N'éteins pas le brandon qui fume si tu n'as feux qui mieux éclairent, tu n'auras que cendres et nuit noire, monsieur le maire élu-déchu. Le ton opaque que tu emploies suffit à attester que tu crois exprimer un point de vue absolu, du seul fait dexaminer la marche de Craon à la lumière de ton idéal. Tu lances des anathèmes, des condamnations moralisatrices, contre ceux qui contrarient ton égoïsme. Ton parler permet de dissimuler la pensée et de jeter un voile obscur sur des problèmes déjà complexes. Les émotions et les sophismes permettent de manipuler les autres, un bon avocat peut défendre une mauvaise cause. Ton hypocrisie te donne ce droit en affublant ton égoïsme du masque de la morale pour paraître bon: je condamne donc je suis vertueux. Tes condamnations moralisatrices des Piques, fluctuant dailleurs au gré des circonstances, ne témoignent pas davantage dune grande profondeur de réflexion, dès lors que tu condamnes les Piques parce quils ne sont pas en tout point conformes à ton idéal, ou du moins à ta représentation relative du bien. Cest facile, mais cest un stratagème mensonger, et hypocrite. Je peux en faire de même avec toi. Mais je suis Roy.
Je ne sais pas quelle raison te pousse à croire que provoquer la haine en éclaboussant de tes mensonges la plèbe angevine est une bonne idée. Ce que je peux en dire, moi, c'est que c'est irraisonné. Ce débat n'a rien à faire dans la sphère publique, que ce soit par ta position ou par la teneur du débat en lui-même, toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre. Je n'oserais pas commander ta Duchesse, mais il est des évidences qu'on ne peut pas ne pas remettre en question. Si l'un de mes hommes s'amuse à ça, je lui brise la mâchoire. M'obstiner dans le silence et le refus de débattre t'encouragera toutefois à colporter tes véhémences. Je vais donc apposer moi aussi mon empreinte sur cette joute éristique et entrer dans la danse, pour le bien des consciences angevines. Je me limiterais à la ville elle-même, et à sa population, les domaines précis pointant l'économie, la sécurité, et la relation Anjou-Craon étant bien trop sensibles. Ce sera déjà bien suffisant pour concevoir les enjeux de ce faux débat.
Voilà maintenant trois mois que le traité liant le Duché d'Anjou à notre organisation est appliqué. Celui-ci se traduit par la location de Craon à un groupe de personnes, ou, dans un autre sens, amène en Anjou une certaine catégorie de population qui en d'autres temps ne se sédentariserait pas, contre des intérêts propres à chacun. Craon, c'était une ville morte à notre arrivée. C'est à dire détruite économiquement, détruite démographiquement, et détruite militairement. L'argent, la population, l'action: le cocktail pour qu'une ville tourne bien. Les craonnais, qui miraculeusement font surface ici, qu'on ne voit qu'une fois le semestre, ont tort. La ville tourne bien mieux qu'à notre arrivée, mais pour juger objectivement il faut se rendre compte de la réalité et sortir de sa grotte. Il y a en effet contradiction entre les attentes dune existence dynamique à Craon, «autre» et «plus» que les mentalités des personnes composant Craon, à un moment donné de son histoire, sans commune mesure avec les durées réelles dimplication et de présence des individus auxquels elle simpose, et les vécus interactifs et collectifs, intersubjectifs, les coutumes et les traditions, les introjections, structurant et qualifiant les comportements et les attitudes qui en témoignent. Craon est beaucoup plus encore élaborée que construite, oui. La ville sapprend maintenant par sympathies et empathies (les Piques, et autres groupes), experientielles, autrement dit par acculturation. Cest peut être justement à travers cette articulation originale du «vivre bien» scandée en autant de dilogies, surtout comprises autrement que disjonctives, que le Pique fait vraiment sens, à la différence des retraités. Si la population est en baisse quantitativement, le nombre d'actifs est en hausse, et pour de bon. Il faut quand même savoir que nous sommes en retard sur ce nous tablions, cet été, lorsque les tractations autour de la location de Craon ont débuté. Nous n'imaginions pas à quel point la ville qu'on nous confiait était à ce point pourrie.
Un noyau dur d'actifs s'est formé (n'oublions pas que Pique-Sous est jeune comme groupe, aussi), et d'autres viennent s'y agglutiner petit à petit. Plus il prendra de l'ampleur, plus nous aurons de chances de maintenir à quai de jeunes habitants lancés dans la vie active, c'est un cycle résiduel.
Un noyau dur d'inactifs contestataires s'est formé en parallèle, et vous l'avez sous les yeux. Voici un effet de groupe ficelé de manière à recueillir l'attention de la population angevine, à la prendre en émoi, orchestré certainement par Jchris. Ils sont gentils. Je ne les considère pas inaptes, je ne souhaite pas les chasser de la ville, surtout pas. Je leur ai même proposé de travailler dans l'intérêt de Craon. Mais actuellement leur avis n'importe pas, il faut être clair là-dessus. Les absents ont toujours tort. Dès lors qu'on ne cherche pas à s'impliquer, on n'a rien à revendiquer. Et encore moins à Craon, une ville en perdition résultante de leur propre perdition.
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