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[RP] Non, c'est non !

Blanche_
Aimbauuud !
C'est une voix pure et douce qui résonne dans les couloirs du château. Qu'elle est belle, la noblesse bretonne, à brailler des noms en terres bourguignonnes...

Ma chère ? répond une autre voix, gentille et masculine.

J'ai besoin d'un avis. Ton sec, sans révérence et fioritures. L'heure est grave.

S'il est question du choix de la couleur d'une robe ou d'un parfum, du style d'un escarpin, d'un ruban ou autre femeletterie... c'est pas la bonne porte

Mais absolument pas
, se défend elle en levant les yeux vers le ciel. J'avais besoin de l'avis d'un homme, d'un vrai. Peut être est-ce la mauvaise porte

C'est de la pure bonne porte.


Bien... Donnez moi votre avis, franchement.
Et elle tourne sur elle-même, en danseuse de boîte à musique. L'heure est-elle, finalement, si grave que cela ?
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Aimbaud
Bien assis dans son fauteuil de Sénéchal, l'Aimbaud relève le nez de sa pile de parchemins pour pousser un soupir à fendre l'âme, voyant le seuil de son exaspération grimper d'un petit sursaut.

NOOoon vous n'êtes pas trop grosse.

Normalement, cette réponse toute faite satisfait la gente féminine.

M'enfin, il n'est pas question de ça ! Fait-elle en lui sautillant sous le nez, puis désignant l'énorme chose tressée de mêches et d'épingles qui lui tient lieu de chevelure : Ma couââââffure !

L'adolescent fait craquer ses phalanges, tentant de rester détendu.

C'est magnifiiiique..........

Et la hauteur ?

A faire verdir la Reyne..........

Les boucles ?

Gniiiihhh gniiihhhh ASSEZ JE CRAQUE !

Il se lève tout d'un bloc de son siège et contourne son comptoir avec un petit saut furieux.

Fichez le camp de mon bureau, fachonne victime !
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Blanche_
M....M.... Mais qu.... quoiii ? s'indigne t'elle, alors qu'elle se sent poussée par deux pressions fermes sur son postérieur, jusqu'à la porte de sortie.

Parlez de tout ceci autour d'un buffet-macarons avec vos bonnes amies, voulez-vous ?!
L'outrageant personnage ! Elle ne sait pas, si elle est plus énervée qu'il l'ait prise par les hanches, ou qu'il la traite comme une adolescente écervelée. La réponse, non plus, ne permet pas de distinguer laquelle de ces remarques est à l'origine de sa colère.

Je.... Vous n'êtes qu'un....! Je vous déteste ! Vous ne comprenez rien à rien !
Restez avec vos épées en bois et vos miniatures de soldats, vous n'êtes qu'un fils de riche odieux et orgueilleux, et vous... Et je.... Salach cac kid beag!


C'est cela, c'est cela.. Et ne revenez à moins qu'il soit question de mort !
Tandis, qu'il lui tapote soudain l'épaule pour lui souhaiter bon vent.
Claque pour claque, elle lui en fiche une petite, furieuse, et tourne les talons. Talons qui claquent sur le sol, maintenant qu'elle s'en va loin de lui en criant au scandale.


JE NE SUIS PAS VOTRE MIGNON ! VOUS AUREZ LE DROIT DE REVENIR QUAND VOUS AUREZ UN PEU DE RESPECT !
Il semble déconfit, et grimace, ce qui le rend aux yeux de Blanche, un peu ridicule. A moins que ce soit sa joue, rouge-rose, intense couleur chaude au coté droit, qui déstabilise l'équilibre du visage angélique du Josselinière.
Escalade des répliques, et de l'intensité des hurlements.


C'EST VOUS QUI NE ME RESPECTEZ PAS!! MOI, JE VOUS CONSIDERE COMME UN HOMME? COMME UN AMI, MEME !
Il claque la porte, puis la rouvre à nouveau.
J'AI PAS D'AMIES FILLES, J'EN AI RIEN À TAPER DE LA DENTELLE ET DES BIGOUDIS ! FOURREZ-VOUS CA DANS VOTRE PERRUQUE À 200 ÉCUS !

Il crie, et elle aime pas ça.
Blanche, c'est pas une fille, c'est "la" fille.
Et c'est pas une perruque, c'est des faux cheveux.
Et la dentelle, c'est has-been.
Et elle a même pas coûté 200 écus, d'abôôôôrd !


