[RP] Puisque le hasard m’a poussé jusqu’ici

Orantes

Mais que diable venait-il faire dans cette galiote ?
Seul dans une auberge miteuse des faubourgs de la cité de Toul, où ils ne connaissaient pas le moindre manant, venu à la rencontre d’une femme borgne accompagnée d’un môme quasiment niais, Orantes avait beau retourner tout cela dans sa caboche, il ne comprenait guère ce qui avait pu provoquer ce besoin étrange de venir les retrouver. D’où venait cette inclination nouvelle ? La femme-cyclope lui avait-elle lancé charmement lors de leur première rencontre, pour le moins rocambolesque, sur les chemins isolés de Bourgogne. Comment expliquer ce bouillonnement intérieur lorsque le Bourguignon pensait à elle ? Mais qu’avait donc Anya de si particulier pour pousser le jeune Volvent sur les routes à des lieues de sa patrie, de ses amis et de sa famille.
Orantes chassa de son esprit ces multiples questions et décida enfin de prendre la plume pour signifier à la dame sa présence sur les terres de Lorraine.

Citation:

Auberge du Petit renard gris, Toul, Duché de Bourgogne
Le XIXe jour de janvier de l’an mil quatre cent cinquante-neuf

De Orantes de Volvent
A Hanya Von Haareweiss

Très chère Anya,

Je vous écris d’une modeste hostellerie des abords de Toul où je séjourne pour quelques jours, des affaires de la plus haute importance m’appelant céans dans votre belle contrée. J’ai gardé un si délicieux souvenir de notre rencontre dans cette forêt gelée de Bourgogne que je permets de vous envoyer ce pli afin que nous puissions nous revoir, puisque le hasard m’a poussé jusqu’ici. Adoncques, j’espère qu’il nous sera possible de trouver le temps et lieu pour une nouvelle rencontre.

Amicalement

Orantes de Volvent

Vous l’aurez compris, le pauvre homme était encore loin d’avouer à Anya, pas plus qu’à lui-même d’ailleurs, les réels motifs de sa venue en Lorraine. Le hasard avait donc bon dos en cette nuit de janvier.
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Nadkiroul, incarné par Anya.

L'heure était aux préparatifs du mariage, aux invit' toussa toussa quoi. La salle on y était pas encore, parce qu'avant de prévoir une salle, faut savoir combien vont venir. Vous conviendrez qu'une salle pour 50 personnes alors que y'en a que 20 à venir, on se sent un poil perdu dedans.
En tout cas, y'aurait OBLIGATOIREMENT, je dis bien OBLIGATOIREMENT, au moins sept invités. Que je cite :
-Témoin n°1de Mâdame
-Témoin n°2 de Mâdame
-Témoin de Mônsieur
-Fille n°1 de Mâdame
-Accompagnant n°1 de la Fille n°1 de Mâdame
-Fille n°2 de Mâdame
-Accompagnant n°2 de Fille n°2 de Mâdame
En option y'a aussi Futur Mari de Mâdame et Fille n°3 de Mâdame -trop jeune encore pour être mariée-
Sauf que le fait est que Fille n°1 et Fille n°2 présentement âgées de dix huit ans n'avaient pas encore ramené un seul homme à la maison. Si c'est pas déprimant, désolant, dépitant..... Bref, de se dire qu'on aura jamais de vrais p'tits enfants de sa vie y'a rien de pire pour la vieille. Parce que les petits enfants adoptifs c'est sympa hein, mais bon, les vrais c'quand même vachement mieux.
Si bien qu'en écrivant ses invit', mémé fit un petit mot pour Fille n°1 = Anaïs.

Citation:

Ma très très Chère Ana, blonde comme moi, chanceuse au possible de l'être,

Salut !

J'espère que t'as commencé par lire le truc accroché à cette missive sinon tu vas rien comprendre de la suite de ce message. Quoi que... Au cas où, j'vais te faire un rafraîchissement de mémoire.
Ta très très Chère maman d'amour va se marier courant février et donc bien évidement, en tant que très très chère fifille d'amour, tu es invitée !

Par contre, je veux et j'exige que tu viennes accompagnée ! Je commence a en avoir ras les noisettes que toi et ta soeur ne soient pas encore mariées ! j'vais finir vieillie toute décrêpie et sans dents que j'aurais pas encore des petits enfants. Même si j'ai rien à léguer d'important à ma descendance, j'veux pas que ça parte aux oubliettes, j'veux que ça perdure dans notre famille à nous !
Tiens au passage, fait un bisou de mamie à François, il m'apportera un joli dessin en cadeau de mariage hein ? Enfin pas un canard ça serait vachement bien, parce que c'est pas que j'aime pas ça, mais y'a d'autres trucs de mieux à dessiner... Une chope de bière par exemple ? Ou un verre de mirabelle par chez toi admettons...

Oui donc je disais, A-CCOM-PA-GNEE et je serais IN-TRAN-SI-GEANTE, c'est hors de question que pour mon mariage à moi, vous dansiez toutes les deux en vous donnant la main comme deux grosses potiches comme quand vous aviez six ans. A six ans c'est chou, à dix huit c'est suspect, très suspect. Vous vous imaginez même pas à quel point ça m'déprime que vous soyez pas encore casées toutes les deux. J'vous demande même pas d'être mariées, juste casées... mais faudra s'marier un peu vite après quand même hein, j'veux pas des bâtards comme petits enfants moi.

M'enfin voilà, je t'interdis de venir toute seule et ta frangine c'est pareil. Si j'en vois une de vous deux qu'est toute seule c'est bien simple, j'prend l'premier guignol que j'croise dans la rue, j'le paye s'il le faut, mais il passera la soirée collé à toi ou à Melly si c'est elle qui se radine toute seule. Donc tu vois c'qu'il te reste à faire.
Pis me fait pas une blague en venant accompagné d'une grenouille, ça marchera pas ! J'veux un homme, un vrai !
Ah ouais aussi... Vu que j'sais que les Blanc-Combaz pululent de partout, j'veux bien tout sauf ça. j'veux pas que ma famille soit liée avec la famille de c'pourri ! Pis si tu pouvais éviter un Volvent aussi, j'aimerai bien. Nan parce que j'les aime pas vraiment les Volvent non plus, et pis comme y sont originaires de la Lorraine ceux là, vaut mieux prévenir que guérir comme on dit en France. On sait jamais, le spécimen qui traîne là bas, tu serais bien fichue de tomber dessus.

