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[RP] Sang baptismal

Griotte, incarné par Cerdanne


Le soleil peinait à se lever en ce début de journée. L’air était chargé d’humidité et sentait les embruns de l’océan. Ce temps grisâtre et terne, alimentait l’humeur maussade de la jeune fille qui cheminait en direction du campement de l’armée dirigée par la Comtesse du Lavedan. Celle-ci avait laissé en sa demeure une lettre à l’attention de sa dame de compagnie, dans l’espoir un peu fou, qu’elle lui serait remise rapidement. Impossible de savoir quand est-ce-que la môme rentrerait de vadrouille. Elle pouvait s’éclipser pendant des jours et des jours, sans jamais prévenir quiconque de ses escapades improvisées. Une vagabonde à l’esprit libre, sur laquelle il était difficile d’exercer une emprise, mais la Saint-Just semblait décidée à relever le défi.

La jeune cavalière mit pied à terre et présenta le vélin aux gardes postés en faction aux abords des tentes qui s’alignaient avec rigueur sous le ciel de plomb. La missive était brève et le ton cassant, intimant à Griotte de la rejoindre sur le champ. La demande autoritaire aurait pu braquer la morveuse et la faire fuir encore plus vite, mais il n’en fut rien. Depuis son agression, elle avait l’impression de nager en eaux troubles, se sentant perdue et esseulée, comme si on lui avait arraché son goût pour la vie et que l’existence n’avait plus aucun intérêt à ses yeux. Ainsi, les ordres de la Comtesse avaient quelque chose de rassurant. Ils étaient la preuve même qu’elle n’était pas seule et qu’il y avait encore des gens pour se soucier d’elle.


« Vous arrivez bien tôt, d’moiselle. Sa Grandeur n’est pas encore levée. Vous p’vez aller vous réchauffer près du feu de camp en attendant. Devriez aussi trouver de quoi casser la croûte. »

Attendre, mais oui, mais bien sur.

« Je vous remercie. »

La môme lui confia sa monture et se dirigea vers la luisance orangée autour de laquelle conversaient trois soldats. Ils interrompirent leur discussion en voyant la gamine s’approcher, se donnant des coups de coudes en ricanant comme des benêts. Elle devina les lueurs lubriques qui s’allumèrent dans leurs regards, plus qu’elle ne les vit. Elle sera la mâchoire et tenta de les ignorer tandis qu’elle leur tournait le dos pour se saisir d’une écuelle vide et d’un godet.

Armée de ces deux ustensiles indispensables pour un réveil en douceur, elle s’éloigna vers la tente de la Saint-Just dans laquelle elle entra en tambourinant la vaisselle l’une contre l’autre.


Debooooout là-d’dans ! C'est l'heure d'se leeeveeer !

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Gnia
Plusieurs fois, elle avait entrouvert les paupières, étiré lentement chacun de ses membres endoloris sous l'épaisse couverture de laine repoussant ainsi l'instant de vraiment s'éveiller. Un petit coup d'oeil à ses côtés pour observer le visage fatigué de celui qui avait partagé sa couche cette nuit là et lui avait permis de trouver un peu de quiétude dans son sommeil. Rompue, elle s'était simplement endormie du sommeil du juste sans avoir à s'inquiéter de s'il viendrait.
Un sourire en coin vint fleurir à la commissure de ses lèvres tandis qu'elle se réjouissait d'avoir épicé son ordinaire. Restait à présent à souffler le froid pour que le Basque s'acquitte cette fois-ci de sa mission avec succès.

Les yeux contemplant le toit de toile de la tente, elle hésitait encore à sortir de la chaleur des draps lorsqu'un tintamarre digne d'un jour de foire retentit à l'extérieur.
Elle lâcha un profond soupir avant d'enfin rabattre les couvertures et se lever.
A peine le temps de passer une chainse de lin claire, de sauter dans une paire de pantalons de toile sombre, que la cause de tout se boucan se matérialise sous la tente.

Jetant un regard noir au dessus du paravent qui coupe la partie commune de la tente de l'endroit où Sa Grandeur cherche son sommeil et se lave, elle découvre sa damoiselle de compagnie qui daigne enfin se présenter.

