Matin brumeux,matin pluvieux. Digne matin breton où la brume semble vouloir rester accrochée aux moindres branches des arbres, la rosée baigner l'herbe qui n'en a nul besoin et les tas de neige déblayés fondre inlassablement.
Un regard sur la cour du château qui ressemble plus à une bauge boueuse qu'à son rôle premier et elle aperçoit un garde se hâter en direction des appartements. Allons bon ? Margot ? Non, elle est au duché, elle organise la défense, tout va bien. Alwenna? Non elle est à la maison. Gael ? Il est normalement entre de bonnes mains.
Le nez qui se plisse la réflexion qui trépasse. Elle verra bien qui cherche à lui demander quelque chose ou à lui donner des nouvelles !
Elle se rassied dans son fauteuil, non loin de l'âtre, rabats quelques mèches rebelles derrière son oreille et s'empare de la lettre dès que le garde arrive. C'est qu'elle a une légère tendance à l'ennui ces derniers temps !
L'écriture lui est inconnue. Le scelle du parchemin tout autant. Haussement de sourcils de la brune qui déplie avec précaution la lettre avant de la lire.
Un grand sourire se dessine sur ses lèvres au fur et à mesure qu'elle prend connaissance de l'écrit, amusée par les erreurs de style et la copie d'expressions que la petite a surement entendu de-ci de-là. Une petite qu'elle n'a vu que bébé et qu'elle pensait entre de meilleures mains que celles des surs.
Un rire s'échappe en lisant le post-scriptum. Un chat. Après tout pourquoi pas, il y a suffisamment de place ici.
Elle pèse le pour, le contre. Hésite. Et prend sa plume.
A Marie-Pomme Wolback,
De Solenn Wolback de Montfort-Laval, duchesse d'Hennebont,
Chateau d'Hennebont, d'ar Meurzh 18 a viz Genver 1459
Ma nièce,
Je te présente aussi mes meilleurs vux pour cette nouvelle année.
Ici, à Vannes, la neige a arrêté de tomber aussi. Toutefois, Alwenna, ma fille et donc ta cousine, a pu aller faire ses bonshommes de neige avec quelques autres enfants.
Je n'ai pas encore reçu la lettre des surs, ce qui ne saurait tarder, mais j'ai pris grand plaisir à lire ta lettre et à avoir de tes nouvelles. Concernant tes déboires au couvent, sache qu'ils ne dureront plus longtemps. Je vais mander à l'un de mes serviteurs d'aller te chercher afin que tu rejoignes le monde et découvre ta famille.
Tu prendras tes quartiers à Vannes, au château, et je vais informer ta grande sur et ton frère de ta présence à nos côtés.
En attendant, reste correcte avec les surs, écoute les bien et prie avec application.
Avec mon affection,
Solenn Wolback
P.S. : C'est oui pour le chat.
Elle laisse l'encre sécher puis dépose son cachet sur le parchemin mais retient le garde.
Attendez donc mon brave que j'écrive au couvent.
Elle grimace et l'écriture de la lettre est plus laborieuse. Il faut flatter sans trop flatter, remercier sans trop remercier. Quelques soupires plus tard, beaucoup de froncement de sourcils plus tard, la lettre est écrite, scellée.
A la mère supérieure du couvent des Bois-Jolis, Saint Benoit,
De Solenn Wolback de Montfort-Laval, duchesse d'Hennebont
Chateau d'Hennebont, d'ar Meurzh 18 a viz Genver 1459
Ma mère,
J'ai reçu ce jour une lettre de ma nièce, la petite Marie-Pomme Wolback. Elle avait été confiée à vos bons soins lors de la mort de ses parents et il me semble que vous avez tenu votre rôle à merveille.
La lettre que j'ai pu lire était soignée bien que contenant quelques erreurs, mais je suis certaine de pouvoir lui donner, sur les bases que vous lui avez inculquer, la suite d'une bonne éducation.
Cette missive donc pour vous informer de la venue prochaine d'une délégation qui vous délivrera de la petite Marie-Pomme. Je compte en effet me charger d'elle. Peut-être aurons nous le loisir de nous voir, si j'ai le temps de me déplacer moi-même, et vous pourrez alors me faire un rapport de vive voix sur ses qualités et défauts. Si je n'étais pas disponible, je vous invite à m'envoyer par courrier les informations que vous pensez devoir être connu pour assurer à la petite la continuité de son éducation.
Aristote vous garde et veille au développement de votre couvent.
Solenn Wolback de Montfort-Laval,
Duchesse d'Hennebont
Et les deux lettres de voguer dans une même poche. Les instructions sont claires. D'abord la jeune fille, ensuite la mère supérieure._________________