Allez ! J'te laisse, et t'oublies pas de venir hein ! J'compte sur toi ma fille adorée, ça fait bien longtemps que j't'ai vue, c'est pas possible que tu viennes pas, tu rendrais triste ta maman.

Je t'embrasse fort,

Maman

PS : Tu fais pas le même sort à ma chouette qu'à celle de Mellyssa hein. Oui, elle m'a tout balancé, espèce de tortionnaire.

Bon, ça c'est fait ! Passons à la suite, opération envoie de courrier. Elle prendrait pas un de ces crétins de volatiles gris emplumés plus communément appelés pigeon. Même si "crétin de volatile gris emplumé" leur irait certainement mieux puisqu'il en disait plus long sur la cruelle vérité, les Français avaient choisi la simplicité, probablement pour user moins de salive. C'est donc sa chouette qu'elle appela.

-Ma Belle ! Viens là ma Belle. Faut que tu ailles donner ça à Anaïs en Lorraine. Tu te souviens d'Anaïs hein ?

Telle mère, telle Fille n°2, elle aussi cause avec sa chouette et elle s'en porte pas plus mal à vrai dire.

Anya.

[Verdun – Maison de Mellyssa Vellini Ambroise]

L'heure était au grand ménage. En effet Anya & son fils, après de nombreux jours passés à squatter une maison qui n'était pas la leur -ou plutôt celle de la sœur d'Anya-, s'étaient décidés à quitter les lieux avant le retour de la diaconesse. Quand allait-elle revenir ? Excellente question. Anya jugeait son retour imminent mais le sens d'imminent n'était pas le même chez sa sœur jumelle. La borgne avait même prévu de se dégoter une maison dans la journée, mais elle voulait, auparavant, être sure de tout ranger et de tout nettoyer comme s'ils n'avaient jamais vécu là.

Anya en train de faire le ménage, François était surveillé par Louise, une femme un peu sotte mais terriblement gentille qui faisait office de nourrice quand Anya devait s'absenter ou était trop occupée pour avoir l'œil sur l'affreux petit monstre. Malgré son air insipide, la Von Haareweiss l'appréciait dans la mesure où elle brisait la solitude de François qui ne voyait pour ainsi dire, presque personne.

Pendant qu'Anya continuait de tout ranger, Louise revint après une très brève excursion à l'extérieur, un pli à la main, adressé à la jeune femme. Anya fit la moue car n'attendant aucune lettre, pas même de sa sœur. Tranquillement elle s'installa, déplia la lettre et se mit à lire, limite avachie sur sa chaise comme une gamine de six ans.
La lecture achevée, un sourire se dessina au coin de ses lèvres, affichant sur son visage un air amusé mais qui ne laissait rien paraître du fond de sa pensée.

« - Qu'y a-t-il de si amusant dans cette lettre ? »

Anya fut tirée de sa rêverie passagère et manqua de se vautrer de sa chaise en entendant la voix de Louise.

« - D'amusant ? Euh...absolument rien. Juste...une connaissance de Bourgogne qui séjourne actuellement en Lorraine. »

La blonde ne jugea pas intéressant d'en rajouter plus dans la mesure où elle était elle même surprise par ce pli, si bien qu'elle alla le ramasser dans ses affaires en se promettant de la lire un peu plus tard.

[Une heure plus tard, ou début de la misère Von Haareweissienne]

Alors qu'elle était en train de rafistoler comme elle le pouvait une des nombreuses robes trouées de la garde robe de Melly, un objet volant non identifié vint se manger une fenêtre. Ou plutôt, vint traverser une fenêtre pour venir s'encastrer dans un placard. Après un clignement d'œil pour observer l'objet volant qui s'était avéré être une chouette, Anya s'approcha de l'oiseau et l'attrapa en découvrant un message.
Une chouette, deux possibilités sur son propriétaire.
Soit c'était celle de sa sœur qui lui annonçait avec une joie énorme qu'elle était de retour pour lui jouer un mauvais tour. Soit c'était sa mère auquel cas c'était plus étonnant, et en fin de compte, inquiétant.

La chouette posée sur la robe de Melly le temps qu'elle reprenne ses idées, Anya déplia la lettre qu'elle portait et commença à lire par la fin, histoire de voir qui en était l'auteur.

« Maman »

Humpf. C'était mauvais signe, trèèèèèès mauvais signe. Tellement mauvais signe que ça se voyait sur le visage de la borgne qui n'écoutait pas Louise qui était en train de lui demander ce qui se passait. L'œil d'Anya se reporta alors sur le haut de la lettre et s'arrêta sur « Ana ». Ana comme Anaïs, soit son vrai prénom avant qu'elle ne le change, par peur purement paranoïaque, en Anya Von Haareweiss. Si sa sœur s'était faite à ce nouveau nom, sa mère moins.
Le mariage ? Anya était au courant et s'en réjouissait d'avance, mais les premières lignes ne lui en apprenait guère plus. Jusqu'à cette phrase, Ô combien annonciatrice de grand malheur ou de problèmes en perspective.

« Par contre, je veux et j'exige que tu viennes accompagnée ! »

Bloquée sur cette phrase, Anya s'efforça néanmoins à lire la suite, jusqu'à la fin.
Ou comment rendre une blonde dépressive. Beh oui, Anya était un peu marrante de par son côté bizarre voire excentrique mais elle avait aussi un gros défaut. Si elle était plutôt jolie son visage était tronqué par un cache œil recouvrant une bille blanche entouré de petites cicatrice. Et les borgnes, même plutôt jolies en fin de compte, personne n'en voulait, et surtout pas les hommes. D'autant plus que le mot « accompagnée » sous entendait « fiancée » dans la tête de sa mère. Une chose impensable pour la pauvre blonde qui se souciait plus de savoir comment une belette vivait en hiver que de trouver un potentiel époux.

Passablement contrariée Anya chiffonna la lettre avant de la balancer sur la table. Les paroles de sa mère n'étaient pas écrites pour des prunes et ses menaces tout à fait sérieuses. Si Anya était parano elle était rarement peureuse, sauf face à sa mère.
Louise se demandant une fois de plus ce qui se passait, Anya lui expliqua en quelques mots la situation, mais surtout la galère dans laquelle elle se trouvait.

« - Grmpf...je ne vais jamais pouvoir trouver de fiancé d'ici février ! Aucun homme est à mon goût en Lorraine et je suis encore moins du goût de quiconque. »
« - Et hors Lorraine ? »
« - Pareil. A moins que... »

Quand Anya avait une idée en tête elle avait l'art de ne jamais finir ses phrases. Elle se dirigea alors vers la lettre reçue un peu plus tôt et qu'elle avait rangée précieusement avant de l'agiter sous le nez de Louise tel un trophée. La nourrice en revanche n'y comprenait rien et attendit des explications plus claires.