La tuile !
Il fallait que des deux pestes qu'elle avait à son service elle ait convoqué justement la fille de son plus fidèle amant et qui plus est plus sérieux prétendant. Pour sûr, s'il l'apprenait, au mieux elle aurait le droit à une scène retentissante, au pire - et cela faisait bien son affaire - à la fin des envies d'épousailles du Baron de Digoine.
Tout en nouant la cordelette de la ceinture de ses braies, la Saint Just passa le paravent et apostropha Griotte


J'serai vous, j'la ramènerai un peu moins !
Où est-ce que vous avez encore été traîner vos chausses ces dernières semaines ?
Parait qu'on ne vous a pas vue à l'Alabrena depuis des lustres !


Tout en grondant la jeune fille, Agnès se saisit nonchalamment de l'aiguière posée sur un coffre non loin et versa l'eau dans un bassin de cuivre. Elle y préleva un peu d'eau dans ses mains en coupe dont elle s'aspergea le visage qu'elle essuya dans sa manche avant de relever un regard un peu moins dur sur Griotte.
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Griotte, incarné par Gnia


Le réveil de la Saint-Just était à la hauteur des espérances de sa dame de compagnie. Le regard noir que Sa Grandeur lui lança par-dessus le paravent valait bien le déplacement. La môme en oublia même la mauvaise foi dont elle avait fait preuve lorsqu'elle avait appris que sa présence était requise au campement. Un sourire amusé éclaira son visage. Si elle arrêta son tintamarre pendant que la Comtesse s'habillait, ce n'était pas pour la satisfaire, mais uniquement pour parvenir à l'entendre râler. Finalement cette journée ne commençait pas si mal que ça.

Parait qu'on n'vous y a pas vu non plus depuis des lustres, à l'Alabrena.

Et toc ! La gamine se débarrassa de ses instruments de torture sonore en les déposant sur la table au-dessus de laquelle elle imaginait bien la Capitaine se pencher régulièrement pour étudier les cartes de la région et mettre en place ses stratégies de défense en compagnie des hauts officiers de l'armée.

J'me suis engagée comme dame de compagnie, pas comme écuyère. J'vois pas pourquoi j'trainerais avec les soldats guyennois - surtout qu'ch'uis bourguignonne - alors autant m'occuper en attendant vot' retour.

Se détournant de la Saint-Just vaquant à une toilette rapide, la bâtarde se laissa choir sur une chaise peu confortable.

Bon et sinon, vous glandez quoi d'vos journées ? C'doit être d'un ennui mortel pour qu'vous m'fassiez mander. Elle est où Isaure ? Y a qu'moi qu'est d'corvée gardiennage ?

La ramener un peu moins ? On peut toujours rêver, n'est-ce-pas ?

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Iban
Aux rêves sinistrement proches de la réalité qu'avait du subir le mercenaire, succéda une fantasmagorie des plus absurdes où le Basque errait à travers les rues d’une immense métropole où des charrettes métalliques fusaient à d’incroyables vitesses, sans porteurs ni cochers. Le Basque aurait sans doute poursuivit ce songe grotesque si un tintamarre de ferraille ne l’avait extirpé de son sommeil. Frissonnant, Etxegorry souleva paresseusement une paupière, incapable de discerner nettement l’intérieur de la tente. Cependant, sentant que la Comtesse quittait sa couche pour aller morigéner l’importun sonneur de matines, le Basque tira nonchalamment la couverture à lui pour se prémunir de la légère brise qui s’insinuait perfidement au travers de la toile grossière de la tente, et entreprit de somnoler encore un peu.

