Keridil
[Seigneurie de Bréméan]
Solitude. Oui, c'était définitivement le mot. Bon, certes il y avait une ribambelle de gens qui passaient dans ce château, mais quand vous êtes le Seigneur, il faut bien avouer que peu d'entre eux prennent une pause pour tailler le bout de gras, pour ne pas dire aucun.
Le seul qui ose - et encore - c'est Julien. Le brave garçon aurait pu aisément être appelé homme de compagnie du Chambellan. Or, cette fois, l'Amahir, assis dans son trône seigneurial, qui était plutôt une grande chaise joliment travaillée, pensait.
Vous voyez la scène ? Très bien.
Il pensait que depuis ses noces, il avait été à la fois le plus heureux des hommes, mais aussi le plus seul d'entre eux. Les moments partagés avec son épouses se faisaient rares, et entre deux instants conjugaux, il se retrouvait à errer entre les Ambassades, la Chambre des Nobles qui l'ennuyait un brin, et son château.
Pour clore le tout, depuis que son père avait remis la couronne ducale, ils ne se voyaient presque plus, et en hiver, il ne pouvait qu'à peine aller chevaucher, histoire de se distraire.
Vous me direz qu'il y a pire comme vie ? Certes, mais Keri Keri, lui, est persuadé en son for intérieur d'être victime d'un complot du genre : laissez-le tout seul.
Alors qu'il faisait des ronds avec son index sur l'accoudoir de son trôôône, il fut interrompu par son ami et valet.
Excellence, la gouvernante de Demoiselle Eisangélia est ici.
Tiens donc ? Et qu'est-ce que cette dame pouvait bien faire à Bréméan ? Le meilleur moyen de le savoir était de la faire entrer. Ainsi fit-elle. S'inclinant, la petite albinos lui tenant la main, elle allait parler quand le bout de demoiselle qu'était la soeur du brun lui sauta dessus.
Keriiii !
L'Amahir sourit, se rendant compte, un peu - et là vous n'avez pas tout vu - combien sa famille lui manquait depuis ses noces.
Caressant un instant la chevelure blanche, il fit un signe de main pour que la brave femme commence.
Seigneur Keridil, sa Grâce le Duc est parti depuis des jours, laissant la petite et je n'ai point l'habitude qu'elle soit seule si longtemps, elle non plus et elle ne cesse d'ailleurs de réclamer père et mère, surtout mère cela dit.
Sourcil qui s'arque. Evidemment que Lexhor n'a pas le temps de materner, et Naluria, elle, est en Alençon.
Mon père visite le duché, ma mère est avec l'armée en Alençon, que puis-je bien y faire ?
J'ai pensé que Mademoiselle Eisangélia serait heureuse de voir un visage familial, et puis j'ai croisé ce matin votre dindonnière à Alluyes et elle m'a dit que vous arpentiez les couloirs du château sans cesse alors nous nous sommes dit qu'un peu de compagnie vous...blablablaaaa
Foutues bonnes femmes ! Elles ont une manie de cancaner, et que pouvait bien faire sa dindonnière à Alluyes ? Question qu'il faudrait élucider.
Chut. En effet je suis heureux de voir ma soeur, merci. Sais-tu quand rentrent leurs Grâce ?
Alors qu'elle allait dire non, elle fut coupée par Julien, qui à l'évidence savait. On n'est jamais mieux servi que par ses serviteurs, et c'est à se demander s'ils n'ont pas les oreilles partout, ils en savent toujours plus que vous même.
Excellence, le cocher de Sa Grâce votre mère a dit au notre ce matin que leurs Grâces sont rentrées en Orléanais. Ils se sont retrouvés sur la route entre Montargis et Orléans avec leurs enfants, vos frères.
Alors ils sont rentrés ?
Point encore, le cocher l'a apprit d'un garde ducal qui devait escorter la Duchesse. Elle les a congédier, mais vous connaissez les gardes ducaux, quand ils peuvent prendre en filature les têtes couronnées...
Bien. Merci, laissez-nous.
Evidemment, il n'avait pas été prévenu, on faisait des retrouvailles familiales, probablement des plus touchantes et larmoyantes, et à aucun moment on ne pensait à lui. Ajoutez cela à ce sentiment de solitude déjà évoqué, et vous aurez un Keri jaloux et en rogne.
Il jeta un oeil à sa soeur.
Toi aussi t'es une pièce rapportée hein...toi aussi on t'a oubliée. Allez viens, je vais te montrer ma chambre.
Pièce rapportée était bien trouvé. Elle bâtarde, lui adopté. Eux ? Bah eux c'était des enfants légitimes voyons ! Le temps passa, Keridil avait essayé d'apprendre le luth - en vain - à Eisangélia, mais au moins ils s'étaient occupés et le temps avait passé. C'est alors que Julien reparut.
Excellence, la poussière de chevauchée s'élève en Alluyes, et du village on ouï la chute du pont-levis. Vos parents sont rentrés.
La moue Keridilienne apparut sur le visage du brun. Oui, il rapporterait Eisangélia, pas pour qu'ils ne s'inquiètent pas de son absence, puisque dans l'esprit de l'Amahir, ils ne la remarqueraient même pas.
Il se leva, prit la main de l'enfant qu'il remit à sa gouvernante. En un instant il fut changé, habillé pour rencontrer leurs Grâce, puisque depuis quelques temps, ils préféraient cela à maman et papa, et il ordonna de faire atteler le carrosse. Julien, la gouvernante et Eisangélia installés dans le carrosse, il sortit la tête du coche et s'adressa à son cocher.
Au château d'Alluyes et à vive allure !
Rideau ! La suite au prochain épisode, ou quand Keri fera une entrée magistrale en salle du trône.