Rien ne vous empêche d'APPREEEEEENDRE !
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Aimbaud
Elle lui parle comme à un gogol, ça commence à bien faire : défection à la fin, flûte, zut, crotte, chier !

CA... NE... M'INTÉRESSE....... PÂS !

Il rugit et appuie tous les mots en la désignant du doigt sévèrement, à l'autre bout du couloir. Aussitôt elle s'arrête de tressauter vers les escaliers, se retourne brutalement comme un flamby et réavance vers lui en le pointant d'un même doigt accusateur. Sa voix escalade les aigus, passe le mur du son, tandis qu'elle se pare de toutes les couleurs de la colère :

JE ! VOUS !
Le bras s'agite. Elle cherche ses mots ? L'autre la fixe, fulminant, attendant d'essuyer une autre insulte bretonne dont il ignorait la signification, mais qui pouvait bien signifier toutes sortes de choses vulgaires en rapport avec les coutumes de ce pays là... Peut-être... "Violeur de crêpes froides", ou "Pipi de Chouchen"...

Arrêtez d'avoir trois ans d'âge mental !

Il en a le bras qui retombe, une moue blasée qui s'affiche.

Facile, celle-là.

Alors elle prend sa voix la plus suave et doucelette, penaude, celle qui amollirait une statue de marbre...
Je peux rester dans votre bureau ?

Soupir. Adieu aux armes.

J'ai des missives à rédiger.. Prenez le fauteuil...

Elle n'attend même pas la fin de sa phrase pour applaudir frénétiquement, et le pousser contre la plinthe de la porte afin de se ruer vers le fauteuil Sénéchalesque, trois étoiles de confort, bien que trop large pour elle, et pour le Sénéchal lui-même d'ailleurs... Aimbaud s'empresse de récupérer ses parchemins avant qu'elle n'y mette ses mains manucurées. Qu'est-ce qui lui a pris d'accepter qu'elle entre ? Elle est fouinarde par nature, c'est une hermine bretonne... Si elle tombait sur...!

Il lève un index vers elle, tentant de maîtriser la bête.


Sage. Pas bouger.
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Blanche_
Bien qu'Aimbaud soit un enfant, et que Blanche adore les enfants par nature (il serait idiot de ne pas accepter ses semblables...), Aimbaud, parfois, est difficile à supporter.
Et sa manie de la prendre pour une bête exotique, ou un animal à montrer à tous, car il fait de jolies pirouettes, et sent bon les fleurs, cette manie-là l'insupporte plus que toutes les autres, plus que la petite taille, son air hautain et superficiel, son ascendance illustre ou sa folle de mère. Cette manie-là, Blanche l'emmerdee plus que tout, elle y crache dessus, elle y fait la guèèèèèrre !

Je n'ai pas de queue à remuer devant vous, et je vous interdis de me caresser.
Autrement dit, la seule bête des deux, c'était lui.
C'est du français sur vos feuilles ?
Elle voulait tomber dessus. Sans savoir pourquoi. Son nez fin et amusé était, irrémédiablement, attiré par le plus interdit de tous les interdits, et à le voir vite tout cacher derrière lui, cet interdit-là était fameux, et méritait qu'elle s'y intéressât.

Du vocabulaire militaire, vous n'y entendriez rien.
Mais ! Mais cela serait un merveilleux exercice de prononciation ! argua t'elle en s'agitant d'une cuisse sur l'autre, sur le fauteuil.
L'enfant donnait des coups de pieds dans le dos, elle joua de son excitation habituelle pour faire passer cela pour une joie inopinée.
L'Actrice !


Vous allez abîmer le cuir ! Bon, qu'est-ce que vous buvez ?
Il posa les parchemins en hauteur, assez haut pour lui, trop haut pour elle, qui avec son cul élargi qui tannait le cuir, n'était plus disposée à s'élever pour tendre le bras.