Le bougre de trouble-somme n’avait néanmoins pas rendu les armes. Voila que la maîtresse des lieux se mettait à discutailler bruyamment avec le gêneur. Et l’on piaillait, l’on s’emportait, l’on discutaillait, bref, l’on ne laissait pas en paix les dormeurs. Agacé, le Basque s’étira un instant et se leva enfin. Il fallait avant d’apparaître pour chasser sans vergogne ce satané piqueron, s’habiller un minimum afin que son forfait charnel de la veille ne paraisse pas de manière trop indécente aux yeux du mauvais drôle qui eût eu tôt fait de mettre l'ensemble du campement au courant. Les yeux encore embués de fatigue, il tenta maladroitement de tituber jusqu’à ses hardes. Son peu d’équilibre ne manqua pas de le faire trébucher sur un obstacle dont il ne parvint pas à discerner la nature et il se retrouva en quelques secondes par terre, au milieu d’un fatras de bouts de verre, l’avant-bras gauche tout écorché.

Furieux, il se releva vivement, les sens recouvrés du fait de la douleur, et se dirigea vers l’ouverture du paravent, bien décidé à étrangler le fauteur de trouble matinal de ses deux mains, ou du moins à lui faire regretter plus qu'amèrement son audace, dénudé ou pas.

La vue du gêneur l’arrêta net.

Elle aussi, le reconnut à l’instant. Malgré sa stupéfaction, il eut la présence d’esprit de se saisir d’un linge qui se trouvait à portée et couvrit sa nudité. Pouvait-il envisager un réveil plus malheureux ? Milles suggestions opposées quant à la tactique qu’il convenait à présent de suivre pour éviter le pire se disputèrent son esprit encore confus. Finalement, il opta pour cette stratégie classique qui lui avait tant porté secours par le passé.

Il jeta à la jeune fille un regard d’une noirceur explicite.

Voilà qui était signifié.

Si sa langue s’avérait trop pendue, il n’aurait d’autre choix que de la supprimer.

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Gnia
Quelle fantastique entrée en matière... La jeune Blanc Combaz n'avait pas froid aux yeux ou alors justement cherchait-elle à provoquer une réaction chez la Saint Just. Nan parce qu'entre le éveil sonore et l'impertinence dont elle faisait montre, il y avait des volées de phalanges qui se perdaient.
Réfrénant une subite envie de corriger l'arrogante, elle se contenta de darder un regard noir sur le visage de la jeune fille et de laisser siffler entre ses dents


Baste de vos effronteries, Blanc Combaz !
Si vous n'avez guère de tenue sans parler de retenue, je peux vous l'apprendre en vous échauffant le cuir. Méfiez-vous, la volée de bois vert n'est pas loin !


Elle s'avança menaçante à un pas de la damoiselle et le regard glacial détailla le visage aux traits que l'enfance n'avait pas tout à fait quitté.


Quand je suis pas là, vous n'allez pas battre la campagne et quand je vous sonne, vous êtes là, c'est tout ! Il n'y a pas à se perdre en arguties.
Vous le dites vous même, vous êtes damoiselle de compagnie, et j'entends bien parvenir à faire quelque chose de votre frêle petite carcasse de moineau. Autre chose qu'une gueusette qui va courir les chemins !


Elle allait poursuivre lorsque qu'un fracas de verre brisé retentit dans la tente suivi de jurons étouffés. La Saint just pivota, tendue, vers l'endroit qui servait de chambrée et avisa le Basque, la trogne mauvaise, nu comme au premier jour, une rigole de sang dévalant son bras et surtout un regard si noir qu'il semblait totalement incongru qu'il fut provoqué simplement par un réveil difficile.

Toutefois, l'apparition de son divertissement nocturne la mit dans une position fort délicate et qui répondrait probablement à la dernière interrogation de sa damoiselle. Oui, les journées étaient d'un ennui mortel, aussi, l'on meublait agréablement ses nuits... Hahem...
Ou comment faire perdre toute crédibilité à son autoritaire argumentation.

Il était plus que temps de mettre la main sur un flacon de vin.

