez qu'à me demander ce que vous souhaitez!

Dans son coin, Payen: L'idiote...

Et évidemment, je vous le donnerai! Je peux même vous signer un papier et... Enfin. Voilà. Réfléchissez et je vous apporte la lettre!

Elle referma la porte aussi vivement que la première fois avant de se précipiter vers son bureau.


Vous venez de faire la plus grande bêtise de votre vie, et c'est peu dire...
Silence! J'ai besoin de me concentrer.



Très estimé messer Iohannes,


Vous ne pouvez imaginer l'émotion qu'a suscitée en moi votre lettre. J'ai d'ailleurs peine à m'en remettre mais cela doit tenir à ma constitution féminine.

Cependant, je ne vous écris pas pour vous dire ces choses même si cela me fait grand bien. Votre grande culture m'a étonnée, il faut l'avouer. Ne croyez pas que je pense que les hommes aux capacités manuelles immenses n'en aient point d'intellectuelles mais il est fascinant de voir que vous réunissez les deux avec une facilité déconcertante.

Je compte acquérir rapidement les livres dont vous m'avez parlée mais une question demeure. S'il est vrai qu'Averroës soit un prophète, pourquoi les Aristotéliciens de l'époque ne l'ont-ils pas remarqué? Cela aurait dû leur sauter aux yeux. Pourquoi non? Et pourquoi d'autres l'ont-ils fait? Sont-ce d'anciens Aristotéliciens? Comment croire tout cela?

En espérant que vous puissiez répondre à ces interrogations, je vous remercie tout comme je vous remercie pour vos explications précédentes qui enrichissent ma perception de la religion. Je vous dois beaucoup.


Ellya de la Duranxie,
Votre dévouée.


Tenez, mon brave. Et prenez tout votre temps surtout!

Un sourire inquiet aux lèvres, la nonnette venait de tendre sa lettre au musclor.
_________________
Cairn, incarné par Asophie




Il y a des jours, si il s'écoutait, il transformerait le monde en une gigantesque foire d'empoigne. Comme le disait son bon protecteur, pourquoi s'emmerder à demander lorsque l'on peut prendre ? A cette idée, un souris insouciant illumina un court instant son visage. Dévorant la religieuse du regard comme si elle fut couverte de miel, il se mordilla la lippe, puis se retourna pour s'en aller, l'esprit plus vif et alerte en quittant ce charmant domicile que lorsqu'il y était entré.

Je prendrais tout le temps qu'il me faudra, damisela. En espérant que vous ne languissiez pas trop de mon retour, le jour où je viendrais prendre auprès de vous le dû que vous m'avez promis.

Allez dans la paix de Dieu.



***


Pourtant, ce ne fut pas Mr Little qui apporta la réponse au pli, comme si une intuition fugace avait conduit l'ancien sicaire à s'épargner les services de son majordome pour ce genre de besogne en se contentant de livrer ce nouveau pli à un simple coursier municipal.

Citation:
La Conduite IX-7: Certes, Nous leur avions envoyé des messagers. Mais chaque fois qu'un Messager leur vient avec ce qu'ils ne désirent pas, ils en traitent certains de menteurs et ils en tuent d'autres. Ainsi sont les Aristotéliciens qui refusent la Vérité.

Quoi de mieux, mademoiselle de la Duranxie, que de vous servir un verset pour illustrer mon propos ? Votre intérêt sur la question religieuse me touche et me flatte sans doute au moins autant que votre naïveté sur cette même problématique. A vous lire, on serait presque tenté de croire que la quête de la vérité est encore ce qui anime nos prélats. Or vous le savez comme moi, la Sainte Église Romaine, avant de servir Dieu, place ses forces dans le maintien ou le renforcement de la puissance et de l'hégémonie de son institution. Vous affirmez qu'ils n'ont pas remarqué la nature prophétique d'Averroës. Ce qui est faux, puisqu'ils vous en ont parlé et qu'ils en parlent à toutes les pastorales. Ils l'ont remarqué. La vérité, c'est qu'ils ne l'ont pas reconnu. Tout simplement.