Qu'est ce que je...?
Oh mon Dieu...
Qu'est ce que je bois ?
Il faut... il faut... il faut choisir. Comme entre deux paires de chaussures, mais sauf qu'ici, il y a des tonnes, des quintuples, quadruples possibilités envisageables, tant et tant qu'il faudrait une vie pour toutes les tester... Mûre et cassis, mûre ou cassis, avec, sans, contre, mélangé ou fondu, du sucre en plus, et de l'alcool avec bulles ou sans, fort ou sec, faible ou pompant, lourd ou agréable...
OH MON DIEU !
Il fallait faire diversion : faire diversion, c'était la solution.


Vous avez le droit de boire ?
C'est cela. L'orienter vers une autre direction : du droit de boire sur les mineurs. "Alcoolisme des adolescents, un drame de notre société". Les faits divers. A l'occasion, glisser une anecdote d'un viking pré-pubère mort gelé dans une taverne du bout du monde.
Question diversion, c'était clair... Elle gérait, la môme.

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Aimbaud
Farfouillant dans son mini-bar en bois d'ébène, il saisit les bouteilles une à une et leur ôte le bouchon pour les renifler suspicieusement. C'était les vieilles réserves du Castel-Ducal, ou plus précisément celles du dernier Sénéchal en date, lequel avait vécu au siècle passé si l'on en croyait le design du mobilier... Bref, c'était du vieux pinard bien frelaté. Mieux valait que Blanche en boive la première... Tout en crachant un peu de poussière et reposant les fioles dans le placard, il répondit :

Dans votre pays, on interdit de boire ? Ces bretons sont d'un barbarisme...!

Elle avait fait son choix.

Du lait, pour moi s'il vous plait.

Pas chieuse déjà, la gonzesse... Il referme le meuble d'un coup de poulaine et fait rappliquer son valet, la main en porte voix. L'autre arrive au trot dans sa livrée bouffante rouge aux braies rayées de bleu et jaune, un pur concentré d'arc-en-ciel, les couleurs de la Bourgogne...

Fulbert ! Du lait pour la damoiselle.
_OOoohh... joli morceau...
EXÉCUTION !
_Chef oui CHEF !


Et l'affreux aux couleurs primaires qui s'enfuit pour dévaler les escaliers vers les cuisines. Blanche de son côté, continue de minauder en prenant ses aises dans le fauteuil.

Il s'appelle Fulbert ?

Ou Pull-vert, je sais plus.


Le jeune Bourguignon commence à feuilleter ses parchemins, en songeant qu'il serait de bon ton que l'Hermine ne s'attarde pas trop afin qu'il ne prenne de retard dans ses affaires. Des rapports, toujours des rapports, missive de Digoine, compte-rendu d'effectifs, lettre de Cassian, groupe armé, un mot du Capitaine, des nouvelles du front en Helvétie, un pli de... Oups ! Il range expressément ce parchemin-là dans sa poche sans s'inquiéter de le froisser...

_LE LAIT DE MADÂMEUH ! Tonne le drôle en déposant une cruche éclaboussante, et de disparaître en pliant le genoux. Mes révérenceries !!!

De quoi parlent ces papiers ? Dit Blanche, la bouche en coeur.

Lui se masse la nuque, un peu ennuyé.
C'est la désignation des volontaires pour s'engager dans la Brigade de lutte contre le grand-Banditisme dans le duché..

Vous m'aviez dit que le duché était peu sûr... Et celle-ci ?

Quoi "celle-ci" ? Qu'est-ce qu'elle se mêle de quoi, d'abord ? Elle cherche la petite bête ou quoi ? Comment elle fait pour mettre toujours le doigt pile poil là où on veut pas qu'elle l'y mette ! C'est quoi l'histoire, elle lit dans les pensées ou bien ? C'est du... druidisme, ouais... Sûrement un truc de clairvoyance d'hérétiques de bretons qui sacrifient des poules sur leurs dolmens en dansant à poil dans la forêt !... Ca lui troue le séant, à l'Aimbaud. Il soulève de la pile, un parchemin officiel.

Celle-là ?

Celle dans votre poche.


Mais... Mais !... Mais... Mais. Sorcellerie. Il pose les paumes sur le bouffant de ses braies, faisant mine de tâter le contenu de la doublure.

C'est un briquet, dans ma poche.
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Blanche_
Votre empressement à mentir prouve l'importance de ce parchemin, rétorqua t'elle en soutenant son regard. Puis-je lire ?