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Griotte, incarné par Gnia


Face aux provocations de la jeune fille, le ton de la Saint-Just monta d'un cran, mais il en fallait bien plus pour impressionner l'insupportable morveuse. Ses émeraudes insolentes étaient plongées sans vergogne dans le regard noir de la Comtesse, bravant son autorité pour voir jusqu'où elle pourrait s'aventurer avant d'être châtiée. L'affront ressemblait à une mise à l'épreuve, longtemps repoussée, afin de déterminer si l'Infâme avait assez de caractère pour assujettir la gamine impétueuse. Etait-elle assez forte pour la dominer et endosser le rôle de sa protectrice ? Dieu seul savait à quel point elle avait besoin d'une figure puissante et bienfaitrice pour la prendre sous son aile et lui faire oublier la faiblesse qu'elle ressentait depuis la mauvaise rencontre qu'elle avait fait chez l'herboriste.

La Saint-Just n'était plus qu'à un pas de la bâtarde. La gamine ne pouvait plus soutenir son regard sans avoir à lever le visage vers elle. Droite et fière, elle fixa ses yeux sur le menton de la Comtesse, qui la surplombait d'une tête. Serrant les dents, elle essuya les réprimandes sans piper mots, comprenant bien que l'Infâme n'était plus qu'à un doigt d'en venir au châtiments corporels. Les limites étaient fixées. La môme était sur le point de s'y plier lorsqu'un horrible fracas se fit entendre depuis le paravent dissimulant la couchette. La tête se tourna en direction de la provenance du bruit.


Vous n'êtes pas seule ?

Une évidence qu'elle ne put se retenir d'énoncer à haute voix sous l'effet de la surprise. Son étonnement fut encore plus grand en reconnaissant la silhouette et le visage qui firent une apparition quelque peu dénudée.

Mais...

Stupeur. Le corps de la gamine se tendit d'un bloc. Un froid glacial venait de s'abattre sur elle. Un affreux sentiment de détresse se propagea dans tout son être. Elle était en danger. Que faisait-il ici ? Et nu en plus ! La Comtesse avait passé la nuit avec lui. Cette raclure était son amant !

Reculant d'un pas, puis de deux, elle ne pouvait empêcher ses yeux écarquillés de passer de l'un à l'autre. La mine effarée, elle ne parvenait pas à ignorer le regard noir que lui lançait le Basque. Lourd de sens, elle sut dans l'instant qu'elle n'avait pas intérêt à le dénoncer si elle ne voulait pas le payer cher. Très cher.


Et dire que j'étais sur le point de vous faire confiance ! Vous m'cassez l'noyau avec vos préceptes à la con, comme quoi je f'rais mieux d'arrêter d'jouer à la gueuse qui traine sur les chemins, mais vous, vous courez les remparts ! Moi au moins j'écarte pas les cuisses comme une vulgaire catin ! Si ça s'trouve l'petit héritier n'est même pas d'mon père mais de... de cette crapule ou d'un aut' du même accabit ! Ah, Eusaias s'ra ravi de l'apprendre !

Colère, trahison, impuissance... La bâtarde se retournait contre la Saint-Juste et lui crachait son venin au visage.

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--Salem_ibn_hayyan



La colère, la vengeance, la jalousie, constituent le premier défaut de cuirasse des Hommes, aussi sages et avisés soient-ils. Nul n'y échappait. Chacun y étant fatalement confronté quelques douloureuses fois dans sa vie. Salem, descendant légitime d'un Calife des Omeyyades aujourd'hui tombé en disgrâce, arpentait le vieux continent sur un mulet presque aussi impénétrable que lui. Sur son chemin, de violents éclats de voix attirèrent son attention. Il se tourna en direction de leur provenance. Il venait de loin. Et de toute évidence, il était perdu. Il avait bien une carte. En effet. Et il aurait toujours du l'avoir si son mulet ne l'avait pas dévorée en la confondant avec une forme raréfiée d'hibiscus comestible. Appréhendant avec une hauteur olympienne l'exécrable animosité qui sévissait en ces lieux, il se donna un air indifférent. Ce qui ne fut pas bien difficile.

Je me vois navré d'interrompre vos délibérations, mesdemoiselles. D'autant plus qu'il me semble que ssce n'est pas le moment. Je me présente, je me nomme Sssalem Ibn Hayyan, voyageur égaré sssur des routes qui me sssont inconnues. L'une d'entre vous aurait-elle l'infinie amabilité de m'indiquer le chemin de Montauban, je vous prie ?