D'autres l'ont fait. Pour les mêmes raisons probablement qui ont poussé St Bernard à écrire:


Hagiographie de St Bernard a écrit:
"O vanité des vanités, mais plus insensée encore que vaine : l'église resplendit sur ses murailles et elle manque de tout dans ses pauvres". "Sans parler de l'immense élévation de vos oratoires, de leur longueur démesurée, de leur largeur excessive, de leur décoration somptueuse et de leurs peintures plaisantes dont l'effet est d'attirer sur elles l'attention des fidèles et de diminuer le recueillement".


En vérité, St Bernard ne reprochait pas tant aux grands prélats de mal vivre, mais de mal croire. Car l'homme pieux adepte d'une vie monastique ne peut que se sentir ulcéré face aux innombrables excès de Rome, devenue ville de l'opulence la plus abjecte, avatar de l'indécence la plus caractérisée, putain fardée de nos Princes qu'ils baisent jusqu'à plus soif comme une catin asservie qui leur rendra tout en retour. De telles corruptions dans les mœurs ont fini par ruisseler dans l'institution de la prétendue Sainte Eglise Romaine tous les vices d'Oanylone:

- L'acédie spirituelle par le délaissement des charges.
- La colère face à l'objecteur de conscience.
- L'orgueil de ceux qui se prétendent intermédiaires entre le Créateur et les hommes, et qui se disent apte à parler, bénir et absoudre les péchés au nom de Dieu.
- L'avarice au détriment des pauvres.
- La gourmandise répugnante qu'ils répandent à chaque célébration de Saints qui, sous couvert de combattre les fêtes païennes, ne font que légitimer l'idolâtrie.
- La luxure qui gangrène le Royaume et sur laquelle ils ferment les yeux ou pis, s'en rendent acteurs et complices pour mieux s'aligner sur les mœurs dissolues des puissants qu'ils flattent et couronnent pour que ces derniers protègent leurs privilèges en retour.
- L'envie destructrice qu'ils laissent éclater entre eux, pour s'arracher les diocèses et les postes les plus en vue, et la course aux titres qu'ils exercent, pour se consoler d'avoir choisir une voie qui ne leur permet pas de faire briller aussi bien ses armoiries que celle du Haut Fonctionnaire.

Dans cette fange décadente et corrompue où se repait la bête immonde, quelle place pour la foi et la moralité, dont les clercs se revendiquent pourtant être les garants ? Elle n'existe pas. Les croyants véritables, les hommes pieux, les moines ne se reconnaissant pas dans le mode de vie de ces prélats dont le comportement n'est qu'un cantique appelant de ses voeux la fin des temps, ne pouvaient que se reconnaître en un prophète qui en leur offrant la conduite du juste, celui qui sera sauvé car justifié par sa foi, s'est présenté sur terre pour recadrer les Hommes dignes d'être sauvés. Ceux là sont les croyants véritables, qui prient avec leur cœur plutôt qu'avec leur bourse, s'agenouillent devant Dieu plutôt que devant le prêtre, et embrassent les Écritures plutôt que la bague du Cardinal ou l'améthyste de l'évêque.

Très chère Ellya, tant que l'institution Romaine ne s'attachera plus qu'à accorder des sauf-conduits aux hommes pour des choses aussi insignifiantes telles que s'unir, faire de la politique, et se léguer titres et biens, sous la menace des représailles nées des concordats infamants et des excommunications, la foi et la quête de vérité divine ne sera jamais sa priorité.

Réjouissez-vous !
L'Eglise se plaint du manque des vocations Aristotéliciennes qui laisse les cures de nos villages vides de clercs et de messes.

Rétrécie par les pieds, elle gonfle de la tête.
Le nombre de Cardinaux passe de sept à douze.

Seule les ors et le pouvoir comptent.
L'instruction du peuple est chose subsidiaire.

Un sacerdoce que l'on délègue aux laïcards, gentiment méprisés.
Ou aux Pasteurs tels que moi. Allègrement haïs pour le pur souffle d'espérance qu'ils représentent et qui se répand sur le monde.


Cordialement,

































_____________________________________________________________
Cairn Little
Reformaté de la Foi.
Ellya
Oh, Par Aristote!
Mmm. Vous êtes toute rouge. Les chaleurs?
Par Aristote, par Aristote, par Aristote!
Haem. Un souci? Une angoisse?
Je.. Je ne crois pas.. Mais il écrit de ces choses..
"putain fardée de nos Princes qu'ils baisent jusqu'à plus soif comme une catin"... Il veut nous tuer notre Ellya ou quoi?