Mais... enfin ! NON.
Est-ce personnel ?
C'est.. beuh.. tout ce qu'il y a de plus.. officiel ! Enfin. C'est secret défense...!
Je garde bien les secrets...
minauda t'elle en souriant en coin, d'un sourire mesquin et malin. Oh, la vilaine ! Quelle idée avait-elle derrière la tête ?

Vraiment, c'est sans importance.
Raison de plus !
... Pas vos oignons...!
Vous êtes désagréable ?


C'était une question qui attendait une réponse spécifique, et s'il ne lui donnait pas, cette réponse, quelque chose d'horrible allait arriver. Une chose affreuse, tellement, tellement horrible qu'on en parlerait plus tard en la murmurant de peur qu'elle ne réapparaisse.
Votre curiosité est une plaie !
Je... Je suis une plaie ?


La chose horrible allait arriver, s'il ne répondait pas gentiment, et sur-le-champ, pour l'empêcher de venir. Cela se voyait à sa façon de parler, alors que la voix d'ordinaire si impérieuse, devenait frémissante et timide.

NOoon.. non. Il s'approcha, mais c'était trop tard : la chose arrivait.
Mais si, vous avez têêêllement raison...

La chose arriva.
Erk !

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Aimbaud
Mais que fait-elle ? Il observe l'étrange phénomène, tente de dresser un diagnostique complet de ces symptômes : les épaules se mettent à trembler, la voix devient faible et comme étouffée, le visage grimace. Et puis soudain c'est la catastrophe climatique, un tsunami par les yeux. Elle éclate en sanglots.

Aimbaud n'était pas très au fait des coutumes de cette tribu qu'on appelle les femmes. En quelque sorte, il était un aventurier solitaire, plutôt pragmatique, sous le joug du culte des armes. S'il était attaqué par un ennemi sauvage, il donnait un coup d'épée. Si une tempête éclatait au dessus de sa tête, il se réfugiait dans une caverne. C'était un peu comme ça en général avec Blanche, il lui rendait ses piques. Et quand elle était vraiment trop chiante, il se protégeait en la flanquant à la porte. Mais là... Là... Elle entrait dans une transe dont il ignorait tout. C'était irrationnel, illogique, pas normal. Ca n'était pas dans les closes de son contrat d'embauche.


Je fabulais, c'était pour vous taquiner... euh...

Il va pour la consoler, mais par quel morceau s'y prendre ? Les mains ? Ah non elles s'agitent trop... Les épaules ? Indécent... Quoi faire ? Il finit par rester pataud en attendant qu'elle ait vidé ses réserves de flotte. L'autre s'effondre en pleurant de plus belle, le front collé au bureau, en digne comédienne tragique.

Hum...

Le déluge n'avait pas l'air près de cesser. Il fallait tenter quelque chose... L'adolescent se grattouille le duvet du menton. Puis se décide à tapoter le dos de la Bretonne du bout des doigts en marmonnant :

Je vous prie d'accepter mes... excuses.

Ceci dit tout en se desserrant le col du pourpoint, fort mal à l'aise. L'autre essaye de parler, mais collée au bois ça n'est pas facile. Elle semble dire qu'il a raison, qu'elle est une barbare sans éducation, qu'elle ne sera jamais rien, que sa vie est foutue. Ou pas, mais c'est difficile de savoir, avec les sanglots...

Aimbaud se questionnera plus tard sur le pourquoi de cette terrible transe mouillante. Parce qu'il y avait de quoi se questionner, tout de même ! En attendant il se mord les poings, face à une situation tout à fait inédite et incompréhensible pour lui... Que faire ? Le tapotement du dos est d'une efficacité nulle... il tente un tapotement de la coiffure. Tiens, drôle de texture.


Calmez-vous, calmez, vous. La faute est mienne ! Je suis un rustre.
Et moi je suis une barbaaaaaare superficieeeeelle !


Les 200 écus s'effondrent, en cascade de boucles rousses. Et, dessous, les cheveux blonds oubliés, qui glissent le long du cou. Délivrés ! Donc nous disions... Tapotement de la coiffure : score zéro. Le métisse grimace muettement, avant d'agiter bêtement les mains pour trouver une solution. Appeler un médicastre ? OUI ! Non, il va lui faire une saignée, ça va saloper le parquet... S'excuser à genoux ? Mais euuh... C'est la honte. Taper du pied et dire "BON C'EST FINI OUI ?!" Ca risque d'agraver le cas ? Il trépigne. Il balbutie. Et choisit l'option Z : lui claquer un bisou, là sur l'oreille qui dépasse des mèches de toutes les couleurs.

