Rubiz
La rousse se sentait lasse et pourtant le soleil n'avait pas encore atteint son zénith... non pas qu'on le voyait le soleil, un brouillard humide recouvrait la campagne Cadurcienne. Ce matin-là, à l'échoppe, elle avait fini la houppelande pour sa fillotte... quelle bêtise aussi d'avoir lancé cette torche dans la cave, mais la tisserande était ravie d'offrir ce nouvel habit à la Belle.
Trop fatiguée pour commencer un nouvel ouvrage, elle traversa la rue pour se rendre à la chaumine et s'allonger quelques instants avant de préparer le gruau de midi.
Dans la cheminée de la chambre, elle remit quelques bûches avant de s'étendre avec bonheur dans les draps défaits. Pat ne reviendrait que plus tard de la bergerie, elle avait un peu de temps pour s'assoupir avant de se mettre aux fourneaux.
Le sommeil l'emporta bien vite, la rouquine ne savait pas que son coeur si gonflé d'amour et d'amitié s'arrêterait de battre alors qu'elle rêvait de soleil, de ciel bleu, de chants d'oiseaux et de papillons, de boucles blondes et rouges mêlées.
Isalabelle
Un geste qui se voulait de secours, avait bien failli coûter la vie d'Isa, lorsqu'en cherchant elle même à porter secours à Jihel ayant chu dans la cave obscure d'une taverne , elle avait reçu de Rubiz une torche enflammée sur sa houppelande qui, alors, avait pris feu.
Mais la jolie rousse était partie si précipitemment qu'Isa n'avait pas eu le temps de dédramatiser la situation.
Car si sa marraine avait brûlé sa houppelande, Isa avait quelques jours avant Noël sacrifié ce même vêtement en le déchirant pour panser Jihel. Aussi, ce n'était finalement qu'une houppelande déjà bien mise à mal, même si recousue, qu'elle portait.
Sans compter qu' après le départ de Rub, Jihel avait offert à Isa une nouvelle robe pour remplacer celle qu'elle avait mise en lambeaux par amour pour lui.
Depuis, Rubiz et elle ne s'étaient point recroisées, Isa n'avait donc pas pu lui montrer la sublime houppelante qu'elle portait à présent, bien que très ressemblante à celle d'avant.
Puis un pigeon de sa marraine reçu la veille lui demandant de passer à son échoppe, l'avait conduite ce matin là jusqu'ici. Celle-ci s'était montrée très mystérieuse, mais qu'importe la raison, juste le plaisir d'aller bavarder un moment avec son amie avait amenée Isa jusqu'ici sourire aux lèvres.
Le ciel était d'ailleurs particulièrement bleu ce jour-là, et le soleil n'en finissait pas de briller mais surtout de chauffer une atmosphère rendue bien fraîche depuis quelques jours...
Constatant que la boutique était fermée, Isa traversa la rue et toqua à la porte de leur maison, et s'étonna de sentir pareille odeur s'exhaler de leur chaumine.
Isalabelle
A force de toquer à la porte, celle-ci finit par s'ouvrir.
Isa hésita un instant à entrer, mais l'odeur du gruau brûlé l'inquiéta et la décida.
Rub? tu es là? appela-t-elle sans insistance, jusqu'à remarquer qu'étrangement toutes les portes étaient ouvertes.
*Il se passe quelque chose d'anormal.
Elle entendit alors de légers bruits de pas, et son sourire revint, la rouquine était semble-t-il trop occupée pour pouvoir lui répondre.
La belle s'approcha alors d'un pas plus assuré jusqu'à l'endroit d'où provenait ce bruit rassurant, et peu à peu elle découvrit la silhouette de Mimi.
Mimi? s'étonna-t-elle, avant de remarquer lorsque celle-ci se tourna vers elle, ses jolis yeux bouffis de chagrin, ses pommettes rouges et sa mine déconfite.
A la recherche de la raison de l'état de son amie, son regard glissa alors vers le lit, où elle aperçut Rub allongée.
Isa se figea quelques instants sur place, avant de comprendre la douloureuse réalité, bien que le visage de sa marraine, contrastant avec celui de Mimi, semblait juste endormi.
Sa main vint alors cacher ses lèvres grimaçantes.
Elle avala alors un peu de salive, puis elle s'approcha à pas de velours, tandis que ses yeux peu à peu s'embuaient et que sa vision devenait trouble, jusqu'au lit, surlequel elle s'assit.
