Vossler
[Rieux, le 24 Janvier 1459.]
On a tous quelque chose à cacher. Un endroit sombre en nous qu' on ne veut pas que le monde voit. Alors on prétend que tout va bien, en se cachant derrière des arc-en-ciel. Et c' est peut-être mieux ainsi, parce que certains de ces endroits sont plus sombres que d' autres.
Vossler voulait croire en ce sourire, en cet amour de la part de celle qui avait pour rôle de jouer -car pour lui, la vie n' était qu' un jeu- une fiancée, fidèle. Cette dernière venait de passer aux aveux, et la réalité des choses, bien trop dure à accepter, prenait peu à peu l' aspect d' un cauchemar, où tout devenait incontrôlable et s' effondrait autour de lui.
Souffrance, esseulement.. voilà des sensations, qu' elle avait réussi à enfouir en lui jusqu' à présent, qui lui paraissent alors bien familières.
Comme pétrifié par la surprise empoisonnée, il resta cloué quelques instants sur place, incapable de prononcer le moindre mot, se contentant simplement de remuer brièvement la tête de droite à gauche en dévoilant un regard terrifié de manière involontaire. Intérieurement, le brun se persuadait qu' il allait finir par se réveiller, que ce n' était qu' un délire de plus provoqué par le feu qui le rongeait chaque jour un peu plus ; que tout ceci n' était que pure invention.. Puis vint le moment d' ouvrir les yeux et de se laisser étreindre par l' affliction, comme seul moyen de consolation.
Toujours sans la moindre parole, l' abattu s' approcha nerveusement de la belle jeune femme, avant de s' arrêter à son niveau, d' inspirer profondément et d' humer son parfum enivrant, une dernière fois. Chose faite, il emporta une paire de coffrets, dissimulés dans ses malles, s' empara de son manteau et quitta cette chambre d' hôtel, direction une auberge des plus modestes à quelques pâtés de maisons. Mais avant cela, il aurait à faire un détour par les sombres ruelles de la ville..
[Plus tard dans la soirée, dans la chambre de l' auberge avoisinante.]
..Une fois ses "achats" effectués, le jeune homme découvrit une chambre minuscule, tout ce qu' il y avait de plus sommaire, comportant un lit qui semblait inconfortable à souhait et un bureau bancale, certainement dévoré par les thermites, où il prit place. Un tiroir fut rapidement ouvert en quête de vélins. Il plaça ensuite le premier coffret devant lui, nettement plus petit que le second, celui-ci contenant sa plus belle plume, certes sans aucun défaut, mais sans aucune valeur sentimentale dorénavant.
Puis s' en saisit sans plus attendre et coucha ses pensées sur le parchemin, en s' accordant tout de même quelques pauses régulières pour siroter une des bouteilles de whisky, déjà bien entamée, qu' on lui avait offerte. L' alcool, parait que c' est bien pour y noyer ses soucis ! Ainsi après après quelques feuilles froissées en boules, on pouvait distinguer sur les différentes missives éparpillées :
Et pour finir..
Le grand brun releva la tête en soupirant, puis s' affaira de faire envoyer les deux premières lettres. Il replaça la dernière méticuleusement au centre du bureau, bien en évidence, de sorte à ce qu' elle soit trouvée sans grande difficulté.
Car il avait usé du prétexte d' un voyage imaginaire pour camoufler son départ vers les cieux. A ce moment précis, l' Azelas avait la seule et unique envie, celle de s' en aller, de se faire sauter le caisson. Il était fermement décidé, et peu importe s' il quittait lâchement ce monde, il s' en fichait..
Il n' avait plus qu' à mettre son plan à exécution. Il attrapa une poche en cuir, ramenée de son marché nocturne, qu' il déficela calmement.
Celle-ci contenait quelques baies de belladone et ne se fit pas prier pour les avaler avant de faire passer ce goût amer en buvant une nouvelle gorgée d' alcool.
Hyoscyamine, atropine, venez à lui !
La belladone aurait pour effet de provoquer -entre autres- une soif intense, et quelle meilleure amie que sa bouteille pour la combler ? Cette fameuse "belle-femme" allait aider l' homme à partir, ou comment se laisser emporter par sa passion, du grand Art !
Vossler s' était allongé, la tête lui tournait déjà, sa vision se troublait de plus en plus, et il suait quand les premières hallucinations vinrent l' envahir. Et s' en suivirent de longues minutes de paranoïa, à se poser une tonne d' interrogations en remettant sans cesse la fidélité de sa promise en question. Ses mains plaquées contre chaque extrémité de son crâne, il hurlait en se tordant de douleur, puis pris d' un excès de panique, il se leva d' un bond pour envoyer valser un guéridon contre la fragile porte en bois. Il était grand temps d' en finir, et vite, si non il risquait d' agoniser encore durant les dernières minutes qui lui restaient à vivre.
