Blanca ne put sempêcher de remarquer le soupir du greffier lorsquelle retourna à sa place, elle se promit de sassurer auprès du juge quil lui ferait une remarque sur un tel comportement à la fin du procès.
Mais pour lheure cétait à laccusation de commencer son réquisitoire, que Blanca écouta avec attention. Elle fut fort étonnée du chemin que prit dame Verania, préférant se livrer à des attaques personnelles plutôt que de consolider ses accusations par des faits. Cétait un jeu dangereux que Blanca avait espéré éviter, car ce genre daffirmations pouvait facilement être interprétées par la Cour comme le signe quon se sentait acculé et à court darguments.
La procureur termina son discours sur une requête sans appel qui semblait fortement exagérée compte tenu de la légèreté des preuves, mais Blanca devrait faire avec et attendit donc patiemment quon lui donnât la parole.
Ce fut le Juge qui lui la donna:
Hum oui, Votre Honneur, je souhaiterai réagir à ce qui vient d'être dit.
Loin de moi lidée de vous dire ce quil est bon ou non daccepter dans votre Cour mais à mon sens madame le Procureur vient tout bonnement de dépasser les bornes !
Dabord elle prétend que mon client « se moque totalement de la justice de Franche-Comté » ce qui est faux compte tenu de sa présence en ces lieux aujourdhui et du fait quil ait patiemment attendu son tour pour prendre la parole, faisant par là même preuve de respect envers le Cour.
Ensuite elle ne tient absolument pas compte du témoignage apporté par la défense et certifié authentique, à savoir la lettre du maire de Saint-Claude - plaignant dans cette affaire - qui dit que Raouldarc participe de son plein gré « à la défense civile, bénévole et régulière de la ville de Saint-Claude, offrant sans regrets sa poitrine en rempart aux coups ennemis qui pourraient salir notre ville. D′attaquant, le voilà notre plus fidèle défenseur. »
Si ces propos ninnocentent certes pas mon client, ils devraient fortement modérer la peine requise par laccusation contre lui. Mais que nenni ! Au contraire Madame le procureur réclame : « au nom de la Franche-Comté, un verdict de culpabilité clair et sans circonstances atténuantes » alors que le plaignant dans cette affaire, messire Tristan, demande clairement dans sa lettre : « Aussi, à vous qui jugez, je demande la clémence. Punissez-le mais avec retenue. ».
Votre Honneur, en exigeant que mon client soit condamné sans circonstances atténuantes et en ne tenant pas compte de la demande de messire Tristan, madame le Procureur va à lencontre de larticle 1 de la Charte du Procureur de Franche-Comté:
Citation: Le procureur représente les intérêts de la victime.
Aveuglée par son envie de gagner ce procès coûte que coûte en infligeant une peine exemplaire à mon client, Madame le procureur va même plus loin puisquelle ne se contente pas de dédaigner les preuves amenées par la défense mais quelle va jusquà en fabriquer de toutes pièces !
Tout dabord elle réinterprète entièrement le témoignage de dame Morelio, lui prêtant des pensées quelle na jamais exprimées devant cette Cour.
Citation:Mais y a-t-il, votre Honneur, un autre blond à Saint-Claude et dans toute la Franche-Comté, qui sente aussi mauvais que RaouldArc? Je suis convaincue que le témoin [
] a reconnu RaouldArc encore plus à lodeur corporelle totalement insupportable que celui-ci dégage et qui est reconnaissable à vingt pas!
Votre Honneur, dame Morélio a prêté serment sur le Livre des Vertus ainsi que lexige la procédure et elle na jamais fait mention dune odeur désagréable dans son témoignage. Ce nest donc que pure affabulation de la part de la procureur que den faire mention. En cela, Madame le procureur bafoue larticle 5 du Code Pénal, Chapitre 1 qui dit :
Citation: Alinéa 2
Un témoignage est la preuve orale ou écrite déposée par un témoin sous serment sur le livre des Vertus lors dun procès ou dune déposition. Une déclaration qui confirme la véracité de ce que lon a vu, entendu, perçu, vécu.
Alinéa 3
Si une personne se parjure en apportant un faux témoignage, elle sera poursuivie pour Trouble à lOrdre Public.
Non seulement Madame le procureur nétait pas présente le soir où mon client aurait été aperçu devant la mairie mais en plus elle va jusquà affirmer quil a été reconnu à son odeur, émettant en cela un faux témoignage devant la Cour !
De plus, si, comme Madame le procureur laffirme, mon client avait une odeur corporelle si insupportable, ne pensez-vous pas que dame Morelio en aurait fait mention par elle-même lors de son témoignage et nest-ce pas la preuve accablante quelle a pris mon client pour un autre ? En voulant détourner les preuves à son avantage, laccusation ne fait que prouver une fois encore linnocence de mon client.