Puis le valet partit d'un rire gras, fort amusé qu'il était de voir la gêne de sa jeune maîtresse prendre une telle teinte jusqu'au bout de ses oreilles.


Concentrez-vous sur le reste!
O..Oui. Tu as raison.

Bon, alors elle essaya vraiment vraiment très très fort de se concentrer. Et finit par y arriver. Oui, car il aurait été difficile de ne pas finir captivée par les propos du menuisier.

Prenez l'image d'un crocodile. D'un gros crocodile. Et, non loin de cet animal puissant, se balade un ver de terre heureux de vivre. Et là, le crocodile se met à raconter une jolie histoire au ver de terre, du style "Tu aurais plus chaud si tu viens en cet endroit que j'ouvre exprès pour toi". Le petit ver de terre croyait qu'il ne pouvait vivre que sur ou dans la terre. Mais il suffit de lui dire quelque chose d'un ton assez convainquant pour qu'il y croit.

Ellya, c'était un petit ver de terre aristotélicien. Elle ne serait jamais spinoziste car les spinozistes, c'est le mal. Un mal qui rôdait souvent auprès d'elle, d'ailleurs.

Mais le reste?

Il existe deux types de naïveté. Avec la première, à la lecture de cette lettre, on se dirait "Waw! Ils m'ont menti toute ma vie! Je vais changer!"

Puis il y a Ellya et sa candeur légendaire. Qui prit sa plume avec le plus grand sérieux possible.




Messer Iohannes,


S'ils ne l'ont pas reconnu, il doit y avoir certaines raisons, n'est-ce pas?
Averroës ne pouvait-il être homme vertueux sans pour autant être prophète?

Je ne me considère pas comme une tueuse ni comme une menteuse...pour cela. Pour autant, je reste persuadée que l'Eglise n'a pu cacher tout cela à ses fidèles pour des raisons aussi absurdes que la corruption.

Je ne prétends pas que les hommes sont parfaits mais tous les prélats ne sont pas d'horribles monstres tels que vous les décrivez.

Quand je prie, je m'agenouille devant le Très-Haut. Mais certains ont besoin d'être guidé par le prêtre, c'est évident. Souvenez-vous de l'histoire de Neajdalf! N'est-elle pas la preuve de cela?

Vous me perturbez. Je ne sais que croire. Mais je crois en le Très-Haut qui aurait déjà puni les cardinaux s'ils étaient sur le mauvais chemin.

Que faire?


Votre dévouée,
Ellya de la Duranxie

_________________
coursier, incarné par Asophie
Hiiihan ! Hiiiiihan ! braillait l'âne du pauvre coursier tenu d'attendre que la religieuse en ait terminé avec son pli pour pouvoir reprendre le chemin inverse. Bêêêêh ... Gruhhhh ...
...
Était-ce toujours l'âne ou le reste de la ménagerie ?


***


Quelques jours plus tard. Même coursier. Même âne polyglotte. Lettre différente.

Citation:
Très chère Ellya,

Si je comprends votre doute, il n'est rien d'autre que vous puissiez faire qu'étudier encore et toujours les textes dans leur version originelle, soit en Grec, soit en Hébreu, mais en évitant soigneusement les versions latines qui ont été honteusement dénaturées par l'Institution. Et ne jamais oublier d'ouvrir son cœur à Dieu, lumière de notre existence, soutien de nos douleurs, et le guide suprême sur le chemin périlleux de la vertu.

Ouvrir son cœur à Dieu et espérer de Lui, sans jamais se soustraire à ce qu'il attend de nous. Posez-vous la question. Est-ce à lui de châtier sur ce monde ceux qu'il jugera dans l'autre ? Ou bien n'est-ce pas à nous, humbles fils et descendants d'Oane, de nous rebeller face à la confiscation des Écritures et aux insupportables abus de ceux qui se prétendent nos guides sans que nous ne les ayons jamais mandaté ? S'il était du ressort de Dieu de punir les coupables sur Terre, dans l'instant, les foudres s'abattraient du ciel et les larrons seraient châtiés, les malins flagellés, les menteurs rendus muets, et les espions aveugles ! Mais le Créateur a placé dans le cœur des Hommes, siège des sentiments et de la pensée, la potentialité à aimer et à faire valoir son libre-arbitre dans le but de défendre ce qui est bon et juste en ce monde pour que prévale Sa vérité.