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"La merde est l'avenir du monde ; et je voue mon existence à la changer en or."
Salem Ibn Hayyan
Iban
Un silence lourd de tensions diffuses tomba sous la tente de la Comtesse.

La garcelette qu’Etxegorry avait eu l’imprudence de déflorer broyait en un mutisme inquiétant une haine mêlée d’angoisse, Agnès tentait nerveusement d’enlever le bouchon d’un flacon de vin vieux, le Basque faisait profil bas le temps d’enfiler ses braies. De toute évidence, elle avait bien compris le danger qu’il y avait dans l’immédiat à révéler leur sombre petit secret, néanmoins, la garce n’était pas sotte. Ses insultes suggéraient qu’elle n’hésiterait pas à se servir de cette infortunée rencontre contre la Comtesse et contre lui. Il était à présent temps de faire montre d’un peu de diplomatie. Mais il fallait avant tout dissiper les soupçons d’Agnès en feignant de s’offusquer du peu de correction de la jeune « inconnue ».


« Allons, allons, jeunette, modérez un peu vos propos. » répliqua enfin le Basque sur un ton ferme et calme, « Oubliez-vous donc que vous vous adressez à la Comtesse? Il est vrai que nous ne vous offrons pas un accueil des plus convenables et que nous aurions préféré préserver vos jeunes années du spectacle de ces mœurs peu décentes, et puisque le mal est fait, je m’en excuse platement. Néanmoins, votre légitime colère ne doit point vous faire oublier votre place et le rang de celle à qui vous parlez. »

Tout en finissant de lacer ses braies, le Gascon ne put s’empêcher d’ajouter avec un sourire amusé.

« Et puis… si l’on devait traiter en catin toutes les femmes qui prennent un amant, la fine fleur de la gente féminine s’entasserait dans les bordeaux. »

Ayant à présent entrepris d’enfiler sa chemise de toile, il enchaîna sur un air anodin.

« Il est tout à votre honneur de ne point céder aux hommes trop pressant, mais en bonne aristotélicienne que vous êtes surement, Dieu merci, je gage que vous saurez montrer un peu d’indulgence et de compassion vis-à-vis des pauvres pêcheurs qui ont tant de mal à résister aux tentations de la chair. »

Après cet implicite mea culpa, il était temps pour le Basque enfin rhabillé de mener avec subtilité ces dangereuses négociations.


« Laissons donc Eusaias en dehors de tout cela, voulez-vous ? Sagace comme vous semblez l’être, vous n’êtes sans doute pas sans savoir comme la révélation de quelque fâcheux secret peut avoir des effets désastreux. Aussi, il semble préférable que nous oubliions tous trois cet incident ainsi que les rancunes qu’il semble avoir ravivé en votre cœur. La Comtesse et surtout moi-même, qui suis sans doute le plus coupable des deux en cette affaire, saurons nous montrer exemplaires et bienveillants à l’avenir, n’en doutez point. »


Il se tut. Ne restait à présent plus qu’à attendre une contre-proposition et voir si l’on évoluait vers un accord raisonnable entre parties ou s’il fallait se préparer à un conflit sans merci.


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Et voila, aimable lecteur, quoi de telle que l’arrivée impromptue d’un vénérable mahométan pour pacifier l’atmosphère de cette intrigue insoutenable d’expectatives : les dévoués joueurs de ce modeste morceau littéraire ont décidément tout prévu, ou presque… Face à ce rebondissement rocambolesque, Etxegorry se trouva un instant désemparé. Fallait-il donc, for God sake, auraient dit les Anglois, qu’un infidèle vienne embrouiller la discussion déjà compliquée de considérations géographico-métaphysiques sûrement fort intéressantes mais passablement hors de propos. Une profonde lassitude submergea l’esprit déjà éprouvé du Basque. La journée ne faisait que commencer.

« Montauban… Montauban… »
réfléchit un instant le mercenaire.

« Tout de suite à droite, au fond du couloir » finit-il par répondre ne sachant plus trop ce qu’il disait.