Làààà... C'est fini ?
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Blanche_
Les lèvres, entourées d'un fin liseré poilu, s'abattirent sur l'oreille dans un claquement sonore, et baveux. Étonnée, face à cet écart miraculeux du protocole, qui aurait, même, pu mener à des conclusions hâtives s'il n'était question d'Aimbaud et de Blanche, donc, oui, étonnée, Blanche ouvrit les yeux et chouina, confuse, d'avoir l'oreille mouillée.
Le Josselinière, aux lèvres encore chaudes d'avoir trouvé et touché la peau blanche, devint écarlate.


Forcément, vous répandez des litrons d'eau ! tenta l'enfant en unique plaidoyer.
V...Vous, les fraan...français, v...vous êtes bizarres. Chez n...nous, on do...donnerait un mouchoir.
AH ! répondit-il, baissant subitement les yeux vers une poche, où une main paniquée y cherchait nappe pour éponger les bretons larmoiements. Mais de tissu il n'avait, et il tendit vers elle, faut de mouchoir, une lettre chiffonnée. La, lettre.

Attendez ! cria t'il soudain, se rendant compte de sa méprise. Il avait fait un bond vers elle, et dans sa hâte, cherchait un carré de soie blanc au fond de ses poches. Il en raclait presque le fond, en sentait l'imparfait contour, et le contenu divers. Un mouchoir, bordel !
Qu... demanda Blanche, dont les yeux gris descendaient avec lenteur vers le papier froissé. Elle n'avait pas, semble t'il, encore posé les yeux dessus. Une seconde, une deuxième... au rythme desquelles les pupilles vacillent et perdent de l'altitude. Quand enfin, elle va lire, inconsciente du drame qui se joue et du coeur français qui palpite, le papier lui est arraché, un mouchoir, immaculé mais détestable, offert à la place.

Mais... qu... QUOI ? beugla t'il devant sa partenaire de dispute qui perdait son panache derrière un mutisme, et une pleurnicherie vaine.
Mais je n'ai jamais été aussi gentil......!! osa t'il prétendre, lorsqu'elle lui reprocha sa méchanceté. Forcément, vous êtes toute trempée de larmes ! C'est agaçant ! TUT TUT TUT ! l'arrêta-t'il d'un geste avant qu'elle ne se remette à chialer, Je n'ai rien dit ! Ménageons votre sensibilité.

...

Vous avez vos menstrus, c'est ça ?


Gros silence.
Une minute, interminable, pendant laquelle les regards de l'un ou de l'autre tendirent à converger vers le lieu originel de leurs malheurs. Vers l'engeance du mal. Où s'y trouvait, le hasard faisant, un foetus prêt à éclore.


Aim... Aimbaud ! On ne dit pas ça à une dame !
C'est comme critiquer la taille de votre... votre...


L'histoire ne disait pas quelle taille il faisait.
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Aimbaud
De son quoi ? AAaaah de ça. Ah bon, parce qu'il fallait une taille réglementaire ?
Les yeux des deux protagonistes convergent donc vers l'emplacement de la thématique. Mais avant qu'un silence plein de mystères s'installe, la Bretonne munie de son incroyable don pour faire rebondir la conversation, détourne leur attention respective par une habile pirouette, l'air tout à fait dégagé :


De quoi parle la lettre ?

Elle n'en démord pas. Cela ne fait plus aucun doute, Blanche aura été un bulldog de luxe dans une autre vie.

Quelle lettre ?
Qui était dans votre poche.
C'est un mouchoir à mes initiales, voyez... A... et J.


Petit interlude : l'explication des lettres de l'alphabet de maître Aimbaud à son élève bretonnisante en difficulté scolaire.

C'était une lettre.

Couché le chien ! Vilain toutou. Pas mordre ! Lâcher la jambe du Monsieur. Grosse fessée au pas beau chien-chien. Un biscuit pour toutou d'amour ? Tu lâches, tu as biscuit. Tu lâches pas ? Tu veux vraiment pas lâcher, mamour chéri ?