[Badaboum !]
Le fameux deuxième coffret, c' est celui qui contenait l' arme à feu que son père lui avait donné juste avant de mourir, lui aussi. Chargé par précaution, le pistolet était prêt à l' emploi, une simple pression et la délivrance.
Le Politain tituba alors jusqu' à la fenêtre, à travers laquelle on pouvait apercevoir un maigre reflet de quelqu' un de complètement méconnaissable, les yeux rouges, le teint très pâle, ses cheveux étaient vraiment plus en bataille qu' à la normale et son nez, cassé par un coup de poing, semblait vouloir quitter cet affreux visage.
D' une main tremblante il colla l' arme contre sa tempe, repensa une dernière fois à la femme de sa vie, au fait qu' il allait la perdre, jusqu' à ce que des larmes coulent le long de ses joues creuses ; chose qui n' était pas arrivée depuis des années.
Puis après un léger sourire moqueur, en un bloc, son corps se crispa, ses paupières se refermèrent et d' un cri il expulsa tout le désespoir ainsi que le malheur qui s' étaient infiltrés en lui. Le coup de feu retentit bruyamment dans tout le quartier, tandis que le cadavre s' écroulait lentement au sol, la tête baignant dans une flaque de sang.
On a tous quelque chose à cacher. Un endroit sombre en nous qu' on ne veut pas que le monde voit. Alors on prétend que tout va bien, en se cachant derrière des arc-en-ciel. Et c' est peut-être mieux ainsi, parce que certains de ces endroits sont plus sombres que d' autres.
Vossler voulait croire en ce sourire, en cet amour de la part de celle qui avait pour rôle de jouer -car pour lui, la vie n' était qu' un jeu- une fiancée, fidèle. Cette dernière venait de passer aux aveux, et la réalité des choses, bien trop dure à accepter, prenait peu à peu l' aspect d' un cauchemar, où tout devenait incontrôlable et s' effondrait autour de lui.
Souffrance, esseulement.. voilà des sensations, qu' elle avait réussi à enfouir en lui jusqu' à présent, qui lui paraissent alors bien familières.
Comme pétrifié par la surprise empoisonnée, il resta cloué quelques instants sur place, incapable de prononcer le moindre mot, se contentant simplement de remuer brièvement la tête de droite à gauche en dévoilant un regard terrifié de manière involontaire. Intérieurement, le brun se persuadait qu' il allait finir par se réveiller, que ce n' était qu' un délire de plus provoqué par le feu qui le rongeait chaque jour un peu plus ; que tout ceci n' était que pure invention.. Puis vint le moment d' ouvrir les yeux et de se laisser étreindre par l' affliction, comme seul moyen de consolation.
Toujours sans la moindre parole, l' abattu s' approcha nerveusement de la belle jeune femme, avant de s' arrêter à son niveau, d' inspirer profondément et d' humer son parfum enivrant, une dernière fois. Chose faite, il emporta une paire de coffrets, dissimulés dans ses malles, s' empara de son manteau et quitta cette chambre d' hôtel, direction une auberge des plus modestes à quelques pâtés de maisons. Mais avant cela, il aurait à faire un détour par les sombres ruelles de la ville..
[Plus tard dans la soirée, dans la chambre de l' auberge avoisinante.]
..Une fois ses "achats" effectués, le jeune homme découvrit une chambre minuscule, tout ce qu' il y avait de plus sommaire, comportant un lit qui semblait inconfortable à souhait et un bureau bancale, certainement dévoré par les thermites, où il prit place. Un tiroir fut rapidement ouvert en quête de vélins. Il plaça ensuite le premier coffret devant lui, nettement plus petit que le second, celui-ci contenant sa plus belle plume, certes sans aucun défaut, mais sans aucune valeur sentimentale dorénavant.
Puis s' en saisit sans plus attendre et coucha ses pensées sur le parchemin, en s' accordant tout de même quelques pauses régulières pour siroter une des bouteilles de whisky, déjà bien entamée, qu' on lui avait offerte. L' alcool, parait que c' est bien pour y noyer ses soucis ! Ainsi après après quelques feuilles froissées en boules, on pouvait distinguer sur les différentes missives éparpillées :
Citation:
A Henry de Silly, le plus cher ami qui puisse me rester,
Noz vat !
Faute de t' avoir en face de ma chope, je prends la plume pour t' informer de mon prochain départ.
J' ai été informé d' une nouvelle plus que bouleversante
et me vois obligé de fuir cette Bretagne pour un long voyage.
J' aurai aimé que tu recolles les morceaux avec la petite, et si ce n' est pas pour elle,
fais au moins cela pour moi ; elle mérite d' être heureuse elle aussi,
et je suis certain qu' elle se rendra compte de la gravité de ses actes.