Il se pencha alors imperceptiblement vers Agnès pour lui chuchoter : « Je connaissais votre penchant pour l'œcuménisme, chère Comtesse, mais peut être serait-il dans le cas présent opportun de faire reconduire ce charmant sire pour que nous puissions discuter sereinement de sujets de plus grande importance ».
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Gnia
Elle avait observé non sans surprise la soudaine métamorphose de la jeune Blanc Combaz. Il passa un infime instant, étrange, où se dessina sur les trait de son visage toute une palette d'émotions avant qu'elle ne s'essaie à la colère.
Et avec elle, des mots qui passèrent les lèvres pincées, comme une courante irrépressible dont le sphincter aurait abandonné l'idée de plus longtemps la retenir. De ces mots qui firent courir sous la peau de la Saint Just un frémissement de annonciateur d'une ire qu'elle ne parviendrait probablement à soulager que dans la violence et qui firent trembler ses mains sur le délicat bouchon de la carafe qu'elle avait prise pour cible.

Puis, le Basque entra dans la danse, illuminant dans la mauvaise caboche de l'artésienne un tableau de bord truffé de signaux d'alarmes. Mais toute à sa sourde rage, Agnès ne parvenait pas encore à mettre le doigts sur ce qui la dérangeait. L'attitude de sa damoiselle de compagnie, si soudain virulente, l'extrême affabilité d'Iban, dans une situation où d'aucuns auraient discrètement pris la tangente...

Alors réfrénant l'irrépressible envie qu'elle avait d'user du large ceinturon qui accueillait le fourreau de sa bâtarde et qu'elle avait saisi pour en cingler la carcasse de l'insolente mignarde qui venait de lui cracher son venin au visage, elle se concentra sur le le flacon de vin, tournant ostensiblement le dos à la scène et se versa tant bien que mal, malgré les tremblements qui agitaient ses mains, un peu de vin sucré dans un godet. Elle allait le porter à ses lèvres, lorsqu'une voix inconnue et à l'accent étranger s'éleva au coeur de ce vaudeville aux intonations qui ne présageaient rien de truculent.

La mâchoires crispée, la Comtesse se tourna vers le nouvel arrivant et l'avisa d'un regard tout autant glacial - comme à l'accoutumée et plus encore dans ce contexte - que surpris, ainsi que le laissait transparaitre un sourcil légèrement arqué.
Aux chuchotements du Basque, elle réprima quelque piquante répartie et ignorant totalement la moucheronne, elle hocha du chef pour accueillir l'étranger.
Celui-ci avait la mise orientale, le teint sarrasin, le parlé mâtiné de ses origines et pourtant Agnès fut surprise qu'il ne fut pas aussi noir que les mauresques qu'il lui avait donné de voir. Ce qui évita probablement au voyageur d'être reconduit manu militari hors de leur campement en se faisait traiter de mécréant, suppôt du Sans Nom, Bête Immonde, Reliquat Abject de la Nature ou autres joyeusetés que la Saint Just ne pouvait guère s'empêcher de réprimer lorsqu'elle en voyait un. Superstitions et peur de l'inconnu avait la vie dure.

Un imperceptiblement froncement de nez accompagné d'un petit reniflement méprisant accompagna les trois pas qu'elle fit en direction de l'oriental, puis elle parla, conservant toutefois une bonne distance entre lui et elle.


Suivez la route du front de mer durant un jour jusqu'à entrer en Bordeaux, notre capitale. Là, remontez le cours de la Garonne durant trois jours, puis après Agen, à l'instant où vient se mêler au fleuve une vaste rivière aux reflets émeraudes, remontez la rivière durant quelques lieues. Vous parviendrez devant une ville ceinte et dont le point culminant est couvert de saules. Vous serez alors devant Montauban.

Le tout avait été récité d'une voix monocorde, tandis qu'elle dardait son regard, où dansait encore une flamme furieuse, dans le sien pour être sûre qu'elle était bien comprise. Se faisant, elle s'était avancée vers l'entrée de la tente et se tourna vers l'étranger avant d'écarter l'un des pans cuir qui fermait l'entrée.

