Le séant enfin posé sur le trophée de la victoire, bien piètre si on considère qu'elle n'en est pas seule responsable, Lamia, rétrospectivement, frissonne d'une répulsion mêlée de rage impuissante.
En d'autres circonstances, attitude aussi répugnante aurait vu une issue différente que le regard assassin jeté au coupable.
Le rôle de chacun, pour un soir, n'étant que façade, l'outrage subit n'en était pourtant qu'une de plus puisque destinée à son double de la nuit.
Forte de ces considérations, les battement de son cur se firent moins tapageurs, jusqu'au moment ou un gitan plein de sollicitude refit surface dans son champ de vision.
A cent lieues d'avoir imaginé tel scénario, c'est dans un balbutiement qu'elle donne l'accord à cet acte dont il en a fait une héroïne flottant dans un monde irréel.
Un instant marionnette pantelante, le souffle court sous l'habileté de ses gestes que la douceur dispute à la précision, Lamia se reprend au son de la voix veloutée.
Citation:Je pense que c'est à nous maintenant
Soulevée de terre avant que ses pieds ne rencontrent à nouveau le sol, la taille prise dans la douce chaleur des mains de son ravisseur, elle se perd dans l'envoutement d'une voix et d'un regard tandis que lentement il l'effeuille, légitimant chacun de ses actes par des mots qui sonnent comme une telle évidence qu'elle se plie à son caprice sans plus de réaction que le frémissement qui titille dangereusement son échine à chaque frôlement. Tout juste a-t-elle le temps d'envoyer valser les dernières entraves, laissant ses pieds gainés de soie suivre au pas de course son cavalier, la main cramponnée à la sienne.
Elle se sent à ce moment aussi libre que vulnérable et prie pour que le bohémien n'ait pas la même propension à déshabiller les âmes.
L'habit de fait pas le moine mais la disparition d'une partie de ses effets a emporté dans la foulée cette assurance qu'elle affichait vaillamment.
Ne pas penser à son apparence, surtout, sans quoi la main qui l'entraîne ne suffira pas à empêcher un effondrement.
Il a voulu faire d'elle sa reine pour une danse, image bien éloignée de l'effet qu'elle escomptait bien conserver jusqu'aux derniers accords des musiciens et en même temps si...libératrice.
Dans un brouillard elle assiste à la passation de mandoline assortie d'instructions qui lui échappent, se sentant transportée avant même d'avoir esquissé le moindre mouvement.
Prête à sombrer dans l'abîme des divines sensations dont elle vient d'avoir un aperçu tout aussi édifiant que déstabilisant, sans aucun doute, si elle ne se fait pas violence dans la seconde pour récupérer un peu de la lucidité qui lui joue des tours.
D'une voix aussi assurée que possible, elle acquiesce.
Tout à fait prête,,, gadjo... -louée soit celle qui plus tôt a utilisé ce terme qu'elle reprend à son actif- ou qui que vous soyez.
Dans son dos, le petit manège auquel il se livre et qu'elle ressent aussi sûrement que si ses mains ne se faisaient pas si légères et distantes, la consume d'impatience frissonnante.
Il a dit souhaiter lui montrer comment dansent les hommes de chez lui, elle a hâte de cette démonstration promise.
Les mains s'enlacent et la ballade entonnée d'une voix douce lui rapporte le souffle chaud de ses lèvres dans une harmonie que tend à la perfection tandis que les corps s'épousent enfin lorsqu'il l'attire à lui.
Lamia se laisse emporter par le rythme langoureux, sans se préoccuper du balancement de son corps qui suit naturellement celui de son partenaire, une main légère posée sur le bras qui lui ceint la taille, la seconde allant chercher vers l'arrière la nuque de son cavalier pour l'effleurer du bout des ongles.
Inexorablement, Lamia se prend au jeu de cette danse qu'elle découvre avec un plaisir indicible.
Les pensées s'envolent et tourbillonnent à l'instar de la manière dont il la fait maintenant virevolter.
Seuls l'instinct et la fusion magique de l'instant la guident.
Au moment où elle se retrouve plaquée cette fois face à lui, c'est sans fausse pudeur qu'elle se noie dans son regard, iris au beau fixe, mains nouées autour de son cou et bassin ondulant au diapason.
Alors que dans un sourire ses yeux quittent les siens, elle lui susurre gaiement :
Savez vous que nous n'avons même pas été présentés? Il y a fort à parier que cette danse doit paraître quelque peu indécente aux yeux de certains bien-pensant.
Mais je constate que vous semblez toujours fort intrigué par cette particularité, rescapée de votre attirance pour le dénuement.
Serais-je en droit d'en conclure qu'il faudrait rompre le charme pour votre sérénité?
Sourire ingénu devant l'impossibilité de répondre du chanteur qui n'a pas terminé sa prestation, que suit une démonstration immédiate.
Sans perdre la cadence, elle se hisse sur la pointe des pieds pour laisser glisser, le long de la veine qui bat dans son cou, la pointe de ses taquines canines.
Le recul léger qu'elle opère pour observer le sillon sybillin qu'elle a laissé, lui fait regretter l'indisponibilité des lèvres du bel inconnu.
Plus elle y pose les yeux, plus elle se persuade qu'elle en aurait bien plutôt volontiers fait céder la pulpe pour en recueillir de la pointe de la langue une larme de sang.
Ce n'est que partie remise... Le baisser de rideau n'a pas encore eu lieu.
Edit pour rajout final