Sur ces brèves lignes, je te dis adieu, et n' espère pas te revoir pendant au moins une éternité,
tu comprendras sans pourquoi doute par la suite..
En te remerciant pour cette amitié,
Vossler.
A Henry de Silly, le plus cher ami qui puisse me rester,
Noz vat !
Faute de t' avoir en face de ma chope, je prends la plume pour t' informer de mon prochain départ.
J' ai été informé d' une nouvelle plus que bouleversante
et me vois obligé de fuir cette Bretagne pour un long voyage.
J' aurai aimé que tu recolles les morceaux avec la petite, et si ce n' est pas pour elle,
fais au moins cela pour moi ; elle mérite d' être heureuse elle aussi,
et je suis certain qu' elle se rendra compte de la gravité de ses actes.
Sur ces brèves lignes, je te dis adieu, et n' espère pas te revoir pendant au moins une éternité,
tu comprendras sans pourquoi doute par la suite..
En te remerciant pour cette amitié,
Vossler.
Citation:
A ma soeurette, Marguerite,
Bonsoir ma puce.
Tu dois sans doute te demander la raison pour laquelle je t' écris,
même après cette dispute qui nous a séparé.
Je dois partir petit ange, je suis gravement blessé et mon coeur n' est plus qu' une plaie béante,
qui m' empêche de rester en ce bas monde.
Sache que s' il m' arrivait quoi que ce soit tu n' auras qu' à accomplir ma dernière volonté,
indiquée dans mon testament, en échange de quoi tu recevra mon héritage.
Je suis sincèrement désolé de ne pas tenir ma promesse en t' abandonnant,
et n' attends aucun pardon de ta part. Kenavo.
Ton lamentable frère,
Vossler.
A ma soeurette, Marguerite,
Bonsoir ma puce.
Tu dois sans doute te demander la raison pour laquelle je t' écris,
même après cette dispute qui nous a séparé.
Je dois partir petit ange, je suis gravement blessé et mon coeur n' est plus qu' une plaie béante,
qui m' empêche de rester en ce bas monde.
Sache que s' il m' arrivait quoi que ce soit tu n' auras qu' à accomplir ma dernière volonté,
indiquée dans mon testament, en échange de quoi tu recevra mon héritage.
Je suis sincèrement désolé de ne pas tenir ma promesse en t' abandonnant,
et n' attends aucun pardon de ta part. Kenavo.
Ton lamentable frère,
Vossler.
Et pour finir..
Citation:
A Marie de Kermorial,
Ma fiancée, mon amour,
je garde le peu de sobriété qu' il me reste pour t' écrire mes dernières pensées.
Longtemps j' ai cru en ce songe -car chacun d' entre nous a le droit de rêver-
songe dans lequel tu restais à mes côtés, songe qui semblait éternel,
mais réel..
Je ne pense pas éprouver la moindre colère, ni aucune rancoeur envers toi,
seulement de l' incompréhension, une importante humiliation et une immense déception.
Et si j' avais une dernière question à te poser, ce serait évidemment :
Pourquoi ?
Tout paraissait si facile, si surmontable une fois enlacé entre tes bras,
je me sentais fort, tu es la plus belle chose qui me soit arrivé,
et ce tout au long de ma pauvre existence.
Il y a tant de chose que je voudrais que tu saches, hélas je m' en vais,
ne pouvant plus faire comme si de rien n' était.
Il m' est impossible de reprendre une vie normale après ce qui s' est passé.
J' espère que tu me comprendras, et m' excuse de ne pas avoir été à la hauteur.
Oublie-moi, rapidement, ne cherche en aucun cas à me retrouver..
Sans un regret je t' aime, et continuerai à t' aimer, de là où je serai.
Enfin, je te pardonne, tout.
De la part d' un désespéré.
PS : Dis à beau-papa que malgré l' âge je le félicité d' avoir gardé ce foudroyant crochet,
mon nez à présent en bouillie peut même le confirmer.
PPS : Le même canard a fait construire une maison pour nous deux à Belle-île,
j' étais chargé de t' en faire la surprise, une fois mariés,
en te donnant la clé, de la porte d' entrée me semble-t-il.
Clé que j' ai planquée sous une latte du plancher de cette chambre que je viens de quitter,
derrière la petite commode, celle qui est près de la fenêtre.
PPPS : Et pour finir, que son whisky est fabuleusement délicieux !
A Marie de Kermorial,
Ma fiancée, mon amour,
je garde le peu de sobriété qu' il me reste pour t' écrire mes dernières pensées.
Longtemps j' ai cru en ce songe -car chacun d' entre nous a le droit de rêver-
songe dans lequel tu restais à mes côtés, songe qui semblait éternel,
mais réel..