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Griotte, incarné par Gnia


Les émeraudes flambantes de colère restèrent rivées sur le dos de la Comtesse tout le temps que dura la tirade du Basque. Sa présence terrifiait la gamine. Elle était incapable de poser les yeux sur lui. Revoir sa togne ravivait en elle le déshonneur et la souffrance qu'il lui avait infligé. Sa présence aussi proche d'elle était insupportable. Sa voix lui écorchait les oreilles et la faisait frémir de sueurs froides. Elle aurait voulu qu'il disparaisse ou être capable de l'ignorer, mais en le voyant, son corps tout entier s'était mis d'instinct sur le qui-vive. Le danger était sous-jacent. Toute son attention tendait vers la source de son mal être et les paroles qu'il prononçait.

Le mea culpa passa à la trappe. La bâtarde prit ses excuses pour une ironie mesquine destinée à enfoncer le clou encore un peu plus loin. Elle ne pouvait concevoir qu'une créature aussi vile puisse ressentir de la culpabilité. Plus impensable encore, lui accorder le pardon qu'il avait l'hardiesse de lui demander sous couvert de lui faire la morale.

La jeune fille serra les poings à en faire blanchir ses phalanges, mais elle se refusa à lui répondre ou à poser les yeux sur lui, lui témoignant ainsi de tout le mépris qu'elle lui portait. Elle avait bien compris le petit marché qu'il lui proposait. Son silence contre une attitude bienveillante à son encontre, mais avait-elle vraiment le choix ? Si elle parlait, il la tuerait. Cette ignoble crapule était à nouveau en position de force, à moins que la gamine ne trouve une solution pour renverser la donne à son avantage...

L'intrusion impromptue permis à la bâtarde de gagner un peu de temps avant d'avoir une réponse à formuler. Son esprit se mit à détailler la situation sous toutes les coutures. Il y avait forcement un point faible dans le camp adverse. Il fallait qu'elle le trouve pour en tirer avantage. Ce point faible c'était les quelques jours qui s'étaient écoulés entre leur rencontre à Tarbes et celle au campement. Le Gascon était incapable de savoir ce qu'elle avait fait durant ce laps de temps.


Je peux vous montrer le chemin.

La gamine s'était tournée vers l'étranger.

Si vous le voulez bien, je ferais route avec vous. Plus rien ne me retient ici et des affaires de la plus haute importance m'attendent à Montauban. Je dois m'assurer du bon retour du messager que j'ai missionné il y a deux jours de cela. Il était porteur d'un pli à l'attention d'une personne de confiance qui le fera parvenir à mon père s'il venait à m'arriver un malheur quelconque. Un peu comme un testament. Vous voyez ce que je veux dire ?

La gamine toisait toujours l'inconnu, mais ses paroles s'adressaient en réalité au Basque.

D'ailleurs, je viens de me rendre compte que j'ai omis un ou deux détails, qu'il me tarde de faire parvenir à mon confident. Ne trainons pas. Partons dans l'instant, voulez-vous bien ?
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--Salem_ibn_hayyan



Je n'y vois point d'inconvénient. répondit très lentement le Maure aux membres aussi longs et fins qu'une Veuve noire, décelant dans la proposition de la gamine quelque opportunité de se délivrer de la Veuve poignet durant son voyage. Le défaut légendaire de la jeunesse était qu'elle était parfois trop insouciante. Il la considéra longuement de ses yeux verts maquillés d'indifférence, tâchant exceptionnellement de se donner un air fréquentable. Il ne comprit pas toutes les subtilités du texte qu'on lui servit, mais en saisit apparemment bien assez pour se tourner vers l'euscarien à la mise négligée par l'empressement.

Vous avez enfilé votre chemise à l'envers.

Puis jetant un dernier regard vers la tente où avait disparu la femme dont il était désormais le débiteur, il tourna bride pour se mettre en direction de Bordeaux, maintenant une allure modeste pour que la jeune demoiselle puisse indexer son pas sur celui de son mulet.

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"La merde est l'avenir du monde ; et je voue mon existence à la changer en or."
Salem Ibn Hayyan
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