« - J'ai une idée. Une superbe idée. Je dois être fiancée pour le mariage de ma mère. Mais qu'est-ce qui m'empêche de ne plus être fiancée dès la fin du mariage ? Rien du tout ! Et il se trouve que quelqu'un venant tout juste d'arriver en Lorraine peut faire l'affaire. Non, il fera l'affaire, et parfaitement. »
« - Mais c'est mentir à votre mère ! »
« - Et alors ? Tu n'as jamais menti à ta mère peut être ? »
« - Si...mais ça ne... »
« - Bon bah alors ! Pas de soucis ! Bref, je file dès maintenant si je veux être à Toul avant la nuit. »
« - Mais vous n'y serez pas av... »
« - Mais siiii...un cheval ça va vite ! »

Sauf qu'elle n'avait pas de cheval et qu'elle était présentement habillée d'une longue robe verte. Mais non elle était déjà partie après avoir mis sa petite cape noire et avoir embrassé François.

[Toul – et avant la tombée de la nuit, attôtion ! ]

Exceptionnellement, elle avait réussi à monter sur un cheval, sans aide. Elle était peut être petite mais elle commençait à s'y faire. Mais surtout, elle avait fait parcourir au pauvre bourrin la route Verdun-Toul en un après-midi. Record de vitesse atteint et sans même se planter dans un fossé.

Une fois dans le cœur de Toul, Anya relut la lettre pour retenir le nom de l'auberge où le Volvent se trouvait. Au passage elle apprit que Toul était devenue Bourguignonne ce qui ne manqua pas de faire sourire la blonde qui s'imaginait le pauvre Bourguignon reclus dans sa chambre d'auberge à cause de ses « affaires de la plus haute importance ».

Puis l'Auberge du Petit Renard Gris apparut devant la Verdunoise. Avant de rentrer la jeune femme marqua un temps d'arrêt devant l'auberge en se demandant si elle ne faisait pas la boulette du siècle. Sa mère portait peu dans son cœur tout ce qui était d'origine noble et avait clairement indiqué le nom des Volvent dans sa lettre. Mais elle se faisait vieille la Nad et Anya se contrefichait bien du nom de famille des gens, surtout qu'Anya doutait que la famille de Volvent soit bien d'origine Lorraine (mais ce n'était pas réellement un détail de haute importance à ce moment là.). Et ce n'était pas la réaction de sa mère lorsqu'elle allait voir Anya arriver avec un Volvent à son mariage (après tout elle voulait qu'elle vienne accompagnée elle n'allait tout de même pas lui casser les pieds plus encore) qui l'inquiétait mais la réaction d'Orantes lorsqu'elle allait lui demander (ou plutôt le forcer) d'accepter son marché.

Elle entra néanmoins, tombant directement devant le comptoir et donc nez à nez avec l'aubergiste qui avait de toutes évidences très peu d'humour. A la question «Savez vous où se trouve messire Orantes de Volvent ?» elle n'eut pour réponse que :

« - Ça dépend, qui le demande ? »

Et là, pas le choix, pour obtenir ce qu'elle voulait elle devait mentir une deuxième fois. Son quota annuel de mensonge allait exploser à ce rythme et elle allait être bonne pour une confession auprès de sa frangine. Monde cruel.

« - Anya...de Volvent. Sa sœur. »

Mais n'importe quoi hein. Ça allait plus sa tête. « Sa sœur » ! C'était plus auprès de Melly qu'elle allait devoir se confesser, mais auprès de l'évêque de Metz !

« -Chambre 17. »

La lorraine le remercia d'un signe de tête et se mit en quête de la chambre 17. Mais où se trouvait la chambre 17 quand les nombres ne se suivaient pas ? Car oui passer de la chambre 2 à la chambre 11 c'est moyennement logique, vous en conviendrez. Ses recherches permirent par ailleurs à Anya de se jurer de ne jamais remettre les pieds dans cette auberge qui tombait en ruine. Pour être modeste, elle était modeste l'hostellerie.

Après avoir cherché dans tous les couloirs, tous les étages, la chambre 17, Anya découvrit une porte avec un 1 et un 7 qui pendouillait dangereusement dans le vide. Passablement agacée et pressée de régler cette histoire d'accompagnateur de mariage, Anya ouvrit la porte d'un coup si bien que la pauvre se retrouva avec la poignée dans la main tandis que la porte agonisait appuyée contre le mur, seulement retenue par un gond bien malade.

« - Oups...la porte. »

Ou comment faire une entrée fracassante et être bonne pour une confession avec au moins l'archevêque de Trèves en raison de son incivisme envers les portes et son manque de politesse face à Orantes. Restait plus qu'à espérer que la situation n'empire pas pour qu'elle n'ait pas à se confesser auprès du Primat du SRING.
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Orantes

Oui, Oui , Oui ne vous en déplaise chers lecteurs le jeune Volvent vaquait à « des affaires de la plus haute importance » lorsque la borgne opéra un débarquement fracassant dans la chambrette de cette petit auberge touloise. Assurément le comptage méticuleux des individus que constituaient la petite colonie de fourmis rouges qui s'échappaient d'une crevasse au plafond n'était point chose facile et Orantes était embesogné comme jamais !
Cent quatre-vingt tout rond, voilà où en était son inventaire qui, certes ne bouleverserait pas l'avenir de La Lorraine, mais avait le mérite d'occuper le jeune homme, lorsqu'Anya déboula bruyamment, l'œil en vrille et une poignée de porte dans la main droite. Décidément nos deux héros étaient amenés à toujours se voir dans des circonstances des plus incommodes. Après la bûche bien givrée du triste sire, le bousillage en règle des murs de la petite auberge, qu'allaient-il nous réserver ?

Mais la surprise, même si fort sonore, de voir poindre l'œil de la Lorraine ne fut pas pour déplaire au jeune Volvent qui, après un tressautement sur sa paillasse crasseuse, comprit que sa missive était arrivée finalement à bon port. Elle n'avait pas perdu de temps à le rejoindre, pensa-t-il aussitôt en apercevant sa petite silhouette se dessiner sur le seuil. La borgne en pincerait-elle aussi pour le bourguignon ? Bien loin de se douter des raisons véritables de sa venue, il alla l'accueillir, sourire enjôleur aux lèvres.

Anya !!! Quelle heureuse surprise ! Enfin je parle pour moi bien sûr car il y a fort à parier que si cette pauvre porte était douée de paroles, ce n'est pas avec allégresse qu'elle vous accueillerait !

