Johanara
Une taverne à Bourges
La voluptueuse rouquine, accoudée à la table dun tripot de la Capitale, mirait non sans contentement le tavernier emplir une énième fois son godet. Son angevin la considérait avec amusement et sans doute songeait il que la Baronne avait gardé de ses pérégrinations saumuroises lhabitude diurnale de se prendre une muflée.
Ses mirettes lagon papillonnaient du précieux breuvage au vieux Penthièvre tandis quun sourire mutin étirait ses lèvres sanguines. Dun geste délicat, elle leva la chope en sa direction tandis que ses prunelles émeraudes sallumaient de lueurs espiègles.
A quoi buvons nous mon beau Seigneur? Peut être à la victoire écrasante du Berry sur lAnjou la nuit dernière?
Sa main libre écarta une longue boucle flamboyante de son minois empourpré. Un regard courroucé vers un voisin de tablée qui laissait traîner ses esgourdes suffit à lui faire baisser le chef. Peu lui importait le cortège de ragots qui la suivraient désormais. Ces instants par trop attendus ne souffriraient aucune bride et nulle contrainte ne pouvait offusquer son aristocratique liberté.
Parfois encore, au cur dun doux moment de complicité tel que celui-ci, ses paupières bordés de longs cils noirs sébrouaient, papillons incrédules, sur deux vastes miroirs de jade où se reflétaient la surprise et le doute. Se tenait il vraiment devant elle?
Les semaines précédentes, un seul credo secret avait bercé les pensées de la jeune femme: « Le revoir, le revoir à tout prix ». Cétait mal sans doute, mais que ce mal lui était doux. Un long périple les avait tenu éloignés lun de lautre près de deux mois. « Messiah, Messiah » son nom avait sifflé dans sa tête comme un coup de fouet. Elle sétait trouvée ridicule. Il lui fallait oublier cet Attila dalcôve, ne penser quà ses devoirs de mère, ne surtout pas céder à cette funeste impulsion et conserver cette froideur qui jusquà là lui avait permis décarter les prétendants les plus enflammés. Mais aucun deux ne ressemblait à cet angevin revenu des confins du Portugal pour raviver une flamme déjà bien attisée en Anjou. Jusquà son arrivée en Berry, leur relation était demeurée platonique, car Johanara , pour passionnée quelle fût, restait une femme pieuse et méfiante, désireuse dhonorer malgré la fuite de son époux les serments prononcés devant lautel.
Le soir de leurs retrouvailles, envahie par un ensemble complexe démotions, de sentiments et de désir, elle permit à Messiah de conquérir des contrées qui jusquà alors navaient été assujetties que par son mari.
Et la nuit enveloppa les deux amants dans sa quiétude sereine, dans son obscurité rassurante où par moment la lueur du feu crépitant dans lâtre de la cheminée revêtait la nudité de leurs corps et la clarté de leurs chevelures dun halo dor comme londe du Cher au coucher du soleil. Laube les surprit enlacés
Dans la matinée, Johanara sétait figée devant le grand miroir de Venise, cherchant si quelque chose avait changé à son visage de madone. « Jai un amant , jai un amant , jai un amant » se répétait elle. Si cela ne faisait certes pas delle une exception dans son entourage, cela bouleversait limage de droiture et de hauteur, prenant modèle pour cela sur la chaste Duchesse de Chantôme, quelle tenait jusquà là à donner delle-même.
Ponctués par leurs longues conversations le jour et leurs étreintes passionnées la nuit, ces quelques jours volés aux conventions furent un enchantement , comme un moment vécu hors du temps. Elle ne se reconnaissait guère. Elle ne pouvait plus se passer de leurs folles escapades et autres cabrioles dans des charrettes emplies de poissons, de la profondeur de son regard quand il faisait sautiller sa frange rousse, de larôme de sa peau, de sa tignasse flavescente Bref, vous avez compris, lest sacrément accro la rouquine. Dun type qui labandonnera pour aller épousailler la première angevine venue!
Fin malgré le fait indéniable que Le Berry est expert en lart de la Guerre, pour la défense de lAnjou, il évoluait en terrain ennemi La mairie de Saint Aignan On pourrait choisir un terrain plus neutre la prochaine fois? Histoire que la déculottée, -ma foi cest le cas de le dire!- soit moins sanglante! Allez soyons fous, je vous laisse décider de lheure et du lieu de la prochaine Bataille!