Vous êtes désireuse de justifier la nécessité d'un Clergé. Pour cela, vous me citez l'historiette farfelue de Neajdalf, probablement écrite par un alcoolique notoire pour d'autres imbéciles en quête de contes débilitants. C'est votre droit. Maintenant intéressons nous au fond et remplaçons le curé de cette fable par un simple laïc et vous constaterez que le texte ne perdra rien de son fond: les Hommes sont dotés de l'amour et du libre-arbitre mais la foi passe par l'instruction et l'exégèse des Ecritures. En somme, les Hommes ont besoin de guides pour les accompagner sur le chemin de la foi qu'ils ne peuvent arpenter seuls. Mais vous aurez donc compris que le guide n'est pas forcément clerc, et que par conséquent, ce qui distingue le clerc du laïc n'est pas forcément justifié.

Vous nous affirmez qu'effectivement, les prélats ne sont pas tous des monstres. Comment vous contredire ? C'est une évidence. Cela dit, prenons l'exemple de notre chère Guyenne. Un Duché assez vaste, vous en conviendrez. Pouvez-vous donc me dire qui mérite parmi les prélats qui s'y trouvent, le statut de haute moralité qu'ils revendiquent ?

L'Archevêque de Bordeaux ?
Ou votre supérieur, l'évêque d'Agen peut-être ?
Voir les évêques dont a pu disposer Cahors, pourquoi pas. Soyons audacieux !

En cherchant bien Ellya, il se peut que vous trouviez effectivement l'arbre qui cache la forêt. Certes, au regard de la lente mais implacable altération de la morale et de la spiritualité de notre temps, sans doute arriverez-vous peut-être, en déployant une ingéniosité rhétorique et dialectique sans égale, à me montrer qu'ils ne sont pas forcément pires que les autres. Cela dit, vous ne les ferez jamais apparaître meilleurs - ce qui aurait pourtant pu justifier leur statut. Et c'est précisément la raison pour laquelle le sacerdoce se doit être universel. Car telle est l'essence même de l'Homme. Ce que le pasteur fait, tout croyant peut être amené à le faire, car il dispose en lui de toutes les ressources pour le faire.

La quête d'honneur et de pouvoir, de richesses et de récompenses n'a rien d'absurde, jeune demoiselle. C'est la tentation de tout Homme qui sans la foi, se trouve face à elle démuni. Que l'Église participe à cette course effrénée est le symbole le plus probant de sa déliquescence éthique qui la pousse jusqu'aux dernières extrémités pour asseoir son assise sur le temporel. Dans ces conditions, renier par le fer et le feu ce qui menacerait son unité et sa puissance hégémonique sur la foi des Hommes n'est pas un choix, quand il y va simplement de sa survie.

Les plus vertueux d'entre nous finissent souvent considérés comme Saints.
Ceux qui délivrent un message, eux, sont prophètes. Averroës étaient de ceux là. Vous m'objecterez que rien n'indique qu'il n'était pas un charlatan. Je vous répondrais que les escrocs, fussent-ils talentueux, sont toujours ignorés par l'Histoire pour ce qu'ils ne servent que leur propre intérêt. Les prophètes véridiques, eux, ainsi que tous ceux qui les écoutent, finissent toujours par être persécutés pour ce qu'ils servent l'intérêt des peuples contre un pouvoir (spirituel ou temporel) qui, trop bien établi, finit par prendre ses aises. Christos en sait quelque chose, n'est-ce pas ?

En vous saluant avec civilité sur ce dernier clin d'œil,
Votre serviteur,




La lettre remise, le coursier attendit patiemment et se dirigea en cuisine pour boire comme un templier, lequel n'avait pas du mettre les arpions à Marmande depuis longtemps, tant ces gens là semblaient déconnectés de toute réalité. Son godet asséché, il quitta la pièce, le plumet de sa toque se balançant gracieusement. Contre autant d'élégance, la résistance qu'on pouvait opposer à ses bonnes manières était infinitésimale. Bien sûr, tout cela était bien simulé, la réalité de notre coursier étant bien moins engageante qu'il n'y paraissait. Mais cela, c'est encore une autre histoire.