Orantes laissa échapper un gloussement moqueur tout en saisissant la poignée de la main de la lorraine afin de pouvoir s'appliquer dans un baise-main magistral.

Vraiment très heureux de vous voir si promptement céans. Mais, je vous en prie, entrez donc un peu plus. Le confort de la pièce est fort modeste mais nous trouverons bien une chaise pour que vous puissiez vous reposer après votre longue cavalcade.
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Anya.

Finalement ils avaient tous les deux l'air bête. Elle, avec sa poignée dans la main, ses boucles blondes planquées sous la grosse capuche de sa cape qui la faisait passer pour un lutin (encore plus quand on sait qu'Anya c'est un mètre dix les bras levés) et lui en train de regarder son beau plafond (roi des aubeeeerges...hem...oui pardon). Sur le coup Anya plissa l'œil en se demandant si elle ne s'était pas trompée de chambre. Orantes avait tout de même plus de classe quand il se ramassait dans la neige que quand il comptait les fourmis. Mais si, c'était bien lui.

Alors c'était donc ça « les affaires de la plus haute importance » ? La blonde fit une moue dubitative. Généralement quand elle avait des affaires de la plus haute importance, c'est à dire jamais, elle n'occupait pas son temps à regarder en l'air. De la méditation ? Peut être, mais venir jusqu'à Toul pour méditer c'était plutôt saugrenu.

Mais la palme de la honte revenait tout de même à Anya qui n'avait plus rien dit depuis qu'elle avait maltraité la porte, se contentant de fixer Orantes comme une débile. Comme si dire bonjour était quelque chose de difficile. Bon, pour les timides je le conçois parfaitement, mais Anya n'était pas ce qu'on trouvait de plus réservé. Mais non, rien. Error 404. Pas de réponse. La Von Haareweiss avait bien envie de dire quelque chose, mais quoi ? « Pardon je suis une bourrine, je viens de détruire votre porte, mais ne m'en voulez pas je viens pour me servir de vous» Ça n'allait pas marcher des masses non plus comme réponse.

La poignée toujours dans la main elle n'avait pas bronché, se contentant de regarder Orantes venir la saluer. C'était stupide d'un autre côté, elle savait qui elle allait voir, pourquoi se sentait-elle si surprise soudainement ? Et surtout, si gênée par ce qu'elle s'apprêtait à faire alors qu'en cherchant la chambre elle n'avait qu'une envie : régler tout ça franchement et repartir comme elle était venue. Faire l'ingrate quoi. Mais maintenant une chose était sure, Anya n'avait aucun avenir dans la manipulation.

Bon...elle allait quand même se décider à parler cette andouille ? On va pas y passer la nuit quand même, pas que ça à faire...

La borgne s'apprêtait à retirer sa capuche avant de saluer Orantes (enfiiiiiin) quand ce dernier lui prit la poignée de la main (maieuh voleur) avant de prouver une fois de plus sa politesse extrême par un baise-main. Et bam. Re-blocage. Il allait lui permettre d'en placer une un jour ? C'était elle qui devait prendre le dessus, elle qui devait être autoritaire pour le forcer à jouer la comédie en février lors d'un mariage qui promettait d'être bizarroïde au possible.

Et puis finalement, un sourire. Pourquoi tout à coup un sourire ? Aucune idée, mais le fonctionnement de la tête d'Anya était aléatoire et trop obscur pour qu'on puisse développer une étude du comportement Von Haareweissien aujourd'hui.
Acceptant d'aller s'assoir elle regarda d'un air un peu peiné la porte et ne put s'empêcher une pointe d'humour.

« - S'il n'y a pas de chaise il y a toujours la porte, suffit de la démonter, elle agonise. »

Si la production avait les moyens, on aurait pu mettre un jingle « blague moisie » après cette phrase plein d'esprit d'Anya, mais on n'a justement pas les moyens.

« - Vous allez bien ? »

Oui Anya était gênée. Et même si elle tentait de le dissimuler en ne regardant plus le bourguignon et en retirant sa cape, on sentait dans sa question une touche de « Je meuble comme je peux avant d'annoncer la douloureuse. »

« - J'espère que vous avez fait bon voyage. Et que vos affaires à Toul se passent bien... »

Le regard se baladait dans toute la pièce cherchant toujours à éviter celui d'Orantes. Anya entrecoupait ses phrases de petits silences et sentait ses mains devenir moites. La poisse, qu'est-ce qu'elle était obligée de faire pour contenter sa mère. Puis Anya enchaina rapidement

« - J'ai besoin que vous me rendiez un service... »

Regard toujours plongé dans le vide et mains serrées entre elles pour cacher son appréhension même si de toute évidences c'était absolument râpé. Pourquoi la théorie est toujours plus simple que la pratique ?
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Orantes

« - Vous allez bien ? »

« - J'espère que vous avez fait bon voyage. Et que vos affaires à Toul se passent bien... »

Les propos d’Anya semblaient automatiques et Orantes fut désarçonné par le manque d’entrain que la jeune femme montrait à le revoir. Elle avait l’air préoccupé, ses légers sourires étaient comme coincés sur ses lèvres figées, ses mains blanches et délicates se faisaient noueuses. Le bourguignon n’arrivait pas non plus à capter son regard, le seul œil de la dame parcourrait la pièce sans jamais s’arrêter réellement sur lui, il ressemblait à une bille tapant sur chaque mur de la chambrette. Le Volvent ne comprenait pas cette lourde gêne soudaine d’une damoiselle qu’il avait crue plutôt vive et désinvolte. Il aurait aimé que embarras soit uniquement causé par la timidité de la lorraine mais quelque chose lui-disait que cela ne lui ressemblait guère et que tout autre en était le réel motif.

« - J'ai besoin que vous me rendiez un service... »

L’ultime intervention de la borgne soulagea presqu’Orantes. Il s’agissait donc de cela…Le tour gauche qu’avait pris leur nouvelle entrevue s’expliquait enfin.

Un service ?! Voyez-vous cela. Et bien je suis tout ouï Chère Anya. J’avoue que vous aiguisez ma curiosité et si quérir cette faveur ou ce service comme vous dites, vous permets de vous apaiser un tant soit peu, Faites, je vous en prie.

Et le cosnois de lui faire un clin d’œil comme pour lui dire : « du calme ma vieille, nous sommes presqu’entre amis maintenant ».

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Anya.

