--Tomasu
Cours délicate demoiselle, cours. Cours avant qu'il ne soit trop tard. Sauve-toi avant qu'il ne t'attrape. Crois moi, tu ne le regretteras pas. Dépèche toi, tu y es presque, tu sais que tu peux y arriver. Tu te dois d'y arriver.
Mais qu'est-ce que tu as encore fait pour en arriver là ? Tu as volé une fois de trop, dérobé quelque chose de trop précieux cette fois. De trop délicat pour toi. Tu sais que si tu t'en sors, tu seras torturée par les remords. Mais s'il t'attrape, ce sera par les regrets. Tu regretteras de n'avoir couru assez vite. Mais toi, qui te pleurera ? Allez, dépèche toi !
Tu te prêtais à ce jeu avec une roublardise et une intelligence remarquables. Rusée comme le renard, adroite comme le singe. Mais pour toi ce n'était pas qu'un simple passe-temps, il était question de survie là dedans. Tu chapardais avec une pointe de raillerie, tu dégustais et puis tu recommençais. Juste de quoi tu avais besoin, cela va soi. Et tu leur échappais si bien, à tous ces cossus, comme l'eau qui glisse entre les doigts, impossible à saisir. Sauvage, libre.
Mais cette fois, ça ne s'est pas passé comme ça.
La sueur luit sur ton front, tes mains sont moites. L'angoisse se lit sur ton visage d'habitude si joli. Les passants ahuris se poussent sur ton passage, tu essayes de courir droit devant toi. Tes jambes tremblent, le rythme de ton souffle s'accélère. Et tu serres dans tes bras le bien si longtemps miroité. Tu le voulais, il t'appartient à présent. L'idée qu'on te le reprenne te lève le coeur.
Il sera à toi ou à personne.
Les pas se rapprochent derrière toi. Ton poursuivant hurle à la mort, il vient de te maudire une troisième fois. Tu n'as plus peur de ses malédictions, mais tu crains ses coups. Tu le sais armé, tu le sais puissant, tu le devines impassible. Tu ne veux pas souffrir, tu ne veux pas mourir.
Tes longs cheveux noirs collent sur ta peau, tu fatigues. Lui pas.
Tu ne sais pas encore que tu es perdue, alors tu fermes les yeux et tu continues. Mais rassure-toi petite fleur, il t'aura. Tu cours depuis trop longtemps, tes muscles te font souffrir. Ne leur en veux pas, c'est toi qui les a sollicité. Tu ne sens plus tes jambes. Mais ce que tu as volé il ne l'aura pas, non non !
Là-bas une rivière traverse la ville, tu l'entends. Son ruissellement se fait de plus en plus fort, tu y es presque. Tu y jettera la parure dont tu n'as même pas deviné la valeur tant elle est grande, petite sotte.
Le volé te poursuit toujours, seul, enragé.
Tu es arrivée au cours d'eau et tu te laisses tomber au sol, épuisée. Ton regard malicieux se pose une derrière fois sur le collier que tu jettes d'un geste rapide dans le ruisseau. Le courant est fort et tu sais bien que celui qui te pourchasse ne le retrouvera pas. Un léger sourire s'affiche sur ton beau visage. Mais tu es vaincue Tomasu, tu as perdu la partie ! A la place, il mettra plutôt la main sur toi.
Pauvre petite sauvageonne.
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