Alors ? Les nouvelles sont heureuses ?
Bêêêêhhhh ...

C'est pas faute d'avoir prévenu.
Ellya
Adishatz mon brave!
Bonchour machdam'! Che *glurp* Je vous attendais pour partager ce pain offert gracieusement par vot' voisin.
Aaah.

Voilà trois bonnes semaines que la nonnette 'logeait' le coursier. C'est-à-dire qu'elle lui payait sa chambre d'auberge, lui offrait le boire et le manger et, surtout, le faisait patienter.


Au fait, j'ai récupéré vot' courrier.
Aah? [...] Aaaaah!
Aaaah!
Quoi, quoi, quoi?!
Vous, quoi?!
&¤*x@!
Il arrive.

Payen, la bouche en cœur, un sourire sardonique sur son visage, se délectait de la surprise horrifiée de sa maîtresse. Non qu'il lui souhaitait le moindre mal mais certaines douleurs sont douces à regarder pour les gens de sa sorte.

Qui ça?
Quelqu'un qui posera beaucoup de questions à votre sujet s'il vous voit ici. Dauna? Il faudrait songer à ...
Donner réponse. Je sais. Je sais bien mais...

Mais cela faisait autant de jours que la dernière lettre reçue restait blottie contre son sein sans que la nonnette ne puisse savoir quoi répondre. Elle avait côtoyé tant de personnes infâmes, fermées à la lumière du Très-Haut que savoir qu'il existait au monde quelqu'un d'aussi sensé que cet homme, dont elle ne savait rien au final, la déboussolait. Soudainement, elle s'était sentie avilie. Par ses promesses, ses vœux échangés, ses actes à venir.

Comment être une sacristine honorable en enseignant des choses potentiellement fausses? Comment être une épouse véritable avec un mariage digne d'une mascarade? Comment parler d'amour quand le seul amour connu avait été crucifié par sa bêtise? Comment élever des enfants dans une religion qu'elle ne tolérait pas?

Devait-elle mettre ses doutes sur le papier? Car la confiance avait ses limites. Car se confier revenait à mettre sa vie dans les mains d'un autre. Il fallait se méfier.






A vous,

Qui venez de bouleverser ce qui étaient de bien fragiles certitudes,
Qui me laissez déconcertée face à ces paroles si justes,
Qui me voyez pleine d'interrogations et de doutes,

Aidez-moi, je vous en conjure. Venez à moi. Écoutez-moi. Guidez-moi. Car j'ai grandement besoin d'une main secourable dans ce brouillard qui m'oppresse et m'étouffe.

Vous ne pouvez me laisser seule après ces propos. Car je ne sais plus.

Ἐμὲ ἐλεεῖτε *

Votre dévouée,
Ellya de la Duranxie


Lettre qui s'éloigne, dans la main d'un coursier repu, au rythme des battements agités du cœur de la religieuse.



* Ayez pitié de moi
_________________
Kronembourg
Parce que le hasard fait souvent très mal les choses, c'est environs au même moment qu'un pigeon traversa la moitié de la Guyenne, de Blaye jusque Marmande ...


Citation:
Ma très chère soeur,


Comme je n'ignore point de vous que vous êtes un être fin et délicat, que la grandeur de votre foi n'a d'égale que mon appétit insatiable à toujours mieux vous connaître - et parce que mon épouse a insisté , je vous invite à la grande foire au boudin de Blaye ce dimanche.

Vous n'ignorez pas que ce concours reconnu par la guilde marchande de la filière viande de Bayonne et ses environs, dont vous êtes je crois originaire ou presque, reconnaît parmi les postulants à la compétition, le meilleur boucher du mois par l'intermédiaire d'une récompense.

J'ai pensé à vous pour monter sur le podium et remettre le " Groin d'Or " à notre artiste-boucher gagnant du concours. Je pense que debout et figée entre deux boudins, vous trouverez facilement votre place. Nous pourrons ensuite discuter religion entre deux charcutailles. Ou l'inverse selon l'humeur.