Mouahahah. Le pauvre. S'il savait.
Anya n'avait pas douté qu'Orantes allait être de bonne volonté lorsqu'elle allait amener la conversation sur le sujet sensible. De bonne volonté jusqu'à ce qu'il apprenne la vraie raison de sa venue. Ce qui angoissa encore un peu plus la Von Haareweiss qui n'avait pas tellement envie de se brouiller avec lui, car même si elle le connaissait très peu en fin de compte, elle l'appréciait. Ce qui semblait être réciproque.

Comment faire alors ? Tout annoncer d'une traite avec autorité ? Se la jouer adorable en clignant de l'œil comme une biche ? Faire la désespérée pour attirer la pitié et espérer obtenir une réponse positive directement ? Ou être normale et improviser comme elle en avait l'habitude.
Anya opta pour cette dernière proposition, en se disant qu'elle pouvait toujours tenter de se rattraper avec les premières, même s'il était plus probable qu'elle se plante encore un peu plus.

La blonde s'assit à côté d'où se tenait Orantes. Son regard était encore perdu dans le vague mais sa voix était un peu plus vivante.

« - Ma mère se remarie en février et j'aimerais que vous m'accompagniez. »

Bon, ça c'était la partie la moins délicate, et encore, Anya n'osait toujours pas regarder Orantes de peur d'y voir un grand sourire. Et le voir ravi et aussi plein de dévouement avant de même savoir ce qui allait lui tomber dessus allait une nouvelle fois la bloquer.

« - Mais il faudrait que vous vous passiez pour mon fiancé. Juste ce jour là... »

Et voilà c'était dit. Si certains n'auraient pas été gênés le moins du monde de demander ce service ou même d'accepter de jouer la comédie, Anya s'en voulait un peu de demander ça à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, surtout à Orantes.
Anxieuse, Anya se mit frénétiquement à jouer avec les plis de sa robe en attendant une réponse qu'elle espérait rapide. Et tant pis pour la dignité, de toute façon elle était déjà bien abîmée.
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Orantes

Anya avait l’air encore hésitante malgré le clin d’œil appuyé d’Orantes qu’elle ne sembla même pas remarquer. Cette indécision aiguisait de plus en plus la curiosité du bourguignon qui commençait à brûler d’impatience d’entendre le fin mot de l’histoire. S’asseyant à ses côtés, Anya se lança enfin pour le plus grand contentement du jeune Volvent.

« - Ma mère se remarie en février et j'aimerais que vous m'accompagniez. »

Le sang qui parvenait jusqu’aux tempes d’Orantes bouillonna d’un seul coup et ses joues prirent la couleur du coquelicot comme celle d’une jouvencelle de l’année. Il comprenait mieux maintenant les tergiversations de la Von Haareweiss, la damoiselle aussi devait sentir naître quelques sentiments à son égard pour lui faire une telle proposition et leur éclosion troublaient, semble-t-il, la jeune femme. Orantes esquissa un léger sourire avant que la borgne lui eut asséné son dernier coup de semonce sans que le cosnois n’y eut pris gare.

« - Mais il faudrait que vous vous passiez pour mon fiancé. Juste ce jour là... »

Qu’est ce que cela pouvait signifier ? Que voulait dire Anya ? Pourquoi lui ? Et surtout pourquoi vouloir qu’il se fasse passer pour son fiancé si elle avait réellement quelques égards pour lui ? Orantes sombra subito dans le désarroi. La jeune femme n’avait-elle donc pas compris que s’il s’était rendu jusqu’en Lorraine c’était pour la voir elle ? Qu’aucune autre affaire hors mis celle de la revoir à nouveau ne l’avait conduit dans cette auberge sordide ? Le fait même qu’Anya puisse lui proposer pareil chose montrait à quel point elle ne tenait guère à lui. Pour Orantes, la jeune borgne faisait même preuve là d’une certaine cruauté ou alors elle était complètement folle, ce qui était fort possible. Pour autant, le Volvent vécut comme un véritable camouflet la supercherie que lui proposait d’endosser la lorraine et l’orgueil légendaire du Renart ne tarda pas à ressurgir au galop. Redressant la tête, il s’adressa sèchement à Anya.

C’est donc pour cela que vous êtes venue jusqu’à Toul…J’avoue être un peu perplexe. Pourquoi me proposer une telle tromperie ? Je ne connais point votre mère mais cela ne me semble pas convenable de vouloir la duper le jour de ses noces. Et pourquoi moi d’ailleurs ? N’avez-vous pas un ami cher qui pourrait revêtir les atours du parfait fiancé ?

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Anya.

« Et meeeeeerde... »
Telle était l'exacte pensée d'Anya en entendant la réponse d'Orantes. Tout ce qu'elle ne voulait pas mais pourtant, tout ce qu'elle était sure d'entendre. Le ton sec de la réponse chagrina un peu la blonde qui toujours honteuse ne regardait pas le Volvent, fixant les planches du sol. Étrangement la réflexion d'Orantes lui serrait le cœur et lui comprimait la poitrine à un tel point qu'elle ne comprenait pas ce qui se passait. Avait-elle quelques sentiments pour lui alors que de toute sa vie elle ne l'avait vu que quelques heures en tout ? A cet instant Anya doutait, mais elle ne pouvait se permettre de méditer sur la question pour le moment, devant absolument le convaincre et ce par n'importe quel moyen.

Il fallait donc passer au plan SECF. SECF ? Oui SECF, soit « Supplication, Explication, Chantage, Faux délaissement ». Tout un programme auquel la borgne avait pensé en venant à Toul.

Activation de la phase un : La Supplication.
Frénétiquement elle prit ses mains pour mieux appuyer sa demande et le regarda en clignant de l'œil histoire de se donner un air mignon. Le résultat était peu probant mais qu'importe

« - S'il vous plaiiiiiit. Juste quelques heures...des petites heures. On n'est même pas obligés d'arriver ensemble, ni même de repartir ensemble. Vous comprenez ? »

Ah bah ça...oui il pouvait comprendre, quant à être convaincu, il y avait de la marge. Si elle voulait réussir à obtenir un « oui » elle pouvait toujours courir. Consciente que chouiner ne servirait à rien, Anya reprit le peu de dignité qu'il lui restait (oui parce qu'elle en avait pris un coup ladite dignité) et tenant toujours les mains du Bourguignon, passa à la phase deux.

Les explications.

Anya savait l'épreuve délicate car ses raisons de mentir étaient plus ou moins bien fondées. Pour la Von Haareweiss c'était nécessaire, mais pour Orantes ? Qu'avait-il à gagner à accepter de jouer la comédie pour elle ?