Sans quitter le visage de sa douce amie du regard, elle se saisit délicatement de sa main, l'embrassa puis la caressa alors que des larmes perlaient à présent sur son visage.
Ma Rub, pourquoi si vite? pourquoi toi?
Elle éclata enfin en sanglot, alors que le visage de Rub affichait encore un sourire empreint de tendresse et d'apaisement.
Jihel
Depuis quelques jours, Jihel dormait mal, quelque chose dans l'air de malsain, un climat délétère et morose, l'ombre de la tristesse qui voilait sans fin le soleil cadurcien... Aussi, dans le temps incertain qui prélude au réveil, mélange pâteux où le réel peine à émerger de la brume onirique, ne sentit-il pas immédiatement l'absence de sa belle...Tout juste arriva-t-il à déchiffrer ces quelques mots tracés à la hâte selon des codes qui n'appartenaient qu'à eux ..."Je suis chez Rubiz".
Il s'habilla à la hâte, animé de cette angoisse qui ne le quittait plus. Arrivé devant la demeure de Rubiz et Pat, il croisa Boucanier qui s'éloignait le visage grave et comme absent. Il se précipita alors à l'intérieur, la porte était encore entrouverte...Mimi et Isa étaient là, serrées l'une contre l'autre dans une chagrin muet, et à côté d'elle, Rubiz, la belle et lumineuse Rubiz, couchée sur le lit, comme endormie, le visage serein et le sourire aux lèvres.
Il ne put tout d'abord rien dire, il s'approcha du lit comme un fantôme, le coeur noué et l'esprit animé d'un kaléidoscope d'images des jours heureux..
Il la regarda, toucha sa main fine désormais glacée, voulut articuler un son...mais ne put dire que ...
Rubiz, mon amie...pourquoi ?
Les larmes coulaient désormais lentement sur ses joues comme un chapelet lentement égréné qu'il ne pouvait contrôler, le temps semblait aboli et son esprit anéanti.
Il regarda alors Mimi et son amour, alla vers elles et les prit toutes les deux dans ses bras...
Marieceline
Marie s'était levée ce matin machinalement. Elle se sentait vide, elle se sentait comme amputée. Aeryan était parti cette nuit. La voici désormais seule. Pourquoi la vie s'acharne t-elle à tout donner pour tout reprendre. Puis ses pensées allèrent vers Rubiz. Isa lui avait appris sa mort. Comment cela se pouvait il ? Elle décida de se rendre auprès de Rubiz.
Arrivée à l'endroit elle entendit et vit les pleurs de chacun. Marie resta muette, regarda autour d'elle, vit Rubiz dans son linceul, elle laissa échapper ses larmes.
Quel vent de malheur venait de souffler sur Cahors ?
Marie n'eut même pas le courage de réconforter les personnes présentes, elle ne pouvait pas, elle n'avait pas la force.
Elle sortit doucement comme elle était entrée, en pleurant à gros sanglots.
Esperance
Il y a dejà du monde dans la petite maison de la barbacane, mais je ne les vois pas, mes pas se dirige vers elle comme par automatisme...
Je me souviens. Et je me souviens, les boucles fauves, la joie au cur et le sourire diaboliquement contagieux
Je me penche sur elle, si froide, si blafarde, les grosse mouches noire voltant en arabesque dans la pièce vide de vie. Je pleur
Et dans un murmure presque inaudible je lui parle le visage grave et vieillit par le chagrin :
- Cest donc ton tour ma Rub ! La grande faucheuse à fait sont triste choix, et malgré les nombreux petits nouveaux que je lui donne en pâture, elle ta prise. Comme cest injuste ?!
Mais tu sais quoi ma Rub ? Je la sens qui me regarde, les orbites plein denvie, ses doigts de squelette resserrant le manche de sa faux. Elle continue son long chant macabre et elle à toujours faim de Cadurcien. Alors ne téloigne pas trop, lespoir va finir par rejoindre la pierre précieuse, la tatouille, lange, la taloche, la Pomme dor du jardin des Hespéride et tant dautres
Mes larmes perle goute par goute sur la nuque de Rubiz, je lui flanque un dernier baiser dans le cou, qui résonne comme un adieu. Pourtant je narrive pas à y croire, elle est sans vie face à moi, mais mon esprit est convaincu que demain elle apparaitra dans le dragon rouge en meuglant viens là vieille branche
Mais non, il ny a rien demain
- Adieu ma belle !
Je me redresse et méloigne delle, de la pièce, de la maison dans la brume matinale, le visage tuméfié par les pleurs et le froid, cest un jour noir