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Solitude. Oui, c'était définitivement le mot. Bon, certes il y avait une ribambelle de gens qui passaient dans ce château, mais quand vous êtes le Seigneur, il faut bien avouer que peu d'entre eux prennent une pause pour tailler le bout de gras, pour ne pas dire aucun.
Le seul qui ose - et encore - c'est Julien. Le brave garçon aurait pu aisément être appelé homme de compagnie du Chambellan. Or, cette fois, l'Amahir, assis dans son trône seigneurial, qui était plutôt une grande chaise joliment travaillée, pensait.
Vous voyez la scène ? Très bien.
Il pensait que depuis ses noces, il avait été à la fois le plus heureux des hommes, mais aussi le plus seul d'entre eux. Les moments partagés avec son épouses se faisaient rares, et entre deux instants conjugaux, il se retrouvait à errer entre les Ambassades, la Chambre des Nobles qui l'ennuyait un brin, et son château.
Pour clore le tout, depuis que son père avait remis la couronne ducale, ils ne se voyaient presque plus, et en hiver, il ne pouvait qu'à peine aller chevaucher, histoire de se distraire.
Vous me direz qu'il y a pire comme vie ? Certes, mais Keri Keri, lui, est persuadé en son for intérieur d'être victime d'un complot du genre : laissez-le tout seul.
Alors qu'il faisait des ronds avec son index sur l'accoudoir de son trôôône, il fut interrompu par son ami et valet.
Excellence, la gouvernante de Demoiselle Eisangélia est ici.
Tiens donc ? Et qu'est-ce que cette dame pouvait bien faire à Bréméan ? Le meilleur moyen de le savoir était de la faire entrer. Ainsi fit-elle. S'inclinant, la petite albinos lui tenant la main, elle allait parler quand le bout de demoiselle qu'était la soeur du brun lui sauta dessus.
Keriiii !
L'Amahir sourit, se rendant compte, un peu - et là vous n'avez pas tout vu - combien sa famille lui manquait depuis ses noces.
Caressant un instant la chevelure blanche, il fit un signe de main pour que la brave femme commence.
Seigneur Keridil, sa Grâce le Duc est parti depuis des jours, laissant la petite et je n'ai point l'habitude qu'elle soit seule si longtemps, elle non plus et elle ne cesse d'ailleurs de réclamer père et mère, surtout mère cela dit.
Sourcil qui s'arque. Evidemment que Lexhor n'a pas le temps de materner, et Naluria, elle, est en Alençon.
Mon père visite le duché, ma mère est avec l'armée en Alençon, que puis-je bien y faire ?
J'ai pensé que Mademoiselle Eisangélia serait heureuse de voir un visage familial, et puis j'ai croisé ce matin votre dindonnière à Alluyes et elle m'a dit que vous arpentiez les couloirs du château sans cesse alors nous nous sommes dit qu'un peu de compagnie vous...blablablaaaa
Foutues bonnes femmes ! Elles ont une manie de cancaner, et que pouvait bien faire sa dindonnière à Alluyes ? Question qu'il faudrait élucider.
Chut. En effet je suis heureux de voir ma soeur, merci. Sais-tu quand rentrent leurs Grâce ?
Alors qu'elle allait dire non, elle fut coupée par Julien, qui à l'évidence savait. On n'est jamais mieux servi que par ses serviteurs, et c'est à se demander s'ils n'ont pas les oreilles partout, ils en savent toujours plus que vous même.
Excellence, le cocher de Sa Grâce votre mère a dit au notre ce matin que leurs Grâces sont rentrées en Orléanais. Ils se sont retrouvés sur la route entre Montargis et Orléans avec leurs enfants, vos frères.
Alors ils sont rentrés ?
Point encore, le cocher l'a apprit d'un garde ducal qui devait escorter la Duchesse. Elle les a congédier, mais vous connaissez les gardes ducaux, quand ils peuvent prendre en filature les têtes couronnées...
Bien. Merci, laissez-nous.
Evidemment, il n'avait pas été prévenu, on faisait des retrouvailles familiales, probablement des plus touchantes et larmoyantes, et à aucun moment on ne pensait à lui. Ajoutez cela à ce sentiment de solitude déjà évoqué, et vous aurez un Keri jaloux et en rogne.
Il jeta un oeil à sa soeur.
Toi aussi t'es une pièce rapportée hein...toi aussi on t'a oubliée. Allez viens, je vais te montrer ma chambre.
Pièce rapportée était bien trouvé. Elle bâtarde, lui adopté. Eux ? Bah eux c'était des enfants légitimes voyons ! Le temps passa, Keridil avait essayé d'apprendre le luth - en vain - à Eisangélia, mais au moins ils s'étaient occupés et le temps avait passé. C'est alors que Julien reparut.
Excellence, la poussière de chevauchée s'élève en Alluyes, et du village on ouï la chute du pont-levis. Vos parents sont rentrés.
La moue Keridilienne apparut sur le visage du brun. Oui, il rapporterait Eisangélia, pas pour qu'ils ne s'inquiètent pas de son absence, puisque dans l'esprit de l'Amahir, ils ne la remarqueraient même pas.
Il se leva, prit la main de l'enfant qu'il remit à sa gouvernante. En un instant il fut changé, habillé pour rencontrer leurs Grâce, puisque depuis quelques temps, ils préféraient cela à maman et papa, et il ordonna de faire atteler le carrosse. Julien, la gouvernante et Eisangélia installés dans le carrosse, il sortit la tête du coche et s'adressa à son cocher.
Au château d'Alluyes et à vive allure !
Rideau ! La suite au prochain épisode, ou quand Keri fera une entrée magistrale en salle du trône.
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