« - Ma mère m'a expressément demandé de venir accompagnée, mais elle désespère de me voir mariée un jour, au même titre que ma sœur, ce qui sous entend que je dois venir non seulement accompagnée, mais fiancée.»

Pause. Le temps de lui faire enregistrer le pourquoi du comment et de trouver les bons mots pour lui faire comprendre qu'elle faisait certes sa demande par défaut, mais pas seulement.

« - Je ne trouverai personne d'ici là. Je dis bien personne. Ce qui me force à lui mentir. Ça ne me plait absolument pas mais je n'ai pas le choix. Et non je n'ai pas d'ami cher à qui proposer cela. J'ai des ami-IES, mais pas d'amis-IS. Ou alors généralement ils sont les époux des premières. »

Est-ce qu'elle s'enfonçait ? Est-ce qu'il allait encore mal le prendre ? Anya n'en savait rien du tout et jouait à l'équilibriste. Au moins, elle disait la vérité. La jeune femme s'apprêtait à poursuivre son explication, mais le trouble qui l'avait prise un peu plus tôt revint. Néanmoins, au lieu de la bloquer une fois de plus, ce trouble avait soudain eu le don de l'aider et d'être encore plus franche.

«- Si je vous ai demandé ça c'est parce que vous êtes la seule personne à qui j'ai pensé. Ce n'était pas dans le but de vous blesser ou de vous porter préjudice. Pas du tout même, j'aurais très bien pu prendre le premier clampin qui passait dans les rues de Verdun en me disant qu'il allait faire l'affaire, mais non. Vous êtes quelqu'un d'aimable, d'élégant -vous avez surement d'autres qualités mais je ne vous connais pas assez- et c'est pour ça que je vous le demande. Je ne connais personne d'autre que vous mais vous êtes quelques de plaisant, si ça n'avait pas été le cas je me serais contentée de rester chez moi en me disant que ce mariage je le passerais en Lorraine en me saoulant de liqueur de mirabelle. Vous voyez ? »

Le message avait le mérite d'être clair. Et au fond, il avait permis à Anya de s'éclairer, de se rendre compte que même sans se couvrir de mensonge elle appréciait être en sa compagnie et aussi, de s'avouer qu'il lui plaisait vraiment. Mais ça, elle ne voulait pas tellement le dire clairement, pas à cet instant du moins, il lui restait deux phases à son plan.

La troisième, était courte et franche. Le chantage.
Ne voulant pas l'endormir sous un flot de paroles bien gentilles, convenues voire nunuches, Anya reprit un ton plus vivant voire railleur tout en lâchant les mains d'Orantes.

« - De toute façon si vous n'avez pas envie de venir avec moi, je vous force à aller avec ma sœur qui est dans le même cas que moi. La différence est qu'elle est plus épaisse et qu'elle a ses deux yeux, elle. Par contre je vous souhaite bien du courage car elle est encore plus insupportable aussi. »

Et vlan. S'il ne s'en rendait pas encore compte il risquait un véritable moment de souffrance et la menace n'était pas lancée en l'air. Anya avait l'art de savoir se venger, et quand elle se vengeait, elle faisait ça bien.

La dernière phase était alors enclenchée. Le Faux délaissement. Phase où tout se jouait, phase où elle pouvait gagner, comme perdre.

Lentement elle se leva, sans même regarder Orantes, et se dirigea vers sa cape qu'elle avait déposé auparavant. Un lourd silence s'était posé sur la chambre. Anya remit sa cape tout en regardant fixement Orantes. Elle n'avait pas envie de partir, mais il le fallait, du moins tenter pour voir s'il allait la rattraper et lui dire qu'il acceptait. La blonde espérait qu'il accepte, mais ce n'était même plus pour jouer ou mentir.

«- Je suis désolée de vous avoir dérangé, de toute manière il est temps pour moi de rentrer, il fait déjà noir. »

Elle avait fini de nouer sa cape. Lentement elle se retourna en direction de la porte. Punaiiiise...elle était proche cette porte ! Elle était pas si près avant, nan ? Quelques pas et elle était partie, sortie, et adieu Orantes de Volvent, et peut être pour toujours. Et s'il ne la rattrapait pas parce qu'il pensait qu'elle reviendrait ? Celle qui ressemblait à une poupée en porcelaine avait compris en scrutant la chambre et en voyant que celle ci était trop bien rangée, alors qu'elle était censée héberger quelqu'un ayant d'urgentes affaires, que l'hôte bourguignon avait de toutes évidences menti lui aussi. Et qu'est-ce qui pouvait le faire venir en Lorraine mais surtout, lui faire écrire à Anya ? Un sourire se dessina sur le visage de la petite lorraine tandis qu'elle regardait toujours la porte. Tout s'expliquait.

Alors elle se retourna. Punaiiiise ! Il était si loin d'elle maintenant ! Il n'était pas si loin avant, nan ? Traverser cette chambre revenait presque à se rendre en Bretagne depuis la Lorraine. Fallait le faire, elle le devait. Le convaincre une bonne fois pour toute, même si c'était peut être aller trop loin. Quitte à se taper la honte et à se faire jeter, autant le faire jusqu'au bout.

Anya se rapprocha donc, avançant lentement mais surement, peut être même un peu trop lentement à son goût. Mais si elle y allait en courant elle risquait soit de tomber bêtement, soit d'avoir l'air stupide tout court et ce n'était pas l'effet recherché (d'ailleurs elle ne recherchait aucun effet, c'était façon de parler).
Une fois près de lui, elle se baissa un peu, juste assez pour être au niveau de sa tête, et déposa un court baiser sur ses lèvres tandis qu'une de ses mèches blondes chatouillait sa joue.

Oui, elle avait osé. Chose impensable avant de venir à Toul. Chose impensable en dégommant la porte en arrivant. Chose impensable avant leur discussion. Mais elle avait osé. Pour lui avouer ce qu'elle n'osait pas s'avouer à elle-même ? Pour voir sa réaction et savoir si elle ne s'était pas trompée sur la nature de sa présence en Lorraine ? Ou pour achever de le convaincre ? Très probablement tout cela à la fois, la dernière proposition n'étant finalement qu'un prétexte pour elle.

En se relevant elle lui adressa un sourire et lança gênée, encore et toujours.

« - Je ne sais pas manipuler les gens. Mais au moins vous pouvez voir que jouer mon fiancé n'est peut être pas un rôle ingrat.»