Je ne pense pas éprouver la moindre colère, ni aucune rancoeur envers toi,
seulement de l' incompréhension, une importante humiliation et une immense déception.
Et si j' avais une dernière question à te poser, ce serait évidemment :
Pourquoi ?
Tout paraissait si facile, si surmontable une fois enlacé entre tes bras,
je me sentais fort, tu es la plus belle chose qui me soit arrivé,
et ce tout au long de ma pauvre existence.
Il y a tant de chose que je voudrais que tu saches, hélas je m' en vais,
ne pouvant plus faire comme si de rien n' était.
Il m' est impossible de reprendre une vie normale après ce qui s' est passé.
J' espère que tu me comprendras, et m' excuse de ne pas avoir été à la hauteur.
Oublie-moi, rapidement, ne cherche en aucun cas à me retrouver..
Sans un regret je t' aime, et continuerai à t' aimer, de là où je serai.
Enfin, je te pardonne, tout.
De la part d' un désespéré.
PS : Dis à beau-papa que malgré l' âge je le félicité d' avoir gardé ce foudroyant crochet,
mon nez à présent en bouillie peut même le confirmer.
PPS : Le même canard a fait construire une maison pour nous deux à Belle-île,
j' étais chargé de t' en faire la surprise, une fois mariés,
en te donnant la clé, de la porte d' entrée me semble-t-il.
Clé que j' ai planquée sous une latte du plancher de cette chambre que je viens de quitter,
derrière la petite commode, celle qui est près de la fenêtre.
PPPS : Et pour finir, que son whisky est fabuleusement délicieux !
Le grand brun releva la tête en soupirant, puis s' affaira de faire envoyer les deux premières lettres. Il replaça la dernière méticuleusement au centre du bureau, bien en évidence, de sorte à ce qu' elle soit trouvée sans grande difficulté.
Car il avait usé du prétexte d' un voyage imaginaire pour camoufler son départ vers les cieux. A ce moment précis, l' Azelas avait la seule et unique envie, celle de s' en aller, de se faire sauter le caisson. Il était fermement décidé, et peu importe s' il quittait lâchement ce monde, il s' en fichait..
Il n' avait plus qu' à mettre son plan à exécution. Il attrapa une poche en cuir, ramenée de son marché nocturne, qu' il déficela calmement.
Celle-ci contenait quelques baies de belladone et ne se fit pas prier pour les avaler avant de faire passer ce goût amer en buvant une nouvelle gorgée d' alcool.
Hyoscyamine, atropine, venez à lui !
La belladone aurait pour effet de provoquer -entre autres- une soif intense, et quelle meilleure amie que sa bouteille pour la combler ? Cette fameuse "belle-femme" allait aider l' homme à partir, ou comment se laisser emporter par sa passion, du grand Art !
Vossler s' était allongé, la tête lui tournait déjà, sa vision se troublait de plus en plus, et il suait quand les premières hallucinations vinrent l' envahir. Et s' en suivirent de longues minutes de paranoïa, à se poser une tonne d' interrogations en remettant sans cesse la fidélité de sa promise en question. Ses mains plaquées contre chaque extrémité de son crâne, il hurlait en se tordant de douleur, puis pris d' un excès de panique, il se leva d' un bond pour envoyer valser un guéridon contre la fragile porte en bois. Il était grand temps d' en finir, et vite, si non il risquait d' agoniser encore durant les dernières minutes qui lui restaient à vivre.
[Badaboum !]
Le fameux deuxième coffret, c' est celui qui contenait l' arme à feu que son père lui avait donné juste avant de mourir, lui aussi. Chargé par précaution, le pistolet était prêt à l' emploi, une simple pression et la délivrance.
Le Politain tituba alors jusqu' à la fenêtre, à travers laquelle on pouvait apercevoir un maigre reflet de quelqu' un de complètement méconnaissable, les yeux rouges, le teint très pâle, ses cheveux étaient vraiment plus en bataille qu' à la normale et son nez, cassé par un coup de poing, semblait vouloir quitter cet affreux visage.
D' une main tremblante il colla l' arme contre sa tempe, repensa une dernière fois à la femme de sa vie, au fait qu' il allait la perdre, jusqu' à ce que des larmes coulent le long de ses joues creuses ; chose qui n' était pas arrivée depuis des années.
Puis après un léger sourire moqueur, en un bloc, son corps se crispa, ses paupières se refermèrent et d' un cri il expulsa tout le désespoir ainsi que le malheur qui s' étaient infiltrés en lui. Le coup de feu retentit bruyamment dans tout le quartier, tandis que le cadavre s' écroulait lentement au sol, la tête baignant dans une flaque de sang.