Et un soupir à fendre l'âme...
Il ne va pas encore la faire fondre en larmes. Ils ne résisterait, ni elle ni lui, au stress nerveux d'une nouvelle crise. Elle est décidément à prendre avec des pincettes, ces derniers temps... Et puis elle se laisse aller vraiment, regardez moi ce bide ! Donc à regret, il sort la boule de parchemin froissé de sa poche et le balance sur la table.


Ai-je le droit de la lire ?
J'ai envie de dire... non ?
S'il vous plait !
Non...?
Je peux vous faire un bisou sur l'oreille en contrepartie.


Allez mamour ! Donne la papatte à maman-Blanche. Sois un bon toutou à sa mÔman, ouiiiii le beau chien-chien. Tu auras le bon susucre !

Merci mais euh... non. C'éait un geste irréfléchit, pas une coûtume françoyse...
C'est un peu mouillant, mais agréable.


Un ange passe, en tortillant du cul.

Puis-je lire, alors ?
LISEZ SI ÇA VOUS AMUSE !


Il se retourne, les bras solidement croisés, fulminant d'embarras. Cependant, la lettre défroissée par deux mains divinement manucurées et follement impatientes, délivre son contenu...



    A mon cher et tendre ennemi,
    De ton éternelle et dévouée rivale,

    Je constate avec joie que vos nouvelles obligations vous vont bien au teint et que vous vous plaisez à mener les maraudeurs à la potence, ce que je ne peux que féliciter.

    Et je ne peux qu'espérer que grâce à ces activités vous deviendrez un peu plus homme. Ainsi je n'aurai pas à affronter une chochotte lors de notre prochain tête à tête, ce dont je me réjouis déjà!

    La ville de Limoges est particulièrement reposante et paisible! Si ce n'est quelques vils vagabonds qui me menacent de couper court mes magnifiques cheveux roux! Quelle audace!
    Nous allons y rester quelques jours avant de prendre la route pour Périgueux.

    Cette temporaire tranquillité a son avantage. Je peux ainsi discuter avec Karyl avec lequel nous échafaudons des plans du futur. Il m'a d'ailleurs vivement recommandé de vous dire que vous êtes beau.

    Mais je m'emporte et il se fait tard. J'espère que nous pourrons bientôt, à nouveau, échanger quelques banalités.

    Votre Ygerne.

_________________
Blanche_
A l'époque, Blanche n'avait suivi que très peu de cours de langue.
Elle savait, comme son père l'avait voulu, discourir en grec et en latin. Mais cela la faisait passer, en société, pour une grosse bête qui voulait enfler comme un buffle, aussi elle se gardait bien de l'ouvrir, quand les curetons locaux conjuguaient à défaut leurs verbes en la sainte langue.
Et l'irlandais, qu'il avait fallu connaître, lors de leurs dernières escapades familiales, l'avait aidé en de nombreuses occasions.
Mais le français ?
Dieu ! Cette langue à demi-éteinte, dont on ne parlait qu'en colonies bretonnes, semblait au bord de l'apoplexie. Il était question, déjà, d'endiguer ce flot grisonnant de syllabes dépassées, par un dialecte barbare solognot. Non, le français... Elle ne le connaissait qu'à l'oral, et encore ! Pour la comprendre lorsqu'elle s'exprimait, fallait-il alors savoir qu'elle mélangeait gentiment les sonorités.
Et le lire... Elle ne pouvait.


Je n'y entends rien ! finit-elle par avouer, ne pouvant lire de la lettre que les premiers mots.
Vous voyez ! conclut Aimbaud, en lui reprenant la lettre des mains.
Elle était plus rouge que jamais.
Blessée, en son orgueil princier, comme elle l'avait été avant, peu avant, lorsque Chlodwig lui avait frappé la joue pour la première fois.
L'orgueil est chose aisée, pour une princesse. Il est plus facile d'obtenir d'elle qu'elle se taise, alors, si on lui ôte ce panache qui lui dresse le nez. L'un avait usé d'une claclaque de pourceau. L'autre, plus intelligent, n'utilisait à son encontre que des mots.


Mais ! il y a un mot que j'ai compris ! "votre" !
Attila écrivait cela, aussi...
Votre.