Elle racontait encore n'importe quoi, et se couvrait encore de ridicule.
Où est-ce qu'on peut prendre rendez vous avec le pape ? Y a une blonde qui a beaucoup à dire !
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Orantes

Orantes assistait médusé à la grande scène du 2 . Il faut dire que la lorraine était une actrice hors pair et depuis son arrivée dans cette chambrette sordide, elle avait joué avec brio tour à tour ( et sans changement de costume ) la petite fille geignarde, la grue effrontée et le brigand patibulaire voire menaçant. C'est en silence que le jeune bourguignon contemplait ce déploiement d'art dramatique digne des plus grands saltimbanques. Intérieurement, les différents actes de cette farce le faisaient beaucoup rire, et allaient même jusqu'à l'attendrir, mais il tâcha de ne rien en montrait à Anya. Pour sûr, il savait se montrer impavide quand il le fallait.

Mais soudain la comédienne sembla vouloir quitter la scène ! Enfilage de cap, nouage de lacet qui dure plus qu'il n'est raisonnable et petit pas vers la porte de la chambre. Orantes se mit alors à douter mais pas bien longtemps, il faut le reconnaître, car la Von Haareweiss avait déjà fait demi-tour. Une volte-face imprévisible, mais n'était-ce pas ce qui la caractérisait... Et là, un baiser ! Les tempes du Volvent se mirent à gonfler et son cœur à battre la chamade. La borgne lui assena le coup de grâce et le Renart venait de perdre toute résistance. Quelle diablesse ! Quelle artiste ! Le bourguignon, qui venait d'avoir un avant-goût du paradis céda donc :

Soit Anya, je consens à vous rendre ce service.
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Anya.

Un petit sourire. Puis un peu plus grand. Puis finalement énooooorme sourire.
Avant de sauter de joie et d'entourer le cou d'Orantes de ses bras pour le remercier, comme si on venait de lui dire qu'on lui offrait un gigantesque champ où faire pousser plein de plantes, comme si on lui disait que son fils était le plus grand génie de la terre, enfin, comme si on venait de lui sauver la vie.

Et on venait de lui sauver la vie.

« - Aaaaaah ! Merci merci merci ! Vous me sauvez la vie ! »

Le Bourguignon ne s'en rendait peut être pas encore compte, mais il venait de faire la Bonne Action de la journée, voire de la semaine, ou du mois, ou encore de l'année.
En attendant Anya relâcha son étreinte spontanée et reprit une attitude un peu plus décente.

« - Je vous promet que je vous revaudrai ça. Sincèrement. Et je vous promets aussi que je ne vous ferai pas honte. »

La blonde était heureuse. Supra heureuse. Sa mère n'allait pas la coller avec un guss sortit de nulle part et la condamner à se marier avec. Non non...elle avait trouvé la parade même si, d'un autre côté, cette parade avait du fortement décevoir Orantes. Mais s'il avait fini par accepter peut être ne lui en voulait-il pas, ou alors très peu. Et quand bien même il lui en voulait, Anya savait maintenant qu'elle pouvait le convaincre. La question étant juste de savoir comment elle avait réussi à le convaincre. Sa petite comédie de bas étages ? Son court baiser, acte certes ambitieux mais pas si dénué de sens que ça ? Ou tout en même temps ? Sa prochaine mission allait être de le découvrir.

« - Si jamais il y a quelque chose que je puisse faire pour me faire pardonner pour cette demande...bizarre... »

Elle avait quand même un peu honte avec le recul. Surtout qu'Orantes semblait ultra bien élevé, son attitude avait pu le choquer. Mais maintenant qu'il avait accepté, et que la scène avait été assez embarrassante comme cela, la Von Haareweiss ne jugea pas très bon d'en rajouter une couche à ce sujet. Ce qui l'intriguait pour le coup c'était de savoir ce que fichait le Renart en Lorraine. Le coup du « je-viens-pour-affaires-urgentes » n'était plus du tout crédible après réflexion. Quand on a des affaires urgentes on ne regarde son plafond.

« - Maieuh..en fait. Vos affaires urgentes ? Elles portaient un nom ? Un nom de code ? Ou une abréviation peut être...genre...AVH ? »

Quand je vous dis que cette fille est tordue, je ne mens pas. Une approche moche, tout comme son jeu d'actrice, d'autant plus qu'elle savait très bien où elle voulait en venir. Il allait cracher le morceau, pas le choix.

« - C'est drôle vous savez. Vous venez en Lorraine, vous dites que vous êtes là pour affaires urgentes et c'est à moi que vous écrivez. Et puis je viens là et je vous vois en train de vous affairer à ne rien faire. Vous êtes étrange, on vous l'a déjà dit ? »

...Disait la créature la plus bizarre de Lorraine. Ou quand l'hôpital se fout de la charité en gros.
L'œil se faisait inquisiteur, et le sourire se dessinait en coin. Le pauvre allait devoir se forger une défense de fer.

« - C'est peut être mal de mentir à ma mère, mais c'est pas mieux de me mentir à moi... »

Grand sourire et œil de biche. Elle était peut être borgne et avait un temps de réaction parfois équivalent à celui d'un escargot à l'agonie, mais quand même. On ne la lui faisait pas à elle. Anya le taquinait mais après tout elle avait du se ridiculiser pour obtenir une réponse positive, on pouvait donc considérer l'allusion comme une petite vengeance pourtant toute innocente et surtout pleine d'affection.
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Orantes

Les cris de joie de Anya résonnaient dans la chambrette de l’auberge touloise et Orantes était tout à son enchantement de voir sa réponse satisfaire si grandement la jeune femme. Si son numéro de saltimbanque pour lui arracher un oui avait amusé le bourguignon, l’extrême gaité dont faisait preuve la borgne achevait de le séduire complètement. Quel étrange petit bout de bonne femme tout de même ! Sous des dehors si fragiles, elle semblait parvenir à tous les coups à ses fins. Cette détermination et cette vulnérabilité apparente étaient venues à bout de l’orgueil du Renart. Ce n’était pas rien mais la lorraine l’ignorait encore ou du moins faisait mine de ne pas s’en rendre compte.

Après l’euphorie vint la gêne. La Von Haareweiss avait-elle du remord ? Regrettait-elle déjà le baiser qu’elle avait donné au Volvent ?

« - Si jamais il y a quelque chose que je puisse faire pour me faire pardonner pour cette demande...bizarre... »

Rien Anya ! Vous n’avez rien à vous faire pardonner. Votre requête, pour inhabituelle qu’elle soit, ne mérite aucune excuse de votre part et encore moins une absolution de ma personne. J’accepte de vous suivre à ces noces et de jouer le rôle du bien-aimé car vous semblez sincère dans votre supplication. Il m’est seulement agréable de vous contenter, simplement cela…

Orantes s’interrompit de peur de se dévoiler un peu plus aux yeux de la jeune femme. Il avait suffisamment baissé la garde pour ce jour et ne compter guère faire plus. Apparemment ce fut sans compter avec l’obstination de la jeune femme. Voilà qu’elle commençait à fourrer son nez dans les raisons exactes de sa venue en Lorraine.

