Eloin
Un mois après son arrivée au seing du village limousin, la diaconesse était satisfaite de son ouvrage : la demeure était enfin présentable.
Le presbytère, déserté de tout habitant en l'absence de diacre ou de curé, avait vu la poussière s'accumuler dans les diverses pièces de vie, les toiles d'araignées tisser allègrement leurs toiles partout le long des murs, et mesme les rats et autres souris avaient fini par trouver un havre de paix dans cette maison silencieuse.
Eloin était donc restée quelques jours de plus que prévu à l'auberge, le temps de déblayer correctement au moins de quoi vivre proprement en attendant d'avoir pu tout nettoyer.
Le rez de chaussée de la façade donnant sur la rue était agrémenté de deux belles arcades, une double-porte permettant d'entreposer des marchandises se trouvant juste derrière le pilier sur lequel les deux arcs de pierre se rejoignaient. La moniale avait fait de cette cave l'écurie de son cheval, puisqu'elle n'avait pour le moment rien à déposer dans la pièce au sol de terre battue.
Dans un coin de la salle, un élégant mais étroit escalier en colimaçon menait au niveau supérieur ; et, à son exact opposé, un petit réduit abritait une cuisine éclairée par deux hautes et minces ouvertures vitrées.
A l'étage, elle avait fait de la triste et froide grande salle une pièce agréable, dont les murs étaient désormais dissimulés derrière de grands et larges draps de tissus teintés de couleurs pastel, qui ornaient auparavant la salle principale de sa demeure bordelaise, et qu'elle avait emportées avec elle lors de son départ. Cette salle serait celle de la paroisse, avec des tables d'études pour les pastorales des fidèles d'une part ; son bureau et une armoire d'autre part.
Enfin, sous les combles se trouvait le logement de la moniale : deux chambres de dimensions similaires ; plus une petite pièce dotée d'une cheminée en laquelle la frileuse qu'elle était passerait certainement les longues et fraîches soirées d'automne et d'hiver. La galerie, en revanche, agrémenterait les beaux jours, et elle ne manquerait point de s'y installer dans un fauteuil, lors des chaudes soirées estivales !
Pour le moment, assise à la table de travail, dans la salle de la paroisse, Eloin relisait le courrier reçu de celuy qui serait, sous peu, son frère par alliance.
Sa plus jeune soeur allait enfin prendre époux, elle qui avait tant souffert à cause d'hommes légers et irresponsables. Après le trépas de son frère et la santé déclinante de sa soeur cadette, le mariage de Marye redonnait le sourire à la chef de famille, tant les derniers moys furent durs et empreints de deuils...
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