Kachina
La nuit, la nuit, qui enveloppe St Bertrand de son voile noir. La nuit et le silence qui règne sur la ville.
Les portes sont closes, les volets croisés.
La plupart des habitants harassés par leur longue journée de travail dorment, affalés sur leur paillasse.
Dans une chaumière à la lueur dune chandelle, une mère berce son enfant qui a fait un cauchemar.
Dans une autre, un couple saime à la lueur des flammes de lâtre. Un autre veille dans une grange, une jument qui va mettre bas.
Le veilleur de nuit passe sous les fenêtres, une torche à la main.
De sa voix calme et monocorde, il répète inlassablement avant de disparaître au détour dune ruelle sombre :
- Dormez, braves gens, dormez gens de bien , dormez lesprit serein !
Certains ne dorment pas.
Depuis que lalerte a été donnée dans tout le Comté, depuis qu'on a eu connaissance que des brigands venus du fond de lItalie, pillent et détruisent tout sur leur passage, certains montent la garde.
Les miliciens , les maréchaux, armes au poing font leur ronde.
Les trois portes dentrée sont fermées , elles nouvriront quau petit matin. Layla, la douanière a fait renforcer les protections, des poutres de bois verrouillent les entrées.
Sur les remparts aussi, on veille. Ici chacun sait que bien que juchée sur son piton rocheux, et semblant imprenable, la ville a subit plusieurs fois le joug de vandales de passage.
Sous légide du chef de la sureté civile, Joran, ils sont là, quelques uns à affronter le froid .
Sans aucune autre récompense que la fierté de savoir leur village libre et en sécurité.
Kachi est de ceux là.
Braies de lainage sombre, guêtres de cuir et surcot de brocard bordé de fourrure la protègent de lhumidité. Tourelle nord, le brasero diffuse la bonne odeur de vin chaud qui émane du chaudron. Ailleurs, assis par terre, on joue aux dés. Les gourdes darmagnac passent de mains en mains et le pain tout juste sorti du fournil se partage .
- Qui donc à dit , que ce breuvage réchauffait le cur et le corps ?
La brune étouffe un rire. Et tandis que lalcool glisse dans sa gorge, ses yeux scrutent lhorizon, là bas au-delà de la plaine, vers les bois alentours.
Parce quun jour, ils lont décidé, ces fiers Commingeois. Nul ne prendra leur ville. Libres, ils sont, libres, ils resteront.
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