Orantes leva aussitôt la garde ( oui le vocabulaire pour le moins guerrier semble convenir lorsqu’on a à faire à une telle furie ) et les allégations tendancieuses de la borgne, même si tout à fait exactes sur le fond, ne lui plaisaient pas. Que voulait-elle au juste !? N’avait-elle pas obtenu ce qu’elle était venu chercher céans dans cette hostellerie de Toul ? Pourquoi les femmes ont-elles l’affreuse habitude de toujours vouloir plus même lorsqu’elles ont eu gain de cause ? Fâcheuse manie féminine à laquelle Orantes n’avait pas envie de céder, du moins pas cette fois encore. La Von Haareweiss avait certes démasqué ces intentions mais le bourguignon ne capitulerait pas. Chaque chose en son temps, on ne peut pas gagner toutes les batailles en un jour.

Aucun nom de code, pas plus que de mensonge, Anya. Je suis en fait venu en Lorraine, comme je vous l’ai indiqué dans ma dernière missive, pour affaire. Si je ne vous en ai pas dit plus long sur leur teneur, c’était pour vous épargner l’ennui, que je sais fort répandu dans la gente féminine, pour ce qui touche au commerce. En fait, je suis en mission pour le Grand Duché d’Occident afin de trouver céans une cargaison de .. euh...choux …euh oui parfaitement ...je suis venu pour chercher des choux… - Lamentable ! Le pauvre Orantes avait manqué d’inspiration mais, ne pouvant faire marche arrière, tenta de se dépêtrer de cette excuse ridicule. – Oui enfin une variété très particulière de choux, des choux ayant des vertus médicinales à ce qu’on a pu m’en dire…

Orantes qui s’était juré de ne pas battre en retraite devant Anya planta ( à la mode de chez nous ) son regard dans celui d’Anya afin de voir si la greffe avait pris.
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Anya.

Des choux ? La Lorraine possédait un tel trésor et personne ne lui a rien dit ? Des choux aux vertus médicinales ? Mais c'est quoi cette arnaque ? Ce genre d'information devait forcément tomber dans l'oreille de la borgne, comment pouvait-on le savoir hors de Lorraine et pas à Verdun ?

Anya était sceptique. Quelque chose clochait. Mais quoi ? L'empressement qu'eut Orantes pour répondre à sa proposition de « dédommagement » associée à ce qu'il disait être la vraie raison de sa présence en Lorraine, lui paraissait être un étrange mélange. Comment faire donc ? Mettre en doute sa bonne foi quand bien même elle pourrait être un chtit peu fausse ? Ou faire comme si de rien n'était pour mieux revenir à la charge plus tard pour avoir la vérité, la vraie de vraie. C'était une fille après tout, la curiosité restait toujours très forte et on ne pouvait pas lui en vouloir au risque d'être terriblement injuste.

Soit. La blonde choisit la seconde option. Déjà parce que stratégiquement parlant c'était plus intéressant mais aussi parce qu'Orantes n'allait probablement pas lui répondre avec franchise, du moins pas tout de suite. Stratégiquement intéressant parce que si jamais le Bourguignon lui avait réellement dit la vérité elle ne se tapait pas la honte pour la énième fois, mais cela lui permettait surtout de reprendre l'avantage qu'elle avait soudainement perdu. Faire croire au Volvent qu'elle ne cherchait pas à en savoir plus avant de reposer ses questions bien plus tard, au moment où il s'y attendrait le moins. Et les quelques failles qu'avait montré Orantes ne pouvait qu'encourager Anya dans cette voie pour parvenir à ses fins, la vilaine. (Vous n'avez rien compris ? Le narrateur non plus)

« - Oh ? Des choux ? Vous venez exprès de Bourgogne pour des choux ? Ça doit vraiment vous être utile pour que ça vous intéresse tant là-bas. Vous me donnerez le nom de cette variété ? Nan parce que moi j'en ai jamais entendu parler donc vous vous doutez que ça risque de m'intéresser... »

Néanmoins, l'apprentie herboriste ne pouvait pas s'empêcher de lui mettre la pression. C'était plus fort qu'elle et à vrai dire elle finissait par trouver ça presque drôle. A croire qu'elle voulait vraiment avoir le dernier mot juste pour l'embêter.

« - Bon...il serait peut être temps que je rentre, il fait encore plus noir. Et puis vous avez surement d'autres choses à faire... »

La Von Haareweiss se leva doucement et fit un ou deux pas avant de se retourner vers Orantes et de lui adresser un sourire. La jeune femme était toujours aussi contente de savoir qu'elle avait trouvé quelqu'un avec qui aller au mariage et le montrait. Puis elle se dirigea vers la porte, presque à contrecœur. Elle aurait aimé rester, parler avec lui parce qu'en fin de compte elle connaissait très peu de choses à son sujet. Mais il était plus que temps de mettre les voiles.
Arrivée auprès de la porte toujours en vrac depuis son arrivée tonitruante, la lorraine s'appuya sur l'encadrement de ce qui restait de la fameuse porte et lança à Orantes.

« - Si vous avez un peu de temps entre vos affaires...urgentes, passez à Verdun. François n'arrête pas de demander quand il reverra le-monsieur-qui-donne-des-canards. »

C'est fou comment elle avait à se forcer pour quitter les lieux. Mais sa volonté allait vaincre.

« - Je vais...demander à l'aubergiste de faire quelque chose pour votre...euh...votre porte, ou ce qu'il en reste. Je suis désolée de l'avoir cassée...j'ai...pas fait exprès. »

Bon et si elle partait ? Nan parce que les au revoir toussa toussa ça trainait et au final elle était toujours là. Et puis elle avait déjà faussement capitulé devant le Bourguignon en n'insistant pas plus, elle n'allait pas en rajouter une couche en lui montrant beaucoup trop d'attention. Elle s'était certes décidée à quitter la place, mais elle n'avait pas dit son dernier mot (Jean-Pierre)
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Puisque le hasard m’a poussé jusqu’ici

Orantes

Citation:

Nadkiroul, incarné par Anya.

Citation:

Anya.

Orantes

Anya.

Orantes

Anya.

Orantes

Anya.

Orantes

Anya.

Orantes

Anya.

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