Je trouve dailleurs cette remarque sur lodeur de mon client particulièrement révélatrice, car elle laisse transparaître les sentiments personnels que nourrit Madame le procureur à légard de mon client, à savoir que son comportement, ses manières et son odeur, qui sont celles de nimporte qui travaillant dans une boucherie et nayant pas recours à des bains fréquents, lincommodent au plus haut point. Cest de la discrimination pure et simple !
De plus, en traitant mon client de « vantard et affabulateur de la pire espèce » avec un « besoin irrésistible dattirer sur lui lattention », cest bien la personnalité de mon client quelle critique et non ses actes, portant en cela atteinte à lun des fondements de la Constitution de Franche Comté, Volume 1, Article 4:
Citation:Tous jouissent des mêmes droits et devoirs. Nul ne peut-être jugé pour ce quil est, ce quil pense, ou ce quil croit, à condition de ne pas enfreindre les lois réunies dans le Codex de Franche-Comté.
Cette remarque na pour but que dintimider la défense et de faire sortir mon client de ses gonds. En quoi le fait de se vanter sêtre battu contre des brigands, quils soient 50 ou 2, est-elle une atteinte au Codex de Franche-Comté ? Il ne sagit là que dune simple digression de la part de mon client, qui na pas lhabitude de sexprimer dans une Cour de justice, comme vous laurez compris.
Toutefois juger une personne sur son odeur ou sur sa manière de sexprimer est une violation du droit de mon client à un procès honnête et équitable. La répulsion que ressent Madame la procureur vis-à-vis de mon client justifie-t-elle quon lui refuse le droit de se défendre ou dobtenir un jugement en sa faveur, au mépris de notre Constitution ? Vous et moi savons quil nen est rien et quun tel acte serait la preuve dune justice discriminante et faisant preuve de partialité !
Blanca fit une pause dans son discours, hésitant encore sur la manière de réagir face à certaines attaques dirigées contre elle également. Puis elle se décida :
Votre Honneur, laccusation va même beaucoup plus loin en faisant certaines remarques sur la relation entre mon client et moi-même qui sont totalement déplacées dans le contexte du procès qui nous occupe et qui nont pour but que de porter atteinte à lhonneur de mon client et à ma réputation davocate fraîchement diplômée.
Par ses insinuations, Madame le procureur sous-entend que mon client aurait commis ce crime pour me procurer du travail. Cest là une accusation que je considère comme une insulte au sens du droit ancien qui a valeur de coutume nayant pas été remplacé depuis qui stipule :
Citation:Droit pénal, Codex livre 1, Article 4 « Comportements et insultes »
Constitue un acte dinsulte publique : Tout propos public souillant lhonneur personnel dun habitant du Comté ou de son ascendance et choquant sans conteste lopinion publique.
Sans en apporter la moindre preuve et en toute illégalité, Madame le procureur porte atteinte à ma dignité de deux façons.
En tant que femme tout dabord puisquelle sous-entend que je me laisserais manipuler par mes sentiments pour un homme au point den perdre tout jugement critique.
En tant quavocate ensuite puisquelle prétend que je serais complice malgré moi dun coup monté visant à déboucher sur un procès public à seule fin de me « faire la main » en tant quavocate. Cela va à lencontre de la déontologie et de léthique que jai juré de respecter en prêtant serment au Barreau de Franche-Comté !
Jinvite donc Madame le procureur à vérifier ses sources plus que douteuses avant de proférer de telles calomnies vis-à-vis dun membre du Cabinet dAvocats de la Franche-Comté à lavenir.
Enfin par ses sous-entendus, Madame le procureur suggère que le fait que laccusé et moi vivions dans le même village et soyons amis ait une quelconque incidence devant cette Cour. Mais madame le procureur oublie un peu vite que le plaignant, messire Tristan, vient lui aussi de Saint-Claude, tout comme vous, Votre Honneur.
Si nous suivions son raisonnement jusquau bout, vous ne devriez donc pas vous trouvez dans cette chaise aujourdhui, sous prétexte que je vous côtoie régulièrement en taverne et que nous avons « gardé les cochons ensemble » pour reprendre les mots de laccusation.
Votre Honneur, compte tenu des détournements et inventions de preuves, des attaques personnelles et autres vices de procédure qui ont eu lieu devant cette Cour, je vous demande de conclure à un non-lieu.
Sans quoi je me verrai dans lobligation morale de faire la lumière sur certaines méthodes employées par les membres de notre Justice.
Je vous remercie de votre attention.
Blanca se rassit, prête à entendre la sentence du juge. _________________