_________________
La voluptueuse rouquine, accoudée à la table dun tripot de la Capitale, mirait non sans contentement le tavernier emplir une énième fois son godet. Son angevin la considérait avec amusement et sans doute songeait il que la Baronne avait gardé de ses pérégrinations saumuroises lhabitude diurnale de se prendre une muflée.
Ses mirettes lagon papillonnaient du précieux breuvage au vieux Penthièvre tandis quun sourire mutin étirait ses lèvres sanguines. Dun geste délicat, elle leva la chope en sa direction tandis que ses prunelles émeraudes sallumaient de lueurs espiègles.
A quoi buvons nous mon beau Seigneur? Peut être à la victoire écrasante du Berry sur lAnjou la nuit dernière?
Sa main libre écarta une longue boucle flamboyante de son minois empourpré. Un regard courroucé vers un voisin de tablée qui laissait traîner ses esgourdes suffit à lui faire baisser le chef. Peu lui importait le cortège de ragots qui la suivraient désormais. Ces instants par trop attendus ne souffriraient aucune bride et nulle contrainte ne pouvait offusquer son aristocratique liberté.
Parfois encore, au cur dun doux moment de complicité tel que celui-ci, ses paupières bordés de longs cils noirs sébrouaient, papillons incrédules, sur deux vastes miroirs de jade où se reflétaient la surprise et le doute. Se tenait il vraiment devant elle?
Les semaines précédentes, un seul credo secret avait bercé les pensées de la jeune femme: « Le revoir, le revoir à tout prix ». Cétait mal sans doute, mais que ce mal lui était doux. Un long périple les avait tenu éloignés lun de lautre près de deux mois. « Messiah, Messiah » son nom avait sifflé dans sa tête comme un coup de fouet. Elle sétait trouvée ridicule. Il lui fallait oublier cet Attila dalcôve, ne penser quà ses devoirs de mère, ne surtout pas céder à cette funeste impulsion et conserver cette froideur qui jusquà là lui avait permis décarter les prétendants les plus enflammés. Mais aucun deux ne ressemblait à cet angevin revenu des confins du Portugal pour raviver une flamme déjà bien attisée en Anjou. Jusquà son arrivée en Berry, leur relation était demeurée platonique, car Johanara , pour passionnée quelle fût, restait une femme pieuse et méfiante, désireuse dhonorer malgré la fuite de son époux les serments prononcés devant lautel.
Le soir de leurs retrouvailles, envahie par un ensemble complexe démotions, de sentiments et de désir, elle permit à Messiah de conquérir des contrées qui jusquà alors navaient été assujetties que par son mari.
Et la nuit enveloppa les deux amants dans sa quiétude sereine, dans son obscurité rassurante où par moment la lueur du feu crépitant dans lâtre de la cheminée revêtait la nudité de leurs corps et la clarté de leurs chevelures dun halo dor comme londe du Cher au coucher du soleil. Laube les surprit enlacés
Dans la matinée, Johanara sétait figée devant le grand miroir de Venise, cherchant si quelque chose avait changé à son visage de madone. « Jai un amant , jai un amant , jai un amant » se répétait elle. Si cela ne faisait certes pas delle une exception dans son entourage, cela bouleversait limage de droiture et de hauteur, prenant modèle pour cela sur la chaste Duchesse de Chantôme, quelle tenait jusquà là à donner delle-même.
Ponctués par leurs longues conversations le jour et leurs étreintes passionnées la nuit, ces quelques jours volés aux conventions furent un enchantement , comme un moment vécu hors du temps. Elle ne se reconnaissait guère. Elle ne pouvait plus se passer de leurs folles escapades et autres cabrioles dans des charrettes emplies de poissons, de la profondeur de son regard quand il faisait sautiller sa frange rousse, de larôme de sa peau, de sa tignasse flavescente Bref, vous avez compris, lest sacrément accro la rouquine. Dun type qui labandonnera pour aller épousailler la première angevine venue!
Fin malgré le fait indéniable que Le Berry est expert en lart de la Guerre, pour la défense de lAnjou, il évoluait en terrain ennemi La mairie de Saint Aignan On pourrait choisir un terrain plus neutre la prochaine fois? Histoire que la déculottée, -ma foi cest le cas de le dire!- soit moins sanglante! Allez soyons fous, je vous laisse décider de lheure et du lieu de la prochaine Bataille!
_________________