Votre dévoué,




_________________
Avant d'être homme d'Eglise, je suis homme de Dieu
Sancte, incarné par Asophie



Ah les beaux prélats ! se dit-il en parcourant des yeux la lettre qu'un garçon affamé venait de lui remettre en échange d'un petit jaunet. Encore une fois, Iohannes venait de leur couper l'herbe sous le pied. Progressivement, l'esprit des croyants se rapprochait de la raison en revenant au ruisseau cristallin de la foi primitive, s'arrachant au dehors d'un écrin superfétatoire et corrompu. Prêter main-forte à ses compatriotes dans le doute relevait pour lui du simple bon sens.

Ainsi, au fin fond de la campagne Périgourdine, là où le son de la battue aux loups perçait en alternance sa dureté d'âme, il se décida finalement à répondre à la soeur désemparée.




Citation:
Lundi, le 7e de Mars 1459,
De nous, Sancte Iohannes,
A vous, Ellya de la Duranxie.


Il est des jours où l'on ne peut que remercier Dieu pour le Σάββατο 13 Σεπτεμβρίου 1456* qui a vu Izaac placarder ses 52 articles en la belle cité de Genève. Vos doutes, Ellya, ne sont que la preuve que vous avez l'honnêteté d'aborder la question spirituelle avec la sincérité des doctes, là où règne généralement l'esprit partisan le plus insolent et le plus stupide.

A présent que vous désirez entamer une démarche spirituelle honorable, il est évident que vous pouvez compter sur mon appui inconditionnel. Pour transmettre la vérité et pour votre service, que pourrait-on donc m'ordonner que ma volonté n'accomplisse ?

Si votre détresse morale se trouve au zénith et qu'il vous faut urgemment discuter avec moi des multiples hésitations qui vous rongent, le mieux serait que nous nous retrouvions prochainement à Blaye. Autrement, il va de soi que les portes de Montauban et ses nombreuses dépendances de qualité vous sont ouvertes afin que vous puissiez venir y alléger votre conscience.

Dans l'attente de notre rencontre prochaine, ne perdez jamais à l'esprit que nous ne sommes jamais seuls.
Ouvrez votre coeur à Dieu, car nous n'avons qu'un Père, et il se trouve dans les cieux.


Votre serviteur,
S.I.



- Heu ... hésita le garçon en attrapant le pli contenant la réponse.
- Vous êtes sûr qu'il saura faire le chemin du retour dans l'état où il se trouve ?
- Rien à branler. On le paie. Il s'démerde. Pas vrai gamin ?
On lui refila 50 deniers.
- Bien sûr m'sieur !
C'est beau la jeunesse.


*Samedi 13 Septembre 1456

____________________________________________________________

"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la gloire !"
S.I. - Chevalier Errant de la Réforme Aristotélicienne.
Ellya
Ce n'est pas possible.
Quoi donc?
Le rencontrer. Watelse le saura. Imagine...
Fouet. Roue. Supplices. Cris. Hmmm....

La jeune femme secoua la tête pour chasser les terribles images qui déjà prenaient un triste reflet de réalité.


Vous pourriez être plus subtile.
Qu'entends-tu par ces mots?

Et Payen de brandir une des dernières lettres reçues.

Le nigaud. Manipulez-le!


Comme s'il venait de prononcer une évidence, la nonnette se mit à la recherche de divers scenarii possibles et imaginables susceptibles de n'éveiller aucun soupçon. Quand elle sut...



Mon très estimé frère,

C'est sans conteste que j'ai pensé à vous lorsqu'on m'a appris que La foire aux jambons allait débuter dans les ruelles de Paris, d'ici quelques jours. Je connais votre habileté et votre goût pour la viande, aussi vous ai-je inscrit au concours.

Soyez sans crainte, j'ai tout prévu. Nous dormirons dans une somptueuse demeure et goûterons les meilleurs crus. Mon mari ne sera hélas pas de la partie.

Rendez-vous demain soir chez moi. N'oubliez pas d'apporter votre meilleure viande!

Votre Soeur,
Ellya.


Suivi d'un autre courrier, plus concis.



Très cher ami,

Certaines obligations m'empêchent de vous retrouver au lieu convenu. De plus, je dois demeurer discrète.

D'ici quelques jours, une foire aura lieu à Paris. Cela serait certainement plus propice à notre rencontre. Puis-je compter sur votre présence?

De l'espoir plein le coeur,

Ellya de la Duranxie.

_________________
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