Ma, mon, ton, toi... Attila écrivait beaucoup de choses, n'est ce pas Blanche ? Il dessinait pour toi des mots sur le papiers, qui faisaient danser tes yeux et s'ouvrir ton coeur.
Mais s'il couchait sa plume pour toi, d'autres aussi, il les couchait.

Est-ce votre bonne amie ?
Point du tout ! Et je savais que vous alliez me railler à ce propos.

Oh, il ne comprenait rien !
Les hommes sont si sots.
Elle était là, béate et attendrie, quand lui voyait raillerie dans son affection. Oh, qu'il était sot !

Ce n'était pas une raillerie, je trouve cela charmant.
Patiente Blanche, douce Blanche, amoureuse Blanche.
Oh, l'aimez vous, Aimbaud ?

Patiente, Patience, Blanche...

Puisque je vous dit que je ne la fréquente pas ! Ca suffit maintenant, sortez d'ici. J'en ai assez que vous fouillez mes affaires !

Patiente, Blanche...

Mais ! Mais je ne fouille pas, c'est vous qui m'avez donné !

Douce.
Douce, ma Blanche. Douce comme le lilas fleuri, la larme de pluie gelée au matin, les tapis de mousse à Brocéliande. Douce, comme ta joue au duvet rose, la nuque rossée, le toupet à ta voix. Douce ! Douce !


Vous me l'avez demandée une bonne quinzaine de fois !

Vous n'aviez qu'à dire non.

J'ai DIT non.


Patiente.
Douce.
Patiente.
Patiente.
Elle relève les yeux. Le regard est dur, perçant, mitraillant incessant. Puis douce. C'est étonnant, cette faculté de mêler le vrai du faux, le doux et le violent, le brutal et vulgaire parfois, déconcertant tant il est désagréable, dans deux iris plus clairs que l'Aven.


Il y a une façon de le dire qui n'offre aucun refus.

Ce n'est pas elle qui le prouve...
Ce sont ses yeux.

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Aimbaud
Majestueuse comme une Reyne en exile, elle quitte le siège et sèche ses larmes. La démarche est divinement calculée : trois parfaits petits pas et elle fait volte-face dans un revers de bouclettes chevelues, digne de promouvoir un après-shampoing de grand luxe. La bouche en coeur, ses yeux semblables à ceux d'un bébé phoque orphelin dans une léproserie, elle minaude :

Vous voulez vraiment que je parte ? Je suis toute seule, et je m'ennuie terriblement, et la France... Votre pays, il me fait peur, j'ai peur, toute seule...

Lui, visiblement assez peu réceptif à la qualité de la manoeuvre, s'affaire déjà à remettre de l'ordre sur son comptoir, et notamment à éponger la flaque de larmes qui a inondé la liste des durées de réclusion des brigands inculpés dans les geôles du Duché. Nous dirons donc : à perpétuité. Puis il relève le nez vers l'Impossible :

Attendez avant de partir.

Tiens, tiens. Le charme de la dompteuse de lionceaux ferait-il son effet ?

Apprenez-moi sur-le-champ cette façon de dire non.

Ou pas. Du charme, Aimbaud ne ressent guère plus que la piqûre des gamines taquineries de l'insupportable bretonne, ô combien agréable quand elle se tait et reste immobile, mais horripilante à l'extrême, le plus clair du jour. C'est évident, tous deux ne peuvent se supporter, ils sont comme les deux pôles sud d'un couple d'aimants, comme deux piranas dans le même aquariums, bref ça coince quoi.

Demandez moi quelque chose, pour l'exemple.

S'éclaircissant la voix, content de son effet à venir, le Métisse déclame :

Hum, Blanche. Épousez-moi !
D'accord.

...


Ou peut-être qu'un des piranas n'était pas de cet avis.

Allez... Jouez-le jeu quoi.
Non, mais on se marie, posez une autre question.
Là, dites-moi vite votre façon de dire non. J'en ai besoin.

Non.

S'il vous plaît.
Non.
Si.
J'ai dit non.
Si.
Non.
Je ferai tout pour vous faire changer d'avis.

JE VOUS AI DIT NON, BORD...


La phrase ne s'achève point. La bretonne s'arrête soudain en plein élan dramatique, sa main laiteuse se crispe sur le tissu de sa robe. Au coté gauche... Faible, statufiée. Sa respiration peine, son visage se teint de rouge. Elle adresse au garçon un regard paniqué.
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